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27/04/2011 | FRANCE | N°10PA04370

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 27 avril 2011, 10PA04370


Vu la décision n° 332129 du 9 juillet 2010 par laquelle le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt n° 07PA03659 du 26 juin 2009 de la Cour administrative d'appel de Paris rejetant le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE tendant à l'annulation du jugement du 21 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a déchargé M. Jean-Claude A des suppléments d'impôts sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre de l'année 1996 et des pénalités correspondantes ;

Vu le recours, enregistré sous le n° 07PA03659 le 19 septembre 2007, pr

senté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION...

Vu la décision n° 332129 du 9 juillet 2010 par laquelle le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt n° 07PA03659 du 26 juin 2009 de la Cour administrative d'appel de Paris rejetant le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE tendant à l'annulation du jugement du 21 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a déchargé M. Jean-Claude A des suppléments d'impôts sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre de l'année 1996 et des pénalités correspondantes ;

Vu le recours, enregistré sous le n° 07PA03659 le 19 septembre 2007, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0012746 du 21 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle M. A a été assujetti au titre de l'année 1996 et des pénalités dont elle a été assortie ;

2°) de remettre cette cotisation et ces pénalités à la charge de M. A ;

Il soutient que le jugement est entaché d'une erreur matérielle ; que la méthode retenue par le contribuable pour évaluer les titres cédés à la société L'Assurance Universelle ne satisfait pas aux critères définis par la jurisprudence ; que cette méthode repose en effet uniquement sur la seule valeur mathématique après réactualisation de l'actif net de la société ; qu'à défaut de transaction portant sur des titres de la même société ou de transaction équivalente, la valeur vénale doit être appréciée en tenant compte non seulement de la valeur mathématique, mais aussi d'autres méthodes d'évaluation, valeur de rendement ou de productivité notamment ; que le contribuable n'a pas justifié le coefficient de 3 appliqué au chiffre d'affaires de la seule année 1995 ; qu'une base constituée de la moyenne pondérée et actualisée des trois années précédentes aurait dû être retenue ; que les écarts relevés par le tribunal administratif procèdent d'éléments objectifs, tenant à la faiblesse des résultats d'exploitation en comparaison des chiffres d'affaires et au fait que ces derniers augmentent entre 1993 et 1995, tandis que les résultats d'exploitation diminuent au cours de la même période ; que l'administration a fait une moyenne arithmétique des valeurs obtenues pour tenir compte de l'écart de valorisation ; que le choix d'un coefficient de 2,5 devant être appliqué aux commissions annuelles est justifié ; que les éléments de justification produits par le contribuable en ce qui concerne le recours exclusif à la méthode patrimoniale et les coefficients devant être appliqués au montant des commissions annuelles ne sont pas probants ; que, dans la demande de rescrit concernant la valorisation des titres de la société L'Assurance Universelle au 31 décembre 2002, M. A proposait d'appliquer un coefficient multiplicateur de 2,2, ce qui confirme a posteriori le bien-fondé du choix par le service du coefficient de 2,5 ; que la méthode alternative proposée par le contribuable, fondée sur la marge brute d'autofinancement, ne peut être retenue, dès lors que le coefficient de 12 n'est pas justifié et que la pondération du résultat obtenu par cette méthode, avec un coefficient de 1 seulement - un coefficient de 3 étant appliqué au résultat procédant de la méthode patrimoniale - n'est pas non plus justifiée ; qu'il ressort des investigations menées par le service que le prix de l'appartement de Méribel s'établit à 27 174 F par m² ; qu'en ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition, il se réfère aux moyens qu'il a exposés devant le tribunal ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 décembre 2007, présenté pour M. Jean-Claude A, demeurant Résidence Les Ombrages Parc de Marnes La Coquette à MARNES LA COQUETTE (92430), par Me Deramond ; il conclut au rejet du recours du ministre ; il fait valoir que l'appel du ministre, présenté plus de deux mois après la notification du jugement attaqué, doit être regardé comme tardif ; qu'en effet, l'article R* 200-18 du livre des procédures fiscales, qui laisse un délai d'appel plus important à l'administration, contrevient ainsi au principe d'égalité ; que ce texte n'a pourtant qu'une simple valeur réglementaire ; que la notification de redressements adressée à la société L'Assurance Universelle ne mentionne pas les modalités de calcul du désinvestissement effectué à son profit ; qu'il n'a pas été donné suite aux demandes de saisine du supérieur hiérarchique et de la commission départementale des impôts ; que le fonds de commerce de courtage de la société L'Assurance Crédit du Nord doit être évalué à l'aide de la seule méthode patrimoniale, fondée sur le chiffre d'affaires, et non sur le bénéfice ; que les méthodes complémentaires employées par le service, fondées sur la rentabilité, aboutissent à des résultats totalement différents de ceux de la méthode patrimoniale et manifestement exagérés ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 4 juillet 2008, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; il conclut aux mêmes fins que le recours, par les mêmes moyens et par le moyen que son recours, enregistré au greffe de la Cour dans le délai prévu à l'article R* 200-18 du livre des procédures fiscales, n'était pas tardif ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 18 octobre 2010, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, qui conclut aux mêmes fins que précédemment et se réfère à ses précédentes écritures ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 29 novembre 2010, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins que précédemment et se réfère à ses précédentes écritures ;

Vu l'ordonnance du président de la 2ème chambre de la Cour fixant la clôture de l'instruction au 1er décembre 2010 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 avril 2011 :

- le rapport de M. Magnard, rapporteur,

- et les conclusions de M. Egloff, rapporteur public ;

Considérant que M. A a vendu, en 1996, moyennant un prix unitaire de 4 240 F, 1 275 actions de la société L'Assurance Crédit du Nord, dont il était propriétaire, à la société L'Assurance Universelle dont il était le président-directeur général et le principal associé ; que l'administration a estimé que le montant de cette transaction, soit 5 406 000 F était excessif, dès lors que la valeur de chaque action ne pouvait, selon elle, excéder 1 440 F ; qu'elle a, en conséquence, considéré comme constitutif de bénéfices distribués, à concurrence de 3 570 000 F, le versement fait à ce titre par la société L'Assurance Universelle à M. A et l'a imposé entre les mains de l'intéressé sur le fondement de l'article 109-1, 2° du code général des impôts dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE interjette appel du jugement du 21 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a estimé ce redressement infondé et a accordé à M. A la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1996 ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par M. A :

Considérant que le recours du ministre a été enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel dans le délai d'appel de deux mois qui commence à courir à compter de l'expiration du délai de deux mois imparti au service local pour lui transmettre le jugement attaqué et le dossier de l'affaire, en vertu des dispositions de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales ; que ces dispositions tiennent compte des nécessités particulières du fonctionnement de l'administration fiscale qui la placent, alors même que le service contentieux chargé de présenter des recours devant les cours d'appel aurait été déconcentré, dans une situation différente de celle des autres justiciables, et justifient le délai complémentaire de deux mois accordé au ministre, délai dont les contribuables peuvent d'ailleurs, en provoquant eux-mêmes la signification du jugement au ministre, réduire la durée ; qu'il suit de là que la fin de non-recevoir opposée par M. A ne peut qu'être rejetée ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que le ministre, qui souligne la contrariété existant entre les motifs et le dispositif, doit être regardé comme contestant, pour ce motif, la régularité du jugement ; qu'il y a lieu en conséquence pour la Cour de se prononcer sur cette régularité ; qu'il résulte de l'examen du jugement attaqué qu'alors que les motifs précisaient que le redressement contesté était relatif à l'année 1996, l'article 1er décide que M. A est déchargé en droits et pénalités de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1998. ; que, par suite, ce jugement doit être annulé en raison de la contrariété existant entre ses motifs et son dispositif ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. A ;

Sur les conclusions tendant à la décharge des impositions litigieuses :

Considérant que la société L'Assurance Crédit du Nord exerçait une activité de courtage en assurance-crédit ; que, pour déterminer la valeur de ses actions, l'administration a combiné deux méthodes, l'une, dite patrimoniale, consistant à ajouter à l'actif net comptable de la société la valeur du fonds de commerce de courtage d'assurance-crédit et la plus-value latente sur un immeuble appartenant à la société, l'autre, fondée sur la rentabilité, consistant à appliquer au bénéfice moyen des trois années antérieures 1995, 1994 et 1993 un taux de capitalisation correspondant au taux de rendement à l'émission des obligations publiques, corrigé pour tenir compte des risques particuliers de la branche économique ; que, s'agissant de la méthode dite patrimoniale, l'administration a déterminé la valeur du fonds de commerce de courtage d'assurance-crédit en appliquant un coefficient de 2,5, d'une part, au chiffre d'affaires moyen des trois années antérieures, d'autre part, au bénéfice moyen des trois années antérieures et en faisant la moyenne des résultats obtenus ; que les valeurs du fonds de commerce et des titres ainsi déterminées accusent des différences importantes selon les méthodes employées par le service ; que, notamment, la valeur du fonds de commerce calculée à partir du chiffre d'affaires moyen s'élève à 8 678 938 F et est ainsi près de quarante fois supérieure à la valeur de 217 153 F, déterminée à partir du bénéfice moyen ; que la valeur patrimoniale par action s'établit à 2 443 F et est 5,6 fois supérieure à la valeur de rentabilité par action, laquelle s'élève à 438 F ;

Considérant, en premier lieu, et s'agissant de la méthode par la valeur patrimoniale, qu'il résulte de l'instruction que la valeur d'un fonds de courtage d'assurance-crédit doit être déterminée par référence au chiffre d'affaires et non au résultat, comme l'a d'ailleurs indiqué le service des impôts lors d'une procédure de rescrit engagée en 2003 par M. A concernant l'évaluation des titres de la société L'Assurance Universelle ; que, si elle avait été calculée à partir d'une évaluation du fonds de commerce fondée sur le seul chiffre d'affaires, la valeur patrimoniale du fonds de commerce se serait élevée à 8 768 938 F, soit une somme supérieure à celle retenue par le contribuable dans le cadre de la cession litigieuse ;

Considérant, en deuxième lieu, et s'agissant de la méthode fondée sur la rentabilité, que ladite méthode aboutit, ainsi qu'il a été dit, à des résultats sans commune mesure avec ceux résultant de la méthode patrimoniale fondée sur le chiffre d'affaires ; qu'il résulte également de ce qui vient d'être dit que la méthode d'estimation de la valeur des titres par la rentabilité, soit à partir des résultats réalisés, ne saurait être valablement utilisée s'agissant de titres d'une société dont l'actif est principalement composé d'un fonds de courtage d'assurance-crédit ; que, par ailleurs, M. A verse au dossier deux pièces, en date des 17 mars et 3 décembre 1997, établies par des professionnels de l'assurance-crédit et desquelles il ressort que l'évaluation d'un cabinet de courtage en assurance-crédit s'effectue à l'aide de la seule méthode patrimoniale ; qu'enfin, aucun principe général n'oblige l'administration à recourir à plusieurs méthodes d'évaluation, le service devant seulement choisir une ou des méthodes propres à dégager un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu d'une négociation normale à la date où la cession a été réalisée ;

Considérant, enfin, que si, pour estimer la valeur de l'appartement dont la société L'Assurance Crédit du Nord était propriétaire à Méribel, le service a retenu un prix moyen au m² de 27 174 F, au lieu de celui de 35 000 F évalué par le contribuable, il résulte de l'instruction que les éléments de comparaison sur lesquels l'administration s'est appuyée pour estimer la valeur de l'appartement en cause concernaient pour l'essentiel des biens ne présentant pas les avantages de cet appartement, qui disposait d'une terrasse avec vue ; que le bien invoqué par le service dont les caractéristiques s'approchaient le plus de celles de l'appartement en cause a été cédé pour un prix au m² de 34 383 F ; que, d'ailleurs, et sans que le ministre puisse utilement se prévaloir de la circonstance que les éléments de comparaison ne peuvent être pris que dans les cessions intervenues au cours des années antérieures à la cession litigieuse, il est à noter que le bien en cause a lui-même été revendu à une société immobilière, moins d'un an après la cession de titres litigieuse, au prix de 37 000 F par m² ; qu'ainsi, le service ne peut être regardé comme en ayant fait une évaluation conforme à celle qui aurait résulté du jeu de l'offre et de la demande ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'administration ne peut être regardée comme apportant la preuve, dont elle a la charge, du bien-fondé du redressement en cause ; que, dès lors, il y a lieu d'accorder la décharge des impositions litigieuses ;

Considérant, enfin, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0012746 du Tribunal administratif de Paris du 21 mai 2007 est annulé.

Article 2 : M. A est déchargé en droits et pénalités de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1996.

Article 3 : L'Etat versera à M. A la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

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N° 10PA04370


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA04370
Date de la décision : 27/04/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : DÉRAMOND ; DÉRAMOND ; SCP DEGROUX, BRUGERE et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-04-27;10pa04370 ?
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