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10/06/2011 | FRANCE | N°09PA06361

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 10 juin 2011, 09PA06361


Vu le recours, enregistré le 6 novembre 2009, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0518806 du 7 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a déchargé la société Rueil Sports, venant aux droits et obligations de la société PNDA, de l'impôt sur les sociétés, de la contribution sur ledit impôt, et des pénalités correspondantes, auxquels elle a

été assujettie à raison de la remise en cause de l'imputation de l'avo...

Vu le recours, enregistré le 6 novembre 2009, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0518806 du 7 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a déchargé la société Rueil Sports, venant aux droits et obligations de la société PNDA, de l'impôt sur les sociétés, de la contribution sur ledit impôt, et des pénalités correspondantes, auxquels elle a été assujettie à raison de la remise en cause de l'imputation de l'avoir fiscal au titre de l'exercice clos le 31 août 2001 ;

2°) de remettre ces impositions et ces pénalités à la charge de la société Rueil Sports ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mai 2011 :

- le rapport de M. Ladreit de Lacharrière, rapporteur,

- et les conclusions de M. Blanc, rapporteur public ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société PNDA, aux droits de laquelle vient la société Rueil Sports, a acquis, le 16 juillet 2001, les titres de la société Alpina pour un montant de 3 120 247 F et les a revendus, le 27 août 2001, à la société Sofia, qui fait également partie du groupe informel constitué par M. Maxime Laurent, pour un montant égal à leurs prix d'acquisition, diminué du montant des dividendes encaissés ; qu'elle a bénéficié entre ces deux dates, le 1er août 2001, de dividendes d'un montant de 1 873 718 F, auxquels étaient attachés des avoirs fiscaux d'un montant de 468 429 F qui lui ont permis d'acquitter en totalité l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos le 31 août 2000, d'un montant de 284 364 F ; que l'administration, constatant que les dividendes perçus n'avaient subi aucune imposition dès lors que leur montant avait été exactement neutralisé par la moins-value sur titres, a refusé, sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, de faire bénéficier la contribuable de l'avoir fiscal reçu, lequel avait été imputé en totalité sur l'impôt sur les sociétés dont elle était redevable au titre de l'exercice clos le 31 août 2001 ; qu'il en est résulté une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés d'un montant de 284 364 francs qui a été assortie de l'intérêt de retard et des pénalités au taux de 80 % prévu à l'article 1729 du code général des impôts en cas d'application de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; que l'administration a également remis en cause le montant des amortissements imputés au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2000 et au titre de l'exercice clos le 31 août 2001 ; que la société Rueil Sports a obtenu, devant le Tribunal administratif de Paris, la décharge de la cotisation d'impôt sur les sociétés correspondant à la remise en cause de l'imputation de l'avoir fiscal au titre de l'exercice clos le 31 août 2001, après que le tribunal ait fait droit à la demande de l'administration de substituer le fondement de la fraude à la loi à celui initialement retenu de l'abus de droit ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT relève appel du jugement Tribunal administratif de Paris en date du 23 juin 2009 en tant qu'il prononce cette décharge ; que la société Rueil Sports relève appel du jugement en tant qu'il a rejeté sa demande en décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés établies à la suite de la remise en cause par le service de l'imputation des amortissements réputés différés en période déficitaire et imputés sur les bénéfices des exercices clos les 31 décembre 2000 et 31 août 2001 ;

Sur l'appel principal :

Considérant que si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; que ce principe peut conduire l'administration à ne pas tenir compte d'actes de droit privé opposables aux tiers ; qu'il s'applique également en matière fiscale, dès lors que le litige n'entre pas dans le champ d'application des dispositions particulières de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales qui, lorsqu'elles sont applicables, font obligation à l'administration fiscale de suivre la procédure qu'elles prévoient ; qu'ainsi, hors du champ de ces dispositions, l'administration, qui peut toujours écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors qu'elle établit que ces actes ont un caractère fictif, peut également se fonder sur le principe sus-rappelé pour écarter les actes qui, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ;

Considérant qu'aux termes de l'article 158 bis du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : I- Les personnes qui perçoivent des dividendes distribués par des sociétés françaises disposent à ce titre d'un revenu constitué : a) par les sommes qu'elles reçoivent de la société ; b) par un avoir fiscal représenté par un crédit ouvert sur le Trésor. Ce crédit d'impôt est égal à la moitié des sommes effectivement versées par la société. Il ne peut être utilisé que dans la mesure où le revenu est compris dans la base de l'impôt sur le revenu dû par le bénéficiaire. Il est reçu en paiement de cet impôt. Il est restitué aux personnes physiques dans la mesure où son montant excède celui de l'impôt dont elles sont redevables ; qu'aux termes de l'article 209 bis du même code dans sa rédaction en vigueur : Les dispositions des articles 158 bis et 158 ter sont applicables aux personnes morales ayant leur siège social en France, dans la mesure où le revenu distribué est compris dans la base de l'impôt sur les sociétés dû par le bénéficiaire. Le crédit d'impôt est reçu en paiement de cet impôt. Il n'est pas restituable ; qu'aux termes de l'article 223 sexies du même code, alors en vigueur : 1. (...) lorsque les produits distribués par une société sont prélevés sur des sommes à raison desquelles elle n'a pas été soumise à l'impôt sur les sociétés au taux normal prévu au deuxième alinéa du I de l'article 219, cette société est tenue d'acquitter un précompte égal au crédit d'impôt calculé dans les conditions prévues au I de l'article 158 bis. Le précompte est dû au titre des distributions ouvrant droit au crédit d'impôt prévu à l'article 158 bis quels qu'en soient les bénéficiaires. (...) ; qu'aux termes de l'article 46 quater-0 D de l'annexe III audit code, alors en vigueur : I. Les distributions qui n'ouvrent pas droit à l'avoir fiscal prévu à l'article 158 bis du code général des impôts sont prélevées, par priorité, sur les bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés ou exonérés de cet impôt au titre du dernier exercice clos et, en cas d'insuffisance de ces bénéfices, sur ceux des exercices antérieurs les plus récents. II. Les distributions qui ouvrent droit à l'avoir fiscal sont prélevées ensuite dans l'ordre suivant : D'abord, sur les bénéfices disponibles qui ont été soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal prévu au deuxième alinéa du I de l'article 219 du code déjà cité au titre du dernier exercice clos ; Puis, sur les bénéfices disponibles qui ont été imposés à ce même taux au titre d'exercices antérieurs clos depuis cinq ans au plus ; Enfin, sur tous autres bénéfices ou réserves disponibles. Toutefois, si la personne morale a encaissé, au cours d'exercices clos depuis cinq ans au plus, des produits de participations ouvrant droit au régime des sociétés mères, les distributions peuvent être librement imputées sur ces produits ;

Considérant qu'il ressort de l'ensemble des travaux préparatoires de l'article 1er de la loi du 12 juillet 1965 créant l'avoir fiscal, alors codifié à l'article 158 bis précité du code général des impôts, que le législateur a eu comme objectifs de favoriser l'actionnariat des entreprises ainsi que le développement de la place financière de Paris et d'éliminer à cet effet la double imposition qui frappait les dividendes ; qu'eu égard à l'objet de la loi, l'actionnaire, imposable à raison des dividendes qu'il perçoit, est en droit de prétendre à l'avoir fiscal qui leur est attaché, de sorte que ces dividendes ne soient pas soumis à une double imposition ; que le droit à l'avoir fiscal n'est nullement subordonné à une durée minimum de détention des titres avant ou après la mise en paiement des dividendes auxquels il est attaché ; que, s'agissant des personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés, l'avoir fiscal, s'il constitue aussi un élément du bénéfice de l'actionnaire, est essentiellement, aux termes mêmes des articles 158 bis et 209 bis du code général des impôts, un moyen de paiement de l'impôt dû par ce dernier au titre de ses résultats d'ensemble d'une année donnée ; que ces articles excluent ainsi qu'il puisse être restitué par l'administration, en particulier dans l'hypothèse où l'avoir fiscal excède l'impôt sur les sociétés dû, ainsi qu'en présence de résultats déficitaires ; que, par suite, dès lors qu'une société a effectivement la qualité d'actionnaire, les dividendes qu'elle perçoit à raison des titres qu'elle détient, ouvrent droit à son profit au bénéfice de l'avoir fiscal qui y est attaché ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les opérations en litige n'ont été ni dissimulées ni réalisées en méconnaissance d'aucune des dispositions applicables aux achats et reventes de titres et aux distributions de dividendes ; que si, dans le contexte où elles ont été réalisées, et eu égard à la brièveté de la durée de détention des titres, les opérations d'achat puis de revente de ces titres effectuées par la société PNDA, à l'intérieur du même groupe de sociétés, ont été inspirées par la volonté d'acquérir les moyens de payer les charges fiscales qu'elle aurait dû normalement acquitter eu égard à sa situation et à ses activités réelles, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ne prouve cependant pas que ces opérations, qui se sont traduites par l'élimination de la double imposition frappant les dividendes, auraient présenté un caractère artificiel et que la société n'aurait pas effectivement acquis, en l'absence de tout risque, la qualité d'actionnaire ; que, dès lors, le ministre n'établit pas que ces opérations auraient procédé de la recherche par la contribuable du bénéfice d'une application littérale des dispositions de l'article 158 bis du code général des impôts relatives à l'avoir fiscal, à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des impositions en litige ;

Sur l'appel incident sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le MINISTRE :

Considérant qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article 209-I du code général des impôts : (...) La limitation du délai de report prévue à l'alinéa précédent n'est pas applicable à la fraction du déficit qui correspond aux amortissements régulièrement comptabilisés mais réputés différés en période déficitaire (...) ; qu'aux termes de l'article 39 du même code, rendu applicable en matière d'impôt sur les sociétés par l'article 209 dudit code, dans sa rédaction alors applicable : 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : (...) 2 ° (...) les amortissements réellement effectués par l'entreprise, dans la limite de ceux qui sont généralement admis d'après les usages de chaque nature de l'industrie, de commerce ou d'exploitation et compte tenu des dispositions de l'article 39 A, y compris ceux qui auraient été différés au cours d'exercices antérieurs déficitaires, sous réserve des dispositions de l'article 39 B ; qu'aux termes de l'article 54 du même code : Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration ;

Considérant qu'il appartient au contribuable qui entend imputer sur les résultats d'un exercice le montant des amortissements différés au cours d'exercices antérieurs de justifier la réalité des résultats de l'exercice au cours duquel ces amortissements auraient été différés, ainsi que la réunion des conditions auxquelles le report est autorisé ; qu'une telle preuve ne peut être apportée que par la production de la comptabilité de cet exercice, alors même qu'il serait atteint par la prescription ;

Considérant que si la société requérante produit les liasses fiscales établies au titre des années 1995 et 1996, au cours desquels elle a comptabilisé des amortissements en vue d'en différer la déduction, elle n'a cependant pas produit les documents comptables de ces exercices, justifiant de l'exactitude des amortissements déclarés au titre des ces deux années et dont sont issus les amortissements imputés sur les bénéfices des exercices clos le 31 décembre 2000 et le 31 août 2001 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Rueil Sports n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant de la remise en cause de l'imputation des amortissements réputés différés au titre des l'exercices les 31 décembre 2000 et 31 août 2001 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat, qui est, pour l'essentiel, dans la présente instance, la partie perdante, la somme de 2 000 euros que la société Rueil Sports demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT est rejeté.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident de la société Rueil Sports sont rejetées.

Article 3 : L'Etat versera à la société Rueil Sports une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 09PA06361


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 09PA06361
Date de la décision : 10/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Abus de droit.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Amortissement.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Pierre LADREIT DE LACHARRIERE
Rapporteur public ?: M. BLANC
Avocat(s) : BELOUIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-06-10;09pa06361 ?
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