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16/12/2011 | FRANCE | N°09PA05315

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 16 décembre 2011, 09PA05315


Vu la requête, enregistrée le 24 aout 2009, présentée pour la SOCIETE INNOVATION ET GESTION FINANCIERE venant aux droits de la société entreprise générale de l'Est (EGE), dont le siège est situé 28 avenue de Messine à Paris (75008), par Me Guilloux ; la SOCIETE INNOVATION ET GESTION FINANCIERE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0508263 du 18 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à la décharge de la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1999 ;

2°) de prononcer

la décharge de cette imposition ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme d...

Vu la requête, enregistrée le 24 aout 2009, présentée pour la SOCIETE INNOVATION ET GESTION FINANCIERE venant aux droits de la société entreprise générale de l'Est (EGE), dont le siège est situé 28 avenue de Messine à Paris (75008), par Me Guilloux ; la SOCIETE INNOVATION ET GESTION FINANCIERE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0508263 du 18 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à la décharge de la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1999 ;

2°) de prononcer la décharge de cette imposition ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention fiscale conclue entre la France et le Grand Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune, signée le 1er avril 1958, modifiée par l'avenant du 8 septembre 1970 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 décembre 2011 :

- le rapport de M. Ladreit de Lacharrière,

- et les conclusions de M. Blanc, rapporteur public ;

Considérant, d'une part, que si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; que ce principe peut conduire l'administration à ne pas tenir compte d'actes de droit privé opposables aux tiers ; qu'il s'applique également en matière fiscale, dès lors que le litige n'entre pas dans le champ d'application des dispositions particulières de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales qui, lorsqu'elles sont applicables, font obligation à l'administration fiscale de suivre la procédure qu'elles prévoient ; qu'ainsi, hors du champ de ces dispositions, l'administration, qui peut toujours écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors qu'elle établit que ces actes ont un caractère fictif, peut également se fonder sur le principe sus-rappelé pour écarter les actes qui, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts : Sont notamment considérés comme revenus distribués : ... c. Les rémunérations et avantages occultes ; qu'aux termes de l'article 119 bis du code général des impôts : ...2. Sous réserve des dispositions de l'article 239 bis B, les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187-1 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France.... Toutefois, la retenue à la source ne s'applique pas aux sommes visées au premier alinéa du a de l'article 111 a. ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention franco-luxembourgeoise susvisée : 1. Les dividendes payés par une société qui a son domicile fiscal dans un Etat contractant à une personne qui a son domicile fiscal dans l'autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat. 2. a. Toutefois, ces dividendes peuvent être imposés dans l'Etat contractant où la société qui paie les dividendes a son domicile fiscal, et selon la législation de cet Etat, mais l'impôt ainsi établi ne peut excéder ... 5 % du montant brut des dividendes si le bénéficiaire des dividendes est une société de capitaux qui détient directement au moins 25 % du capital social de la société de capitaux qui distribue les dividendes ; 4. a. A moins qu'elle ne bénéficie du paiement prévu au paragraphe 3, une personne ayant son domicile fiscal au Luxembourg qui reçoit des dividendes distribués par une société ayant son domicile fiscal en France peut demander le remboursement du précompte afférent à ces dividendes, acquitté, le cas échéant, par la société distributrice. La France peut prélever sur le montant des sommes remboursées l'impôt prévu au paragraphe 2 du présent article. b. Le montant brut du précompte remboursé sera considéré comme un dividende pour l'application de l'ensemble des dispositions de la convention. 5. Le terme dividendes, au sens du présent article, désigne les revenus provenant d'actions, actions ou bons de jouissance, parts de fondateur ou autres parts bénéficiaires à l'exception des créances, ainsi que les revenus d'autres parts sociales assimilés aux revenus d'actions par la législation fiscale de l'Etat où la société distributrice a son domicile fiscal ; qu'enfin, aux termes de l'article 18 de ladite convention : Les revenus non mentionnés aux articles précédents ne sont imposables que dans l'Etat du domicile fiscal du bénéficiaire ;

Considérant, en premier lieu, que si la société requérante soutient dans ses dernières écritures que le tribunal ne pouvait pas faire droit à la demande de l'administration de substituer le fondement juridique de la fraude à la loi à celui de l'abus de droit prévu par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable, cette substitution de base légale n'a pas eu pour effet de priver la contribuable de garanties de procédure prévues par la loi ;

Considérant, en deuxième lieu, que la société EGE, aux droits de laquelle vient la SOCIETE INNOVATION ET GESTION FINANCIERE, a acquis, les 19 mai et 24 novembre 1999, pour un prix de 100 000 000 F, 24,8 % des titres de la société OGMF ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, le service ne peut être regardé comme ayant pris position sur le bien-fondé de cette valorisation dans la notification de redressements en date du 20 décembre 2002 ou dans ses écritures dans le cadre d'une autre instance ; qu'il résulte au contraire de l'instruction que l'administration a remis en cause ce montant de cession, qui dépassait très largement la valeur totale des titres de la société OGMF, laquelle ne pouvait être regardée, en l'absence de toute précision de la part de la société requérante sur des circonstances propres à l'espèce ou des élément du contexte de la transaction permettant de justifier ce prix, comme excédant le montant de son actif net au 1er janvier 1999, soit 188 084 F ; qu'ainsi, l'administration apporte la preuve qui lui incombe que les parties ont délibérément majoré le prix d'acquisition par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction et que l'avantage ainsi octroyé au vendeur des titres devait être regardé comme un avantage occulte au sens des dispositions précitées de l'article 111, c, du code général des impôts ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la société de droit luxembourgeois Trinity Finances Holdings, présentée par la société requérante comme le vendeur des titres en cause, a fait l'objet, selon un acte déposé au registre du commerce et des société du Luxembourg le 11 mars 1999, d'une dissolution prononcée le 24 février 1999 par son actionnaire unique, la société Ascot Holding Limited, domiciliée aux Seychelles, qui a été investie de tout l'actif de la société dissoute ; que ce dernier Etat n'est pas lié à la France par une convention fiscale ; que, dans ces conditions, la prétendue cession des titres de la société OGMF à la société EGE par la société luxembourgeoise Trinity Finances Holdings doit être regardée comme ayant eu un caractère fictif, l'interposition de cette dernière société étant seulement destinée à occulter l'identité du véritable cédant, la société Ascot Holding Limited, domiciliée aux Seychelles, qui, aux dates des 19 mai et 24 novembre 1999, était la propriétaire des titres cédés ; que la présentation de la société luxembourgeoise Trinity Finances Holdings comme le cédant des titres en litige n'a eu pour seul objet que de faire échapper, par application de l'article 18 de la convention entre la France et le Luxembourg, la distribution occulte des bénéfices à la retenue à la source, prévue à l'article 119 bis du code général des impôts ; qu'ainsi, l'administration a pu, à bon droit, regarder la société Ascot Holding Limited comme le bénéficiaire d'un avantage occulte au sens des dispositions précitées de l'article 111, c, du code général des impôts et assujettir la société EGE, à ce titre, au paiement de la retenue à la source prévue par les dispositions précitées de l'article 119 bis du code général des impôts ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE INNOVATION ET GESTION FINANCIERE, venant aux droits de la société EGE, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1999 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à la SOCIETE INNOVATION ET GESTION FINANCIERE la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SOCIETE INNOVATION ET GESTION FINANCIERE est rejetée.

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N° 09PA05315


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 09PA05315
Date de la décision : 16/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-03 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Abus de droit.


Composition du Tribunal
Président : M. COUVERT-CASTERA
Rapporteur ?: M. Pierre LADREIT DE LACHARRIERE
Rapporteur public ?: M. BLANC
Avocat(s) : GUILLOUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-12-16;09pa05315 ?
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