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07/06/2012 | FRANCE | N°11PA04195

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 07 juin 2012, 11PA04195


Vu la requête, enregistrée le 19 septembre 2011, présentée pour Mme Sylvie A, demeurant ..., par Me Jacquet-Lemahieu ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902763/6-1 du 15 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et de l'hôpital René Dubos de Pontoise à l'indemniser des préjudices subis en raison de sa prise en charge à l'hôpital Broussais, à l'Hôtel Dieu et au centre hospitalier de Pontoise aux mois de mars et avril 2000 ;>
2°) d'annuler les décisions de rejet de ses demandes préalables prises r...

Vu la requête, enregistrée le 19 septembre 2011, présentée pour Mme Sylvie A, demeurant ..., par Me Jacquet-Lemahieu ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902763/6-1 du 15 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et de l'hôpital René Dubos de Pontoise à l'indemniser des préjudices subis en raison de sa prise en charge à l'hôpital Broussais, à l'Hôtel Dieu et au centre hospitalier de Pontoise aux mois de mars et avril 2000 ;

2°) d'annuler les décisions de rejet de ses demandes préalables prises respectivement par l'AP-HP et le centre hospitalier René Dubos de Pontoise ;

3°) de condamner solidairement l'AP-HP et le centre hospitalier René Dubos de Pontoise à l'indemniser de ses préjudices en lui versant une somme de 16 500 euros et, subsidiairement, de condamner l'AP-HP à lui verser la somme de 4 000 euros ;

4°) de mettre à la charge de tout succombant une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mai 2012 :

- le rapport de Mme Renaudin, rapporteur,

- les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public,

- et les observations de Me Tessier, pour l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ;

Considérant que Mme A a subi le 30 mars 2000 à l'hôpital Broussais une artériographie rénale par voie fémorale droite, en vue de la transplantation d'un rein au bénéfice de son frère ; qu'il résulte de l'instruction qu'elle a ressenti le 8 avril suivant des douleurs à la jambe droite ; qu'elle a été admise au service des urgences du centre hospitalier René Dubos de Pontoise le 9 avril 2000 qui lui a prescrit des antalgiques ; qu'à la suite d'un malaise sur son lieu de travail, le 10 avril, elle a été adressée au service des urgences de l'Hôtel Dieu pour les mêmes symptômes ; que le 11 avril une embolie pulmonaire a été diagnostiquée après réalisation d'un examen ; que Mme A est restée hospitalisée dans cet établissement jusqu'au 20 avril 2000 ; qu'elle a recherché devant le Tribunal administratif de Paris la responsabilité de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à raison d'un défaut de soins commis à l'hôpital Broussais et d'un retard de diagnostic à l'Hôtel Dieu, puis également celle de l'hôpital René Dubos de Pontoise à raison d'un retard de diagnostic ; que par jugement du 15 juillet 2011, dont Mme A relève régulièrement appel, ce tribunal a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de l'AP-HP et du centre hospitalier René Dubos de Pontoise à l'indemniser de ses préjudices ; que le Garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, doit être regardé comme demandant dans ses dernières écritures, l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'AP-HP à lui rembourser la somme de 1 570, 40 euros qu'il a exposée au bénéfice de Mme A ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que le Tribunal administratif de Paris n'était pas tenu de répondre à tous les arguments présentés par Mme A à l'appui de ses moyens ; que si la requérante a évoqué, de manière incidente, au soutien du moyen tiré du retard de diagnostic de l'embolie pulmonaire imputable à l'Hôtel Dieu, la circonstance que l'expert n'avait pas pris en compte le délai de 24 heures pourtant reconnu par l'AP-HP, le Tribunal administratif de Paris a répondu au moyen du retard de diagnostic en prenant en compte la combinaison d'informations contenues à la fois dans le rapport d'expertise et les courriers de l'AP-HP, pour admettre ledit délai de 24 heures ; qu'il a ainsi répondu de façon suffisamment motivée et sans omission à statuer ;

Sur la recevabilité de la demande de Mme A en tant qu'elle est dirigée contre le centre hospitalier René Dubos de Pontoise :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens tirés de la faute commise par le centre hospitalier, ni celui de la contradiction des termes du rapport d'expertise ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. " ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges, que le centre hospitalier de Pontoise a rejeté, par une décision en date du 16 octobre 2007 indiquant les voies et délais de recours, la demande préalable d'indemnisation de Mme A formée le 30 novembre 2006 ; qu'il ne résulte d'aucun texte que le centre hospitalier aurait dû respecter un délai pour répondre à sa demande, à peine d'entacher sa décision d'illégalité ; que s'il résulte de l'instruction que cette décision a été notifiée à Mme A sur son lieu de travail, l'accusé de réception versé au dossier atteste qu'elle a été réceptionnée le 19 octobre 2007 par le Tribunal d'instance de Paris où l'intéressée exerçait ses fonctions ; que Mme A n'allègue pas que ce courrier ne lui aurait pas alors été transmis, ni qu'il y aurait eu une erreur dans son adresse professionnelle, qui, comme le fait valoir le centre hospitalier de Pontoise, a nécessairement été communiquée à celui-ci par l'intéressée elle-même ; que, dans les circonstances de l'espèce, quand bien même ce courrier n'a pas été adressé au domicile personnel de la requérante, Mme A doit être regardée comme en ayant été régulièrement avisée ; que celle-ci n'a dirigé ses conclusions indemnitaires contre le centre hospitalier de Pontoise que le 30 mars 2011, soit au cours de l'instruction de sa demande de première instance et après l'expiration du délai de deux mois prévu par les dispositions précitées de l'article R. 421-1 du code de justice administrative ; que, par suite, lesdites conclusions étaient irrecevables ;

Sur la responsabilité de l'AP-HP :

Considérant que si Mme A reprend en appel, comme elle l'a fait en première instance, le moyen tiré de ce que la décision du directeur de l'AP-HP en date du 19 décembre 2008 lui faisant une offre d'indemnisation est insuffisamment motivée, ce moyen, comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges, est inopérant au soutien d'une demande indemnitaire et doit être écarté ;

En ce qui concerne le défaut de soins à l'hôpital Broussais :

Considérant que si Mme A soutient qu'en raison des fortes douleurs qu'elle a ressenties au cours même de l'artériographie pratiquée le 30 mars 2000 à l'hôpital Broussais, il aurait dû lui être prescrit un traitement préventif de la phlébite avant sa sortie, il ne résulte pas de l'instruction que ces douleurs aient été localisées à la jambe, comme elle le prétend ; qu'au contraire, le compte-rendu d'hospitalisation en date du 25 avril 2000 d'un praticien du service de pneumologie de l'Hôtel Dieu, relève, dans l'histoire de la maladie, des " douleurs thoraciques " pendant la réalisation de l'artériographie, lesquelles ont justifié un électrocardiogramme dont les résultats étaient normaux ; que, de même, le témoignage en date du 10 septembre 2000 de la belle-soeur de l'intéressée produit au dossier fait état, sans mentionner aucun antécédent, de ce que celle-ci a ressenti des douleurs à la jambe droite le 9 avril, ce qui a conduit la belle-soeur, constatant en sa qualité d'infirmière un gonflement de la jambe, à emmener Mme A au services des urgences de l'hôpital René Dubos de Pontoise ; qu'enfin l'expert relève au titre des commémoratifs que l'artériographie subie par Mme A se révélera normale mais que la patiente " dira néanmoins avoir ressenti en cours d'examen une douleur thoracique motivant un électrocardiogramme " ; qu'il note également que le compte-rendu de cette hospitalisation ne signale pas de symptomatologie notable pendant celle-ci et que le dossier de surveillance infirmier montre que l'état du membre inférieur droit de Mme A était normal et ne présentait notamment pas d'hématome ; que l'expert a donc conclu qu'il n'y avait dans ces conditions aucune indication à prescrire un traitement anticoagulant, même préventif, et que les soins dispensés à Mme A lors de son hospitalisation à l'hôpital Broussais avaient été conformes aux données de la science médicale ; que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la faute dans le traitement et le suivi médical de l'intéressée à l'hôpital Broussais ;

En ce qui concerne le défaut d'information à l'hôpital Broussais :

Considérant que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité, de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, et n'est pas contesté que si Mme A a signé le 28 mars 2000 une reconnaissance d'information formelle et de consentement pré-anesthésique, celle-ci ne détaillait pas tous les accidents possibles ; que l'AP-HP ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que Mme A aurait été informée de tous les risques de décès ou d'invalidité qu'elle encourait en se soumettant à l'artériographie en litige ; qu'il résulte du rapport de l'expert, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, que le risque de thrombose veineuse fémorale est connu en particulier lorsque la zone fémorale est compressée par un hématome ; que ce risque étant connu et en l'absence d'urgence ou d'impossibilité justifiant que cette information préalable ne soit pas délivrée à Mme A, le défaut d'information a constitué une faute de nature à engager la responsabilité de l'AP-HP ; que cependant la réparation du dommage subi du fait du manquement du praticien hospitalier à son devoir d'information se limite pour l'intéressée à la perte d'une chance de se soustraire au risque qui s'est finalement réalisé ; qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que l'intervention était souhaitée par la patiente dans le cadre de la réalisation du projet de don d'un rein à son frère ; qu'il résulte du rapport d'expertise que le risque de thrombose veineuse fémorale, dans la configuration de l'absence d'hématome présentée par la patiente postérieurement à l'intervention, était extrêmement rare ; que compte tenu de ces éléments, on peut estimer que Mme A, même informée de ce risque, n'aurait pas renoncé à l'opération ; que, par suite, la faute commise n'a pas entrainé dans les circonstances de l'espèce de perte de chance pour Mme A de se soustraire au risque qui s'est réalisé et n'est donc pas susceptible de lui ouvrir droit à indemnisation à ce titre ;

En ce qui concerne un retard de diagnostic à l'Hôtel Dieu :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme A a été correctement prise en charge dès son arrivée à l'Hôtel Dieu le 10 avril ; que des examens ont été pratiqués, notamment une radio du thorax, qui n'ont rien révélé d'anormal, mais qu'en raison d'une suspicion d'embolie pulmonaire un traitement anticoagulant lui a été administré le soir même de son admission ; que l'expert note que le malaise ressenti par Mme A avant son admission aux urgences de cet hôpital correspondait vraisemblablement à une migration embolique ; que, de même, l'AP-HP dans sa proposition en date du 13 juin 2008, mentionne que, selon son médecin conseil, l'angioscanner pratiqué le 11 avril a retrouvé une thrombophlébite, étendue à l'ensemble du membre inférieur, de la veine fémorale et iliaque qui était déjà constituée ; que l'expert a conclu que les soins dispensés à Mme A lors de son hospitalisation à l'Hôtel Dieu avaient été conformes aux données de la science médicale ; qu'ainsi, si le diagnostic d'embolie n'a été formellement posé que 11 avril 2000, ce délai à le supposer fautif, n'a eu, comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges, aucune incidence sur l'état de santé de la patiente et notamment sur les douleurs éprouvées par celle-ci dès lors que le traitement adéquat a été prescrit sans retard ; que dans ces conditions, quand bien même l'AP-HP a proposé une indemnisation à Mme A sur le fondement d'un retard de diagnostic de 24 heures regardé comme ayant prolongé ses douleurs, les premiers juges n'étant pas liés par cette appréciation, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que ces derniers ont écarté le moyen du retard de diagnostic et de traitement commis par l'Hôtel Dieu ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de l'AP-HP et de l'hôpital René Dubos de Pontoise à indemniser ses préjudices ; que, de même, le Garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'AP-HP à lui rembourser les prestations qu'il a versées à Mme A en sa qualité d'employeur de cette dernière ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par Mme A doivent dès lors être rejetées ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de l'AP-HP présentées au même titre ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A et les conclusions du Garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions de l'AP-HP tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 10PA03855

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N° 11PA04195


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA04195
Date de la décision : 07/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme FOLSCHEID
Rapporteur ?: Mme Mathilde RENAUDIN
Rapporteur public ?: M. JARRIGE
Avocat(s) : JACQUET-LEMAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-06-07;11pa04195 ?
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