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28/06/2012 | FRANCE | N°11PA02939

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 28 juin 2012, 11PA02939


Vu l'arrêt du 27 mars 2012 par lequel la Cour a, avant de statuer sur les conclusions de M. Guy A tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice subi au titre de la responsabilité de l'administration en matière d'établissement de l'impôt, ordonné un supplément d'instruction aux fins de permettre aux parties de communiquer à la Cour tous éléments permettant de connaître le montant de l'ensemble des revenus professionnels de M. A entre juin 1996 et décembre 2001, par la production, notamment, de ses avis d'imposition établis au titre des années 1996 à 2000 ;>
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Vu l'arrêt du 27 mars 2012 par lequel la Cour a, avant de statuer sur les conclusions de M. Guy A tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice subi au titre de la responsabilité de l'administration en matière d'établissement de l'impôt, ordonné un supplément d'instruction aux fins de permettre aux parties de communiquer à la Cour tous éléments permettant de connaître le montant de l'ensemble des revenus professionnels de M. A entre juin 1996 et décembre 2001, par la production, notamment, de ses avis d'imposition établis au titre des années 1996 à 2000 ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 juin 2012 :

- le rapport de Mme Dhiver, rapporteur,

- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public,

- et les observations de Me Goulard, pour M. A ;

Considérant que, par l'arrêt visé ci-dessus du 27 mars 2012, la Cour a jugé, d'une part, qu'était constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat vis-à-vis de M. A l'erreur commise par l'administration fiscale dans l'appréciation de la nature de l'activité de la société MM. B et Compagnie, devenue Société de gestion Laborde, au cours des exercices clos en 1990, 1991 et 1992, ayant conduit à remettre en cause le bénéfice de l'allégement d'impôt sur les sociétés dont cette société avait bénéficié en tant qu'entreprise nouvelle et à l'assujettir à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 1990, d'autre part, que M. A n'avait commis aucune faute de nature à exonérer l'administration de sa responsabilité ;

Considérant que M. A, qui exerçait les fonctions de directeur général au sein de la Société de gestion Laborde, invoque un préjudice résultant d'une perte de rémunérations et de droits à la retraite entre 1996 et 2001 en raison de la liquidation judiciaire de la société ; qu'il résulte de l'instruction que le commandement de payer les impositions supplémentaires mises à la charge de la Société de gestion Laborde au titre de l'exercice clos en 1990 a été notifié à la société le 22 janvier 1996 et été suivi d'une saisie conservatoire de ses comptes bancaires ; que ces procédures ne sont que la conséquence du comportement fautif du service d'assiette ; que M. A établit qu'elles ont privé cette société de ses liquidités, l'ont mise dans l'impossibilité de faire face au paiement de ses dettes à échéances et l'ont ainsi contrainte, du moins pour partie, à se déclarer en cessation de paiement le 24 mai 1996 ; que la mise en liquidation judicaire de la société a été prononcée le 6 juin 1996 ; qu'il résulte, toutefois, de l'instruction que la Société de gestion Laborde connaissait depuis 1993 des difficultés liées à une conjoncture économique défavorable, qu'elle avait, au cours des exercices précédents, réalisé des investissements qui se sont révélés infructueux, que son chiffre d'affaires s'était fortement réduit à partir de 1993 et avait été presque diminué de moitié entre 1994 et 1995, enfin, que sa structure financière était vulnérable en raison de l'importance de ses dettes financières et de la faiblesse de sa capacité d'autofinancement ; que, compte tenu des difficultés rencontrées par la Société de gestion Laborde avant le commandement de payer les impositions dont elle a été ultérieurement déchargée, sa mise en liquidation judiciaire et la cessation de son activité ne peuvent être regardées comme imputables au comportement de l'administration qu'à concurrence d'un tiers ; que, par suite, si les préjudices invoqués par M. A présentent un lien de causalité direct avec les agissements fautifs du service d'assiette, c'est dans la limite, toutefois, de la part d'un tiers imputable à l'administration dans la cessation de l'activité de la Société de gestion Laborde ;

Considérant que la perte de rémunérations subie par M. A entre 1996 et 2001 doit être appréciée non pas par rapport à la moyenne des salaires que lui a versés la Société de gestion Laborde entre 1991 et mai 1996, mais par rapport au salaire annuel perçu de cette société en 1995, dernière année d'activité ; qu'il résulte de l'instruction que le requérant a subi entre juin 1996 et décembre 2001, date à compter de laquelle sa situation professionnelle s'est améliorée, une perte de rémunérations qui doit être évaluée, hors réévaluation par application du taux de l'intérêt légal, à la somme de 331 974 euros ; qu'en outre, M. A a chiffré la perte résultant pour lui de droits à la retraite du fait de l'absence de cotisations auprès de l'ARRCO-AGIRC au cours de la même période à la somme de 196 497 euros ; que cette évaluation, qui n'est d'ailleurs pas contestée par le ministre, n'est pas exagérée ; que, dans ces conditions et compte tenu de la part imputable à l'administration fixée à un tiers, il y a lieu d'allouer à M. A une somme de 176 157 euros au titre de ces deux chefs de préjudice ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au-delà des désagréments occasionnés par la vérification de comptabilité de la société MM. B et Compagnie, M. A a subi des troubles dans ses conditions d'existence résultant, notamment, de l'atteinte à sa réputation ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en allouant au requérant une somme de 10 000 euros ;

Considérant que M. A a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 186 157 euros à compter du 10 juin 2003, date de réception par l'administration de sa demande préalable d'indemnisation ;

Considérant qu'en application des dispositions de l'article 1154 du code civil, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que M. A a demandé la capitalisation des intérêts le 23 septembre 2005 ; qu'à cette date, les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu, par suite, de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle pour les intérêts échus postérieurement à cette même date ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en tant qu'elle portait sur l'indemnisation des préjudices subis du fait de la faute commise par l'administration fiscale lors de l'établissement des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à la charge de la société MM. B et Compagnie au titre de l'exercice clos en 1990 ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0314551/2 du 4 janvier 2007 du Tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il porte sur les conclusions de la demande de M. A tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice subi du fait de l'établissement des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à la charge de la société MM. B et Compagnie au titre de l'exercice clos en 1990.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. A la somme de 186 157 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la réception, par l'administration, de la réclamation préalable du 10 juin 2003. Les intérêts échus le 23 septembre 2005 seront capitalisés à cette date puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : L'Etat versera à M. A une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

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N° 08PA04258

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N° 11PA02939


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA02939
Date de la décision : 28/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: Mme Martine DHIVER
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : CABINET GIDE LOYRETTE NOUEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-06-28;11pa02939 ?
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