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20/09/2012 | FRANCE | N°11PA05201

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 20 septembre 2012, 11PA05201


Vu la requête, enregistrée le 15 décembre 2011, présentée pour la COMMUNE DE SAINT-JEAN-LES-DEUX-JUMEAUX, représentée par son maire, par Me Segers ; la COMMUNE DE SAINT-JEAN-LES-DEUX-JUMEAUX demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0807976/6 du 6 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire d'Electricité de France et de Gaz de France (EDF et GDF) à l'indemniser des désordres apparus sur la chaussée du chemin vicinal de la Noue ;

2°) de condamner solidairement les sociétés Gaz réseau

distribution de France (GRDF) et Électricité réseau distribution de France (ERD...

Vu la requête, enregistrée le 15 décembre 2011, présentée pour la COMMUNE DE SAINT-JEAN-LES-DEUX-JUMEAUX, représentée par son maire, par Me Segers ; la COMMUNE DE SAINT-JEAN-LES-DEUX-JUMEAUX demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0807976/6 du 6 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire d'Electricité de France et de Gaz de France (EDF et GDF) à l'indemniser des désordres apparus sur la chaussée du chemin vicinal de la Noue ;

2°) de condamner solidairement les sociétés Gaz réseau distribution de France (GRDF) et Électricité réseau distribution de France (ERDF) à lui verser une somme de 232 745, 48 euros en réparation de ses préjudices ;

3°) de mettre à la charge de GRDF et ERDF les dépens, en ce compris les frais d'expertise et une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 septembre 2012 :

- le rapport de Mme Renaudin, rapporteur,

- les conclusions de Mme Merloz, rapporteur public,

- et les observations de Me Rocher, pour la société GRDF ;

Considérant qu'en décembre 1997, les sociétés EDF et GDF, aux droits desquelles viennent les sociétés ERDF et GRDF, ont réalisé dans la COMMUNE DE SAINT-JEAN-LES-DEUX-JUMEAUX des travaux pour le passage de canalisations de gaz et de câbles électriques sous le chemin vicinal n° 9 reliant le hameau de la Noue au bourg ; que la commune impute à ces travaux les désordres qui sont apparus sur la chaussée de cette voie à compter du mois de juin 1999 et leur aggravation depuis lors ; qu'elle a saisi le juge des référés du Tribunal administratif de Melun en 2007 en vue de la réalisation d'une expertise, puis a recherché la responsabilité solidaire des deux sociétés devant ce même tribunal ; que par jugement du 6 octobre 2011, dont la COMMUNE DE SAINT-JEAN-LES-DEUX-JUMEAUX relève régulièrement appel, ce tribunal a rejeté sa demande ; que les sociétés GRDF et ERDF demandent par la voie de l'appel incident l'annulation du jugement en ce qu'il a rejeté leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur le jugement attaqué :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens ;

Considérant que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté la requête présentée par la COMMUNE DE SAINT-JEAN-LES-DEUX-JUMEAUX au motif qu'elle était irrecevable comme dépourvue de moyens en méconnaissance des prescriptions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; qu'ils ont en effet considéré que si la commune faisait état de la nature et du montant des préjudices subis à raison des travaux litigieux, elle n'indiquait pas la cause juridique sur laquelle était fondée sa requête ; que cependant la commune mentionnait que la réalisation des travaux effectués par les deux sociétés concessionnaires de réseaux pour le passage de canalisations de gaz et de câbles de moyenne tension sous le chemin vicinal n° 9 avaient été menée sans précautions et qu'il en était résulté des désordres consistant notamment en des fissurations et des affaissements de la chaussée ; qu'elle faisait état du rapport de l'expertise diligentée par le juge des référés du Tribunal administratif de Melun par ordonnance en date du 22 mai 2007 et de ses conclusions imputant l'origine des désordres à la réalisation de la tranchée pour la pose des réseaux et chiffrant le montant des travaux nécessaires pour mettre fin aux désordres et enfin concluait que la responsabilité des deux sociétés en raison de ces travaux était incontestable ; qu'ainsi la COMMUNE DE SAINT-JEAN-LES-DEUX-JUMEAUX recherchait clairement en vue de la réparation de son préjudice, la responsabilité des sociétés ERDF et GRDF à raison du dommage causé à la voie communale du fait des mauvaises conditions de réalisation, sous cette voie, des travaux de pose des réseaux publics ; que sa demande était donc relative à des dommages de travaux publics et qu'il n'était pas nécessaire de la qualifier plus avant ; que c'est donc à tort que, par le jugement attaqué du 6 octobre 2011, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande pour un motif d'irrecevabilité de sa requête ; que ce jugement doit être annulé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions des sociétés GRDF et ERDF présentées par la voie de l'appel incident tendant à l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il a rejeté leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la COMMUNE DE SAINT-JEAN-LES-DEUX-JUMEAUX devant le Tribunal administratif de Melun ;

Sur la régularité de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif :

Considérant que l'expert a chiffré les travaux nécessaires à la réfection de la voie communale sur le fondement d'un devis qu'il a communiqué aux parties avant le dépôt de son rapport ; que si comme le soutiennent les sociétés GRDF et ERDF le délai a été bref pour que les parties fassent valoir leurs observations, l'expertise n'en est pas pour autant irrégulière ; qu'en tout état de cause ce rapport, et en particulier le chiffrage des travaux auquel il se réfère, peut être retenu à titre d'élément d'information, alors même que la procédure n'aurait pas été contradictoire, en ce qu'il constitue un élément du dossier dont les parties ont eu connaissance et qu'elles ont été mises à même de discuter tant devant le tribunal administratif que devant la Cour ; que les conclusions des sociétés GRDF et ERDF tendant à ce que l'expertise soit déclarée nulle doivent donc être rejetées ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la COMMUNE DE SAINT-JEAN-LES-DEUX-JUMEAUX a fait constater les désordres sur le chemin vicinal n° 9 en 1999 et 2006 consistant en des fissures et un affaissement de la chaussée ; qu'il résulte de l'expertise ordonnée par le juge des référés du Tribunal administratif de Melun que la tranchée creusée pour permettre le passage des réseaux l'a été dans un sol argileux, dans un contexte de forte pente et que le drain mis en place est constitué d'un lit de cailloux ; que selon l'expert, le drain collecte les ruissellements d'eaux pluviales de la chaussée s'écoulant des versants en amont, les matériaux existants ne pouvant constituer une barrière à l'infiltration de l'eau vers l'aval sous chaussée ; que l'expert conclut qu'en 1997, d'après les documents qui lui ont été transmis, les conditions de stabilité du talus supportant la chaussée étaient satisfaites et que la réalisation de la tranchée est l'unique facteur d'une modification du contexte d'origine par la constitution d'un drain profond ayant affecté la tenue du terrain d'assise et la stabilité du talus supportant la chaussée ; que, dans ces conditions, l'expert doit être regardé comme ayant écarté un éventuel rôle du trafic dans l'origine des désordres, nonobstant la circonstance que la direction départementale de l'Equipement (DDE) n'a pas répondu au cours de l'expertise à la question de l'incidence sur les désordres de l'absence de respect de la limitation à 6 tonnes de la circulation sur la voie ; qu'ainsi, quel que soit le délai écoulé entre la date des travaux et la survenance des dommages, il existe un lien direct de causalité entre ceux-ci et les travaux publics d'enfouissement des réseaux réalisés par les sociétés GRDF et ERDF en 1997 ; que la responsabilité de ces sociétés dans les dommages affectant le chemin vicinal n° 9 est dès lors engagée ; que si ces sociétés font valoir que l'emplacement de la tranchée a été choisi d'un commun accord avec la COMMUNE DE SAINT-JEAN-LES-DEUX-JUMEAUX, elles ne l'établissent pas alors qu'il résulte au contraire de l'instruction que cette dernière les a averti par plusieurs courriers des risques relatifs à la nature du terrain et des précédents incidents sur ce secteur ; qu'aucune faute de la commune n'est donc en l'espèce susceptible d'exonérer de leur responsabilité les sociétés GRDF et ERDF ;

Sur le préjudice :

Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise que la COMMUNE DE SAINT-JEAN-LES-DEUX-JUMEAUX a pris en charge le coût d'investigations géotechniques nécessaires à la réalisation de l'expertise pour un montant de 17 174, 76 euros qu'il y a lieu de mettre à la charge solidaire des sociétés GRDF et ERDF ;

Considérant que l'expert a estimé que des travaux de réfection de l'étanchéité de la tranchée étaient nécessaires pour un montant qu'il a évalué à 15 000 euros ; qu'il a également pris en compte le devis de travaux pour rejet des eaux drainées par la tranchée pour un montant de 5 343, 72 euros ; que la nécessité de ces travaux n'est pas sérieusement contestée par les sociétés GRDF et ERDF ;

Considérant qu'en revanche les sociétés défenderesses contestent le principe de la réfection de la voirie retenue par l'expert et son coût estimé à 201 227 euros sur la base d'un devis de la DDE en date du 4 avril 2008 au motif que les travaux consistant dans le déplacement de la route et par conséquent la création d'une chaussée neuve n'ont pas été actés lors des réunions d'expertise dans leur importance et incombent à la commune ; qu'il ressort en effet du devis susmentionné que le projet consiste en la reconstruction de la route sur une longueur de 110 mètres pour éviter les zones d'instabilité du talus ; que dans son rapport l'expert a expliqué qu'il proposait cette mesure relative à la " stabilité du versant " après évaluation du risque d'instabilité de talus sous surcharge de circulation ; qu'il mentionne également dans ses conclusions que l'urgence à effectuer les travaux de réfection est dictée par la levée de la limitation à 6 tonnes du trafic qui constitue le préjudice principal subi par la commune ; que le préjudice indemnisable doit représenter le coût des travaux nécessaires pour que le bien endommagé soit remis dans son état antérieur ; que dans ces conditions et en l'état des pièces versées, la COMMUNE DE SAINT-JEAN-LES-DEUX-JUMEAUX ne démontre pas que ces travaux de déplacement de la route soient nécessaires dans les conditions actuelles d'utilisation de celle-ci, ni qu'ils seraient destinés à remédier à la présence d'eau dans les tranchées accueillant les réseaux des sociétés défenderesses et non pas au problème de stabilité de la route due à sa situation en pente ; que ce dernier chef de préjudice doit donc être rejeté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préjudice total de la COMMUNE DE SAINT-JEAN-LES-DEUX-JUMEAUX doit être évalué à la somme de 37 518, 48 euros qu'il y aura lieu de mettre à la charge des sociétés GRDF et ERDF ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, de mettre les frais de l'expertise ordonnée le 22 mai 2007 par le juge des référés du Tribunal administratif de Melun, liquidés et taxés par ordonnance du président de ce tribunal en date du 13 juin 2008 à la somme de 13 491, 43 euros, à la charge solidairement des sociétés GRDF et ERDF, parties perdantes ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire des sociétés GRDF et ERDF la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la COMMUNE DE SAINT-JEAN-LES-DEUX-JUMEAUX et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par les sociétés GRDF et ERDF doivent dès lors être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Melun du 6 octobre 2011 est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu à statuer sur l'appel incident des sociétés GRDF et ERDF tendant à l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il a rejeté leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les sociétés GRDF et ERDF sont condamnées solidairement à verser à la COMMUNE DE SAINT-JEAN-LES-DEUX-JUMEAUX une indemnité de 37 518, 48 euros.

Article 4 : Les frais de l'expertise ordonnée le 22 mai 2007 par le juge des référés du Tribunal administratif de Melun, liquidés et taxés par ordonnance du président du Tribunal administratif de Melun en date du 13 juin 2008 à la somme de 13 491, 43 euros, sont mis à la charge solidairement des sociétés GRDF et ERDF.

Article 5 : Les sociétés GRDF et ERDF verseront solidairement à la COMMUNE DE SAINT-JEAN-LES-DEUX-JUMEAUX une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la COMMUNE DE SAINT-JEAN-LES-DEUX-JUMEAUX est rejeté.

Article 7 : Les conclusions des sociétés GRDF et ERDF tendant à ce que l'expertise de M. soit déclarée nulle sont rejetées.

Article 8 : Les conclusions des sociétés GRDF et ERDF tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 10PA03855

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N° 11PA05201


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA05201
Date de la décision : 20/09/2012
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Mathilde RENAUDIN
Rapporteur public ?: Mme MERLOZ
Avocat(s) : SCP PINSON SEGERS DAVEAU et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-09-20;11pa05201 ?
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