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22/11/2012 | FRANCE | N°11PA02705

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 22 novembre 2012, 11PA02705


Vu la requête, enregistrée le 15 juin 2011, présentée pour la commune de Sarcelles, représentée par son maire en exercice, par Me Charlet-Dormoy ; la commune de Sarcelles demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement no 0804938/6-l en date du 25 mars 2011 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Paris a limité à 39 491, 17 euros la somme qu'il a condamné l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui rembourser au titre des traitements et salaires versés à M. Jean-Louis durant la période du 4 mai 2002 au 3 mai 2004 au lieu de la somme de 54 72

8, 52 euros ;

2°) de condamner l'AP-HP à lui rembourser la somme tot...

Vu la requête, enregistrée le 15 juin 2011, présentée pour la commune de Sarcelles, représentée par son maire en exercice, par Me Charlet-Dormoy ; la commune de Sarcelles demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement no 0804938/6-l en date du 25 mars 2011 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Paris a limité à 39 491, 17 euros la somme qu'il a condamné l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui rembourser au titre des traitements et salaires versés à M. Jean-Louis durant la période du 4 mai 2002 au 3 mai 2004 au lieu de la somme de 54 728, 52 euros ;

2°) de condamner l'AP-HP à lui rembourser la somme totale de 54 728, 52 euros au titre des traitements et salaires versés à M. Jean-Louis durant la période du 4 mai 2002 au 3 mai 2004, charges patronales comprises, somme majorée des intérêts légaux et des intérêts capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques ;

Vu la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 novembre 2012 :

- le rapport de Mme Folscheid, rapporteur,

- les conclusions de Mme Merloz, rapporteur public,

- et les observations de Me Fort-Ortet pour l'AP-HP et de Me Delhaye pour les consorts ;

1. Considérant que M. Jean-Louis , policier municipal de la commune de Sarcelles, a subi une intervention chirurgicale le 4 février 2002 à l'hôpital Tenon, au cours de laquelle, après retrait de la cage cervicale mise en place à la suite de l'accident de circulation dont il avait été victime le 17 juillet 2001, une discectomie des disques C7 D1 et une arthrodèse des disques C6 à D1 ont été pratiquées ; qu'il a été hospitalisé du 2 au 5 octobre 2002 dans le centre anti douleur de la Fondation Rothschild, où a été mise en évidence une atteinte neurogène radiculaire C7 droite et C8 gauche, confirmée en janvier 2004 ; qu'à la sortie de cet établissement, une prise en charge psychiatrique a été mise en place jusqu'au 3 mai 2004, date du décès par suicide de M. Jean-Louis ; que, par jugement du 25 mars 2011, le Tribunal administratif de Paris, saisi par l'épouse et les fils de la victime, a considéré que si l'intervention chirurgicale pratiquée le 4 février 2002 était justifiée, aucun élément du dossier médical de l'intéressé ne permettait de justifier le curetage de l'espace C7 D1, qui est directement à l'origine de la lésion de la racine C8 ; qu'il a, par suite, jugé qu'en réalisant cet acte en l'absence d'indication médicale, l'AP-HP avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; qu'en revanche, il a estimé qu'en raison de la multiplicité des raisons ayant pu conduire M. Jean-Louis à mettre fin à ses jours, le lien de causalité direct entre le suicide de celui-ci et la faute de l'AP-HP ne pouvait être regardé comme certain ; qu'il a, en conséquence, condamné l'AP-HP à réparer les préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux subis par M. Jean-Louis jusqu'à son décès en versant à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Seine-Saint-Denis la somme de 24 028, 95 euros, à la commune de Sarcelles la somme de 39 491, 17 euros, et aux consorts , en leur qualité d'ayants-droit, la somme de 51 000 euros ; qu'il a également condamné l'AP-HP à verser à l'épouse de la victime la somme de 20 000 euros et à ses deux fils la somme de 7 000 euros chacun en réparation du préjudice propre subi par ceux-ci ; qu'il a en revanche rejeté la demande des requérants tendant à l'indemnisation des frais d'obsèques et de leur préjudice économique résultant du décès de M. Jean-Louis ainsi que les demandes de la commune de Sarcelles et de la mutuelle nationale territoriale (MNT) tendant au remboursement des sommes versées par celles-ci à la veuve de M. Jean-Louis au titre respectivement du capital décès et de l'allocation décès ; que, par la présente requête, la commune de Sarcelles demande la réformation de ce jugement du 25 mars 2011 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Paris a limité à 39 491, 17 euros la somme qu'il a condamné l'AP-HP à lui rembourser au titre des traitements et salaires versés à M. Jean-Louis durant la période du 4 mai 2002 au 3 mai 2004 au lieu de la somme de 54 728, 52 euros qui incluait les charges patronales afférentes à ces traitements ; que les consorts demandent, dans le cadre de cette instance, d'infirmer ledit jugement en ce qu'il n'a pas retenu que la faute de l'AP-HP est l'un des facteurs principaux et majeurs de la dépression qui a conduit M. Jean-Louis au suicide, et a par suite refusé de mettre à la charge de l'AP-HP les préjudices résultant du décès de celui-ci ;

Sur l'appel principal de la commune de Sarcelles :

Sur la somme due à la commune de Sarcelles :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 : " I. - Lorsque le décès, l'infirmité ou la maladie d'un agent de l'Etat est imputable à un tiers, l'Etat dispose de plein droit contre ce tiers, par subrogation aux droits de la victime ou de ses ayants droit, d'une action en remboursement de toutes les prestations versées ou maintenues à la victime ou à ses ayants droit à la suite du décès, de l'infirmité ou de la maladie. II. - Cette action concerne notamment : Le traitement ou la solde et les indemnités accessoires pendant la période d'interruption du service ; (...) " ; que l'article 2 de ce texte dispose : " A l'exception de l'action appartenant à l'Etat lorsqu'il est tenu de réparer le préjudice éprouvé par un fonctionnaire dans les conditions fixées par le statut général des fonctionnaires, l'action prévue à l'article 1er de la présente ordonnance est exclusive de toute autre action de l'Etat contre le tiers responsable du décès, de l'infirmité ou de la maladie. " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 susvisée : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...) La collectivité est subrogée dans les droits éventuels du fonctionnaire victime d'un accident provoqué par un tiers jusqu'à concurrence du montant des charges qu'elle a supportées ou supporte du fait de cet accident. Elle est admise à poursuivre directement contre le responsable du dommage ou son assureur le remboursement des charges patronales afférentes aux rémunérations maintenues ou versées audit fonctionnaire pendant la période d'indisponibilité de celui-ci par dérogation aux dispositions de l'article 2 de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publique ; " ;

4. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées, notamment de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, qu'une collectivité est fondée à demander le remboursement par le responsable du dommage des charges patronales afférentes aux rémunérations qu'elle a versées à son agent pendant la période d'indisponibilité de celui-ci ; que la commune de Sarcelles justifie avoir versé pendant l'absence du service de M. Jean-Louis la somme, charges patronales incluses, de 54 728, 52 euros correspondant à un demi-traitement du 4 mai 2002 au 1er août 2002 et à un traitement complet du 2 août 2002 au 3 mai 2004 ; que c'est à tort que les premiers juges n'ont accordé le remboursement que jusqu'à hauteur de 39 491, 17 euros, en excluant les charges patronales ; qu'il y a lieu de porter à 54 728, 52 euros la somme due par l'AP-HP majorée des intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2009 à la commune de Sarcelles et réformer dans cette mesure le jugement attaqué ;

Sur les conclusions de la commune de Sarcelles aux fins de versement des intérêts capitalisés :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : " Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière. " ; que pour l'application des dispositions précitées, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant les juges du fond ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; qu'à défaut, la demande prend effet à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière ; que le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ;

6. Considérant que la commune de Sarcelles a demandé la capitalisation des intérêts le 15 juin 2011, date d'enregistrement de sa requête au greffe de la Cour ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande à cette date ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions des consorts :

7. Considérant que l'admission de l'appel principal de la commune de Sarcelles n'aggrave pas la situation des consorts ; que ceux-ci ne sont, dès lors, pas recevables à demander que l'AP-HP les indemnise des préjudices résultant du décès de

M. Jean-Louis ; qu'en tout état de cause, il résulte de l'instruction, notamment des conclusions de l'expert diligenté par le Tribunal de grande instance de Paris, que la lésion de la racine C8 dont a été atteint M. Jean-Louis , si elle a participé à l'aggravation de la dépression du patient, n'est qu'un des facteurs de celle-ci et du suicide du patient ; que l'expert précise que l'évolution suicidaire de celui-ci peut être considérée comme imputable à la fois à l'existence des douleurs chroniques dont il souffrait depuis l'année 2000 et à son incapacité à reprendre ses fonctions de motocycliste dans la police municipale de la commune de Sarcelles et que cette impossibilité est liée aux deux traumatismes cervicaux dont il a été victime ; que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'en raison de la multiplicité des raisons ayant pu conduire l'intéressé à mettre fin à ses jours, le lien de causalité direct entre le suicide de M. Jean-Louis et la faute de l'AP-HP ne pouvait être regardé comme certain ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par les consorts dans le cadre de l'appel formé par la commune de Sarcelles doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-l du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions susvisées et de mettre à la charge de l'AP-HP une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Sarcelles et non compris dans les dépens ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande des consorts tendant à ce que soit mise à la charge de l'AP-HP une somme au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme de 39 491, 17 euros que le Tribunal administratif de Paris, par l'article 4 du jugement en date du 25 mars 2011, a condamné l'AP-HP à verser à la commune de Sarcelles est portée à 54 728, 52 euros.

Article 2 : Les intérêts sur la somme de 54 728, 52 euros mise à la charge de l'AP-HP seront capitalisés le 15 juin 2011 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 3 : L'AP-HP versera à la commune de Sarcelles la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions des consorts sont rejetées.

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N° 10PA03855

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N° 11PA02705


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA02705
Date de la décision : 22/11/2012
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Bénédicte FOLSCHEID
Rapporteur public ?: Mme MERLOZ
Avocat(s) : CHARLET-DORMOY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-11-22;11pa02705 ?
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