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13/12/2012 | FRANCE | N°12PA02949

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 13 décembre 2012, 12PA02949


Vu, enregistrée le 9 juillet 2012 au greffe de la Cour, la décision du 29 juin 2012 par laquelle le Conseil d'Etat a annulé les articles 1er, 2 et 3 de l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 29 juin 2010 rendu sur la requête n° 08PA01696 présentée pour M. Frédéric A et a renvoyé l'affaire à la Cour dans cette mesure ;

Vu la requête, enregistrée le 28 mars 2008, présentée pour M. Fréderic A, demeurant ..., par Me Guilloux ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0111047/2 du 29 janvier 2008 par lequel le Tribunal administratif de P

aris n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la décharge des co...

Vu, enregistrée le 9 juillet 2012 au greffe de la Cour, la décision du 29 juin 2012 par laquelle le Conseil d'Etat a annulé les articles 1er, 2 et 3 de l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 29 juin 2010 rendu sur la requête n° 08PA01696 présentée pour M. Frédéric A et a renvoyé l'affaire à la Cour dans cette mesure ;

Vu la requête, enregistrée le 28 mars 2008, présentée pour M. Fréderic A, demeurant ..., par Me Guilloux ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0111047/2 du 29 janvier 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et à la contribution sociale généralisée auxquelles il a été assujetti au titre des années 1993 à 1995, ainsi qu'à la contribution au remboursement de la dette sociale à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1995, ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

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Vu les autres pièces du dossier et notamment l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 29 juin 2010 rendu sur la requête n° 08PA01696 présentée pour M. A ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 novembre 2012 :

- le rapport de M. Bossuroy,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public ;

1. Considérant qu'à la suite d'une vérification de la comptabilité de la société La Locomotive, qui exploitait une discothèque, portant sur les années 1993 à 1995, l'administration a écarté la comptabilité de la société comme dépourvue de caractère probant, a procédé à une reconstitution de ses recettes et effectué plusieurs autres redressements portant sur les charges, les apports en compte courant, les amortissements réputés différés et les déficits reportables ; qu'à la suite d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle de M. Frédéric A portant sur les mêmes années, le service a regardé comme des revenus distribués à M. A les redressements apportés aux résultats imposables de la société La Locomotive correspondant à la reconstitution de ses recettes, à des avantages occultes, à un solde de compte courant débiteur et à des retraits d'espèces à l'étranger ; que, par les articles 1er, 2 et 3 d'un arrêt du 29 juin 2010, la Cour a, d'une part, réduit les bases de l'impôt sur le revenu et de la contribution sociale généralisée mis à la charge de M. A au titre des années 1993 à 1995 des sommes correspondant aux revenus réputés distribués provenant des recettes omises par la société La Locomotive au titre de chacune de ces années, réduit la base de la contribution au remboursement de la dette sociale mise à sa charge au titre de l'année 1995 des 11/12ème de la somme correspondant aux revenus réputés distribués provenant des recettes omises par la société La Locomotive au titre de cette année, d'autre part, déchargé M. A des droits et pénalités restant en litige correspondant à la réduction des bases d'imposition ainsi définie, enfin, réformé dans cette mesure le jugement du Tribunal administratif de Paris du 29 janvier 2008 ; que, par une décision du 29 juin 2012 le Conseil d'Etat a annulé des articles 1er, 2 et 3 de l'arrêt du 29 juin 2010 et renvoyé l'affaire devant la Cour ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 164 de la loi susvisée du 4 août 2008 de modernisation de l'économie : " IV. - 1. Pour les procédures de visite et de saisie prévues à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales pour lesquelles le procès-verbal ou l'inventaire mentionnés au IV de cet article a été remis ou réceptionné antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, un appel contre l'ordonnance mentionnée au II de cet article, alors même que cette ordonnance a fait l'objet d'un pourvoi ayant donné lieu à cette date à une décision de rejet du juge de cassation, ou un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie peut, dans les délais et selon les modalités précisés au 3 du présent IV, être formé devant le premier président de la cour d'appel dans les cas suivants : (...) d) Lorsque, à partir d'éléments obtenus par l'administration dans le cadre d'une procédure de visite et de saisie, des impositions ont été établies (...) et qu'elles font (...) l'objet, à la date de l'entrée en vigueur de la présente loi,(...) d'un recours contentieux devant le juge, sous réserve des affaires dans lesquelles des décisions sont passées en force de chose jugée (...) 3. Dans les cas mentionnés aux 1 et 2, l'administration informe les personnes visées par l'ordonnance ou par les opérations de visite et de saisie de l'existence de ces voies de recours et du délai de deux mois ouvert à compter de la réception de cette information pour, le cas échéant, faire appel contre l'ordonnance ou former un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie. Cet appel et ce recours sont exclusifs de toute appréciation par le juge du fond de la régularité du déroulement des opérations de visite et de saisie. Ils s'exercent selon les modalités prévues respectivement aux articles L. 16 B et L. 38 du livre des procédures fiscales et à l'article 64 du code des douanes. En l'absence d'information de la part de l'administration, ces personnes peuvent exercer, selon les mêmes modalités, cet appel ou ce recours sans condition de délai " ; qu'il résulte de ces dispositions que le juge administratif n'est compétent pour statuer ni sur la régularité d'une ordonnance du juge judiciaire autorisant la mise en oeuvre d'une procédure de visite et de saisie ni sur la régularité de telles opérations ; que, par suite, les moyens tirés de l'irrégularité des ordonnances du 10 octobre 2000 autorisant la mise en oeuvre de procédures de visite et de saisie sur le fondement des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, ainsi que du déroulement des opérations et, de ce que, par suite, l'administration ne pourrait opposer au contribuable les éléments résultant des pièces saisies, sont, en tout état de cause, inopérants ;

Sur le bien-fondé des impositions :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital " ; que l'administration a estimé que M. A avait reçu le tiers des revenus distribués correspondant aux recettes toutes taxes comprises non déclarées de la société La Locomotive, soit respectivement 4 464 126 F, 4 701 789 F et 4 657 023 F au titre des années 1993, 1994 et 1995 ;

En ce qui concerne l'existence et le montant des revenus distribués :

4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la société n'a présenté au vérificateur, s'agissant des recettes provenant de la vente de boissons au bar, aucune bande de caisse enregistreuse pour le second semestre de l'année 1994 et l'année 1995, ni aucune autre pièce justificative du détail des recettes ; que si de telles bandes de caisse ont été présentées pour l'année 1993 et le premier trimestre de l'année 1994, ces documents présentaient des différences quasi-systématiques avec les montants portés sur le brouillard de caisse ; que, s'agissant des recettes provenant des entrées, la société ne disposait d'aucune billetterie, ni d'aucun brouillard de caisse ; que cette absence de pièces justificatives du détail des recettes privant la comptabilité de valeur probante, l'administration était en droit de procéder à une reconstitution extra-comptable du chiffre d'affaires de l'entreprise ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que l'administration a recouru pour ce faire à une seule méthode, fondée exclusivement sur des états récapitulatifs de recettes journalières saisis dans les locaux de la société au 6, bis cité Véron à Paris et concernant le mois de septembre 1995, alors qu'elle disposait de l'intégralité des factures d'achats de liquides de la société et que le contrôle n'a pas révélé d'achats occultes ou non comptabilisés ; qu'elle a déduit de la mention manuscrite " tickets supplémentaires " portée sur ces fiches de recettes que la société avait omis de déclarer des recettes d'entrées correspondant à la vente de tickets " supplémentaires ", d'un montant supérieur à 46,69 % à celles réalisées à partir de tickets qualifiés de " normaux " ; qu'estimant que la société avait émis dans la même proportion des tickets " supplémentaires " pour l'ensemble de la période vérifiée, elle a extrapolé ce pourcentage, relevé pour le seul mois de septembre 1995, à l'ensemble des trois années vérifiées ; qu'après avoir calculé le taux de renouvellement de la première consommation à partir du chiffre d'affaires boissons et du chiffre d'affaires boissons et entrées, étant précisé qu'une entrée payante donne droit à une consommation gratuite, elle a considéré que les recettes réalisées au bar avaient été minorées dans les mêmes proportions ; qu'une telle extrapolation, fondée sur l'interprétation d'une simple mention manuscrite apposée sur une feuille de papier pour une période de référence aussi courte, doit être regardée, en l'absence d'utilisation de tout autre document et compte tenu de la possibilité de recourir à une méthode plus fiable fondée sur les achats de boissons, comme excessivement sommaire ;

6. Considérant, en troisième lieu, que si M. A a procédé pour sa part à une reconstitution fondée sur les achats de boissons qui aboutirait, selon lui, à des montants proches des montants déclarés, le ministre fait valoir à juste titre que la méthode retenue par le requérant se fonde sur l'hypothèse non démontrée que toutes les bouteilles d'alcool de 70 cl seraient vendues telles quelles et non au verre, que le taux de 30 % adopté pour la part des boissons offertes, perdues ou consommées par le personnel apparaît exagéré, que le nombre d'entrées n'est pas justifié et qu'il en va de même pour les prix de vente des boissons, au moins pour la période du second semestre 1994 et de l'année 1995 ; que l'administration ne proposant pas, quant à elle, de méthode alternative, il sera fait une juste appréciation des omissions de déclarations de recettes en les évaluant à la moitié des redressements effectués de ce chef par l'administration ; qu'il suit de là que les revenus distribués à M. A correspondant aux recettes non déclarées par la société La Locomotive doivent être réduits respectivement de 2 232 063 F, 2 350 894 F et 2 328 511 F au titre des années 1993, 1994 et 1995 ;

En ce qui concerne l'appréhension des revenus :

7. Considérant que l'administration a estimé que M. A, co-gérant et associé de la société La Locomotive, et deux autres associés et directeur généraux, avaient la maîtrise de l'affaire et devaient par suite être regardés comme ayant appréhendé, chacun pour un tiers, les revenus distribués correspondant à des recettes non déclarées ;

8. Considérant que, comme le fait valoir le ministre, les trois associés précités, détenant chacun 25 % du capital de la société, y exerçaient des fonctions dirigeantes et que les organes sociaux n'étaient pas réunis au cours de la période en litige ; que, par ailleurs, une partie du train de vie de ces trois associés était prise en charge par la société, que des frais financiers afférents à leurs dépenses personnelles étaient assumés par elle et que d'importantes sommes leur ont été transférées, ce qui est de nature à caractériser l'existence d'une confusion entre les patrimoines de ces associés et celui de la société ; qu'il suit de là que l'administration établit que les trois personnes concernées disposaient conjointement de la maîtrise de l'affaire ; qu'elle doit par suite être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe que M. A avait appréhendé le tiers de revenus distribués en litige, sans qu'il doive être tenu compte de ce qu'une quatrième associée détenait également 25 % des parts dès lors qu'elle ne participait pas à cette maîtrise conjointe de l'affaire ;

Sur les majorations pour mauvaise foi :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années en litige : " 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie... " ;

10. Considérant qu'en faisant valoir que M. A, dirigeant de la société La Locomotive et maître de l'affaire, dont le patrimoine était confondu avec celui de la société, ne pouvait ignorer l'existence des omissions de déclaration des recettes sociales et la distribution de ces sommes à trois des associés, l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, de la mauvaise foi du contribuable ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de réduction des compléments d'impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée et de contribution au remboursement de la dette sociale auxquels il a été assujetti au titre des années 1993, 1994 et 1995 ;

D E C I D E :

Article 1er : Les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu, à la contribution sociale généralisée assignées à M. A au titre des années 1993, 1994 et 1995 sont réduites des sommes respectives de 2 232 063 F, 2 350 894 F et 2 328 511 F.

Article 2 : La base d'imposition à la contribution au remboursement de la dette sociale assignée à M. A au titre de l'année 1995 est réduite des 11/12 èmes de la somme de 2 328 511 F.

Article 3 : M. A est déchargé des cotisations d'impôt sur le revenu, de prélèvement social, de contribution sociale généralisée et de contribution au remboursement de la dette sociale correspondant aux réductions de bases d'imposition définies aux article 1er et 2.

Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 29 janvier 2008 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

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N° 12PA02949


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA02949
Date de la décision : 13/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués. Notion de revenus distribués. Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: M. François BOSSUROY
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : GUILLOUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-12-13;12pa02949 ?
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