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06/02/2013 | FRANCE | N°11PA01130

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 06 février 2013, 11PA01130


Vu la requête, enregistrée le 4 mars 2011, présentée pour la société à responsabilité limitée (SARL) Les Desserts de Jacques, dont le siège est 7 rue Maillard à Paris (75011), par Me Thory ; la société Les Desserts de Jacques demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0716692/2 du 28 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2004, ainsi que des pénalités

y afférentes et, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit retenu un taux de marge br...

Vu la requête, enregistrée le 4 mars 2011, présentée pour la société à responsabilité limitée (SARL) Les Desserts de Jacques, dont le siège est 7 rue Maillard à Paris (75011), par Me Thory ; la société Les Desserts de Jacques demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0716692/2 du 28 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2004, ainsi que des pénalités y afférentes et, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit retenu un taux de marge brute de 1,89 et prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ou, subsidiairement, de retenir un taux de marge brute de 1,89 et de prononcer la décharge correspondante ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

......................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 janvier 2013 :

- le rapport de Mme Tandonnet-Turot, président-rapporteur,

- et les conclusions de M. Egloff, rapporteur public ;

1. Considérant que la société Les Desserts de Jacques, qui exerce à Paris une activité de traiteur cacher avec ou sans fourniture de personnel à domicile ou en salons, a fait l'objet en 2005 d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2002, 2003 et 2004 à l'issue de laquelle, par une proposition de rectification du 10 octobre 2005, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis à sa charge selon la procédure contradictoire au titre de la période correspondant à ces années ; qu'elle fait appel du jugement n° 0716692/2 du 28 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rappels ;

Sur la régularité de la procédure :

2. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande " ;

3. Considérant qu'il ressort de la proposition de rectification du 10 octobre 2005 que l'administration a informé la société Les Desserts de Jacques, avant la mise en recouvrement des impositions litigieuses, de la teneur des informations obtenues dans le cadre de l'exercice de son droit de communication auprès de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF), notamment le procès-verbal de travail dissimulé dressé à l'encontre de la société par les inspecteurs de l'URSSAF le 4 octobre 2004, ainsi que de la société Hôtel Concorde Lafayette ; qu'il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que la rectification serait fondée sur des éléments obtenus dans le cadre de l'exercice du droit de communication auprès d'autres établissements ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que la société requérante n'aurait pas été informée de l'origine et la teneur des informations obtenues par le service dans le cadre de son droit de communication, ni des conditions d'exercice de ce droit de communication, doit être écarté ; que, par voie de conséquence, la société Les Desserts de Jacques ne peut demander l'application des dispositions de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;

Sur la reconstitution de recettes :

3. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge " ;

4. Considérant que l'administration fait valoir que le vérificateur a constaté l'absence dans la comptabilité de la société Les Desserts de Jacques de facture clients correspondant à certaines locations de salles dont il avait eu connaissance dans l'exercice de son droit de communication, ainsi que des salaires correspondant à des employés non déclarés, également portés à sa connaissance dans le cadre de ce droit de communication ; qu'à ces graves omissions s'ajoute le défaut de présentation des documents permettant de rattacher certains des chèques clients aux dates de réceptions correspondantes ; que la société Les Desserts de Jacques n'a produit, pour justifier du détail de ses recettes de la période vérifiée, enregistrées globalement en fin de journée, que des factures qui indiquaient seulement le montant global hors taxes et la taxe sur la valeur ajoutée applicable, sans aucune précision concernant la prestation fournie ; que ces factures n'étaient appuyées d'aucun document susceptible de recouper leurs montants et de justifier du détail des recettes ; qu'aucun agenda relatif aux réceptions et livraisons n'a été conservé ; que le planning des affectations des employés et des extra n'a pas été tenu ; que la société n'a pu présenter aucun bon de livraison, ni le cahier de suivi des commandes, ni celui des réservations de salles de réception ; que le registre unique du personnel n'est pas tenu dans l'ordre chronologique des entrées ; que le vérificateur a également relevé des erreurs de répartition entre les taux de taxe sur la valeur ajoutée de 5,5 % et de 19,6 % ; que, dans ces conditions, l'administration était en droit de regarder la comptabilité de la société Les Desserts de Jacques comme non probante et, par suite, de reconstituer ses recettes à l'aide d'une méthode extra-comptable ; que, si la société invoque l'instruction administrative référencée 4 G-3342 n° 4 du 15 mai 1993, selon laquelle l'administration peut écarter une comptabilité comme non probante en cas notamment d'une insuffisance du taux de bénéfices bruts calculés à partir des données de comptabilité ou au regard du train de vie et de l'enrichissement de l'exploitant, il ne résulte en tout état de cause pas des termes de cette instruction qu'elle ait entendu limiter le rejet d'une comptabilité à ces deux seules situations ;

5. Considérant que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a confirmé les redressements en litige ; que, par suite, la charge de la preuve incombe à la société requérante ;

6. Considérant que, pour procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires de la société les Desserts de Jacques généré, au cours des années en cause, par son activité de traiteur, l'administration a utilisé la méthode dite "du nombre d'invités par réception" ; qu'ayant d'abord déterminé le nombre de réceptions réalisées par la société, à partir des éléments tirés de sa comptabilité et des informations obtenues par lui dans le cadre de l'exercice de son droit de communication, le vérificateur a appliqué un prix par convive de 64,80 euros, après avoir pris en compte les observations de la société, qui contestait l'application du prix de 72 euros proposé sur ses publicités pour des réceptions d'au moins 120 personnes, au motif que ses réceptions ne comptaient généralement au plus qu'une centaine de convives ; que le prix de 52 euros que fait valoir la société, qui ne concerne d'ailleurs que peu de réceptions, figure sur des factures qui ne détaillent pas le contenu de la prestation et ne peut donc être retenu comme justifié ; que, si la société oppose le prix de 15 euros qui, selon elle, serait pratiqué par des concurrents, elle n'établit en tout état de cause pas que ce prix correspondrait à des prestations équivalentes aux siennes ; que l'administration a ensuite multiplié le nombre de convives par ce prix unitaire de 64,80 euros pour obtenir le chiffre d'affaires réalisé généré par l'activité de traiteur du contribuable ; qu'en se bornant à faire valoir que la concurrence est très rude dans ce secteur d'activité, la société requérante n'apporte pas la preuve que cette première méthode ne serait pas pertinente pour reconstituer la réalité de son activité économique ;

7. Considérant que l'administration, qui n'y était tenue par aucune disposition légale, a utilisé, à des fins de recoupement, une seconde méthode dite "des salaires non déclarés", à partir des déclarations du gérant de la société auprès des inspecteurs de l'URSSAF, obtenues par le vérificateur dans l'exercice du droit de communication ; que le nombre de réceptions déclarées, augmenté du pourcentage de réceptions non déclarées annoncées par le gérant de la société aux inspecteurs de l'URSSAF, a été multiplié par un nombre d'heures des cuisiniers et serveurs, évalué de manière favorable à la société, en appliquant à ce nombre d'heures le salaire horaire versé à ces employés ; que, par cette appréciation du travail dissimulé, le service a réalisé une reconstitution de l'activité économique de la société dont celle-ci, qui ne fournit à la Cour aucun élément permettant de constater qu'ainsi qu'elle le soutient, les résultats de la reconstitution de recettes effectuée par le service seraient irréalistes, ni aucune méthode plus précise, mais se borne à faire état d'un taux de marge brute de 1,89, ne démontre pas le caractère erroné ou non pertinent ;

8. Considérant que l'instruction administrative reprise à la documentation de base

4 G-3342 n° 4 dont se prévaut la société requérante ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale, au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant le bien-fondé de la reconstitution de recettes à laquelle elle a procédé ;

Sur les pénalités :

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 10 octobre 2005, que le moyen tiré de l'absence de motivation des pénalités dont l'administration a assorti les rappels en litige manque en fait ; que l'administration établit la volonté d'éluder l'impôt de la société, et par conséquent sa mauvaise foi, en se prévalant de la nature des rehaussements, qui procèdent d'une dissimulation de recettes avec travail dissimulé, de l'importance de ces dissimulations et du caractère répété des infractions ; qu'elle établit également la mauvaise foi en ce qui concerne les erreurs de taux de taxe sur la valeur ajoutée, dès lors que la société ne pouvait ignorer qu'elle taxait au taux réduit l'organisation de réceptions avec mise à disposition de personnel, soumise au taux normal ;

10. Considérant que le principe de l'interdiction des poursuites à raison des mêmes faits ne saurait être utilement invoqué, dès lors que les pénalités prévues à l'article 1729 du code général des impôts, qui visent d'importantes minorations de recettes commises volontairement, ne sanctionnent pas les mêmes faits que les sanctions encourues, sur un fondement légal distinct, du chef de travail dissimulé ;

11. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société Les Desserts de Jacques n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Les Desserts de Jacques est rejetée.

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N° 08PA04258

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N° 11PA01130


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA01130
Date de la décision : 06/02/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: Mme Suzanne TANDONNET-TUROT
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : SCP DEPRES THORY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-02-06;11pa01130 ?
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