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21/02/2013 | FRANCE | N°10PA05424

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 21 février 2013, 10PA05424


Vu la requête, enregistrée le 16 novembre 2010, présentée pour Mme C...H..., agissant tant à titre personnel qu'en sa qualité de représentante légale de sa fille mineureI..., demeurant..., par la SCP Sur-Mauvenu ; Mme H...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0908592/6 du 7 octobre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Saint-Maur-des-Fossés au versement d'une indemnité provisionnelle à valoir sur la réparation du préjudice subi par sa fille mineureI..., du fait de l'accident dont ell

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Vu la requête, enregistrée le 16 novembre 2010, présentée pour Mme C...H..., agissant tant à titre personnel qu'en sa qualité de représentante légale de sa fille mineureI..., demeurant..., par la SCP Sur-Mauvenu ; Mme H...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0908592/6 du 7 octobre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Saint-Maur-des-Fossés au versement d'une indemnité provisionnelle à valoir sur la réparation du préjudice subi par sa fille mineureI..., du fait de l'accident dont elle a été victime le 4 septembre 2008 lors du déjeuner pris dans le réfectoire de l'école élémentaire municipale " Odette et Edouard Bled ", où elle était scolarisée ;

2°) de condamner la commune de Saint-Maur-des-Fossés, en tant que responsable des dommages subis par sa fille, à lui verser, tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de sa fille, la somme de 100 000 euros à titre de provision à valoir sur la réparation du préjudice corporel de sa fille, lequel ne peut être encore évalué de manière définitive ;

3°) de désigner, avant-dire-droit, un médecin expert avec mission pour celui-ci d'évaluer le préjudice subi par I...;

4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Maur-des-Fossés la somme de 7 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 2012 :

- le rapport de M. Privesse, rapporteur,

- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,

- les observations de MeG..., pour MmeH..., et celles de MeB..., pour la commune de Saint-Maur-des-Fossés,

Après avoir pris connaissance des notes en délibéré présentées pour la commune de Saint-Maur-des-Fossés, par la SCP Cabanes et pour MmeH..., par la SCP Sur-Mauvenu, enregistrées respectivement les 19 et 26 décembre 2012 ;

1. Considérant que MmeH..., agissant tant en son nom propre qu'en sa qualité de représentante légale de sa fille mineureI..., relève appel du jugement du 7 octobre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à ce que la commune de Saint-Maur-des-Fossés soit déclarée responsable des dommages consécutifs à l'accident dont sa fille a été victime le 4 septembre 2008 lors d'un repas pris dans l'un des réfectoires de l'école municipale " Odette et Édouard Bled ", et à ce qu'elle soit condamnée à lui verser une indemnité provisionnelle de 100 000 euros dans l'attente des conclusions de l'expertise médicale qu'elle sollicite pour déterminer l'état de Laura et évaluer le préjudice subi ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne demande l'annulation du jugement attaqué, la condamnation de la commune de Saint-Maur-des-Fossés à lui rembourser la somme de 199 467,46 euros augmentée des intérêts à compter de l'introduction de l'instance, ainsi que, sur justificatifs, les frais futurs nécessités par les soins dispensés àI..., en sus de l'indemnité de gestion prévue par l'article L. 376-1, alinéa 7, du code de la sécurité sociale, et la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Saint-Maur-des-Fossés aux conclusions d'appel de la CPAM du Val-de-Marne :

2. Considérant que la commune de Saint-Maur-des-Fossés oppose aux conclusions de la CPAM du Val de Marne qu'elles sont nouvelles en appel, la caisse n'ayant pas produit en première instance ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment de la fiche informatique de procédure, jointe au dossier de première instance, que le Tribunal administratif de Melun a communiqué à la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Val-de-Marne, contrairement à ce que soutient celle-ci, la demande de Mme H...et l'ensemble des pièces de la procédure ; que ces communications ont eu lieu respectivement les 8 décembre 2009, 11 février, 30 mars, et 4 mai 2010 ; qu'ainsi la CPAM du Val de Marne a été régulièrement mise en cause devant le tribunal administratif ; que n'ayant cependant pas présenté devant le tribunal de conclusions à fin de remboursement de ses frais, et ainsi négligé de faire valoir ses droits en première instance, elle n'est pas recevable à demander pour la première fois en appel, en se joignant à la demande de son assuré, que les dépenses qu'elle a exposées au bénéfice de I...au titre des frais médicaux, pharmaceutiques et d'appareillage soient mises à la charge de la commune de Saint-Maur-des-Fossés ; que la réouverture de l'instruction en appel par l'ordonnance du 15 novembre 2011 est dépourvue d'incidence sur la recevabilité des conclusions d'appel présentées par la caisse ;

4. Considérant que la fin de non-recevoir opposée par la commune de Saint-Maur-des-Fossés aux conclusions en appel de la CPAM du Val-de-Marne doit dès lors être accueillie ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la commune de Saint-Maur-des-Fossés aux conclusions de MmeH... ;

Sur la responsabilité de la commune de Saint-Maur-des-Fossés :

5. Considérant que, le 4 septembre 2008, lors du déjeuner pris au réfectoire de l'école élémentaire " Odette et Édouard Bled ", la fille de MmeH..., I..., alors âgée d'un peu plus de neuf ans, élève en classe de CM1, a, en voulant ingérer un morceau de viande servi dans un plat de " goulasch ", été victime d'une obstruction des voies respiratoires due à une " fausse route alimentaire " ; que l'anoxie et l'arrêt cardiaque en résultant ont entraîné des séquelles neurologiques qui constituent le préjudice dont il est demandé réparation ;

6. Considérant que la circonstance qu'un enfant soit victime d'une " fausse route " alimentaire n'est pas en elle-même révélatrice d'une méconnaissance de l'obligation du service public d'assurer la qualité sanitaire des repas servis dans une cantine scolaire ; que, dès lors, la responsabilité de la personne publique assurant le service public de la restauration scolaire ne peut être engagée que pour faute ;

7. Considérant que la présence dans le plat de " goulasch " servi le 4 septembre 2008 à Laura, du morceau de viande à l'origine de l'accident, dont les dimensions évaluées à 5 cm de long sur 3 cm de large et 1 centimètre d'épaisseur, et la consistance, nécessitaient sa découpe avant l'ingestion, ne saurait être par elle-même constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Saint-Maur-des-Fossés, compte tenu de ce que l'âge de l'enfant lui permettait de procéder à cette découpe avec le couteau qui lui était fourni, ou, en cas de difficulté, de faire appel à l'aide du personnel de surveillance de la cantine ;

8. Considérant enfin, qu'il n'est pas démontré que le personnel de la cantine, composé de deux surveillantes et de deux cantinières, ait été en nombre insuffisant au regard de celui des enfants dont il avait la charge, soit une quarantaine, répartis en sept tables, lors du service au cours duquel l'accident s'est produit ; qu'il n'est pas davantage démontré que ces agents, sollicités de le faire, auraient refusé d'aider les enfants en difficulté pour la découpe de la viande ;

9. Considérant que, dans son mémoire enregistré le 23 septembre 2011 et dans ses mémoires ultérieurs, Mme H...fait valoir qu'un délai excessif, qu'elle évalue à plus de vingt minutes, s'est écoulé entre l'accident et l'appel aux secours et que ce délai est à l'origine du dommage subi par sa fille ou, du moins, de son aggravation ; que la commune soutient en réplique que l'appel aux secours est intervenu immédiatement après l'accident et que cette célérité exclut toute faute de nature à engager sa responsabilité ;

10. Considérant que I...a très rapidement perdu connaissance après l'accident ; que son état requérait de manière manifeste l'intervention urgente des secours ;

11. Considérant qu'il ressort du procès-verbal dressé par les services de police que l'appel téléphonique aux pompiers de Saint-Maur-des-Fossés, qui l'ont immédiatement répercuté au SAMU du Val-de-Marne, a été passé depuis le téléphone mobile personnel de M. D... F..., animateur en charge des enfants du service précédent, à 12 heures 45 selon le relevé de l'opérateur téléphonique, 12h46 selon les pompiers, et que ceux-ci, puis le SAMU, qu'ils avaient alerté, sont arrivés sur les lieux cinq à sept minutes plus tard ;

12. Considérant que si la déclaration d'accident faite à son assureur par le directeur de l'établissement scolaire, datée du 15 septembre 2008, mentionne que l'accident s'est produit à 12 heures 25, ce dont Mme H...déduit qu'un délai excessif de vingt minutes s'est écoulé avant l'appel des secours, il résulte de l'instruction que cette déclaration était erronée, cette heure étant incompatible avec la chronologie des services et n'étant d'ailleurs confirmée par aucune autre pièce du dossier ;

13. Considérant qu'aucun témoin n'a relevé l'heure de l'accident ; que les heures indiquées dans les déclarations consignées par les procès-verbaux de police ne sont que des estimations effectuées en fonction de l'horaire de déroulement normal du service ; que toutefois il ressort de la confrontation de ces déclarations qu'une surveillante de cantine, alertée par un autre enfant du malaise de I...a immédiatement pris soin de celle-ci, qui a perdu connaissance après s'être levée de table à la demande de cette surveillante ; que l'autre surveillante, sortie du réfectoire pour appeler les secours, a rencontré dans la cour de l'école M. F..., auquel elle a demandé d'appeler les secours sur le téléphone portable dont elle savait qu'il était en sa possession, et MmeE..., professeur des écoles, titulaire d'un brevet de secourisme, qui a été requise pour dispenser les premiers soins àI... ; que l'intervention de M. F...et celle de Mme E...ont été concomitantes ; qu'après avoir observé la victime pendant " vingt secondes " selon ses dires, M. F...a appelé les pompiers puis passé son téléphone à MmeA..., cantinière, plus apte à les renseigner ; que les tentatives de Mme E...pour faire recracher à I...le morceau de viande qui obstruait ses voies respiratoires ont eu lieu durant cet appel, d'une durée de 2 minutes 59 secondes, et les minutes qui ont suivi dans l'attente de l'arrivée des secours ; qu'ainsi il ne ressort pas de l'instruction qu'un délai supérieur à celui qui était nécessaire aux personnels présents pour apprécier la gravité de la situation et déterminer les mesures à prendre, se soit écoulé entre l'accident survenu à I...et l'appel des secours ; qu'aucune faute de service de nature à engager la responsabilité de la commune de Saint-Maur-des-Fossés ne peut être retenue de ce fait ;

14. Considérant que le réfectoire où l'accident a eu lieu n'était pas doté d'un poste téléphonique, ce qui imposait ainsi, pour appeler des secours, de recourir à un poste téléphonique extérieur ; que les personnels présents ont indiqué que seul était accessible celui situé dans un préau voisin, dont l'enquête de police a révélé que son existence n'était pas connue de tous les agents concernés et qu'il ne comportait l'indication ni des numéros des services d'urgence ni de la procédure à accomplir pour obtenir un correspondant extérieur ; que les postes téléphoniques situés dans le bureau du directeur de l'école et dans la loge de la gardienne n'étaient pas accessibles ; qu'en tout état de cause, les emplacements de ces postes téléphoniques ne permettaient pas un dialogue avec les secours en conservant un contact visuel avec la victime ; que la carence à mettre à la disposition du personnel de surveillance de la cantine un poste téléphonique lui permettant, en cas d'accident, d'alerter immédiatement les secours et de dispenser des soins sous la direction de son interlocuteur constitue une faute dans l'organisation du service de nature à engager la responsabilité de la commune de Saint-Maur-des-Fossés ;

15. Considérant toutefois que, les secours ayant pu être alertés, ainsi qu'il a été dit au point 10 ci-dessus, sans que cette carence ait été à l'origine d'un retard grâce à l'utilisation du téléphone portable personnel d'un animateur, cette faute n'a pu en l'espèce être directement à l'origine d'aucun préjudice ;

16. Considérant en outre, que les soins prodigués à I...par le personnel de l'établissement, s'ils n'ont pu rétablir sa fonction respiratoire, relevaient d'un protocole adapté au traitement d'une " fausse route " alimentaire, ont au demeurant été poursuivis par les pompiers, et n'étaient pas de nature à aggraver son état ; qu'aucune faute ne peut dès lors être retenue à...;

17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme H...n'est pas fondée à demander à la commune de Saint-Maur-des-Fossés la réparation de tout ou partie des préjudices subis par I...du fait de l'accident dont elle a été victime le 4 septembre 2008 ; que les conclusions de Mme H... tendant à ce que soit ordonnée une expertise et à ce que lui soit accordée une indemnité provisionnelle, ne peuvent en conséquence qu'être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la commune de Saint-Maur-des-Fossés relatives à la responsabilité de l'État ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant qu'aux termes de cet article : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

19. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit accordée sur leur fondement à Mme H...et la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne ;

20. Considérant qu'il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme H...une quelconque somme au bénéfice de la commune de Saint-Maur-des-Fossés ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme H...et l'intervention de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Saint-Maur-des-Fossés relatives aux frais irrépétibles sont rejetées.

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N° 10PA05424


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA05424
Date de la décision : 21/02/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PERRIER
Rapporteur ?: M. Olivier ROUSSET
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : CABINET JCVBRL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-02-21;10pa05424 ?
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