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07/03/2013 | FRANCE | N°11PA04092

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 07 mars 2013, 11PA04092


Vu la requête, enregistrée le 9 septembre 2011, et le mémoire complémentaire enregistré le 1er décembre 2011, présentés pour la société anonyme Lil'Export, représentée par Me Moyrand, liquidateur judiciaire, demeurant 14-16, rue de Lorraine à Bobigny (93011), par Me Marsaudon ; la société Lil'Export demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0920881 du 6 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité de 5 500 000 euros et une somme de 390 467 euros lui restant du

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2°) de condamner l'Etat à lui verser lesdites sommes ;

3°) de mettre ...

Vu la requête, enregistrée le 9 septembre 2011, et le mémoire complémentaire enregistré le 1er décembre 2011, présentés pour la société anonyme Lil'Export, représentée par Me Moyrand, liquidateur judiciaire, demeurant 14-16, rue de Lorraine à Bobigny (93011), par Me Marsaudon ; la société Lil'Export demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0920881 du 6 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité de 5 500 000 euros et une somme de 390 467 euros lui restant due ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser lesdites sommes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

Vu la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution ;

Vu la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 février 2013 :

- le rapport de M. Bossuroy,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public ;

1. Considérant que la société Lil'Export recherche la responsabilité de l'Etat en raison de divers préjudices consécutifs à sa mise en redressement judiciaire et à sa liquidation, qu'elle aurait subis à l'occasion des procédures de contrôle, de redressement et de recouvrement menées à son encontre ; qu'elle relève appel du jugement du 6 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat lui verse des indemnités d'un montant total de 5 500 000 euros en réparation de ses préjudices et soit condamné à lui rembourser une somme de 390 467 euros ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que les premiers juges ont répondu aux moyens de la société Lil'Export tirés de ce que les dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative et de l'article 19 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations s'opposaient à ce que l'administration puisse invoquer la prescription quadriennale prévue par les dispositions de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ; que, dès lors, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation du jugement attaqué doit être, en tout état de cause, écarté :

Sur l'existence de fautes commises par l'administration :

3. Considérant qu'une faute commise par l'administration lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement et de recouvrement de l'impôt est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard du contribuable ou de toute autre personne si elle leur a directement causé un préjudice ; qu'un tel préjudice, qui ne saurait résulter du seul paiement de l'impôt, peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration et, le cas échéant, des troubles dans ses conditions d'existence dont le contribuable justifie ; que le préjudice invoqué ne trouve pas sa cause directe et certaine dans la faute de l'administration si celle-ci établit soit qu'elle aurait pris la même décision d'imposition si elle avait respecté les formalités prescrites ou fait reposer son appréciation sur des éléments qu'elle avait omis de prendre en compte, soit qu'une autre base légale que celle initialement retenue justifie l'imposition ; qu'enfin l'administration peut invoquer le fait du contribuable ou, s'il n'est pas le contribuable, du demandeur d'indemnité comme cause d'atténuation ou d'exonération de sa responsabilité ; qu'en l'espèce la requérante soutient que des fautes ont été commises tant par les services chargés de l'établissement de l'impôt que par ceux chargés du recouvrement ;

En ce qui concerne les fautes alléguées commises par les services chargés de l'établissement de l'impôt :

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a procédé à une vérification de comptabilité de la société Lil'Export à la suite de laquelle elle a lui a notifié les 19 décembre 1997, 21 juillet 1998 et 23 décembre 1998 des propositions de redressements en matière de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er avril 1994 au 31 juillet 1997, en matière d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos le 31 août 1995 et le 31 octobre 1996 et de retenue à la source au titre des mêmes exercices ; qu'à la suite des observations présentées par la société, les redressements ont été confirmés par lettres des 24 juin et 1er juillet 1999 ; que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, non soumis à l'avis de la commission départementale des impôts, ont été mis en recouvrement le 7 septembre 2000 pour un montant total de 1 325 995 euros, droits et pénalités comprises ; que, par un avis du 8 décembre 2000, la commission départementale des impôts a émis un avis favorable à l'ensemble des autres impositions ; que l'avis de la commission n'ayant été notifié à la société que le 23 juillet 2002, les compléments d'impôt sur les sociétés et les cotisations de retenues à la source n'ont pas été mises en recouvrement en raison de l'intervention de la prescription du droit de reprise de l'administration ; que l'administration a prononcé en premier lieu le 25 avril 2002 la décharge des pénalités afférentes à la taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions de l'article 1740 octies du code général des impôts alors applicables et, en second lieu, à la suite de la saisine du tribunal administratif, la décharge des droits en principal le 23 janvier 2004 en raison d'une irrégularité de forme de l'avis de mise en recouvrement du 7 septembre 2000 ;

5. Considérant, d'une part, que l'absence de mise en recouvrement, en raison de la prescription, des compléments d'impôt sur les sociétés et de retenue à la source qui auraient dû résulter des redressements parfaitement motivés envisagés, ne saurait constituer une faute de l'administration susceptible de causer un dommage au contribuable ni, contrairement à ce que soutiennent la société requérante, une reconnaissance de sa part du caractère non fondé de ces redressements ; que la société Lil'Export ne formule d'ailleurs aucune critique sur le bien fondé des redressements notifiés ;

6. Considérant, d'autre part, que le caractère erroné des montants portés sur l'avis de mise en recouvrement pour un total de 8 697 563 F, qui a motivé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ne constitue pas une faute pouvant être regardée comme la cause directe et certaine des préjudices allégués dès lors que l'administration soutient, sans être contredite, que les redressements concernant cet impôt, qui avaient fait l'objet d'une motivation régulière au cours de la procédure d'imposition, étaient fondés et qu'il résulte de l'instruction que les droits et pénalités en résultant auraient dû s'élever à une somme de 19 736 303 F, supérieure à la somme portée sur l'avis de mise en recouvrement ;

7. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 1740 octies du code général des impôts, en vigueur à la date de la mise en recouvrement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes : " En cas de redressement ou de liquidation judiciaires, les frais de poursuite et les pénalités fiscales encourues en matière d'impôts directs et taxes assimilées dus à la date du jugement d'ouverture, de taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées dues à la date du jugement d'ouverture, de droits d'enregistrement, taxe de publicité foncière, droits de timbre et autres droits et taxes assimilés dus à la date du jugement d'ouverture sont remis, à l'exception des majorations prévues au 3 de l'article 1728 et aux articles 1729 et 1730 et des amendes fiscales visées aux articles 1740 ter, 1740 quater et 1827 " ; que si l'administration a mis à la charge de la société Lil'export des intérêts de retard après la mise en redressement judiciaire de la société, intervenue le 21 juillet 1999, les requérants n'apportent aucun élément de nature à établir que cette mise en recouvrement a pu être la cause de la liquidation judiciaire ultérieure de la société ; que, par ailleurs, le service a prononcé le dégrèvement de ces intérêts de retard dès le 25 avril 2002 après sa mise en liquidation intervenue le 25 mars 2002 ;

En ce qui concerne les fautes alléguées commises par les services chargés du recouvrement de l'impôt :

8. Considérant, d'une part, qu'aux termes des dispositions de l'article 67 de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution : " Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement " ; que, par application de ces dispositions, le receveur principal des impôts d'Aubervilliers Nord a été autorisé par une décision du juge de l'exécution de Bobigny du 9 mars 1999 à pratiquer des saisies conservatoires sur les comptes bancaires de la société Lil'Export, sur ses comptes clients, sur ses stocks, son matériel et outillage, son mobilier et son matériel de bureau et sur des sommes d'argent dues par la trésorerie de Bobigny, pour un montant total de 13 977 950 F ; que les allégations selon lesquelles le receveur aurait donné de fausses informations au juge de l'exécution pour obtenir l'autorisation d'effectuer les saisies conservatoires, ne sont appuyées d'aucun élément de preuve ; que le moyen tiré de ce que le comptable chargé du recouvrement de l'impôt se serait, ainsi, livré, selon les écritures du requérant, à une " voie de fait " n'est, en tout état de cause, nullement établi ; que les services chargés du recouvrement n'ont par suite commis aucune faute en effectuant des saisies conservatoires conformément à la loi ;

9. Considérant, d'autre part, que les services chargés du recouvrement n'ont commis aucune faute en ne délivrant pas des mainlevées partielles des saisies conservatoires opérées lorsque les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis en recouvrement pour un montant inférieur, le 7 septembre 2000, dès lors que d'autres mises en recouvrement étaient alors susceptibles d'être effectuées ; que la circonstance que l'administration n'aurait pas délivré de telles mainlevées après le dégrèvement total des rappels de taxe sur la valeur ajoutée effectué le 23 janvier 2004 ne peut être regardée comme la cause directe et certaine des préjudices allégués, consécutifs à la mise en redressement et à la mise en liquidation de la société, intervenues respectivement dès le mois de juillet 1999 et le mois de mars 2002 ;

10. Considérant que les motifs précédents du présent arrêt conduisant nécessairement au rejet de la requête, il n'y a pas lieu d'examiner les autres moyens présentés par la société Lil'export, tirés de ce que l'administration ne pouvait lui opposer la prescription quadriennale des créances de l'Etat, que les fautes alléguées sont la cause directe de la liquidation de la société et que les montants des divers préjudices subis sont justifiés ;

Sur la demande de remboursement d'une somme de 390 467 euros :

11. Considérant que la société ne justifie nullement que le Trésor serait redevable de cette somme à son égard que ce soit au titre d'un excédent d'impôt sur les sociétés de 119 434 euros, ou de créances issues de reports en arrière de déficits pour des montants respectifs de 203 581 euros et 67 452 euros ; que ces conclusions ne peuvent, pour ce motif, qu'être en tout état de cause, rejetées ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Lil'Export n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Lil'Export est rejetée.

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N° 11PA04092


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA04092
Date de la décision : 07/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-02-02 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité. Responsabilité pour faute. Application d'un régime de faute simple.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: M. François BOSSUROY
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SCP ARCIL, MARSAUDON et FISCHER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-03-07;11pa04092 ?
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