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11/04/2013 | FRANCE | N°11PA03448

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 11 avril 2013, 11PA03448


Vu la requête, enregistrée le 28 juillet 2011, présentée pour la société Euro Park Service venant aux droits de la société Cairnbulg Creil, dont le siège est 81 rue Jean-Baptiste Gillardin à Petange (L 4735), Luxembourg, par Me Lecocq ; la société Euro Park Service demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901434/1-1 du 6 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie

au titre de l'exercice clos le 26 novembre 2004, ainsi que des pénalités y aff...

Vu la requête, enregistrée le 28 juillet 2011, présentée pour la société Euro Park Service venant aux droits de la société Cairnbulg Creil, dont le siège est 81 rue Jean-Baptiste Gillardin à Petange (L 4735), Luxembourg, par Me Lecocq ; la société Euro Park Service demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901434/1-1 du 6 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 26 novembre 2004, ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu la directive n° 90/434/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990 modifiée, concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'Etats membres différents ;

Vu la convention fiscale conclue entre la France et le Grand-duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée le 1er avril 1958, modifiée par l'avenant du 8 septembre 1970 ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mars 2013 :

- le rapport de Mme Appèche, président-rapporteur,

- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public,

- et les observations de Me Castro, pour la société Euro Park Service venant aux droits de la SCI Cairnbulg Creil ;

Et connaissance prise de la note en délibéré produite le 27 mars 2013 pour la société requérante par Me Castro ;

1. Considérant que la société Euro Park Service venant aux droits de la SCI Cairnbulg Creil relève appel du jugement n° 0901431/1-1 du 6 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie à la suite du redressement du résultat de la SCI Cairnbulg Creil au titre de l'exercice clos le 26 novembre 2004, ainsi que des pénalités y afférentes ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ; que si la société requérante, en soutenant que le jugement " omet de motiver (...) l'intention délibérée de frauder de la société ", a entendu contester la régularité du jugement au motif qu'il ne satisferait pas à l'obligation de motivation posée par la disposition susénoncée, un tel moyen manque en fait ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les rehaussements d'imposition litigieux ont été opérés après un contrôle sur pièces du dossier de la SCI Cairnbulg Creil, et notamment au vu de la déclaration de résultat déposée par celle-ci au titre de l'exercice débutant le 1er janvier 2004 et clos le 26 novembre 2004, date fixée pour la dissolution de la société en application de l'article 1844-5 du code civil et la transmission universelle de son patrimoine à son associé unique, la société Euro Park Service ; que si, dans la proposition de rectification des bases imposables à l'impôt sur les sociétés dû à raison de l'activité de cette société au titre de ce dernier exercice, le vérificateur a fait état de modifications intervenues au sein du groupe Cairnbulg à la suite de prises de participations, il ne résulte pas de l'instruction que le service des impôts, qui ne s'est pas déplacé dans les locaux de la SCI Cairnbulg Creil, aurait procédé pour ce faire ou à cette occasion à un examen critique de la comptabilité de cette société, non plus qu'à une vérification des déclarations de celle-ci en les comparant à ses écritures comptables ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait engagé, en fait, une vérification de comptabilité sans respecter la procédure requise et sans notamment lui avoir adressé au préalable un avis de vérification ;

Sur le bien-fondé des impositions litigeuses :

En ce qui concerne le droit interne :

S'agissant de l'application de la loi :

4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 221 du code général des impôts : " (...) 2. En cas de dissolution, de transformation entraînant la création d'une personne morale nouvelle, d'apport en société, de fusion,... [de transfert du siège ou d'un établissement à l'étranger], l'impôt sur les sociétés est établi dans les conditions prévues aux 1 et 3 de l'article 201 (...) " et qu'aux termes de l'article 201 du même code : " 1. Dans le cas de cession ou de cessation, en totalité ou en partie, d'une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou minière (...), l'impôt sur le revenu dû en raison des bénéfices réalisés dans cette entreprise ou exploitation et qui n'ont pas encore été imposés est immédiatement établi (...)3. Les contribuables assujettis à un régime réel d'imposition sont tenus de faire parvenir à l'administration, dans le délai de soixante jours déterminé comme indiqué au 1, la déclaration de leur bénéfice réel accompagnée d'un résumé de leur compte de résultat " ;

5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 210 A du code général des impôts : " 1. Les plus-values nettes et les profits dégagés sur l'ensemble des éléments d'actif apportés du fait d'une fusion ne sont pas soumis à l'impôt sur les sociétés (...) 3. L'application de ces dispositions est subordonnée à la condition que la société absorbante s'engage, dans l'acte de fusion, à respecter les prescriptions suivantes : (...) b. elle doit se substituer à la société absorbée pour la réintégration des résultats dont la prise en compte avait été différée pour l'imposition de cette dernière ; c. elle doit calculer les plus-values réalisées ultérieurement à l'occasion de la cession des immobilisations non amortissables qui lui sont apportées d'après la valeur qu'elles avaient, du point de vue fiscal, dans les écritures de la société absorbée ; d. elle doit réintégrer dans ses bénéfices imposables les plus-values dégagées lors de l'apport des biens amortissables (...) " ; qu'aux termes de l'article 210 C du même code : " 1. Les dispositions des articles 210A et 210 B s'appliquent aux opérations auxquelles participent exclusivement des personnes morales ou organismes passibles de l'impôt sur les sociétés (...) 2. Ces dispositions ne sont applicables aux apports faits à des personnes morales étrangères par des personnes morales françaises que si ces apports ont été préalablement agréés dans les conditions prévues au 3 de l'article 210 B (...) " et qu'aux termes du 3 de l'article 210 B de ce code : " (...) 3. Lorsque les conditions énumérées au 1 ne sont pas remplies, les dispositions de l'article 210 A s'appliquent aux apports partiels d'actif (...) sur agrément délivré dans les conditions prévues à l'article 1649 nonies. L'agrément est délivré lorsque, compte tenu des éléments faisant l'objet de l'apport : a. l'opération est justifiée par un motif économique, se traduisant notamment par l'exercice par la société bénéficiaire de l'apport d'une activité autonome ou l'amélioration des structures, ainsi que par une association entre les parties ; b. l'opération n'a pas comme objectif principal ou comme un de ses objectifs principaux la fraude ou l'évasion fiscales ; c. les modalités de l'opération permettent d'assurer l'imposition future des plus-values mises en sursis d'imposition " ;

6. Considérant qu'en principe, en application des dispositions combinées des articles 221 et 201 du code général des impôts, la dissolution, la fusion ou la cessation d'une entreprise entraine son imposition immédiate à raison de l'ensemble des bénéfices non encore taxés qu'elle a réalisés, y compris des plus-values constatées et des provisions non encore réintégrées ; que, toutefois, un régime spécial défini aux articles 210 A à C susénoncés a été instauré qui permet, en cas de fusion, de surseoir à cette imposition sous certaines conditions, que ces articles précisent ;

7. Considérant que la SCI Cairnbulg Creil, qui a, le 26 novembre 2004, fait l'objet, de la part et au profit de son associé unique, la société de droit luxembourgeois Euro Park Service, de la dissolution sans liquidation prévue à l'article 1844-5 du code civil, a, le 25 janvier 2005, souscrit sa déclaration de résultats pour l'exercice clos le 26 novembre 2004 et opté pour le régime spécial des fusions prévu aux articles 210 A et suivants du code général des impôt ; qu'elle n'a en conséquence pas soumis à l'impôt sur les sociétés les plus-values nettes et les profits dégagés sur les actifs dont elle avait fait apport à la société Euro Park Service, apports qui, constitués de biens immobiliers, ont été évalués à leur valeur nette comptable, soit 3 697 457 euros, dans l'acte notarié du 19 avril 2005 constatant la transmission universelle du patrimoine en faveur de l'absorbante, la société Euro Park Service ; que cette dernière a cédé le même jour ces mêmes biens immobiliers à la SCI IBC Marais au prix de 17 959 000 euros, la valeur vénale que ces éléments d'actif avaient acquise au 26 novembre 2004 ayant été estimée à 17 444 942 euros ;

8. Considérant que le vérificateur a, d'une part, constaté que la SCI Cairnbulg Creil n'avait pas sollicité l'agrément ministériel prévu par le 2. de l'article 210 C du code général des impôts, agrément qui était requis dès lors que le bénéficiaire des apports, la société Euro Park Service, était une société étrangère, d'autre part, estimé que cet agrément n'aurait en toute hypothèse pas été accordé à l'intéressée au motif que sa dissolution, loin d'être justifiée par une raison économique, poursuivait un but de fraude ou d'évasion fiscale ; que, tirant les conséquences de son analyse, le vérificateur a remis en cause l'application du régime spécial des fusions prévu à l'article 210 A du code général des impôts, issu de la directive européenne du 23 juillet 1990 susvisée, et a rehaussé l'assiette de l'impôt sur les sociétés et de la contribution additionnelle de la SCI Cairnbulg Creil, aux droits et obligations de laquelle vient la société Euro Park Service, d'un montant de 13 747 485 euros ; que ce montant, correspondant à la différence entre celui de 17 444 942 euros, valeur vénale de l'actif immobilier en cause au 26 novembre 2004, et celui de 3 697 457 euros, valeur nette comptable pour laquelle cet actif était inscrit à la même date, représentait, selon le service fiscal, la plus-value immobilière que la SCI aurait dû constater et déclarer le 26 novembre 2004, date de clôture de l'exercice en cause ; que, dès lors qu'il est constant que la SCI Cairnbulg Creil n'a pas obtenu, ni même d'ailleurs sollicité l'agrément susmentionné, l'administration était fondée, pour ce seul motif, à remettre en cause le bénéfice du régime spécial des fusions dont cette société avait spontanément fait application ; qu'en tout état de cause, et comme exposé ci-dessous, l'opération susdécrite ne répondant pas, comme l'a relevé l'administration, à un motif économique mais poursuivant un objectif principal, voire exclusif de fraude ou d'évasion fiscale, les conditions de délivrance de l'agrément et donc d'éligibilité au régime spécial d'imposition défini à l'article 210 A du code général des impôts n'étaient pas satisfaites ;

S'agissant de la doctrine administrative :

9. Considérant que la société Euro Park Service ne peut utilement se prévaloir, pour contester l'imposition du résultat de la SCI Cairnbulg Creil, société résidente de France, de la réponse faite le 30 novembre 2004 à M. Zimmermann, député, concernant les entreprises situées hors de France et relative, au surplus, à l'application du prélèvement prévu aux articles 244 bis et 244 bis A du code général des impôt ;

En ce qui concerne le droit conventionnel :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la convention signée le 1er avril 1958 par la France et le Luxembourg, relatif aux bénéfices industriels et commerciaux : " 1. Les revenus des entreprises industrielles, minières, commerciales ou financières ne sont imposables que dans l'Etat sur le territoire duquel se trouve un établissement stable (...) " ;

11. Considérant, en premier lieu, que la société Euro Park Service ne saurait utilement soutenir qu'en sa qualité de société résidente du Luxembourg ne disposant pas d'un établissement stable en France, la plus-value immobilière litigieuse était, conformément aux stipulations précitées de la convention franco-luxembourgeoise, exonérée en France d'impôt sur les sociétés, dès lors que, compte tenu de la remise en cause du régime spécial des fusions, l'imposition contestée a pour fait générateur non pas la cession, effectuée le 19 avril 2005 par ses soins, de l'actif immobilier en cause, mais la dissolution de la SCI Cairnbulg Creil, société française, qui a pris effet le 26 novembre 2004 ; que cette dissolution vaut cession au sens de l'article 201 du code général des impôts et, sauf bénéfice du régime spécial prévu à l'article 210 A du même code, emporte imposition immédiate des bénéfices réalisés, au nombre desquels figure la plus-value immobilière en cause, dont le montant non contesté est égal à la différence entre la valeur vénale des biens immobiliers à la date de la dissolution et leur valeur nette comptable portée au bilan ;

12. Considérant, en second lieu, que la société Euro Park Service n'est pas fondée à soutenir que la plus-value latente sur la valorisation de l'actif immobilier aurait dû être taxée à la date du 19 avril 2005, et donc entre ses mains, dès lors que la date d'effet de la dissolution par l'actionnaire unique a été fixée au 26 novembre 2004, date que l'administration était fondée à retenir pour imposer entre les mains de la SCI Cairnbulg Creil, société établie en France, le résultat constaté par celle-ci à la clôture de cet exercice ;

En ce qui concerne le droit communautaire :

13. Considérant que la société Euro Park Service soutient que les dispositions du 2. de l'article 210 C du code général des impôts, qui subordonnent le bénéfice du régime spécial des fusions à la délivrance d'un agrément uniquement lorsque le bénéficiaire des opérations de fusion est une société étrangère et soumettent, dans ce cas, l'obtention de cet agrément à des conditions qui ne sont pas imposées lorsque de telles opérations ne revêtent pas un caractère transfrontalier, sont incompatibles avec l'article 43 du traité de Rome (devenu article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne) qui prohibe les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat, liberté qui comporte notamment l'accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d'entreprises et, notamment, de sociétés au sens de l'article 58 de ce traité, dans les conditions définies par la législation du pays d'établissement pour ses propres ressortissants ;

14. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, en premier lieu, qu'une restriction à la liberté d'établissement ne saurait être admise que si elle poursuit un objectif légitime compatible avec ledit traité et est justifiée par des raisons impérieuses d'intérêt général, en deuxième lieu, que la lutte contre l'évasion fiscale est au nombre de ces objectifs légitimes compatibles avec le traité et que les Etats membres peuvent poursuivre et répond à une raison impérieuse d'intérêt général, en dernier lieu, que, pour ce qui concerne la justification tirée de l'objectif de prévenir l'évasion fiscale, ne peuvent être admises que les restrictions répondant à la nécessité de faire obstacle à des comportements consistant à créer des montages artificiels dans le but d'éluder l'impôt dû sur les bénéfices générés par des activités réalisées sur le territoire national ; qu'en outre, un ressortissant communautaire ne peut utilement se prévaloir de l'incompatibilité d'une norme nationale par rapport au droit communautaire en tant, notamment, qu'elle serait à l'origine d'une restriction à la liberté d'établissement à raison de sa nationalité que si, dans la situation qui est la sienne, les règles issues du droit interne conduisent à le pénaliser au regard de ce à quoi il pourrait prétendre en vertu des dispositions communautaires et, en particulier, des directives, ayant le même objet ;

15. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la directive européenne du 23 juillet 1990 susvisée, qui concerne précisément le régime fiscal commun applicables aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'Etats membres différents : " Chaque Etat membre applique la présente directive aux opérations de fusion, de scission, d'apport d'actifs et d'échange d'actions qui concernent des sociétés de deux ou plusieurs Etats membres ", qu'aux termes de l'article 4 du titre II de cette directive, relatif aux règles applicables aux fusions, scissions et échanges d'actions : " 1. La fusion ou la scission n'entraîne aucune imposition des plus-values qui sont déterminées par différence entre la valeur réelle des éléments d 'actif et de passif transférés et leur valeur fiscale (...) " et qu'aux termes de l'article 11 de cette directive : " 1.Un Etat membre peut refuser d'appliquer tout ou partie des dispositions des titres II, III et IV ou en retirer le bénéfice lorsque l'opération de fusion, de scission, d'apports d'actif ou d'échange d'actions : a) a comme objectif principal ou comme un de ses objectifs principaux la fraude ou l'évasion fiscales ; le fait qu'une des opérations visées à l'article 1er n'est pas effectuée pour des motifs économiques valables, tels que la restructuration ou la rationalisation des activités des sociétés participant à l'opération, peut constituer une présomption que cette opération a comme objectif principal ou comme un de ses objectifs principaux la fraude ou l'évasion fiscales (...) " ;

16. Considérant, en premier lieu, que, pour établir que l'opération en cause, ayant consisté en la dissolution sans liquidation de la SCI Cairnbulg Creil, décidée le 26 novembre 2004, puis enregistrée à la recette des impôts le 2 décembre suivant, au profit de la société de droit luxembourgeois Euro Park Service, société confondante, avait pour objectif principal la fraude ou l'évasion fiscale, l'administration relève que cette opération, d'une part, a été rendue possible par l'achat par la société requérante, le 21 décembre 2004, avec effet anticipé au 25 novembre 2004, de l'intégralité des parts de la société Cairnbulg Properties n° 1, laquelle était devenue l'unique propriétaire de la SCI Cairnbulg Creil après avoir acheté, le 19 novembre 2004, les parts, représentatives de 1 % du capital de cette société, que détenait M. Jones, par ailleurs dirigeant de la société requérante et gérant de la SCI, d'autre part, a permis à l'intéressée de faire entrer dans son actif les immeubles détenus par cette SCI au bilan de laquelle ils figuraient pour leur valeur nette comptable de 3 697 457 euros, valeur reprise dans l'acte notarié du 19 avril 2005 constatant la transmission universelle de patrimoine au profit de la société Euro Park Service, laquelle, le même jour, a cédé lesdits biens au prix de 17 959 000 euros à la SCI de droit français IBC Marais, membre du groupe IBC Lux ; qu'en outre, il est constant que pareille opération a été menée à l'égard de deux autres sociétés du même groupe, la SCI Cairnbulg Rognac et la SCI Cairnbulg Nanteuil, permettant ainsi le transfert de leurs biens immobiliers au profit de la société Euro Park Service, laquelle les a cédés dans les semaines qui ont suivi à des prix largement supérieurs à ceux résultant de leurs valeurs nettes comptables ; qu'en se bornant à soutenir que l'opération poursuivait un but économique consistant à restructurer un groupe de sociétés sous une entité unique et à réduire les frais de gestion afférents à l'activité de ces sociétés, alors qu'elle a cédé très rapidement les actifs immobiliers qu'elles détenaient, la société Euro Park Service n'invalide pas utilement l'analyse de l'administration selon laquelle les opérations en cause n'ont été réalisées que pour faire échapper à la taxation la plus-value immobilière qu'aurait dégagée la SCI Cairnbulg Creil si elle avait cédé directement ses actifs immobiliers ; qu'en effet, en se plaçant sous le régime de faveur prévu à l'article 210 A du code général des impôts, ce que lui permettait sa dissolution sans liquidation au profit de la société Euro Park Service, de droit luxembourgeois, la SCI Cairnbulg Creil entendait éviter d'être imposée immédiatement et permettre à cette dernière, résidente du Luxembourg ne disposant pas d'un établissement stable en France, de revendiquer, en application des stipulations susrappelées de l'article 4 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958, l'absence d'imposition à son nom lors de la revente des immeubles, intervenue dans un délai très rapproché ; qu'ainsi, le regroupement des actifs immobiliers détenus par la SCI Cairnbulg Creil et par deux autres SCI du groupe Cairnbulg au sein d'une même entité, la société Euro Park Service, laquelle n'a jamais eu l'intention d'exploiter ces biens immobiliers, qu'elle a revendus très rapidement après leur entrée dans son patrimoine et pour la cession desquels elle n'a pas même créé d'établissement stable en France, n'était pas inspiré par des motifs économiques valables ;

17. Considérant, en second lieu, que la société Euro Park Service fait valoir que, si elle n'avait pas été étrangère, le régime de faveur prévu à l'article 210 A du code général des impôts lui eût été applicable de plein droit, sans qu'il eût été pour elle nécessaire d'obtenir l'agrément, prévu par les dispositions de l'article 210 C du même code, et invoque le caractère incompatible de ce texte avec le principe communautaire de liberté d'établissement ; que, toutefois, en subordonnant le bénéfice du régime fiscal particulier à l'obtention d'un agrément dans le cas d'apports faits à des personnes morales étrangères par des personnes morales françaises, agrément au demeurant également exigé dans le cas d'opérations entre sociétés françaises, lorsque les conditions énumérées au 1. de l'article 210 A du code général des impôts ne sont pas remplies, l'article 210 C dudit code ne saurait être considéré comme posant une contrainte incompatible avec le principe de liberté d'établissement posé par l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, mais répond seulement à la nécessité, comme le permet le droit communautaire et notamment l'article 11 de la directive du 23 juillet 1990 susvisée, de s'assurer que le régime fiscal favorable des fusions ne bénéficie pas à des opérations ayant comme objectif principal ou comme un de leurs objectifs principaux la fraude ou l'évasion fiscale ; que la société requérante ne saurait à cet égard utilement se prévaloir de décisions rendues par la Cour de justice de l'Union européenne à propos d'un régime de taxation immédiate de plus-values latentes applicable, de manière systématique, dans le cas différent du transfert par une société de son siège social et de sa direction effective d'un Etat membre à un autre Etat membre ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la question de la compatibilité de l'article 210 C du code général des impôts avec l'article 49 du traité susvisé, le moyen tiré de cette incompatibilité doit être écarté ;

En ce qui concerne le respect des principes constitutionnels :

18. Considérant que, par une ordonnance en date du 27 juin 2011, le vice-président de section du Tribunal administratif de Paris a refusé de transmettre la question de la constitutionnalité des dispositions des articles 210 A, 210 B et 210 C du code général des impôts, posée en première instance par la société requérante ; que celle-ci n'a pas, dans le délai et dans les formes requis par les dispositions de l'article R. 771-12 du code de justice administrative, contesté ce refus ; que, si en invoquant le droit constitutionnel dans ses écritures d'appel, elle a entendu invoquer la non-conformité des articles 210 A à 210 C du code général des impôts au regard de l'article 1er de la Constitution ou du principe d'égalité des citoyens devant l'impôt, garanti par la Déclaration de 1789, notamment à ses articles 6 et 13, il n'appartient pas au juge administratif, en dehors des cas visés aux articles 23-1 et suivants de l'ordonnance susvisée n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, de connaître d'un tel moyen ;

Sur la majoration pour manquement délibéré :

19. Considérant que la société Euro Park Service ne peut utilement, au soutien de ses conclusions à fin de décharge de la majoration pour manquement délibéré, faire valoir qu'au jour de la cession par ses soins des biens immobiliers qu'elle avait reçus de la société Cairnbulg Creil, aucune plus-value n'était taxable du fait de sa qualité de société luxembourgeoise dépourvue d'établissement stable, dès lors que la majoration pour manquement délibéré en cause n'assortit pas les suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle qui lui auraient été assignés à raison de cette cession, mais est appliquée aux suppléments d'imposition résultant de la remise en cause du régime de faveur que s'est appliqué, sans même solliciter l'agrément requis, la société Cairnbulg Creil lorsqu'elle a été dissoute sans liquidation au profit de l'intéressée ; qu'il résulte de ce qui précède, et notamment de la chronologie des différentes étapes ayant conduit à l'opération en cause, que celle-ci avait comme objectif la fraude ou l'évasion fiscale et que c'est dans ce but que la société Cairnbulg Creil s'est abstenue de demander l'agrément prévu à l'article 210 C du code général des impôts ; que la circonstance que l'opération de transmission de patrimoine ait été mentionnée dans les déclarations déposées le 25 janvier 2005 ne saurait suffire à démontrer sa bonne foi ; que la circonstance que la société requérante aurait chargé le cabinet KPMG d'une étude portant sur les conséquences fiscales des opérations qu'elle envisageait et que les conclusions de cette étude auraient été avalisées par les autorités fiscales luxembourgeoises en ce qu'elles affirmaient notamment que les " plus-values sur vente de titres ne sont imposables que dans l'Etat du domicile fiscal du bénéficiaire, c'est à dire le Luxembourg, dans le cas de découverte des plus-values sur la participation détenue par les CP [Cairnbulg Properties] dans les SCI françaises, dont le principal actif est un immeuble en France... si une plus-value est réalisée sur la vente de l'immeuble, celle-ci est exonérée au Luxembourg... " n'est assurément pas davantage de nature à infirmer l'existence d'une volonté délibérée d'éluder l'impôt, qui doit être regardée comme suffisamment établie par l'administration ;

20. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société Euro Park n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, le versement à la société Euro Park Service de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Euro Park Service venant aux droits de la société Cairnbulg Creil est rejetée.

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N° 08PA04258

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N° 11PA03448


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA03448
Date de la décision : 11/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : CASTRO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-04-11;11pa03448 ?
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