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22/04/2013 | FRANCE | N°10PA02902

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 22 avril 2013, 10PA02902


Vu la requête, enregistrée le 14 juin 2010, présentée pour la société Entreprise spécialisée en activités ferroviaires (ESAF), dont le siège est Euroflory Parc n° 6 à Berre-l'étang (13130), par Me B... ; l'Entreprise spécialisée en activités ferroviaires (ESAF) demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0710934/3-1 du 6 avril 2010 du Tribunal Administratif de Paris en tant qu'il a rejeté à hauteur de la somme de 132 668, 21 euros toutes taxes comprises sa demande tendant à ce que la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) soit condamnée à lu

i payer le montant des travaux supplémentaires réalisés à l'occasion d'un marché...

Vu la requête, enregistrée le 14 juin 2010, présentée pour la société Entreprise spécialisée en activités ferroviaires (ESAF), dont le siège est Euroflory Parc n° 6 à Berre-l'étang (13130), par Me B... ; l'Entreprise spécialisée en activités ferroviaires (ESAF) demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0710934/3-1 du 6 avril 2010 du Tribunal Administratif de Paris en tant qu'il a rejeté à hauteur de la somme de 132 668, 21 euros toutes taxes comprises sa demande tendant à ce que la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) soit condamnée à lui payer le montant des travaux supplémentaires réalisés à l'occasion d'un marché de renouvellement de voies dans la gare de Lancey ;

2°) de condamner solidairement la SNCF et Réseau ferré de France (RFF) la somme de 124 55 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts légaux à compter du 12 octobre 2006 ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la SNCF et Réseau ferré de France (RFF) la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier;

Vu le cahier des clauses et conditions générales applicables aux marchés de travaux de la SNCF ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du :

- le rapport de Mme Terrasse,

- et les conclusions de M. Dewailly, rapporteur public ;

- les observations de Me A...représentant la société SNCF,

- les observations de Me B...représentant la société ESAF,

1. Considérant que, par un ordre d'exécution en date du 15 septembre 2005, la Société nationale des chemins de fer (SNCF), agissant au nom et pour le compte de Réseau ferré de France (RFF), a confié à la société ESAF (Entreprise spécialisée en activités ferroviaires), qui l'a accepté le 29 novembre suivant, le chantier de renouvellement des voies en gare de Lancey, pour un montant de 221 440 euros hors taxes ; que les travaux ont débuté le 5 septembre et ont pris fin le 14 septembre pour l'essentiel, seule l'opération de nivellement complémentaire restant à effectuer à une date plus tardive ainsi que prévu dans les pièces du marché ; que la réception des travaux a été prononcée le 28 août 2006 avec effet au 27 janvier 2006 et notifiée à la société ESAF par un courrier reçu le 2 octobre 2006 auquel était joint le décompte général établi par la SNCF ; que ce décompte a été accepté avec des réserves par l'entreprise par courrier reçu le 12 octobre comportant un mémoire de réclamation portant notamment sur la somme de 133 254,25 euros toutes taxes comprises à titre de paiement pour des travaux supplémentaires ; que la SNCF ayant rejeté cette réclamation par silence gardé la société ESAF a saisi le Tribunal administratif de Paris qui a fait droit à sa demande à hauteur de la somme de 586,04 euros toutes taxes comprises seulement par un jugement du 6 avril 2010 dont la société ESAF relève appel ;

Sur l'appel de la société ESAF :

En ce qui concerne les fins de non recevoir invoquées par la SNCF :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été notifié à la société requérante le 13 avril 2010 ; que, par suite, la requête enregistrée au greffe de la Cour le 14 juin 2010, n'est pas tardive ;

3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 13.31 du cahier des clauses et conditions générales (CCCG) applicables aux marchés de travaux de la SNCF, dans son version du 24 octobre 2001 : " Dans les quarante-cinq jours suivant la date d'établissement du procès-verbal de réception des travaux l'entrepreneur dresse et remet au maître d'oeuvre le projet de décompte final établissant le montant total des sommes auxquelles il peut prétendre du fait de l'exécution du marché. (...). Passé le délai de quarante-cinq jours précité, le décompte final peut, quinze jours après une mise en demeure restée sans effet, être établi d'office par le maître d'oeuvre aux frais de l'entrepreneur. Ce décompte est alors notifié à l'entrepreneur avec le décompte général. "; que si le cahier des prescriptions spéciales du marché en cause prévoit des dérogations à ces dispositions portant sur le point de départ du délai de quarante-cinq jours précité, celles-ci sont sans incidence dans le présent litige ; qu'aux termes de l'article 13.35 du même cahier: " L'entrepreneur dispose d'un délai de quarante-cinq jours pour signer ce décompte général et définitif avec ou sans réserves.(..) Si la signature est donnée avec réserves, l'entrepreneur doit motiver ces réserves dans un mémoire de réclamation joint au renvoi du décompte qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires, en reprenant sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et n'ayant pas fait l'objet de paiement définitif. Le règlement du différend intervient alors selon les modalités indiquées à l'article 85.(..) ; qu'aux termes de l'article 85.2 du même cahier: " Si l'entrepreneur refus de signer sans réserve le décompte général, la personne responsable du marché dispose, à compter de la date de réception par le maître d'oeuvre du mémoire de réclamation exprimant ces réserves et remis dans les conditions du paragraphe 35 de l'article 13, d'un délai de six mois pour notifier sa décision. L'absence de notification de décision dans le délai de six mois vaut rejet de la demande de l'entrepreneur. Si, dans le délai de trois mois à partir de la notification de la décision ou de l'expiration du délai de réponse de six mois de la personne responsable du marché, l'entrepreneur n'a pas porté ses réclamations devant le tribunal compétent, il est considéré comme ayant adhéré à la décision de la personne responsable du marché et toute réclamation se trouve éteinte. "; qu'aucune de ces dispositions ne prévoit de forclusion dans le cas où l'entreprise ne produit pas de décompte final que, en outre, la SNCF n'a jamais mis l'entreprise en demeure de le produire contrairement aux dispositions de l'article 13-31 précité ; qu'ainsi la fin de non recevoir tiré de ce que la requérante serait forclose faute d'avoir établi son décompte final doit être écartée ;

En ce qui concerne le nettoyage des attaches durant la nuit du 5 septembre 2005 :

4. Considérant que la commune sur laquelle est située la gare de Lancey a subi du 22 au 24 août 2005 d'importantes inondations ayant été à l'origine de coulées de boue sur les voies ; que le démontage des rails existants nécessitait le nettoyage des pièces les reliant aux traverses ; que la société ESAF a demandé le paiement de trois nuits de travail de nettoyage, effectué notamment avec un engin dit " bull ", en tant que travaux supplémentaires ; que la SNCF a accepté le paiement du travail effectué les nuits du 6 au 7 et du 8 au 9 septembre 2005 mais refusé celui de la nuit du 5 au 6 en estimant que celle-ci avait été consacrée à des opérations d'approvisionnement du chantier qui étaient comprises dans le prix du marché ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que le représentant sur place de la SNCF, le chef de district, et l'entreprise, ont signé contradictoirement un attachement auxiliaire n°1 établi le 5 avril 2006 par l'entreprise et annexé à la réclamation établissant la réalisation de travaux de nettoyage durant la nuit du 5 au 6 septembre dans les mêmes conditions que les deux autres nuits et, notamment, avec l'usage d'un engin " bull " ; que dès lors, et alors même que cet attachement auxiliaire n'aurait pas été présenté dans les conditions contractuelles prévues par les article 12-15 et 12-16 du CCCG, l'entreprise est fondée à demander le paiement de cette prestation contractuellement acceptée dans les mêmes conditions que celles réalisées les deux nuits suivantes que la SNCF a accepté de payer 2450 euros hors taxes chacune ; que dès lors, et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la SNCF doit être condamnée à verser à la société requérante la somme de 2930,20 euros toutes taxes comprises ;

En ce qui concerne le déchargement de déblais en gare de Buisserate ;

5. Considérant que la notice descriptive des travaux, qui constitue l'une des pièces du marché, précise que " la mise à la terre " des déblais est à la charge de l'entreprise et prévue pour être effectuée à la gare qualifiée de base travaux soit en l'espèce la gare de Lancey, la SNCF ayant ensuite la charge de leur évacuation ; que la SNCF a demandé que la " mise à la terre " ait lieu à la gare de Buisserate, distante de 16 kilomètres, désignée par les documents contractuels comme la base arrière ; que par suite c'est à tort que les premiers juges ont estimé que cette prestation était prévue par le marché et rejeté la demande de paiement de la société ESAF, au titre de travaux supplémentaires, d'un montant de 11 194,73 euros toutes taxes comprises ;

En ce qui concerne le surcoût lié au manque de rails mannequins :

6. Considérant que la société ESAF demande à être payée du coût supplémentaire de main d'oeuvre engendré par un changement de la méthode de pose des nouveaux rails ; qu'elle soutient qu'elle avait prévu dans son offre un prix correspondant à une pose dite par panneaux, préparés à l'avance et nécessitant l'emploi de " rails-mannequins " devant être fournis par la SNCF, que celle-ci n'aurait pas été en mesure de lui fournir, l'obligeant à recourir à une méthode de pose directement sur le terrain, dite " dans le trou ", requérant l'emploi de plus de personnel ; que, toutefois, si la requérante produit des lettres de la SNCF faisant apparaître qu'il n'existait plus de rails-mannequins disponibles, celles-ci concernent un autre chantier que celui de la gare de Lancey et sont, pour la plus récente, en date du 28 octobre 2005, c'est-à-dire postérieure à l'achèvement des travaux de changement de rails de cette dernière gare ; qu'elles ne démontrent donc nullement l'indisponibilité des rails-mannequins lors des travaux de la gare de Lancey ; que si la notice d'information sur les travaux en cause mentionne cette méthode de pose, ce document n'est pas au nombre des pièces contractuelles ; qu'il ressort au contraire de la notice descriptive, qui a valeur contractuelle, qu'il ne serait pas fourni de rails-mannequins compte tenu de la méthode de pose retenue par l'entreprise ; que le bordereau de prix établi par celle-ci ne précise pas la méthode de pose retenue pour l'établissement du prix proposé ; que la requérante ne démontre ainsi ni un non-respect des clauses contractuelles, ni que la SNCF lui aurait imposé la méthode de pose " dans le trou " ; que c'est à juste titre que le tribunal a écarté sa demande de paiement à ce titre ;

En ce qui concerne le coût du report des travaux de nivellement complémentaire :

7. Considérant que la société ESAF précise que le prix supplémentaire demandé correspond non, comme l'a retenu à... ; qu'il résulte de l'instruction que si la notice descriptive prévoyait que l'opération de nivellement complémentaire pouvait être retardée de plusieurs semaines par rapport à la fin des travaux principaux de changement de rails, achevés en l'espèce le 14 octobre 2005, elle précisait aussi dans son article 4-4-2 qu'elle devait intervenir au plus tard avant la fin novembre ; que ce n'est que le 14 novembre 2005 que la SNCF a demandé à l'entreprise de lui proposer des dates d'intervention pour cette opération pour lesquelles elle lui laissait le choix entre la semaine 50 soit du 12 au 18 décembre 2005 ou les semaines 2 ou 3 soit du 9 au 22 janvier 2006 ; que le 25 novembre la SNCF a sollicité impérativement un choix de date pour 5 décembre ; que l'entreprise a donné sa réponse le 2 décembre avec une proposition d'intervention le 12 ; que la SNCF, en contradiction avec ce qu'elle avait indiqué dans ses précédents courriers a alors indiqué que cette réponse était trop tardive pour pouvoir être prise en compte ; que l'opération de nivellement complémentaire a finalement eu lieu le 19 janvier 2006 ; que la société ESAF apporte la preuve qu'elle a dû faire venir une bourreuse spécialement pour ces travaux, pour un coût de 4000 euro hors taxes ; que, cependant, il ressort de la facture qu'elle produit que cette machine a été utilisée deux nuits pour les travaux de la gare de Lancey mais aussi deux autres nuits pour des travaux dans la gare de Collonges ; que par suite il y a lieu de mettre à la charge de la SNCF au titre des travaux de la gare de Lancey la moitié du coût de l'acheminement de la bourreuse soit, toutes taxes comprises la somme de 2392 euros ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SNCF doit être condamnée à verser à la société ESAF la somme totale de 16 516,93 euros toutes taxes comprises en paiement de travaux supplémentaires ; que la société ESAF a droit aux intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 12 octobre 2006, date de réception de son mémoire de réclamation ;

9. Considérant que Réseau Ferré de France, pour le compte duquel la SNCF a passé le marché dont le règlement est contesté, n'est pas signataire dudit marché et n'est à aucun moment intervenu dans les travaux ; que, par suite, il n'y a pas lieu de prononcer, comme le demande la requérante, des condamnations solidaires ;

10. Considérant, enfin, que le litige porte sur l'exécution d'un contrat dont la validité n'est pas contesté, le moyen tiré de l'enrichissement sans cause de la SNCF est inopérant ;

Sur l'appel incident de la SNCF :

11. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du décompte général établi par la SNCF que celle-ci a accepté de payer en tant que travaux supplémentaires le chargement par l'entreprise de traverses en béton armé à la gare de Buisserate ; que toutefois, comme l'a à bon droit jugé le tribunal, ce document fait apparaître une erreur de calcul en ce qu'il mentionne l'emploi, outre d'un conducteur d'engin, de 2 ouvriers OS1, ce qui est confirmé par l'attachement n° 28 contemporain, cependant qu'il ne retient la rémunération que d'un seul ouvrier qui représente un montant toutes taxes comprise de 586,04 euros ; que, contrairement à ce que soutient la SNCF, la demande de paiement d'un second ouvrier figurait dans le mémoire de réclamation initial de l'entreprise et dans sa demande de première instance ; que, par suite, les conclusions incidentes de la SNCF tendant à la réformation de la condamnation au versement de cette somme prononcée par le Tribunal administratif de Paris dans le jugement attaqué doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Entreprise spécialisée en activités ferroviaires, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la Société nationale des chemins de fer français demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

13. Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Société nationale des chemins de fer français une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Entreprise spécialisée en activités ferroviaires et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La Société nationale des chemins de fer français est condamnée à verser à la société Entreprise spécialisée en activités ferroviaires la somme de 16 516,93 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 2006.

Article 2 : La Société nationale des chemins de fer français versera à la société Entreprise spécialisée en activités ferroviaires une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions reconventionnelles et les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par la Société nationale des chemins de fer français sont rejetées.

Article 5 : Le jugement du 6 avril 2010 du Tribunal Administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

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N° 10PA02902


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA02902
Date de la décision : 22/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. FOURNIER DE LAURIERE
Rapporteur ?: Mme Marianne TERRASSE
Rapporteur public ?: M. DEWAILLY
Avocat(s) : MAZINGUE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-04-22;10pa02902 ?
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