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22/04/2013 | FRANCE | N°10PA04994

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 22 avril 2013, 10PA04994


Vu la requête, enregistrée le 8 octobre 2010, présentée pour la Compagnie Maritime des Iles, dont le siège est BP 12241 à Nouméa (98802), par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez ; La Compagnie Maritime des Iles demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1071 en date du 5 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 213 179 242 francs CFP en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité des arrêtés du haut-commissaire de la République en Nouvelle

-Calédonie des 30 juin 2005, 3 novembre 2006, 5 avril 2007, 19 février 200...

Vu la requête, enregistrée le 8 octobre 2010, présentée pour la Compagnie Maritime des Iles, dont le siège est BP 12241 à Nouméa (98802), par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez ; La Compagnie Maritime des Iles demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1071 en date du 5 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 213 179 242 francs CFP en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité des arrêtés du haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie des 30 juin 2005, 3 novembre 2006, 5 avril 2007, 19 février 2008 et 20 novembre 2008 accordant une dérogation au monopole de navigation des navires battant pavillon national ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 213 179 242 francs CFP en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité desdits arrêtés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 ;

Vu le décret du 29 octobre 1913 réservant, sauf certaines exceptions, au pavillon français la navigation de port en port en Nouvelle-Calédonie et dépendances ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 janvier 2013 :

- le rapport de Mme Larsonnier, rapporteur ;

- les conclusions de M. Dewailly, rapporteur public ;

- les observations de Me Laffargue, représentant la Compagnie Maritime Des Iles;

1. Considérant que la Compagnie Maritime des Iles fait appel du jugement n° 1071 en date du 5 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 213 179 242 francs CFP en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité des arrêtés du haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie des 30 juin 2005, 3 novembre 2006, 5 avril 2007, 19 février 2008 et 20 novembre 2008 accordant une dérogation au monopole de navigation des navires battant pavillon national ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, que le tribunal n'était pas tenu, dans le cadre d'un recours indemnitaire opposant la Compagnie Maritime des Iles à l'Etat, de mettre en cause le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ; que la circonstance, qu'après avoir estimé que le préjudice invoqué par la Compagnie Maritime des Iles ne présentait pas un lien de causalité direct avec les arrêtes incriminés, les premiers juges aient précisé de manière surabondante, en réponse au moyen soulevé par la Compagnie Maritime des Iles, que celle-ci n'établissait pas, par l'échange de mails qu'elle produisait, que le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie n'aurait pas donné satisfaction aux demandes de dérogation au monopole des navires battant pavillon national, était sans incidence sur l'appréciation retenue par le tribunal ; que, par suite, celui-ci n'a pas méconnu le principe du contradictoire, ni celui d'un procès équitable garanti par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme, en ne mettant pas en cause le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que l'absence de visa et d'analyse des mémoires des parties dans l'expédition du jugement attaqué n'entache pas la régularité de celui-ci dès lors que ces mentions figurent dans la minute de ce jugement ; qu'il ressort du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué est accompagnée de l'analyse des moyens contenus dans la requête et dans les mémoires produits devant le tribunal; qu'ainsi, l'absence du visa de ces moyens dans la copie du jugement notifiée à la requérante n'est pas de nature à entacher ce dernier d'irrégularité ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Considérant que, par des arrêtés en date des 30 juin 2005, 3 novembre 2006, 5 avril 2007, 19 février 2008 et 20 novembre 2008 portant dérogation au monopole du pavillon national, le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie a autorisé la société de transports des îles à exploiter, pour des périodes déterminées, le navire-citerne Grete Thérèsa battant pavillon étranger, afin d'assurer l'approvisionnement en hydrocarbures du dépôt de Wé à Lifou au départ de Nouméa ; que saisi par le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, sur le fondement des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de la question de savoir qui de l'Etat ou de la Nouvelle-Calédonie est compétent pour accorder une dérogation au monopole de navigation au pavillon national institué par le décret du 29 octobre 1913 susvisé, le Conseil d'Etat a estimé, dans un avis rendu le 6 mai 2009, qu'il résultait des dispositions des articles 1 et 2 dudit décret et des articles 21 et 22 de la loi organique du 19 mars 1999 susvisé, que la Nouvelle-Calédonie étant compétente en matière de navigation entre les ports de son territoire, a, par voie de conséquence, compétence pour décider de faire, en faveur d'un navire étranger et en application de l'article 2 du décret de 1913, une exception au monopole institué par l'article 1er au bénéfice des navires battant pavillon national, exception qui n'est subordonnée à aucune condition particulière ; que, par suite, à la demande de la Compagnie Maritime des Iles, l'arrêté du 19 février 2008 par lequel le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie a autorisé le navire citerne " Grete Theresa ", battant pavillon de Singapour, à assurer l'approvisionnement en hydrocarbures du dépôt de Wé, à Lifou, au départ de Nouméa, durant la période allant du 1er mars 2008 au 30 septembre 2008, a été annulé, pour incompétence, par un jugement du 25 juin 2009 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, devenu définitif ;

5. Considérant que la Compagnie Maritime des Iles soutient que le gouvernement de Nouvelle-Calédonie n'aurait pas, s'il avait été saisi comme l'exigeaient les dispositions textuelles précitées, accordé à la société de transports des îles l'autorisation d'exploiter, pour des périodes déterminées, le navire-citerne Grete Thérèsa , afin d'assurer l'approvisionnement en hydrocarbures des Iles Loyautés ; que si elle produit au soutien de son affirmation la copie de courriels qu'elle a échangés avec M. Xavier Desmoulins, adjoint au directeur des affaires maritimes de Nouvelle-Calédonie auprès du gouvernement de Nouvelle-Calédonie, il ressort de ces derniers que celui-ci s'est contenté de lui rappeler la réglementation en vigueur sans prendre position ; qu'il résulte de l'instruction que le navire Havannah, exploité par la Compagnie Maritime des Iles, n'est pas un pétrolier, mais un navire " mixte " assurant tant le transport de passagers que le fret ; qu'en particulier, le transport d'hydrocarbures à destination du port de Lifou, qui dispose d'un dépôt de carburant géré par les sociétés pétrolières, s'effectue, pour le gasoil, directement dans les soutes et, pour l'essence, dans des " tank containers " ; que, dès lors, nonobstant la circonstance que le navire Havannah a assuré l'avitaillement en carburant du destroyer USS John S. McCain en août 2008 ainsi que l'acheminement de carburants à destination des Iles Loyautés entre le 1er octobre et le 18 novembre 2008, ce navire est moins adapté au transport d'hydrocarbures qu'un pétrolier, au regard notamment des normes internationales en vigueur pour le transport maritime de marchandises dangereuses, et présente des conditions de sécurité bien moindres que celles du navire-citerne Grete Thérèsa, ; que le contrat de transport maritime d'hydrocarbures vers les Iles Loyautés et l'Ile des pins conclu le 30 décembre 2010 entre la Compagnie Maritime des Iles et la société des services pétroliers, qui au demeurant ne mentionne pas le nom du navire utilisé, n'est pas de nature à remettre en cause cette appréciation ; qu'au surplus, si la requérante soutient que la dérogation ainsi accordée au navire-citerne Grete Thérèsa n'a pas été renouvelée, il ressort d'un courriel du 30 juin 2009 émanant de l'adjoint au directeur des affaires maritimes de Nouvelle-Calédonie auprès du gouvernement de Nouvelle-Calédonie que ce navire est désormais sous pavillon français ; que, par suite, alors que l'exception au monopole des navires battant pavillon national, prévue par l'article 2 du décret du 29 octobre 1913 susvisé, n'est subordonnée à aucune condition particulière, les éléments énoncés ci-dessus étaient de nature à justifier l'autorisation dérogatoire d'exploiter le navire-citerne Grete Thérèsa battant pavillon étranger accordée à la société de transports des îles, du 1er mars 2008 au 30 septembre 2008 ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, le gouvernement de Nouvelle-Calédonie aurait pris la même décision ; qu'il s'ensuit que le préjudice qu'aurait subi la Compagnie Maritime des Iles du fait de cette exception au monopole des navires battant pavillon national résulte de l'application des dispositions réglementaires précitées et ne saurait être regardé comme la conséquence du vice dont est entaché l'arrêté du 19 février 2008 ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Compagnie Maritime des Iles n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 213 179 242 francs CFP en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité des arrêtés du haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie des 30 juin 2005, 3 novembre 2006, 5 avril 2007, 19 février 2008 et 20 novembre 2008 accordant une dérogation au monopole de navigation des navires battant pavillon national ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que demande la Compagnie Maritime des Iles au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E

Article 1er : La requête de la Compagnie Maritime des Iles est rejetée.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA04994
Date de la décision : 22/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. FOURNIER DE LAURIERE
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: M. DEWAILLY
Avocat(s) : LYON-CAEN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-04-22;10pa04994 ?
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