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31/12/2013 | FRANCE | N°12PA03932

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 31 décembre 2013, 12PA03932


Vu la requête, enregistrée le 21 septembre 2012, présentée pour M.et Mme D... G..., demeurant..., par Me Lepage, avocat ; M. et Mme G... demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902191/6 du 5 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant, en premier lieu, à l'annulation de la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Thiais a rejeté leur demande tendant au déplacement de l'aire de jeux du parc de Cluny, en deuxième lieu, à la condamnation de la commune de Thiais à leur verser la somme de 303 798 euros e

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Vu la requête, enregistrée le 21 septembre 2012, présentée pour M.et Mme D... G..., demeurant..., par Me Lepage, avocat ; M. et Mme G... demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902191/6 du 5 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant, en premier lieu, à l'annulation de la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Thiais a rejeté leur demande tendant au déplacement de l'aire de jeux du parc de Cluny, en deuxième lieu, à la condamnation de la commune de Thiais à leur verser la somme de 303 798 euros en réparation des préjudices subis depuis le mois de mai 2008 du fait de la construction et de l'ouverture de l'aire de jeux et, en troisième lieu, à ce qu'il soit enjoint au maire de Thiais de déplacer l'aire de jeux à une distance d'au moins 800 mètres de leur propriété et d'interdire aux enfants d'utiliser la plateforme ludique de jets d'eau du parc municipal ;

2°) de condamner la commune de Thiais à leur verser la somme de 303 798 euros, à parfaire, en réparation des préjudices causés par l'implantation a proximité immédiate de leur propriété de l'aire de jeux, des bancs et de la plateforme ludique de jets d'eau du parc de Cluny, sur le fondement de la responsabilité pour faute à titre principal et sur le fondement de la responsabilité sans faute à titre subsidiaire ;

3°) de prononcer la capitalisation des intérêts ;

4°) d'enjoindre à la commune de Thiais de déplacer l'aire de jeux et les bancs à une distance qui ne saurait être inférieure à 800 mètres de leur propriété ;

5°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise avant dire droit afin d'évaluer les préjudices qu'ils ont subis, et plus particulièrement les troubles de jouissance et le préjudice financier résultant de la perte de valeur vénale de leur propriété, causés par l'implantation de l'aire de jeux, des bancs et de la plateforme ludique de jets d'eau du parc municipal de Cluny au droit de leur propriété, à partir du mois de mai 2008 jusqu'à l'introduction de la requête en appel ;

6°) de mettre à la charge de la commune de Thiais le versement de la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 décembre 2013 :

- le rapport de Mme Vrignon, premier conseiller,

- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,

- les observations de MeE..., substituant Me Lepage, avocat de M. et MmeG..., et les observations de MeF..., substituant Me Mauvenu, avocat de la commune de Thiais ;

Après avoir pris connaissance de la note en délibéré, enregistrée le 3 décembre 2013, présentée pour M. et Mme G...par Me Lepage, et de la note en délibéré, enregistrée le

9 décembre 2013, présentée pour la commune de Thiais par Me Mauvenu ;

1. Considérant que M. et Mme G...sont propriétaires depuis 1983 d'une habitation située 37, sentier du Martray à Thiais (94320) ; que cette propriété est riveraine du parc public de Cluny où une aire de jeux et une plateforme ludique de jets d'eau ont été implantés au début de l'année 2008 dans sa proximité immédiate ; que, le 26 novembre 2008, M. et Mme G...ont demandé à la commune de Thiais le déplacement de l'aire de jeux et des bancs qui l'entourent et le versement d'une indemnité de 303 798 euros, à parfaire, en réparation du préjudice lié à la proximité de cette aire de jeux, laquelle serait à l'origine de troubles dans leurs conditions d'existence, leur imposerait de procéder à leurs frais à l'installation d'une protection visuelle, et entrainerait la dépréciation de la valeur vénale de leur propriété ; que M. et Mme G...font appel du jugement en date du 5 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant, d'une part, à l'annulation du refus implicitement opposé par la commune de Thiais à leur demande du 26 novembre 2008 et, d'autre part, à la condamnation de la commune, sur le terrain de la responsabilité pour faute ou sur celui de la rupture de l'égalité devant les charges publiques, à leur verser la somme en cause ;

Sur la fin de non recevoir opposée par la commune de Thiais :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les noms et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge (...) ;"

3. Considérant que, contrairement à ce que soutient la commune de Thiais, la requête d'appel de M. et MmeG..., qui ne constitue pas une reproduction littérale de la demande de première instance, énonce à nouveau, de manière précise, les moyens dirigés contre la décision attaquée et venant au soutien des conclusions indemnitaires formulée par les requérants ; qu'une telle motivation, qui constitue une critique du jugement de première instance, répond aux conditions posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; qu'ainsi, la fin de non recevoir soulevée par la commune de Thiais ne peut être accueillie ;

Sur la régularité en la forme du jugement attaqué :

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la minute du jugement attaqué a été, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ; que l'expédition de ce jugement adressée aux requérants est régulièrement revêtue de la seule signature du greffier du tribunal administratif, conformément aux dispositions de l'article R. 751-2 du code précité ; que, dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué, faute pour celui-ci de comporter les signatures prévues par le code de justice administrative, manque en fait ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

Sur les conclusions indemnitaires :

Sur la responsabilité de la commune de Thiais :

En ce qui concerne la responsabilité pour faute de la commune :

5. Considérant, en premier lieu, que si l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales d'une part, et les articles R. 1334-30 et suivants du code de la santé publique d'autre part, confient au maire le soin de prendre les mesures appropriées pour empêcher sur le territoire de sa commune les bruits excessifs, notamment les bruits de voisinage, de nature à troubler le repos et la tranquillité publique des habitants, il résulte de l'instruction que le maire de la commune de Thiais a fixé les horaires d'ouverture et de fermeture du parc de 8 heures à 20 heures en période estivale et de 8 heures à 19 heures le reste de l'année ; que le respect desdites heures d'ouverture et de fermeture du parc est assuré par les agents municipaux ; que la seule circonstance que le parc soit fréquenté la nuit, en violation des heures de fermeture, ne saurait, eu égard à la très faible fréquence de cette présence nocturne, révéler à elle-seule une carence du maire de Thiais dans l'exercice de ses pouvoirs de police ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que les requérants ne peuvent pas utilement invoquer, pour établir l'existence d'une carence du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police, les dispositions des articles L. 571-3, L. 751-6, L. 571-17 et L. 571-23 du code de l'environnement, qui concernent la réglementation, le contrôle et les sanctions pénales applicables aux activités bruyantes soumises à autorisation qui figurent dans une nomenclature établie par décret en Conseil d'Etat pris après avis du Conseil national du bruit ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Melun a jugé que M. et Mme G...ne sont pas fondés à rechercher la responsabilité de la commune de Thiais à raison des carences du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police ;

8. Considérant par ailleurs, qu'à supposer même que les requérants aient entendu, en faisant valoir que l'aire de jeux litigieuse a été construite au droit de leur propriété alors que le parc s'étend sur une superficie de 23 000 m2, invoquer la faute qui aurait été commise par la commune de Thiais dans le choix de l'emplacement de ladite aire de jeux, ils n'apportent à l'appui de leurs allégations aucune précision permettant d'établir l'existence d'une illégalité fautive dont ils seraient fondés à demander réparation ;

En ce qui concerne la responsabilité sans faute de la commune :

9. Considérant qu'aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. La mission confiée à l'expert peut viser à concilier les parties " ;

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'une aire de jeux pour enfants a été construite au début de l'année 2008 dans le parc de Cluny au droit de la propriété que M. et

Mme G...avaient acquise en 1983 ; que ceux-ci se sont plaints auprès du maire de Thiais de la perte d'intimité et des nuisances sonores qui en résultait pour eux de façon quotidienne ; qu'ils font valoir que ces nuisances sonores, le coût de la protection visuelle qu'ils sont contraints d'installer et la diminution de la valeur vénale de leur propriété qui en résultent sont constitutifs d'un préjudice anormal et spécial dont ils demandent la réparation ;

11. Considérant que si les requérants ont produit au dossier un rapport en date du

14 juin 2008 réalisé par M. C..., acousticien et expert de justice près la Cour d'appel de Versailles, assisté de Me A...B..., huissier de justice, qui met en évidence l'existence de nuisances sonores, atteignant, à l'une des deux dates auxquelles les mesures ont été effectuées, un niveau d'émergence globale nettement supérieur aux valeurs maximales définies par l'article R. 1334-33 du code de la santé publique, cette expertise, qui n'a pas été réalisée de manière contradictoire et ne comporte pas l'ensemble des mesures nécessaires, ne permet pas à la Cour de déterminer l'intensité, la fréquence et la durée de ces nuisances, et donc la nature et l'étendue de l'éventuel préjudice subi par les requérants ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative :

" La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. La mission confiée à l'expert peut viser à concilier les parties. " ; qu'il résulte de ces dispositions que la circonstance qu'une mesure d'expertise n'a pas été demandée en première instance n'interdit pas qu'elle soit prescrite en appel, que la fin de non recevoir opposée par le commune de Thiais à la demande d'expertise doit être écartée ;

13. Considérant qu'il y a lieu, avant de statuer sur la requête de M. et Mme G..., d'ordonner une expertise avec mission pour l'expert de déterminer, sur une période suffisamment longue pour être représentative, la réalité, l'intensité, la fréquence et la durée des nuisances sonores invoquées par les requérants et provoquées par la fréquentation de l'aire de jeux ; pour ce faire, de mesurer l'émergence globale d'une part, à l'intérieur des pièces principales du logement d'habitation des requérants, fenêtres ouvertes et fenêtres fermées, d'autre part, à l'extérieur dudit logement - notamment dans le jardin ; d'effectuer cette mesure à des heures différentes, en périodes scolaires et non scolaires, et dans diverses conditions météorologiques ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de rejet de la demande tendant au déplacement de l'aire de jeux et des bancs qui l'entourent :

14. Considérant que les requérants, qui ne font valoir à l'encontre de cette décision aucun autre moyen, n'établissent pas que le refus opposé à leur demande formulée le 26 novembre 2008 de déplacement de l'aire de jeux litigieuse serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que leurs conclusions tendant à l'annulation de cette décision ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les conclusions par lesquelles M. et Mme G...demandent l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Melun en tant que, par ce jugement, celui-ci a rejeté leur demande tendant, en premier lieu, à l'annulation de la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Thiais a refusé de déplacer l'aire de jeux du parc de Cluny, en deuxième lieu, à ce qu'il soit enjoint à la commune de Thiais de faire procéder à ce déplacement et, en troisième lieu, à la condamnation de la commune, sur le fondement de la responsabilité pour faute, à leur verser la somme de 303 798 euros en réparation des préjudices subis depuis le mois de mai 2008 du fait de la construction et de l'ouverture de l'aire de jeux, sont rejetées.

Article 2 : Il sera, avant de statuer sur le surplus des conclusions de la requête de M. et

MmeG..., procédé par un expert, désigné par le président de la Cour, à une expertise avec mission pour l'expert de :

1°) se rendre sur la propriété de M. et Mme G... 37, sentier du Martray à Thiais ;

2°) décrire l'implantation de cette propriété, en particulier par rapport à l'aire de jeux pour enfants ;

3°) décrire l'implantation de l'aire de jeux au sein du parc municipal ;

4°) déterminer, sur une période suffisamment longue pour être représentative, la réalité, l'intensité, la fréquence et la durée des nuisances sonores invoquées par les requérants et provoquées par la fréquentation de l'aire de jeux ; pour ce faire, mesurer l'émergence globale d'une part, à l'intérieur des pièces principales du logement d'habitation des requérants, fenêtres ouvertes et fenêtres fermées, d'autre part, à l'extérieur dudit logement - notamment dans le jardin ; effectuer cette mesure à des heures différentes, en périodes scolaires et non scolaires, et dans diverses conditions météorologiques ; exprimer les mesures de bruit effectuées, dans la mesure du possible, par référence aux unités prescrites par les articles R. 1334-31 à R. 1334-35 du code la santé publique ;

5°) donner tous les éléments utiles d'appréciation sur les troubles dans les conditions subis par M. et Mme G... du fait de la perte d'intimité et des nuisances sonores, de la date d'ouverture de l'aire de jeux en mai 2008 jusqu'à l'introduction de la requête en appel ;

Article 3 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant le greffier en chef du tribunal. L'expert déposera son rapport au greffe du tribunal en deux exemplaires et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par le président du tribunal dans sa décision le désignant.

Article 4 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 5 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent jugement, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

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N° 12PA03932


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA03932
Date de la décision : 31/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-01-05 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Préjudice. Caractère spécial et anormal du préjudice.


Composition du Tribunal
Président : M. PERRIER
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : SCP HUGLO LEPAGE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-12-31;12pa03932 ?
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