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27/03/2014 | FRANCE | N°12PA00264

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 27 mars 2014, 12PA00264


Vu la requête, enregistrée le 16 janvier 2012, présentée pour la société Vip Patrimoine, dont le siège social est situé 32 rue de Penthièvre à Paris (75008), par Me Lagarde, avocat ; la société Vip Patrimoine demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0706043 et 0803170/3 en date du 17 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2001 e

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Vu la requête, enregistrée le 16 janvier 2012, présentée pour la société Vip Patrimoine, dont le siège social est situé 32 rue de Penthièvre à Paris (75008), par Me Lagarde, avocat ; la société Vip Patrimoine demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0706043 et 0803170/3 en date du 17 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2001 et 2002, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2002 et des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mars 2014 :

- le rapport de M. Dalle, président,

- et les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public ;

1. Considérant que la société Vip Patrimoine, auparavant dénommée EURL CabinetA..., relève appel du jugement en date du 17 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés, de contribution sur cet impôt et de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des années 2001 et 2002 et des pénalités dont ces impositions supplémentaires ont été assorties ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la date des opérations de visite et de saisie effectuées le 23 avril 2003 : " I. Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée (...) elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des impôts, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support. / II. Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter (...) " ;

3. Considérant qu'à la suite de l'arrêt Ravon et autres c/ France (n° 18497/03) du 21 février 2008 par lequel la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que les voies de recours ouvertes aux contribuables pour contester la régularité des visites et saisies opérées sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ne garantissaient pas l'accès à un procès équitable au sens de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne des droits de l'homme, l'article 164 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie a prévu, pour les opérations prévues à l'article L. 16 B pour lesquelles le procès-verbal ou l'inventaire avait été remis ou réceptionné antérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi, une procédure d'appel devant le premier président de la Cour d'appel contre l'ordonnance autorisant la visite et un recours devant ce même juge contre le déroulement des opérations de visite et de saisie, les ordonnances rendues par ce dernier étant susceptibles d'un pourvoi en cassation ; que le d du 1 du IV du même article 164 dispose que cet appel et ce recours sont ouverts pour les procédures de visite et de saisie ayant permis, comme en l'espèce, à l'administration d'obtenir des éléments à partir desquels des impositions faisant l'objet d'un recours contentieux ont été établies ; que le 3 du IV de ce même article fait obligation à l'administration d'informer les personnes visées par l'ordonnance ou par les opérations de visite et de saisie de l'existence de ces voies de recours et du délai de deux mois ouverts à compter de la réception de cette information pour, le cas échéant, faire appel contre l'ordonnance ou former un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie, cet appel et ce recours étant exclusifs de toute appréciation par le juge du fond de la régularité du déroulement de ces opérations ;

4. Considérant que, ce faisant, le législateur a donné une nouvelle rédaction à l'article L. 16 B conforme aux exigences de la convention, et a pu instituer à titre transitoire la possibilité de bénéficier rétroactivement de ces nouvelles voies de recours contre l'ordonnance autorisant les opérations de visite et de saisie ainsi que contre le déroulement de telles opérations antérieures à l'entrée en vigueur de l'article 164 de cette loi ; qu'en l'espèce, l'EURL CabinetA..., qui entrait dans le champ du d du 1 du IV dudit article dès lors que les impositions supplémentaires mises à sa charge ont été établies à partir d'éléments obtenus lors de la visite domiciliaire du 23 avril 2003, était, sur le fondement de ces dispositions, susceptible d'invoquer le caractère irrégulier de la procédure de visite et de saisie dont elle a été l'objet ; qu'elle n'a pas fait appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 23 avril 2003 autorisant la visite domiciliaire litigieuse, bien qu'elle ait été informée de cette nouvelle voie de recours possible par un courrier de l'administration fiscale en date du 21 octobre 2008, qu'elle a reçu le 24 octobre suivant ; qu'elle n'est, dès lors, pas fondée à soutenir qu'elle a été privée du droit à un recours effectif ;

5. Considérant, en second lieu, que l'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76 ; qu'elle doit communiquer, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ;

6. Considérant que la société requérante soutient que les renseignements que l'administration a obtenus auprès de ses clients par l'exercice du droit de communication et qu'elle a utilisés pour établir certaines des rectifications en litige n'ont pas été portés à sa connaissance de manière suffisamment précise ; que, toutefois, la proposition de rectification du 10 novembre 2004 fait clairement apparaître que l'administration a établi les rectifications en cause à partir du journal des achats des clients concernés et des comptes fournisseurs de l'EURL Cabinet A...dans la comptabilité desdits clients ; que l'administration doit, par suite, être regardée comme ayant suffisamment informé cette société de la teneur et de l'origine des éléments qu'elle a obtenus auprès de tiers par l'exercice de son droit de communication ; que, par ailleurs, ces éléments n'étant pas des pièces comptables de l'EURL CabinetA..., l'administration n'était pas tenue de soumettre leur examen à un débat oral et contradictoire avec cette société ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le caractère régulier de la comptabilité :

7. Considérant que, pour rejeter la comptabilité de l'EURL CabinetA..., le vérificateur ne s'est pas seulement fondé sur la circonstance que cette société comptabilisait ses produits et ses charges à la date des encaissements et des décaissements alors que, ayant opté pour l'impôt sur les sociétés, elle eût dû les inscrire selon la méthode des créances acquises et des dettes certaines, mais également sur l'absence - complète pour 2002, partielle pour 2001 - de factures de produits, sur l'incapacité de la société à justifier de son chiffre d'affaires client par client, sur l'absence de nombreuses pièces justificatives de charges, notamment pour des charges facturées par des sociétés animées par le gérant de l'EURL, sur le libellé vague et imprécis des écritures de charges, ne permettant pas toujours d'identifier les prestataires et sur le fait que de nombreuses factures de charges n'étaient pas des documents originaux et comportaient parfois des rectifications manuelles ; que ces graves irrégularités suffisaient, à elles seules, à justifier le rejet de la comptabilité par le service ; que le moyen tiré de ce que l'irrégularité consistant, pour l'EURL CabinetA..., à appliquer les règles de la comptabilité de caisse au lieu de celles de la comptabilité d'engagement ne pouvait suffire à fonder le rejet de la comptabilité doit donc, en tout état de cause, être rejeté ;

En ce qui concerne les charges réintégrées par le service :

8. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ;

9. Considérant, en premier lieu, que l'administration a réintégré dans le résultat de l'EURL Cabinet A...des charges intitulées " Achats de travaux ", " EDF ", " Décoration " et " Voyages et déplacements ", au motif qu'elles étaient étrangères à l'intérêt de l'entreprise ; que l'administration a réintégré en totalité les dépenses " Achats de travaux " et " EDF ", qui correspondaient à des travaux effectués dans l'appartement de M. et Mme A...et à un contrat EDF souscrit pour ledit appartement et étaient, par suite, manifestement sans lien avec l'activité de l'entreprise ; que s'agissant des dépenses " Décoration " et " Voyages et déplacements ", l'administration a admis qu'elles pouvaient en partie avoir un caractère professionnel mais, faute de disposer de justificatifs suffisants, n'a admis leur déduction des résultats de l'EURL qu'à hauteur de 50 % de leur montant ;

10. Considérant que la société Vip Patrimoine, qui supporte la charge de la preuve en application des articles L. 66-2°, L. 68 et L. 193 du livre des procédures fiscales dès lors que, n'ayant pas souscrit en temps utile ses déclarations de résultats malgré l'envoi de mises en demeure, elle a fait l'objet d'une procédure de taxation d'office, n'apporte aucun élément de nature à établir que les dépenses en cause auraient été exposées dans son intérêt ou que le taux de 50 % retenu par le service serait insuffisant ;

11. Considérant, en deuxième lieu, que l'administration a réintégré dans les résultats de l'EURL Cabinet A...des charges s'élevant à 2 600 000 francs (396 367,44 euros) et 959 163 euros, respectivement pour les exercices 2001 et 2002, correspondant à des prestations de promotion et de publicité facturées par la société luxembourgeoise ISFC, dans le cadre d'un contrat de parrainage passé le 29 octobre 1999 entre ces deux sociétés, au motif, notamment, que la réalité des prestations rendues par la société ISFC n'était pas établie ; qu'en se bornant à produire le contrat de parrainage susmentionné ainsi que diverses factures établies au nom de la société ISFC par des sociétés spécialisées dans l'organisation d'événements sportifs, la société requérante, qui, ainsi qu'il a été dit, supporte la charge de la preuve, n'établit pas la réalité des prestations que lui aurait rendues la société ISFC ;

12. Considérant, en troisième lieu, que l'administration a réintégré dans les résultats de l'EURL Cabinet A...des honoraires et commissions qu'elle avait comptabilisés, d'un montant total de 319 281 euros pour l'exercice 2001 et de 186 890 euros pour l'exercice 2002, au motif, notamment, que cette société n'avait pu produire aucune pièce justifiant du bien-fondé de l'inscription de ces charges, dans leur principe et dans leur montant ; que si la société requérante soutient qu'elle a produit douze factures lors de son recours hiérarchique, il est constant que les écritures litigieuses étaient comptabilisées sous un libellé imprécis qui rendait difficile le rapprochement avec les factures produites et que celles-ci étaient postérieures aux dates d'enregistrement comptable ; que, dans ces conditions, la société Vip Patrimoine ne peut être regardée comme justifiant du montant des charges en cause et de la correction de leur inscription en comptabilité ; qu'en outre, le ministre de l'économie et des finances soutient que ces charges sont dépourvues de contreparties et la société Vip Patrimoine, qui supporte comme il a été dit, la charge de la preuve, n'apporte aucun élément de nature à le contredire ;

Sur les pénalités :

13. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80 p. 100 s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ou d'abus de droits au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales " ;

14. Considérant que l'administration a assorti de la majoration de 40 % prévue en cas de mauvaise foi du contribuable par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts, les redressements de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés relatifs aux dépenses personnelles, aux dépenses non justifiées ou non nécessitées par l'exploitation ainsi qu'à des loyers non réclamés ; qu'eu égard à la nature et au montant de ces manquements et s'agissant d'une entreprise réalisant des prestations de gestion patrimoniale nécessitant une parfaite connaissance des règles fiscales, l'administration établit l'intention de la société d'éluder l'impôt et, par suite, le bien-fondé de l'application des pénalités de mauvaise foi aux rectifications en cause ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Vip Patrimoine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Vip Patrimoine est rejetée.

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N° 12PA00264


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA00264
Date de la décision : 27/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: M. David DALLE
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : SCP CABINET BERNARD LAGARDE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-03-27;12pa00264 ?
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