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17/09/2014 | FRANCE | N°13PA03764

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 17 septembre 2014, 13PA03764


Vu la requête, enregistrée le 3 octobre 2013, présentée pour la SARL Logistreet, dont le siège social est 31/33 rue Traversière à Paris (75012), représentée par la SCP Brouard-Daude, dont le siège est 34 rue Sainte Anne à Paris (75001), par MeA... ; la société Logistreet demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1208833 du 24 septembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments de taxe sur les ventes et locations de vidéogrammes mis à sa charge au titre des années 2008, 2009 et 2010 ;
>2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'État le...

Vu la requête, enregistrée le 3 octobre 2013, présentée pour la SARL Logistreet, dont le siège social est 31/33 rue Traversière à Paris (75012), représentée par la SCP Brouard-Daude, dont le siège est 34 rue Sainte Anne à Paris (75001), par MeA... ; la société Logistreet demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1208833 du 24 septembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments de taxe sur les ventes et locations de vidéogrammes mis à sa charge au titre des années 2008, 2009 et 2010 ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 septembre 2014, présentée pour la société Logistreeet ;

Vu la Constitution ;

Vu la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le Traité instituant la Communauté économique européenne, devenu Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu le règlement n° 659/1999 du Conseil de l'Union européenne ;

Vu le règlement (CE) n° 794/2004 de la Commission européenne du 21 avril 2004 ;

Vu la directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du

17 mai 1977 ;

Vu la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

Vu la décision du 22 mars 2006 de la Commission européenne ;

Vu la loi n° 75-1278 du 30 décembre 1975 ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 septembre 2014 :

- le rapport de M. Magnard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour la société Logistreet ;

1. Considérant que la société Logistreet fait appel du jugement n° 1208833 du

24 septembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments de taxe sur les ventes et locations de vidéogrammes mis à sa charge au titre des années 2008, 2009 et 2010 ; qu'elle fait également appel de l'ordonnance rendue sous le même numéro par laquelle le président de la 2ème chambre de la 1ère section de ce tribunal, statuant sur le fondement de l'article R. 771-7 du code de justice administrative, a décidé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'intéressée ;

Sur la demande de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance

n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article

61-1 de la Constitution : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'État... le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé d'office. " ; qu'aux termes de l'article 23-2 de la même ordonnance : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'État ... " ;

4. Considérant que les dispositions législatives contestées applicables au litige sont celles de l'article 302 bis KE du code général des impôts, dans sa version applicable à compter du 1er janvier 2007, transféré par le décret n° 2009-389 du 7 avril 2009 à l'article 1609 sexdecies B du code général des impôts ; que la société Logistreet fait valoir que le législateur, en confiant à un décret le soin de définir les conditions de détermination du caractère pornographique ou d'incitation à la violence d'une oeuvre, a méconnu sa compétence, alors qu'il est porté atteinte à la liberté d'expression garantie par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, aux termes duquel : " La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi " ;

5. Considérant que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; que les atteintes portées à l'exercice de la liberté d'expression doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi ; que, contrairement à ce qui est soutenu, il n'est nullement porté en l'espèce à la liberté d'expression une atteinte qui ne serait pas de cette nature ; que la question posée est ainsi dépourvue de caractère sérieux ; que, dès lors, en vertu des dispositions précitées du 3° de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, la demande de transmission au Conseil d'État, à fin de saisine du Conseil constitutionnel, de la question de la constitutionnalité posée par la société Logistreet doit être rejetée ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

6. Considérant que si, en présence d'une taxe constituant le mode de financement d'un régime d'aides tel que celui en cause, il existe un intérêt communautaire certain à ce que l'État membre notifie ce régime, y compris le mode de financement qui en fait partie intégrante, afin que la Commission puisse disposer de toutes les données requises permettant d'apprécier la compatibilité de cette mesure avec le marché commun, cette appréciation relève du pouvoir exclusif de cette dernière ; qu'il en est nécessairement de même du respect des modalités selon lesquelles ladite appréciation peut être effectuée ; que, les premiers juges ayant estimé que le régime en cause avait été régulièrement notifié à la Commission en application du paragraphe 3 de l'article 88, devenu l'article 108 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), le moyen tiré de ce que la Commission n'avait pas été mise en mesure de vérifier les modalités de mise en oeuvre du régime d'aide échappait à leur compétence ; que le moyen tiré de ce que le rapport détaillé prévu par la décision du 22 mars 2006 NN 84/2004 de la Commission n'avait pas été remis était dès lors inopérant ; que les premiers juges n'étaient par suite pas tenus d'y répondre ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

7. Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'oblige l'administration à mentionner sur l'avis de vérification de comptabilité les impôts sur lesquels le vérificateur se propose de faire porter ses investigations ; que si, cependant, la société Logistreet soutient que la charte du contribuable vérifié qui lui a été adressée, opposable à l'administration en vertu de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, prévoyait que l'avis de vérification " peut préciser les impôts, droits et taxes qui sont soumis au contrôle " et qu'il s'ensuit que le service ne pouvait vérifier d'autres impôts que ceux mentionnés dans ledit avis, il résulte de l'instruction que l'avis de vérification adressé à l'intéressée indiquait que la vérification portait sur la " TVA et Taxes assimilées " ; qu'une telle mention autorisait en tout état de cause l'administration à contrôler la taxe sur les ventes et les locations de vidéogrammes destinés à l'usage privé du public codifiée à l'article 1609 sexdecies B du code général des impôts, qui est une taxe sur le chiffre d'affaires recouvrée et contrôlée comme en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; que, par ailleurs, la régularité de l'avis de vérification n'est pas affectée par le fait que, par une simple erreur matérielle, ce dernier mentionne que le contrôle porterait " sur la période du 01/01/2008 au 30/10/2010 ", alors que le service a opéré des redressements jusqu'au

31 octobre 2010 ; qu'il résulte de ce qui précède que la société n'est pas fondée à soutenir que la procédure suivie à son encontre serait irrégulière ;

8. Considérant, en second lieu, qu'en répondant qu'il ne lui appartenait pas de juger de la légitimité de la taxe et de son bien-fondé, le vérificateur a répondu aux observations du contribuable tirées de la méconnaissance, par la loi fiscale, des stipulations de l'article 10 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la circonstance que, ce faisant, il aurait commis une erreur de droit en confondant les normes constitutionnelles et les normes internationales est sans influence sur la régularité de sa réponse ; que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la réponse aux observations du contribuable ne peut, en conséquence, qu'être écarté ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 302 bis KE du code général des impôts issu de la loi n° 2003-517 du 18 juin 2003, transféré par le décret n° 2009-389 du 7 avril 2009 à l'article 1609 sexdecies B du code général des impôts : " Il est institué, à compter du 1er juillet 2003, une taxe sur les ventes et locations en France, y compris dans les départements d'outre-mer, de vidéogrammes destinés à l'usage privé du public. / Pour l'application du présent article, est assimilée à une activité de vente ou de location de vidéogrammes la mise à disposition du public d'un service offrant l'accès à titre onéreux à des oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles, sur demande individuelle formulée par un procédé de communication électronique. / Cette taxe est due par les redevables qui vendent ou louent des vidéogrammes à toute personne qui elle-même n'a pas pour activité la vente ou la location de vidéogrammes. / La taxe est assise sur le montant hors taxe sur la valeur ajoutée du prix acquitté au titre des opérations visées ci-dessus. / Le taux est fixé à 2 %. Le taux de la taxe est porté à 10 % lorsque les opérations visées au présent article concernent des oeuvres et documents cinématographiques ou audiovisuels à caractère pornographique ou d'incitation à la violence. Les conditions dans lesquelles les redevables procèdent à l'identification de ces oeuvres et documents sont fixées par décret (Voir Annexe III art. 331 M bis et 331 M ter). / La taxe est exigible dans les mêmes conditions que celles applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée. / Elle est constatée, liquidée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. / Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe. " ; qu'aux termes de l'article 331 M bis de l'annexe III au même code : " La taxe prévue à l'article 1609 sexdecies B du code général des impôts est due au taux de 10 % lorsque les opérations portent sur : a. Des oeuvres et documents cinématographiques qui figurent sur la liste prévue au quatrième alinéa de l'article L 311-2 du code du cinéma et de l'image animée ; b. Des oeuvres et documents audiovisuels dont la diffusion à un public mineur constitue une infraction au sens de l'article 227-24 du code pénal. " ;

10. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 33 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977, relative à l'harmonisation des législations des États membres en matière de taxes sur le chiffre d'affaires, dont les dispositions sont reprises à l'article 401 de la directive 2006/112/CE du

28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée : " Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, notamment de celles prévues par les dispositions communautaires en vigueur relatives au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise, les dispositions de la présente directive ne font pas obstacle au maintien ou à l'introduction par un État membre de taxes sur les contrats d'assurance, sur les jeux et paris, d'accises, de droits d'enregistrement, et, plus généralement, de tous impôts, droits et taxes n'ayant pas le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires, à condition, toutefois, que ces impôts, droits et taxes ne donnent pas lieu dans les échanges entre États membres à des formalités liées au passage d'une frontière. " ; que l'objet de cet article est d'éviter que soient instaurés ou maintenus des impôts, droits et taxes qui, du fait qu'ils grèvent la circulation des biens et des services d'une façon comparable à la taxe sur la valeur ajoutée, compromettent le fonctionnement du système commun de cette dernière ; que doivent être considérés comme tels les impôts, droits et taxes qui présentent les caractéristiques essentielles de cette taxe ; que cet article ne fait en revanche pas obstacle au maintien ou à l'introduction d'autres types d'impôts, droits et taxes, et en particulier de taxes assises sur les salaires versés par les entreprises, dès lors que ces impôts, droits ou taxes ne présentent pas les caractéristiques essentielles de la taxe sur la valeur ajoutée ;

11. Considérant que la taxe sur la valeur ajoutée s'applique de manière générale aux transactions ayant pour objet des biens ou des services, qu'elle est proportionnelle au prix de ces biens et de ces services, qu'elle est perçue à chaque stade du processus de production et de distribution et, enfin, qu'elle s'applique à la valeur ajoutée des biens et des services, la taxe due lors d'une transaction étant calculée après déduction de celle qui a été payée lors de la transaction précédente ; que la taxe litigieuse ne présente pas l'ensemble de ces caractéristiques ; qu'ainsi, et alors même qu'elle serait assimilée à la taxe sur la valeur ajoutée pour le déroulement des opérations de contrôle, elle ne saurait être regardée comme ayant été instaurée et maintenue en méconnaissance des dispositions précitées ;

12. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions précitées de

l'article 1609 sexdecies B du code général des impôts ne conditionnent pas l'assujettissement à la taxe en litige à ce que l'assujetti bénéficie directement ou indirectement du soutien du Centre national de la Cinématographie et de l'image animée (CNC), auquel est affecté le produit de ladite taxe ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que l'article 12 de la loi n° 75-1278 du

30 décembre 1975 dispose que les films caractère pornographique et d'incitation à la violence sont exclus de toute forme d'aide sélective au titre du soutien financier est inopérant ; que, pour le même motif, la société ne peut utilement soutenir que l'article 331 M bis de l'annexe III au code général des impôts est irrégulier dès lors qu'il ne prévoirait pas de concordance entre les produits visés par cet article et les buts poursuivis dans l'affectation de la taxe ;

13. Considérant, en troisième lieu, que la société requérante ne peut utilement soutenir que l'article 331 M bis de l'annexe III au code général des impôts viole l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que, contrairement à ce qu'elle fait valoir, c'est bien la loi, codifiée à

l'article 1609 sexdecies B, qui a prévu l'imposition des oeuvres et documents cinématographiques ou audiovisuels à caractère pornographique ou d'incitation à la violence, l'article réglementaire se bornant à préciser les critères d'identification ; que, si l'article susmentionné de ladite convention garantit la liberté d'expression, le même article stipule également que " l'exercice de ces libertés... peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions, prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, ... à la protection... de la morale... " ; que la taxe en cause, qui s'applique en raison de la cession des vidéogrammes concernés, ne saurait être regardée comme apportant à la liberté d'expression une restriction disproportionnée eu égard au but de protection de la morale que, contrairement à ce qui est soutenu, elle poursuit, et alors même que ladite cession, dans les conditions prévues par la loi, ne ferait l'objet d'aucune sanction pénale ;

14. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 87, paragraphe 1, du Traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne (Traité CE), devenu

l'article 107, paragraphe 1, du nouveau Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) : " 1. Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions (...) " ; qu'aux termes de l'article 88, devenu l'article 108, du même

Traité : " 1. La Commission procède avec les États membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces États. Elle propose à ceux-ci les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché commun (...) 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'État membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale " ; qu'enfin, aux termes de l'article 1er du règlement n° 659/1999 du Conseil de l'Union européenne portant modalités d'application de l'article 88 du Traité CE :

" Aux fins du présent règlement, on entend par : (...) c) "aide nouvelle" : toute aide, c'est à dire tout régime d'aides ou toute aide individuelle, qui n'est pas une aide existante, y compris toute modification d'une aide existante " ;

15. Considérant qu'il résulte de ces stipulations que, s'il ressort exclusivement à la Commission de décider, sous le contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne, si une aide de la nature de celles visées à l'article 87 du Traité CE, devenu l'article 107 du TFUE, est ou non, compte tenu des dérogations prévues par ledit Traité, compatible avec le marché commun, il incombe aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation qu'impose aux États membres la dernière phrase du paragraphe 3 précité de l'article 88 du

Traité CE, devenu l'article 108 du TFUE, d'en notifier le projet à la Commission, préalablement à toute mise à exécution ;

16. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les autorités françaises ont notifié à la Commission européenne, par un courrier en date du 24 mai 2004, l'ensemble des régimes d'aide au cinéma et à l'audiovisuel ; que, par la décision du 22 mars 2006, la Commission européenne a déclaré le régime de soutien à la production cinématographique et audiovisuelle, en vigueur depuis l'intervention de la loi du 18 juin 2003, compatible avec les stipulations du paragraphe 1 de l'article 87 du Traité CE, devenu l'article 107 du TFUE, après avoir notamment examiné le financement des aides en décrivant, en particulier, aux points 27 et 28 du II de ladite décision, le dispositif prévu par les dispositions précitées de l'article 302 bis KE du code général des impôts dans sa rédaction issue de l'article 7 de la loi n° 2003-517 du 18 juin 2003 et en appréciant leur conformité au droit communautaire aux points 32 à 37 du II de cette décision ; que, toutefois, la société requérante soutient que les diverses modifications ayant affecté, depuis la décision d'approbation de la Commission européenne du 22 mars 2006, le régime d'aide au cinéma et à l'audiovisuel, ont été substantielles et justifiaient une nouvelle notification de ce régime à la Commission en application du paragraphe 3 de l'article 88 du Traité CE, devenu l'article 108 du TFUE ;

17. Considérant, d'une part, que la société Logistreet fait valoir que la suppression, par l'article 55-IV de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009, codifié à l'article 1609 sexdecies B du code général des impôts, du compte spécial du Trésor, par lequel transitait l'aide au cinéma et à l'audiovisuel versée au CNC, a substantiellement modifié ce régime d'aide ; que, cependant, contrairement à ce que soutient la société requérante, qui ne peut se prévaloir utilement d'un rapport du conseil des prélèvements obligatoires établi en 2013, cette évolution n'emporte pas par elle-même de modification des éléments structurels du système de financement de l'aide et n'a d'effet ni sur le contenu, ni sur le volume des aides ; qu'au surplus, le Parlement ne saurait être regardé comme ayant perdu tout contrôle sur ce régime, dès lors qu'il est destinataire d'un rapport annuel établi par le CNC au vu duquel il pourrait remettre en cause cette affectation ;

18. Considérant, d'autre part, que la seule augmentation des recettes générées par cette taxe n'est pas au nombre des modifications d'un dispositif d'aides qui doivent être notifiées à la Commission européenne ; qu'en effet, si l'article 4§1 du règlement CE n° 794/2004 de la Commission européenne du 21 avril 2004 prévoit que toute augmentation de plus de 20 % du budget initial d'un régime d'aide existant doit donner lieu à une nouvelle notification à la Commission, la société requérante n'établit pas l'existence d'une augmentation de plus de 20 % du budget initial alloué au cinéma et à l'audiovisuel en se référant de manière générale à la hausse des dépenses du CNC et au fait que l'affectation de la taxe à ce Centre a permis à celui-ci de disposer d'une trésorerie importante ;

19. Considérant, enfin, qu'il n'est pas établi que les produits de la taxe en cause ont, au titre de la période en litige, été affectés au financement de nouveaux plans d'aides au secteur cinéma et de l'audiovisuel qui n'avaient pas été approuvés par la Commission ;

20. Considérant que, par suite, la société Logistreet n'est pas fondée à soutenir qu'à défaut d'avoir été notifiée à la Commission en application du paragraphe 3 de l'article 88 du Traité CE, devenu l'article 108 du TFUE, la taxe sur les vidéogrammes telle qu'elle résulte de l'article 1609 sexdecies B du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 55-IV de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008, ne pouvait lui être appliquée ;

21. Considérant, en dernier lieu, que, si la société soutient que l'administration n'établit pas que la totalité des oeuvres vendues entre dans le champ de la taxe au taux spécial, il résulte de l'instruction que le journal de vente, et notamment les titres des films, mettent en évidence le caractère pornographique des vidéos vendues ; qu'il est constant que la société a elle-même à plusieurs reprises rappelé au cours du contrôle les précautions prises afin de respecter l'âge légal de la clientèle et que la mention " interdit au moins de 18 ans " figure sur le site internet de la société qui présente le catalogue ; que la société n'identifie pas les vidéogrammes vendus qui présenteraient un caractère de nature à l'écarter du champ d'application de la taxe en litige ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a considéré que l'intégralité des ventes de vidéogrammes rentraient dans le champ d'application de la taxe au taux spécial ;

22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Logistreet est rejetée.

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N° 11PA00434

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N° 13PA03764


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA03764
Date de la décision : 17/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : SELARL CHANDELLIER-CORBEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-09-17;13pa03764 ?
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