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08/12/2014 | FRANCE | N°13PA02249

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 08 décembre 2014, 13PA02249


Vu la requête, enregistrée le 11 juin 2013, présentée pour Mme D...C..., demeurant..., par la SCP Merienne-Rignault-Djambazova ; Mme C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1121062 /5-2 du 11 avril 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du

18 octobre 2011 de France Télécom rejetant sa demande préalable d'indemnisation et à la condamnation de France Télécom à lui verser la somme de 695 992,80 euros au titre de ses préjudices financier et moral ;

2°) de condamner France T

lécom à lui verser la somme de 695 992,80 euros en réparation des préjudices financi...

Vu la requête, enregistrée le 11 juin 2013, présentée pour Mme D...C..., demeurant..., par la SCP Merienne-Rignault-Djambazova ; Mme C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1121062 /5-2 du 11 avril 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du

18 octobre 2011 de France Télécom rejetant sa demande préalable d'indemnisation et à la condamnation de France Télécom à lui verser la somme de 695 992,80 euros au titre de ses préjudices financier et moral ;

2°) de condamner France Télécom à lui verser la somme de 695 992,80 euros en réparation des préjudices financier et moral qu'elle a subis à la suite de son départ en congé de fin de carrière, augmentée des intérêts de droit à compter de sa demande d'indemnisation préalable ;

3°) de mettre à la charge de France Télécom le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

Vu le décret n°85-986 du 16 septembre 1985 ;

Vu le décret n° 96-1174 du 27 décembre 1996 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 novembre 2014 :

- le rapport de Mme Larsonnier, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Vrignon, rapporteur public,

- les observations de Me A...B..., pour MmeC..., et les observations de MeE..., pour Orange ;

Connaissance prise de la note en délibéré, enregistrée le 26 novembre 2014, présentée par la SCP Merienne-Rignault-Djambazova, pour MmeC... ;

1. Considérant que MmeC..., ingénieur en télécommunications, a été recrutée par France Télécom en 1976, titularisée et promue au grade d'inspecteur principal en 1978, puis au grade de directeur départemental adjoint du corps des personnels administratifs supérieurs de France Télécom en 1995 ; qu'à sa demande, elle a été mise à disposition auprès des services du Premier ministre et du ministre de l'industrie de 1992 à 1997 ; qu'elle a ensuite réintégré France Télécom avant d'être, à compter du 15 décembre 1997, placée en détachement, d'abord auprès de l'Autorité de régulation des télécommunications, puis auprès du Haut fonctionnaire de défense du secrétariat d'Etat à l'industrie ; qu'elle a de nouveau réintégré France Télécom le 15 décembre 2002 ; qu'à partir du 5 décembre 2005, date de son 55ème anniversaire, elle a bénéficié d'un congé de fin de carrière ; que le 1er janvier 2011, Mme C...a été admise à la retraite et a liquidé sa pension ; que, par courrier du

22 septembre 2011, elle a saisi France Télécom d'une demande d'indemnisation des préjudices que lui aurait causés son départ en congé de fin de carrière ; que, par courrier du

18 octobre 2011, France Télécom a rejeté cette demande ; que Mme C...fait appel du jugement du 11 avril 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de France Télécom à lui verser une somme de 695 992, 80 euros au titre des préjudices subis à la suite de son départ anticipé en congé de fin de carrière qu'elle a été contrainte d'accepter en raison du harcèlement moral dont elle a fait l'objet ;

Sur la demande indemnitaire de MmeC... :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 dans sa rédaction applicable au litige : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération :1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ;2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé aux agissements définis ci-dessus. Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public. "

3. Considérant, d'une part, qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

4. Considérant, d'autre part, que, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; qu'en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 45 de la loi du

11 janvier 1984 : " Le détachement est la position du fonctionnaire placé hors de son corps d'origine mais continuant à bénéficier, dans ce corps, de ses droits à l'avancement et à la retraite. (...) A l'expiration de son détachement, le fonctionnaire est obligatoirement réintégré dans son corps d'origine (...) " ; qu'aux termes de l'article 22 du décret du

16 septembre 1985, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) A l'expiration du détachement, dans le cas où il n'est pas renouvelé par l'administration ou l'organisme d'accueil pour une cause autre qu'une faute commise dans l'exercice des fonctions, le fonctionnaire est réintégré immédiatement et au besoin en surnombre dans son corps d'origine, par arrêté du ministre intéressé, et affecté à un emploi correspondant à son grade. / Le surnombre ainsi créé doit être résorbé à la première vacance qui s'ouvrira dans le grade considéré. / Le fonctionnaire a priorité, dans le respect des règles fixées aux deux derniers alinéas de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, pour être affecté au poste qu'il occupait avant son détachement. S'il refuse le poste qui lui est assigné, il ne peut être nommé à un autre emploi que dans le cas où une vacance budgétaire est ouverte. " ;

6. Considérant que par courrier du 6 décembre 2002, Mme C...a sollicité sa réintégration à France Télécom à l'issue de son détachement en précisant qu'elle recherchait un poste en rapport avec ses compétences professionnelles et son expérience à l'intérieur comme à l'extérieur de France Télécom et, pour des raisons familiales, situé à Paris ou dans la très proche banlieue Ouest de la région parisienne ; qu'elle a été réintégrée le

15 décembre 2002 au niveau IV 2, soit au groupe E de la classification prévue par la convention collective nationale des télécommunications du 26 avril 2000 et rattachée à la direction des grands comptes - service communication entreprises ; que Mme C...soutient que le niveau auquel elle a été classée correspond au grade d'un inspecteur principal et qu'en raison de ses compétences et de ses expériences professionnelles acquises durant sa mise à disposition et son détachement, elle aurait dû être classée au niveau IV 4 voire IV 6, correspondant à la classification F ou G de la convention susmentionnée ; qu'il ressort de cette convention que ces deux derniers groupes de classifications recouvrent les postes situés les plus hauts dans la hiérarchie des entreprises de télécommunications ; que MmeC..., qui se prévaut de compétences exercées dans les domaines de prospective et stratégie, innovation et redéploiement industriel, création de scénarii et recherche de solutions, négociation-montage de processus-mise en relation des acteurs et études de dossiers sensibles à multi composantes, n'établit pas que son classement au niveau IV 2 ou dans le groupe E ne correspondait pas à son grade au sein de France Télécom ;

7. Considérant que France Télécom admet ne pas avoir été en mesure de proposer à la requérante, immédiatement après son retour de détachement, des postes ou des missions précises correspondant à son grade ; qu'il est également constant qu'il n'a pas, dès son retour au sein de l'entreprise, mis un bureau à sa disposition ; que, toutefois, Mme C...a bénéficié de la rémunération correspondant à son grade, du rétablissement de sa ligne téléphonique de service à son domicile dès janvier 2003, d'importantes décharges de service lui permettant, avec l'accord de France Télécom, de se consacrer à la recherche d'un nouveau détachement dans l'administration comme elle le souhaitait ainsi que de l'assistance de la mission " mobilité France Télécom " ; que si Mme C...a accepté dès sa réintégration la mission de télémarketing de 18h à 20h pendant onze mois, puis un poste de coordonnateur de projet du 28 avril au 4 décembre 2005, alors que ceux-ci ne correspondaient ni à son grade, ni à ses compétences, il ressort des pièces du dossier que le 17 mars 2004, le service des ressources humaines de France Télécom a adressé à Mme C...une liste de 25 missions dont 9 de niveau E, 6 de niveau E/F et 3 de niveau F, qui pouvaient éventuellement déboucher sur des postes pérennes, auxquelles Mme C...n'établit pas avoir postulé ; qu'en revanche, tout en rappelant ses souhaits de ne pas travailler sur ordinateur et uniquement à Paris ou dans un secteur géographique proche de son domicile, la requérante a présenté sa candidature le 22 novembre 2004 à un poste d'expert Benchmarking qui lui avait été proposé par France Télécom ainsi qu'à des postes de niveau F, soit à un niveau supérieur au sien, sans toutefois obtenir de poste ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, bien que Mme C...n'a pas fait l'objet de propositions de postes dès son retour de détachement de la part de France Télécom, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les agissements de France Télécom ne pouvaient être regardés comme constitutifs d'une situation de harcèlement moral ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 30-1 de la loi du

2 juillet 1990 : " Jusqu'au 31 décembre 2006, les agents fonctionnaires affectés à France Télécom à la date de promulgation de la présente loi et âgés d'au moins cinquante-cinq ans, à l'exception des agents pouvant prétendre à une pension à jouissance immédiate au titre des 1° et 2° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, peuvent, sur leur demande et sous réserve de l'intérêt du service, bénéficier d'un congé de fin de carrière, s'ils ont accompli au moins vingt-cinq ans de services, à France Télécom ou dans un service relevant de l'administration des postes et télécommunications, pouvant être pris en compte pour la constitution du droit à pension en application de l'article L. 5 du code des pensions civiles et militaires de retraite. / Dans ce cas, les intéressés ne peuvent revenir sur le choix qu'ils ont fait. Ils sont mis à la retraite et radiés des cadres à la fin du mois de leur soixantième anniversaire. / Au cours de ce congé de fin de carrière, ils perçoivent une rémunération, versée mensuellement par France Télécom, égale à 70 p. 100 de leur rémunération d'activité complète, composée du traitement indiciaire brut et des primes et indemnités correspondantes, au moment de leur entrée en congé de fin de carrière. Cette rémunération est assujettie aux cotisations prévues par les dispositions relatives aux assurances sociales et prestations familiales du code de la sécurité sociale. / La période de congé de fin de carrière est prise en compte pour la constitution et la liquidation du droit à pension. France Télécom verse à l'Etat, au titre des agents en congé de fin carrière, une contribution d'un montant égal à celui qui aurait résulté de l'application des dispositions des a et c de l'article 30 de la présente loi si ces agents étaient demeurés en activité à temps plein (...) " ;

9. Considérant que Mme C...soutient avoir fait l'objet de pressions de France Télécom afin qu'elle opte pour un congé de fin de carrière, en particulier de la part de la responsable de la direction des ressources humaines qui l'aurait menacée d'une affectation

" n'importe où, sans tenir compte de ses compétence, de ses souhaits et surtout sans avenir professionnel... ", faits qu'elle a portés à la connaissance du président de France Télécom par courrier du 19 juillet 2005 ; que la requérante produit également le témoignage rédigé le

15 octobre 2011 par la personne qui avait assisté à son entretien avec le responsable rétribution de la direction des ressources humaines de France Télécom le 12 juillet 2005 ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'avant d'opter pour le congé de fin de carrière le

5 octobre 2005, Mme C...avait réuni dès le mois de mai 2005 des informations, en particulier sur les conditions de rémunération en période de congé de fin de carrière et de ses conséquences sur ses droits à pension et a pu rencontrer, comme il vient d'être dit, le responsable rétribution de la direction des ressources humaines de France Télécom le

12 juillet 2005 ; que si elle a présenté une première demande de congé de fin de carrière à l'issu de cet entretien, elle a pu revenir temporairement sur cette décision ; qu'elle a de nouveau sollicité un congé de fin de carrière comme en témoigne le courrier qu'elle a adressé le 5 octobre 2005 au directeur des ressources humaines ; qu'elle a bénéficié d'une indemnité de départ en congé de fin de carrière de 28 976 euros dont 26 500 euros étaient destinés au rachat de trimestres de cotisation de retraite ; que par ailleurs, Mme C...a obtenu de manière rétroactive une promotion au grade de directeur départemental par décision du

30 décembre 2005, à compter du 4 décembre 2005, soit la veille de son départ en congé de fin de carrière ; qu'il s'ensuit que MmeC..., qui a pu négocier et optimiser les conditions de son départ, a opté pour le congé de fin de carrière en étant informée des incidences financières de celui-ci sur sa rémunération et de ses conséquences sur ses droits à pension ; que, dès lors, le vice de consentement lié au harcèlement moral dont elle prétend avoir été victime, invoqué plus de 6 ans après son départ dont serait entachée la demande de congé de fin de carrière de la requérante n'est pas établi ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de France Télécom à lui verser la somme de 695 992,80 euros au titre des préjudices qu'elle aurait subis ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Orange, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme C...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de Mme C...une somme de 1 000 euros à verser à la société Orange sur le fondement des mêmes dispositions;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Mme C...versera à la société Orange une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

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N° 13PA02249


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA02249
Date de la décision : 08/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Détachement et mise hors cadre - Détachement - Réintégration.

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Divers.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme VRIGNON-VILLALBA
Avocat(s) : SCP MERIENNE-RIGNAULT-DJAMBAZOVA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-12-08;13pa02249 ?
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