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10/12/2014 | FRANCE | N°13PA04594

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 10 décembre 2014, 13PA04594


Vu la requête, enregistrée le 16 décembre 2013, présentée pour la société Falguière Conseil, dont le siège est 33 rue des Jeûneurs à Paris (75002), par Me A... ; la société Falguière Conseil demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300530 du 22 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris, après avoir constaté le non lieu à statuer à hauteur de 880 euros sur les conclusions de sa demande, a rejeté ses conclusions tendant à la restitution complète d'un crédit d'impôt recherche constitué au titre de l'année 2011 dont elle s'estime titulai

re, après le dégrèvement accordé par l'administration fiscale, pour un montant de...

Vu la requête, enregistrée le 16 décembre 2013, présentée pour la société Falguière Conseil, dont le siège est 33 rue des Jeûneurs à Paris (75002), par Me A... ; la société Falguière Conseil demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300530 du 22 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris, après avoir constaté le non lieu à statuer à hauteur de 880 euros sur les conclusions de sa demande, a rejeté ses conclusions tendant à la restitution complète d'un crédit d'impôt recherche constitué au titre de l'année 2011 dont elle s'estime titulaire, après le dégrèvement accordé par l'administration fiscale, pour un montant de 136 590 euros ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 novembre 2014 :

- le rapport de Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,

- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour la société Falguière Conseil ;

1. Considérant que la société Falguière Conseil, qui exerce une activité de courtage en ligne d'agences immobilières sous la marque "Meilleursagents.com", a demandé la restitution de sa créance de crédit d'impôt en faveur de la recherche d'un montant de 340 741 euros au titre de l'exercice clos en 2011 ; que l'administration fiscale, qui a remis en cause le montant des salaires déclarés par la société pour déterminer le montant des dépenses éligibles au crédit d'impôt recherche de l'année 2011, n'a admis que partiellement cette demande à hauteur de 197 510 euros ; que la société Falguière Conseil relève appel du jugement n° 1300530 du 22 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris, après avoir constaté le non lieu à statuer à hauteur de 880 euros sur les conclusions de sa demande, a rejeté ses conclusions tendant à la restitution complète du crédit d'impôt recherche constitué au titre de l'année 2011 dont elle s'estime titulaire, après le dégrèvement accordé par l'administration fiscale, pour un montant de 136 590 euros ;

Sur les conclusions à fin de restitution :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " I. Les entreprises industrielles et commerciales (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année (...) / II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : / a) Les dotations aux amortissements des immobilisations, créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation d'opérations de recherche scientifique et technique, y compris la réalisation de prototypes ou d'installations pilotes. (...) / b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations (...) " ; qu'aux termes de l'article 49 septies F de l'annexe III au même code : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : (...) / c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté " ; qu'aux termes de l'article 49 septies G de l'annexe III audit code, alors en vigueur : " Le personnel de recherche comprend : / 1. Les chercheurs qui sont les scientifiques ou les ingénieurs travaillant à la conception ou à la création de connaissances, de produits, de procédés, de méthodes ou de systèmes nouveaux. Sont assimilés aux ingénieurs les salariés qui, sans posséder un diplôme, ont acquis cette qualification au sein de leur entreprise. / 2. Les techniciens, qui sont les personnels travaillant en étroite collaboration avec les chercheurs, pour assurer le soutien technique indispensable aux travaux de recherche et de développement expérimental. / Notamment : / Ils préparent les substances, les matériaux et les appareils pour la réalisation d'expériences ; / Ils prêtent leur concours aux chercheurs pendant le déroulement des expériences ou les effectuent sous le contrôle de ceux-ci ; / Ils ont la charge de l'entretien et du fonctionnement des appareils et des équipements nécessaires à la recherche et au développement expérimental. / Dans le cas des entreprises qui ne disposent pas d'un département de recherche, les rémunérations prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt sont exclusivement les rémunérations versées aux chercheurs et techniciens à l'occasion d'opérations de recherche " ;

3. Considérant que la société Falguière Conseil a développé un logiciel d'évaluation de la valeur vénale de biens immobiliers, fondé sur un modèle mathématique calculant un prix au regard des caractéristiques générales d'un bien, capable de corriger ensuite ce prix à la marge au regard de paramètres propres au segment de marché considéré, afférents à la nature spécifique du bien ou encore à des particularités locales, nommé " Estima ", considéré par l'administration fiscale comme éligible au crédit d'impôt recherche ; que, toutefois, le service a estimé que les dépenses relatives à dix-neuf des trente et un salariés n'étaient pas éligibles au crédit d'impôt sollicité, motif pris que ces salariés, dont les missions étaient essentiellement commerciales, ne pouvaient être considérés, de par leur expérience professionnelle, comme apportant une assistance technique directe aux travaux de recherche en cause et que, n'étant pas titulaires de diplômes scientifiques, ils ne pouvaient être considérés, ni comme des chercheurs, ni comme des techniciens de recherche ;

4. Considérant que, contrairement à ce que soutient la société Falguière Conseil, l'administration a la possibilité, en vertu de l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales, de faire valoir tout moyen nouveau, tant devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d'appel, jusqu'à la clôture de l'instruction ; que, dans ces conditions, l'administration fiscale est recevable à faire valoir pour la première fois devant la Cour qu'eu égard aux différentes thématiques susmentionnées, la société requérante ne justifie pas avoir réalisé au titre de l'année en litige une opération de recherche au sens des dispositions de

l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts dès lors, soit qu'elle n'a fait que développer et adapter des travaux de portée générale qu'elle a réalisés antérieurement ou s'appuyant sur des données déjà existantes, soit qu'elle n'a réalisé que des travaux d'études ou d'interprétation, soit que la thématique de recherche était identique à un thème déjà exploité au titre de l'année 2010 ;

5. Considérant, par ailleurs, que la demande de la société Falguière Conseil tend à la restitution du crédit d'impôt recherche constitué au titre de l'année 2011 ; qu'elle a donc un objet distinct de celui des arrêts de la Cour de céans dont elle se prévaut, qui concernaient le remboursement du crédit d'impôt recherche des années 2008 et 2010 ; que, par suite, la société Falguière Conseil n'est pas fondée à invoquer l'autorité de chose jugée attachée à ces arrêts pour soutenir que les salariés dont les rémunérations ont été retenues dans les bases du crédit d'impôt recherche de l'année 2011 ont les qualifications nécessaires et devaient être assimilés à des techniciens de recherche ;

6. Considérant que les travaux de la société requérante ont reposé en 2011 sur sept thématiques de recherche, à savoir " construction d'un indice hédonique mensuel ", " construction d'un indice immobilier pour des zones non homogènes ", " géo-localisation d'annonces ", " détection des doublons dans un corpus d'annonces ", " internet comme facteur de désintermédiation sur le marché immobilier résidentiel ", " étude des déterminants du recours aux solutions sans intermédiaire sur le marché immobilier résidentiel " et " étude de la moralisation des contrats à l'épreuve des faits " ; qu'il résulte de l'instruction, et comme l'admet la société requérante, que les thèmes 1 et 2 dénommés " construction d'un indice hédonique mensuel " et " construction d'un indice immobilier pour des zones non homogènes " sont une extension du thème 4 développé en 2010 et que les travaux y afférents ont consisté à améliorer les modèles d'estimation ; que les travaux du thème 3 relatifs à la géo-localisation d'annonces, au demeurant basés sur des données existantes de l'INSEE, de l'Institut national de l'information géographique et forestière et d'autres services administratifs, ont porté notamment sur l'extension du référentiel de toponymes à d'autres types de lieux, sur l'amélioration de la reconnaissance des noms propres et la gestion plus fine des paramètres ; que les travaux se rapportant au thème 4 relatif à la détection des doublons dans un corpus d'annonces immobilières sont des techniques existantes en classification de données, alors même qu'elles n'auraient jamais été appliquées au cas d'espèce ; que les travaux du thème 5 intitulé " internet comme facteur de désintermédiation sur le marché immobilier résidentiel " constituent une étude comportementale analysant comment la signature d'un mandat de vente est influencée par le parcours de l'acheteur sur la toile et dont il n'est pas démontré qu'elle aurait participé au développement du logiciel en cause ; que, de même, les travaux des thèmes 6 et 7 relatifs respectivement à " l'étude des déterminants du recours aux solutions sans intermédiaire sur le marché immobilier résidentiel " et à " l'étude de la moralisation des contrats à l'épreuve des faits " reposent sur l'interprétation de données collectées et ont essentiellement débouché sur des présentations dans des colloques ou sur des publications ; qu'ainsi, les travaux réalisés par la société Falguière Conseil en 2011, dès lors qu'ils ont consisté à perfectionner des procédés existants ou à en développer des fonctionnalités particulières et qu'ils se sont traduits par des améliorations non substantielles de techniques déjà existantes, ne caractérisent pas des opérations de développement expérimental présentant un caractère de nouveauté ; qu'il suit de là que l'administration fiscale est fondée à soutenir que les travaux en cause ne sont pas éligibles au crédit sollicité sur le fondement des dispositions précitées de l'article 244 quater B du code général des impôts et de l'article 49 septies F de la troisième annexe de ce code ;

Sur le bénéfice de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales :

7. Considérant, d'une part, que la décision du 13 novembre 2012 du directeur des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris a eu pour unique objet de ramener de 334 980 euros à 197 510 euros le remboursement pouvant selon l'administration fiscale être sollicité s'agissant du crédit d'impôt recherche constitué par la société Falguière Conseil au titre de l'année 2011 ; que l'administration n'a aucunement motivé la restitution du crédit d'impôt recherche ainsi prononcée, et s'est bornée à motiver la réduction du remboursement qu'elle estimait pouvoir être sollicité au titre de l'année 2011 par le fait que cette réduction correspondait à des dépenses relatives à dix-neuf des trente et un salariés non éligibles au crédit d'impôt sollicité, dès lors que ces salariés, dont les missions étaient essentiellement commerciales, ne pouvaient être considérés, de par leur expérience professionnelle, comme apportant une assistance technique directe aux travaux de recherche en cause et que, n'étant pas titulaires de diplômes scientifiques, ils ne pouvaient être considérés, ni comme des chercheurs, ni comme des techniciens de recherche ; que, dès lors, la décision précitée du 13 novembre 2012 ne constitue pas une prise de position formelle de l'administration sur la situation de fait de la société dont celle-ci serait susceptible de se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

8. Considérant, d'autre part, que la décision de l'administration du 14 février 2013 d'accorder à la société Falguière Conseil, au cours de la première instance, un dégrèvement d'un montant de 880 euros sur le montant non restitué de 137 470 euros au titre du crédit d'impôt recherche de l'année 2011 n'est pas motivée ; que, dans ces conditions, elle ne constitue pas une prise de position formelle sur l'appréciation d'une situation de fait au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ; que, dès lors, la société requérante ne peut s'en prévaloir sur le fondement de cet article ;

Sur les conclusions reconventionnelles présentées par le ministre :

9. Considérant qu'aux termes de l'article R. 200-15 du livre des procédures fiscales : " L'administration peut, au cours de l'instance, présenter des conclusions reconventionnelles tendant à l'annulation ou à la réformation de la décision prise sur la réclamation primitive. Ces conclusions sont communiquées au réclamant dans les conditions prévues par le code de justice administrative " ;

10. Considérant que le ministre des finances et des comptes publics demande, sur le fondement des dispositions précitées, de mettre à la charge de la société Falguière Conseil le remboursement de la somme de 197 510 euros dont le directeur général des finances publiques a prononcé la restitution antérieurement à la saisine des premiers juges ; que, toutefois, le ministre n'est pas recevable à demander en appel le remboursement du montant du crédit d'impôt recherche constitué au titre de l'année 2011 par la société Falguière Conseil, qu'il a restitué antérieurement à la saisine du tribunal et qui n'a fait l'objet d'aucune conclusion devant les premiers juges ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de recourir à l'expertise sollicitée, que la société Falguière Conseil n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que les conclusions de la requête tendant à l'annulation dudit jugement et à la restitution du crédit d'impôt recherche de l'année 2011 ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Falguière Conseil est rejetée.

Article 2 : Les conclusions reconventionnelles présentées par le ministre des finances et des comptes publics sont rejetées.

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N° 08PA04258

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N° 13PA04594


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA04594
Date de la décision : 10/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: Mme Anne MIELNIK-MEDDAH
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : BONIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-12-10;13pa04594 ?
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