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23/03/2015 | FRANCE | N°14PA02184

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 23 mars 2015, 14PA02184


Vu la requête, enregistrée le 12 mai 2014, présentée pour la société ACIECO, dont le siège se situe 29, rue du Général de Gaulle à Parmain (95620), par MeE... ; la société ACIECO demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1210441/7-1 du 13 mars 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'établissement public Eau de Paris à lui verser, d'une part, la somme totale de 79 765, 50 euros HT, soit

95 399, 54 euros TTC, au titre de deux factures impayées émises dans le cadre d'un marché public de trava

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Vu la requête, enregistrée le 12 mai 2014, présentée pour la société ACIECO, dont le siège se situe 29, rue du Général de Gaulle à Parmain (95620), par MeE... ; la société ACIECO demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1210441/7-1 du 13 mars 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'établissement public Eau de Paris à lui verser, d'une part, la somme totale de 79 765, 50 euros HT, soit

95 399, 54 euros TTC, au titre de deux factures impayées émises dans le cadre d'un marché public de travaux ainsi que les intérêts moratoires contractuellement prévus, d'autre part, la somme de 5 000 euros au titre des dommages et intérêts dus pour résistance abusive, et enfin les dépens ainsi qu'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de condamner l'établissement public Eau de Paris à lui verser une somme de

18 233 euros au titre de la situation de travaux n° 7, augmentée des intérêts moratoires, ainsi que la somme de 8 516 euros correspondant aux intérêts moratoires dus en raison du retard accumulé pour le règlement de la situation n° 6 ;

3°) de condamner cet établissement à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

4°) de mettre à la charge de l'établissement Eau de Paris la somme de 3 000 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens ;

Elle soutient que :

* le jugement est irrégulier, dans la mesure où elle n'a eu communication que du sens, et non de l'intégralité, des conclusions du rapporteur public, en méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

* le décompte général ne pouvait être regardé par le tribunal comme ayant un caractère définitif ; en effet, l'établissement Eau de Paris ne peut se prévaloir des stipulations de l'article 13.44 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) alors même qu'il a institué une dérogation à ces stipulations en indiquant dans ce décompte que celui-ci devait lui être retourné ; en tout état de cause, le maître d'oeuvre avait été informé préalablement des contestations en cause ;

* en l'absence de caractère définitif du décompte général, il devra être constaté que le retard de paiement de la situation n°6 doit faire l'objet du versement d'une somme de

8 516 euros au titre des intérêts moratoires ; en outre, la situation n° 7 doit donner lieu au versement d'une somme de 18 233 euros, augmentées des intérêts moratoires, conformément à l'article 3.2.5 du cahier des clauses administratives particulières du marché ;

* les retenues réclamées par l'établissement Eau de Paris du fait de la " non présentation des DOE auprès de l'architecte " ne sont pas justifiées, non plus que les pénalités de retard qui lui ont été appliquées ;

* en raison du préjudice subi du fait du non-paiement des factures, qui constitue une résistance abusive, elle est fondée à demander le versement de la somme de 5 000 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2014, présenté pour Eau de Paris, dont le siège est situé 19, rue Neuve Tolbiac (CS 61373, 75214 Paris Cedex 13), par MeB... ; Eau de Paris conclut au rejet de la requête et demande, en outre, à la Cour, de mettre à la charge de la société ACIECO le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Eau de Paris soutient que :

* la communication des conclusions du rapporteur public n'est aucunement un droit, et ne peut être obtenu qu'en formulant une demande auprès de celui-ci ;

* la possibilité d'adresser le décompte général au maître d'ouvrage, qui ne constituait pas une règle dérogatoire, ne dispensait pas la société d'envoyer son mémoire de réclamation au maître d'oeuvre, en application de l'article 13.44 du CCAG ; l'information du maître d'oeuvre antérieurement est sans incidence sur la solution du litige ;

* subsidiairement, les demandes de la société sont dépourvues de fondement ;

* enfin, la société ne peut se prévaloir d'un quelconque préjudice ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 9 janvier 2015, présenté pour MeD..., en qualité d'administrateur judiciaire de la société ACIECO, par MeE... ; Me D...conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Il soutient, en outre, que, si par extraordinaire la Cour devait retenir l'application de pénalités, elle devrait limiter leur montant à 1 euro symbolique, en raison du comportement de l'établissement Eau de Paris ;

Vu l'ordonnance du 12 janvier 2015 fixant, en dernier lieu, la clôture de l'instruction au 2 février 2015, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 mars 2015, présenté pour Eau de Paris, par MeB... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 mars 2015, présentée pour l'établissement public Eau de Paris, par MeB... ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 modifié, portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mars 2015 :

- le rapport de Mme Sirinelli, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Vrignon, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant la société ACIECO, et de Me A..., représentant Eau de Paris ;

1. Considérant qu'en avril 2010, l'établissement public Eau de Paris a, dans le cadre d'un marché ayant pour objet le réaménagement et l'élévation d'un bâtiment de bureaux situé à Joinville, notifié à la société ACIECO le lot n° 2 correspondant aux travaux de façade (murs rideaux, bardage, menuiseries extérieures, serrureries, toiture) ; que cette société, qui a contesté le décompte général du marché transmis par Eau de Paris le 13 septembre 2011, relève appel du jugement du 13 mars 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de cet établissement public à lui verser, d'une part, la somme de 79 765, 50 euros HT, soit 95 399, 54 euros TTC, au titre de deux factures impayées émises dans le cadre de ce marché ainsi que les intérêts moratoires contractuellement prévus, d'autre part, la somme de 5 000 euros au titre des dommages et intérêts dus pour résistance abusive ;

Sur les conclusions tendant au règlement du solde du marché :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

2. Considérant que le rapporteur public, qui a pour mission d'exposer les questions que présente à juger le recours sur lequel il conclut et de faire connaître, en toute indépendance, son appréciation, qui doit être impartiale, sur les circonstances de fait de l'espèce et les règles de droit applicables ainsi que son opinion sur les solutions qu'appelle, suivant sa conscience, le litige soumis à la juridiction à laquelle il appartient, prononce ses conclusions après la clôture de l'instruction à laquelle il a été procédé contradictoirement ; que l'exercice de cette fonction n'est pas soumis au principe du caractère contradictoire de la procédure applicable à l'instruction ; qu'il suit de là que les conclusions du rapporteur public, qui peuvent d'ailleurs ne pas être écrites, n'ont à faire l'objet d'une communication préalable aux parties ; qu'il s'ensuit que la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en violation des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, elle n'a eu communication que du sens, et non de l'intégralité, des conclusions du rapporteur public ;

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

3. Considérant que l'article 13.44 du cahier des clauses administratives générales, dans sa rédaction applicable au présent marché, stipule que : " L'entrepreneur doit, dans un délai compté à partir de la notification du décompte général, le renvoyer au maître d'oeuvre, revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer. Ce délai est de trente jours, si le marché a un délai d'exécution inférieur ou égal à six mois. Il est de quarante-cinq jours, dans le cas où le délai contractuel d'exécution du marché est supérieur à six mois. / Si la signature du décompte général est donnée sans réserve, cette acceptation lie définitivement les parties, sauf en ce qui concerne le montant des intérêts moratoires ; ce décompte devient ainsi le décompte général et définitif du marché. / Si la signature du décompte général est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l'entrepreneur dans un mémoire de réclamation qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires en reprenant sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif ; ce mémoire doit être remis au maître d'oeuvre dans le délai indiqué au premier alinéa du présent article. Le règlement du différend intervient alors suivant les modalités indiquées à l'article 50 (...) " ; qu'il résulte de ces stipulations que l'entrepreneur doit notifier au maître d'oeuvre, dans un délai fixé selon le cas à trente ou à quarante-cinq jours à compter de la notification du décompte général par le maître de l'ouvrage, le mémoire de réclamation faisant valoir ses éventuelles réserves, le règlement du différend intervenant alors selon les modalités précisées à l'article 50 ;

4. Considérant qu'il est constant que, le 15 septembre 2011, en réponse à la notification du décompte général, la société ACIECO a transmis son mémoire de réclamation, non au maître d'oeuvre, mais à l'établissement public Eau de Paris, maître d'ouvrage ; que cet établissement ne saurait être regardé comme ayant renoncé aux modalités de contestation prévues par les stipulations précitées de l'article 13.44 du cahier des clauses administratives générales au seul motif que ce décompte, notifié le 13 septembre précédent, invitait la société à le renvoyer dans les plus brefs délais, signé, à l'établissement Eau de Paris ; qu'enfin, si la société ACIECO fait valoir qu'elle avait contesté, dès le 19 janvier 2011, le refus de paiement des deux factures en cause auprès du maître d'oeuvre, cette réclamation, antérieure à la notification du décompte général, ne saurait tenir lieu de mémoire de réclamation au sens des dispositions précitées et faire obstacle au caractère définitif du décompte; qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que le tribunal a rejeté les conclusions de la société ACIECO aux fins de règlement du solde du marché en estimant que sa contestation de ce décompte, faute de recours préalable exercé dans les formes et délais prévus par l'article 13.44 du cahier des clauses administratives générales, était irrecevable ;

Sur les conclusions tendant à la condamnation d'Eau de Paris pour " résistance abusive " :

5. Considérant que la société ACIECO ne justifie pas que le retard de paiement invoqué des factures en litige serait à l'origine d'un préjudice distinct de celui susceptible d'être réparé par le versement d'intérêts moratoires dans le cadre des stipulations contractuelles ; que, par suite, ses conclusions au fin de versement d'une somme de 5 000 euros ne peuvent qu'être rejetées ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société ACIECO n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les dépens :

7. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser la contribution pour l'aide juridique, seuls dépens de l'instance, à la charge de la société ACIECO ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'établissement public Eau de Paris, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la société ACIECO au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en outre, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette société la somme demandée par l'établissement public Eau de Paris sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société ACIECO est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'établissement public Eau de Paris en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société ACIECO et à l'établissement public Eau de Paris.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président,

- M. Auvray, président assesseur,

- Mme Sirinelli, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 23 mars 2015.

Le rapporteur,

M. SIRINELLILe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAULe greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA02184


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA02184
Date de la décision : 23/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-08-01 Marchés et contrats administratifs. Règles de procédure contentieuse spéciales. Recevabilité.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Marie SIRINELLI
Rapporteur public ?: Mme VRIGNON-VILLALBA
Avocat(s) : SELAS BRUNO KERN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-03-23;14pa02184 ?
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