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10/04/2015 | FRANCE | N°14PA00203

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 10 avril 2015, 14PA00203


Vu la requête, enregistrée le 16 janvier 2014, présentée pour M. A...C..., agissant pour le compte de la succession de Mme B...C..., demeurant au..., par MeD... ; M. C... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 1209619 et 1212307 du 22 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de Mme B...C...tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006 et 2007, en tant que ces impositions supplémentaires procèdent de la r

intégration, dans les revenus fonciers, des sommes versées par les loc...

Vu la requête, enregistrée le 16 janvier 2014, présentée pour M. A...C..., agissant pour le compte de la succession de Mme B...C..., demeurant au..., par MeD... ; M. C... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 1209619 et 1212307 du 22 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de Mme B...C...tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006 et 2007, en tant que ces impositions supplémentaires procèdent de la réintégration, dans les revenus fonciers, des sommes versées par les locataires au titre de droits d'entrée, des dépenses mises par convention à la charge des locataires et des dépenses correspondant à des travaux réalisés dans un local commercial situé avenue de Montaigne à Paris ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. C... soutient que :

- les sommes versées par les sociétés Sophie Soleil et Aquascutum, locataires, ne constituent pas la contrepartie de la jouissance des locaux mais la contrepartie de l'accord des nus-propriétaires à la signature du bail ; en effet, l'usufruitier ne peut, sans l'accord du nu-propriétaire, conclure un bail commercial ; si de telles sommes devaient être soumises à l'impôt dans la catégorie des revenus fonciers, elles devraient être déductibles en application de l'article 13 du CGI, l'usufruitière en étant redevable aux nus-propriétaires ; les chèques produits permettent d'établir qu'une somme de 180 000 euros a été reversée en 2006 aux nus-propriétaires ;

- le local loué à la société Aquascutum étant en parfait état, les travaux réalisés par le locataire ont consisté à aménager le local en fonction des besoins de son activité ; ces travaux ne profiteront au propriétaire qu'au terme du bail ; dès lors, aucun fait générateur ne peut être constaté avant le terme du bail ; la franchise de loyer constitue uniquement la contrepartie de la période d'indisponibilité des locaux liée à la réalisation des travaux ; les dépenses en cause ne sont pas de celles incombant au propriétaire ; l'estimation retenue par le service, sur la base d'un prorata de loyer, ne correspond pas au montant des travaux acquittés par le locataire ; ces dépenses, réglées par le locataire, qui n'ont pas pu transiter par la comptabilité du gérant, devraient en tout état de cause donner lieu à déduction au titre des charges visées à l'article 31 du code général des impôts ;

- contrairement à ce qu'indique l'administration, le bar-brasserie n'a pas été transformé en trois boutiques mais a été remis en état pour permettre l'installation d'un locataire dans une seule boutique ; les travaux, qui consistent dans la remise en état de locaux agencés par un précédent locataire, n'ont pas apporté d'éléments de confort nouveaux ; le seul fait que le local ait été loué à un locataire exerçant une activité différente du locataire précédent ne suffit pas à qualifier les travaux en cause de travaux d'amélioration non déductibles ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2014, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui déclare que, pour les dépenses mises par convention à la charge des locataires, les rehaussements sont abandonnés et le certificat de dégrèvement sera prochainement adressé à la Cour, et conclut au rejet du surplus des conclusions de la requête ;

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 16 mars 2015, présenté pour M. C... ; il conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; il soutient en outre que les nus-propriétaires étaient autorisés, dans leurs rapports avec l'usufruitière, à demander une contrepartie à leur accord pour la signature d'un bail commercial ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mars 2015 :

- le rapport de M. Cheylan, premier conseiller,

- les conclusions de M. Boissy, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme B...C...a donné en location à la société Sophie Soleil en novembre 2005 et à la société Aquascutum en juillet 2006 un local commercial lui appartenant en usufruit, situé au rez-de-chaussée d'un immeuble avenue Montaigne à Paris ; qu'elle a déduit de ses revenus fonciers des dépenses correspondant à des travaux réalisés dans ce local en 2006 pour un montant de 338 953 euros ; qu'à la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a, entre autres chefs de rehaussements, réintégré dans les revenus fonciers imposables les sommes versées en 2005 et en 2006 à titre de droit d'entrée par les sociétés locataires, ainsi que les dépenses mises par convention à la charge des locataires ; qu'en outre, le service n'a admis la déduction des dépenses de travaux qu'à hauteur de 430 euros pour 2006 ; que les rehaussements correspondants ont été notifiés suivant une procédure de rectification contradictoire à Mme B...C...par une proposition de rectification du 19 juin 2009 ; que M.C..., agissant pour le compte de la succession de Mme B...C..., relève appel du jugement du 22 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de Mme B...C...tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006 et 2007, en tant que ces impositions supplémentaires procèdent de la réintégration, dans les revenus fonciers, des sommes versées par les locataires au titre de droits d'entrée, des dépenses mises par convention à la charge des locataires et des dépenses correspondant aux travaux réalisés dans le local commercial ci-dessus mentionné ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que, par décision en date du 27 mai 2014, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, à concurrence d'une somme globale de 137 835 euros, d'une partie des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles Mme B...C...avait été assujettie au titre de l'année 2006 ; qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté par M. C...que ce dégrèvement correspond à l'abandon du chef de rehaussement portant sur la réintégration des dépenses mises par convention à la charge des locataires ; que ses conclusions en décharge sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;

Sur le bien-fondé des impositions restant en litige :

En ce qui concerne les sommes versées par les locataires à la signature du bail :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 29 du code général des impôts : " (...) le revenu brut des immeubles ou parties d'immeubles donnés en location, est constitué par le montant des recettes brutes perçues par le propriétaire, augmenté du montant des dépenses incombant normalement à ce dernier et mises par les conventions à la charge des locataires. Les subventions et indemnités destinées à financer des charges déductibles sont comprises dans le revenu brut. Il n'est pas tenu compte des sommes versées par les locataires au titre des charges leur incombant (...) " ; que le droit d'entrée perçu par le bailleur doit en principe être regardé comme un supplément de loyer ; qu'il ne peut en aller autrement que si, dans les circonstances particulières de l'espèce, il apparaît, d'une part, que le loyer n'est pas anormalement bas et, d'autre part, que le droit d'entrée constitue la contrepartie d'une dépréciation du patrimoine du bailleur ou de la cession d'un élément d'actif ; que la seule circonstance que le bail commercial se traduise, pour le preneur, par la création d'un élément d'actif nouveau, compte tenu du droit au renouvellement du bail que celui-ci acquiert, ne suffit pas pour caractériser une dépréciation du patrimoine du bailleur ou une cession d'actif de sa part ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Sophie Soleil et la société Aquascutum ont versé respectivement des sommes de 50 000 euros en 2005 et de 250 000 euros en 2006 à Mme B...C...à la signature du bail ; que, selon les indications non contestées de la proposition de rectification du 19 juin 2009, l'article 15 du contrat de bail conclu le 17 novembre 2005 avec la société Sophie Soleil et l'article 14 du contrat de bail conclu le 26 juillet 2006 avec la société Aquascutum prévoyaient expressément que ces sommes seraient versées au bailleur " à titre de droit d'entrée " ; que si M. C...soutient que les nus-propriétaires étaient autorisés, dans leurs rapports avec l'usufruitière, à demander une contrepartie à leur accord pour la signature d'un bail commercial, cette circonstance n'est pas de nature à faire obstacle à ce que les sommes en cause soient regardées comme un supplément de loyer imposable en application des dispositions précitées de l'article 29 du code général des impôts ; qu'il ne ressort pas des éléments du dossier et qu'il n'est pas allégué que les sommes versées par les locataires représenteraient la contrepartie d'une dépréciation du patrimoine du bailleur ou de la cession d'un élément d'actif ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a estimé que les sommes en litige devaient être imposées dans la catégorie des revenus fonciers en tant que suppléments de loyer ;

5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 13 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu (...) " ;

6. Considérant que le requérant, pour soutenir que le droit d'entrée acquitté par la société Aquascutum a été reversé aux nus-propriétaires, produit la copie de trois chèques d'un montant unitaire de 20 000 euros établis par le cabinet de gestion le 1er août 2006 au nom de Stanislas, Aleksandra et Delphine C...et la copie d'un relevé bancaire mentionnant une remise de chèques le 3 août 2006 pour un montant de 60 000 euros ; que, toutefois, les document fournis n'apportent aucune indication sur une éventuelle corrélation entre les sommes ainsi versées par le cabinet de gestion et le droit d'entrée acquitté par les locataires ; que ces documents ne permettent pas davantage d'établir que les sommes versées par les locataires constitueraient la contrepartie de l'accord des nus-propriétaires à la signature du bail ; que, dans ces conditions, les sommes mentionnées sur ces documents, qui ne correspondent d'ailleurs pas au montant du droit d'entrée, ne peuvent pas être regardées comme des dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu foncier au sens de l'article 13 du code général des impôts ; que le moyen ne peut dès lors qu'être écarté ;

En ce qui concerne les travaux immobiliers :

7. Considérant qu'aux termes du I de l'article 31 du code général des impôts : " Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : / 1° Pour les propriétés urbaines : / a) Les dépenses de réparation et d'entretien (...) b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement (...) b bis) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux professionnels et commerciaux destinées à protéger ces locaux des effets de l'amiante ou à faciliter l'accueil des handicapés, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que pour les locaux autres que ceux qui sont à usage d'habitation, seules sont déductibles des revenus fonciers les dépenses correspondant à des travaux d'entretien et de réparation ; que ces travaux sont ceux qui ont pour objet de maintenir ou de remettre un immeuble en bon état et d'en permettre un usage normal sans en modifier la consistance, l'agencement ou l'équipement initial ;

8. Considérant que l'administration, pour refuser la déduction des dépenses relatives aux travaux, autres que ceux de désamiantage, réalisés dans le local commercial en litige, a estimé que ces travaux, qui avaient permis la transformation d'un bar en surfaces commerciales destinées à la vente au détail d'articles vestimentaires, avaient modifié l'agencement et l'équipement initial du local ; que les factures produites par le requérant, dont le libellé est le plus souvent imprécis, ne permettent pas de se prononcer sur la nature des travaux en litige ; qu'il ressort en revanche d'un courrier de l'architecte du 15 décembre 2009 que les travaux réalisés dans ces locaux avaient pour objet le confortement de la structure porteuse, le remplacement de la verrière, des fenêtres et des portes vétustes, la mise en conformité des fluides, électricité, chauffage, plomberie, ainsi que l'assainissement de la cave et le remplacement de l'escalier non conforme ; qu'il est constant que le local dont il s'agit, précédemment utilisé à usage de bar, a été affecté à la suite de ces travaux au commerce de vêtements de luxe ; qu'ainsi, et alors même qu'une seule boutique de vêtements serait exploitée dans le local en litige, ces travaux, dont l'objet, sans lien par ailleurs avec l'accueil des handicapés, était de transformer un ancien bar en boutique de vente de vêtements de luxe, ne constituaient pas de simples dépenses d'entretien ou de réparation ; qu'eu égard à leur nature et à leur finalité, de tels travaux, qui ont modifié la consistance et l'aménagement d'un local commercial, doivent être regardés comme des travaux d'amélioration non déductibles ; qu'il n'est pas allégué que certaines des dépenses en cause porteraient sur des travaux d'entretien et de réparation dissociables des travaux d'amélioration ci-dessus mentionnés ; que, dès lors, c'est par une exacte application des dispositions précitées de l'article 31 du code général des impôts que lesdites dépenses de travaux ont été réintégrées dans les revenus fonciers imposables de Mme B...C... ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu restant en litige au titre des années 2006 et 2007 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 500 euros au titre des frais exposés par M. C...et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M.C..., à concurrence d'une somme totale de 137 835 euros.

Article 2 : Le surplus des conclusions en décharge de M. C...est rejeté.

Article 3 : L'Etat versera à M. C...la somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2015, à laquelle siégeaient :

Mme Mosser, président de la formation de jugement,

Mme Stahlberger, président,

M. Cheylan, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 10 avril 2015.

Le rapporteur,

F. CHEYLANLe président,

G. MOSSERLe greffier,

J. BOUCLY

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA00203


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA00203
Date de la décision : 10/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus fonciers.


Composition du Tribunal
Président : Mme MOSSER
Rapporteur ?: M. Frédéric CHEYLAN
Rapporteur public ?: M. BOISSY
Avocat(s) : MARECHAL

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-04-10;14pa00203 ?
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