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28/05/2015 | FRANCE | N°13PA03486

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 28 mai 2015, 13PA03486


Vu la requête, enregistrée le 6 septembre 2013, présentée pour la SCI Le Tilleul Argenté, dont le siège est situé 2 bis rue du Parc des Sports à Brie Comte B...(77170), par la société d'avocats Dubault-Biri et associés ;

La société Le Tilleul Argenté demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102792 du 10 juillet 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2005 et des pénalités

y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la ch...

Vu la requête, enregistrée le 6 septembre 2013, présentée pour la SCI Le Tilleul Argenté, dont le siège est situé 2 bis rue du Parc des Sports à Brie Comte B...(77170), par la société d'avocats Dubault-Biri et associés ;

La société Le Tilleul Argenté demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102792 du 10 juillet 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2005 et des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la proposition de rectification n'a pas été régulièrement motivée au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales et des principes appliqués par la jurisprudence civile dès lors que le service n'a pas assorti la liste des termes de comparaison retenus de précisions suffisantes, que les termes de comparaison retenus par l'administration n'étaient pas intrinsèquement similaires aux biens à évaluer et qu'elle a motivé l'application de la procédure de substitution de valeur vénale prévue à l'article L. 17 du livre des procédures fiscales et au b du 2 de l'article 266 du code général par un acte anormal de gestion et n'a pas mentionné l'existence d'une fraude ou d'une évasion fiscale ;

- il résulte des doctrines fiscales 7 A-61 n° 6 du 10 septembre 1996 et 13 L-1513 n°86 et 89 du 1er juillet 2002 que l'administration est tenue de d'indiquer dans la proposition de rectification les éléments chiffrés et les termes de comparaison justifiant les rehaussements envisagés sur les prix ou les évaluations ;

- l'administration, qui a substitué les valeurs vénales des biens en cause aux prix de cession convenus entre elle et ses acquéreurs sans établir que les ventes concernées procèdent d'une fraude ou d'une évasion fiscales au sens des dispositions combinées du 1 et du 5 de l'article 27 de la sixième directive communautaire 77/388/CE du 17 mai 1977 a méconnu les dispositions du b) du 2 de l'article 266 du code général des impôts et de l'article L. 17 du livre des procédures fiscales ;

- ce faisant elle a également méconnu les n° 2 et 4 de l'instruction BOI 8 A-3-04 du 7 juin 2004 ;

- l'absence de fraude est établie par l'abandon par l'administration des pénalités pour manquement délibéré ;

- l'administration, en rappelant au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2005 des rappels de taxe sur la valeur ajoutée exigible le 1er février 2004, date de signature des compromis synallagmatiques de vente valant ventes parfaites en application des dispositions des articles 1583 et 1589 du code civil, qui étaient les faits générateurs de cette taxe, coïncidant avec son exigibilité de la taxe, définis au c) du 1 et au a) du 2 de l'article 269 du code général des impôts, a méconnu le principe d'annualité de l'impôt ;

- il résulte également de la doctrine administrative 8 A-1131 n° 3 du 15 novembre 2001 que les compromis de vente doivent être considérés comme des ventes lorsqu'ils emportent comme en l'espèce consentement réciproque des parties sur la chose et le prix et doivent alors être soumis au même régime fiscal que les ventes proprement dites et de la doctrine 7 C-1212 n° 7 du 1er octobre 2001 que la validité des compromis de vente n'est pas subordonnée au respect des conditions imposées aux promesses unilatérales de vente ;

- dès lors que la taxe en litige était devenue exigible au cours de l'année 2004, elle était prescrite en application des dispositions de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales depuis le 1er janvier 2008 ;

- l'administration a reconnu le mal fondé de la remise en cause du prix de cession des biens litigieux en prononçant le dégrèvement d'office des compléments d'impôt sur le revenu mis à la charge de ses associés par un mémoire du 18 octobre 2011 ;

- à cet égard le principe de l'indépendance des procédures ne lui est pas opposable dès lors qu'il résulte des dispositions combinées des articles 8 et 60 du code général des impôts que la procédure d'imposition la concernant et celle concernant ses associés est une procédure unique ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2014, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient qu'aucun des moyens de la requérante n'est fondé ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 23 avril 2014, présenté pour la société Le Tilleul argenté, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance en date du 29 avril 2014 fixant la clôture d'instruction au 30 mai 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 mai 2014, présenté par le ministre des finances et des comptes publics ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la sixième directive n° 77-388-CEE du Conseil des communautés européennes en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mai 2015 :

- le rapport de Mme Notarianni, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- et les observations de Me Dubault, avocat de la SCI Le Tilleul Argenté ;

1. Considérant que la SCI Le Tilleul Argenté, qui exploite une activité de promoteur immobilier, a réalisé à partir de 1999 une opération de construction en plusieurs tranches à Brie-Comte-B... (A...-et-Marne) ; qu'elle a vendu le 14 avril 2005 en l'état futur d'achèvement aux consortsC..., son gérant et des membres de sa famille, qui détenaient directement ou indirectement son capital, vingt-quatre des quarante-huit appartements de la troisième tranche ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007, elle a fait l'objet, par une proposition de rectification datée du 17 décembre 2008, selon la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, de rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2005 par suite de la remise en cause par l'administration, sur le fondement des dispositions des articles 266 du code général des impôts et L. 17 du livre des procédures fiscales, du prix de cession de ces appartements ; que la société Le Tilleul Argenté demande l'annulation du jugement du 10 juillet 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des intérêts de retard correspondants ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile ;

3. Considérant que pour contester la régularité de la motivation de la proposition de rectification, qui ne dépend pas de son bien-fondé, la société requérante ne peut utilement critiquer la pertinence des termes de comparaison retenus par le service pour procéder à l'évaluation de la valeur vénale des biens cédés, ni la mention par l'administration d'un acte anormal de gestion ;

4. Considérant que la proposition de rectification adressée à la société Le Tilleul Argenté le 17 décembre 2008 mentionnait notamment, s'agissant des motifs du rehaussement, que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée notifiée résultaient de l'évaluation par le service, en application des dispositions de l'article L. 17 du livre des procédures fiscales et du b. du 2. de l'article 266 du code général des impôts, de la valeur vénale réelle des vingt-quatre appartements cédés en l'état futur d'achèvement par cette société le 14 avril 2005 aux membres de la familleC..., en détaillant la méthode d'évaluation et les termes de comparaison retenus, lesquels étaient les ventes au public des autres appartements du même programme de promotion immobilière effectuées par la société requérante elle-même, dont elle précisait notamment la date, les acquéreurs et le prix de cession ; que cette proposition de rectification comportait ainsi les indications permettant à la contribuable de discuter utilement du bien-fondé de ce rappel ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 17 du livre des procédures fiscales : " En ce qui concerne les droits d'enregistrement et la taxe de publicité foncière ou la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'elle est due au lieu et place de ces droits ou taxe, l'administration des impôts peut rectifier le prix ou l'évaluation d'un bien ayant servi de base à la perception d'une imposition lorsque ce prix ou cette évaluation paraît inférieur à la valeur vénale réelle des biens transmis ou désignés dans les actes ou déclarations. La rectification correspondante est effectuée suivant la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55, l'administration étant tenue d'apporter la preuve de l'insuffisance des prix exprimés et des évaluations fournies dans les actes ou déclarations " ; que si l'administration fiscale ne peut écarter le prix résultant de la volonté des parties, qui constitue en principe l'assiette de la taxe, et asseoir l'imposition d'office sur une base plus élevée qu'à la condition d'établir que celle-ci correspond à la valeur vénale réelle des biens en cause, il n'en résulte pas, contrairement à ce qui est soutenu par la requérante, que l'administration doive motiver la rectification qu'elle opère en mentionnant l'existence d'une fraude ou d'une évasion fiscale ;

6. Considérant, enfin, s'agissant de la motivation de la proposition de rectification, que la société Le Tilleul Argenté ne peut utilement invoquer le contenu d'instructions fiscales qui, traitant de questions touchant à la procédure d'imposition, ne peuvent être regardées comme comportant une interprétation de la loi fiscale au sens des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

En ce qui concerne la date du fait générateur de la taxe sur la valeur ajoutée :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 269 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " 1. Le fait générateur de la taxe se produit : (...) c) Pour les mutations à titre onéreux ou les apports en société entrant dans le champ d'application du 7° de l'article 257, à la date de l'acte qui constate l'opération ou, à défaut, au moment du transfert de propriété ; (...) 2. La taxe est exigible : a) Pour les livraisons et les achats visés au a du 1 et pour les opérations mentionnées aux b, c, d et e du 1, lors de la réalisation du fait générateur (...) " ; qu'aux termes, enfin, de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts " ;

8. Considérant que la société requérante soutient que le fait générateur de la taxe sur la valeur ajoutée en litige au sens des dispositions du c. du 1. de l'article 269 du code général des impôts et la date d'exigibilité de cette taxe seraient intervenues le 1er février 2004, date à laquelle des promesses synallagmatiques de vente des biens concernés auraient été signées avec les consortsC..., la signature de ces compromis de vente valant selon elle vente en application des dispositions des articles 1583 et 1589 du code civil, dès lors qu'ils comportaient des engagements réciproques des parties sur la chose et le prix, et emportant transfert immédiat de propriété ; que, toutefois, les contrats datés du 1er février 2004 qu'elle produit à l'appui de son moyen, qui portent tous l'intitulé " contrat de réservation préliminaire à une vente en l'état futur d'achèvement ", établis sous seing privé entre la société requérante, représentée par son gérant, et son gérant lui-même et des membres de sa famille, et qui n'ont fait l'objet d'aucun enregistrement, sont dépourvus de date certaine ; qu'au surplus, ces contrats ne comportent, contrairement à ce que soutient la société requérante, pas d'engagement réciproque des parties sur la chose et le prix dès lors notamment que leurs articles 3.3 excluent tout engagement à la charge des consortsC..., et ne peuvent dès lors être regardés comme des promesses synallagmatiques de vente ou des compromis de vente ; que les moyens de la requérante pris de ce que l'administration aurait, d'une part, méconnu le principe de l'annualité de l'impôt en rappelant la taxe en litige au titre de l'année 2005 au cours de laquelle était intervenue la vente par actes notariés des biens en cause, et, d'autre part, ce faisant, aurait également procédé à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée devenus exigibles en 2004 au cours d'une année d'imposition prescrite ne peuvent, en tout état de cause, dans ces conditions, qu'être écartés comme manquant en fait ;

9. Considérant que la société requérante ne peut utilement invoquer le contenu du § 3 de la doctrine administrative référencée 8-A-1131, n°3, en date du 15 novembre 2001, relative aux effets des compromis de vente, dans les prévisions desquelles elle n'entre pas dès lors, en tout état de cause, qu'il résulte de ce qui précède que les contrats qu'elle produit sont dépourvus de date certaine et n'ont pas la nature de compromis de vente ; qu'elle ne peut non plus se prévaloir de la doctrine administrative référencée 7 C-1212 en date du 1er octobre 2001 qui concerne non pas la taxe sur la valeur ajoutée mais les droits d'enregistrement ;

En ce qui concerne la substitution de la valeur vénale au prix de cession :

Sur le terrain de la loi fiscale :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 257 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " Sont également soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 7° Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles (...) " ; qu'aux termes de l'article 266 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) 2. En ce qui concerne les opérations entrant dans le champ d'application du 7° de l'article 257, la taxe sur la valeur ajoutée est assise : (...) b. Pour les mutations à titre onéreux ou les apports en société sur : Le prix de la cession, le montant de l'indemnité ou la valeur des droits sociaux rémunérant l'apport, augmenté des charges qui s'y ajoutent ; La valeur vénale réelle des biens, établie dans les conditions prévues à l'article L17 du livre des procédures fiscales, si cette valeur vénale est supérieure au prix, au montant de l'indemnité ou à la valeur des droits sociaux, augmenté des charges (...) " et qu'aux termes de l'article L. 17 du livre des procédures fiscales : " En ce qui concerne les droits d'enregistrement et la taxe de publicité foncière ou la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'elle est due au lieu et place de ces droits ou taxe, l'administration des impôts peut rectifier le prix ou l'évaluation d'un bien ayant servi de base à la perception d'une imposition lorsque ce prix ou cette évaluation paraît inférieur à la valeur vénale réelle des biens transmis ou désignés dans les actes ou déclarations. La rectification correspondante est effectuée suivant la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55, l'administration étant tenue d'apporter la preuve de l'insuffisance des prix exprimés et des évaluations fournies dans les actes ou déclarations " ;

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 17 du livre des procédures fiscales ont pour objet et pour effet d'ouvrir à l'administration la faculté de substituer, pour la détermination de l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée, la valeur vénale réelle du bien au prix stipulé lorsque cette valeur vénale est supérieure ; que conformément toutefois aux dispositions de l'article 27 de la sixième directive n° 77/388 du Conseil des communautés européennes et aux termes de la demande française notifiée à la Commission européenne le 23 décembre 1977, il ne peut être recouru à ce mécanisme de substitution que dans le cas de livraisons d'immeubles et dans le but de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscales ; que dès lors que l'administration relève, d'une part, que les prix de locaux faisant l'objet de mutations ont été minorés et, d'autre part, que le vendeur et l'acheteur sont étroitement liés, elle peut, en application des articles 27 de la sixième directive et 266, 2-b du code général des impôts, substituer la valeur vénale des immeubles aux prix déclarés pour l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'ainsi, l'administration peut, sans contrariété à la directive communautaire, opérer une telle substitution à condition de rapporter la preuve que l'insuffisance du prix de vente des locaux résulte d'une volonté d'évasion fiscale au sens de l'article 27 de la sixième directive, l'importance de l'insuffisance de prix n'étant pas, à elle seule, de nature à établir une telle volonté d'évasion fiscale ; que celle-ci, toutefois, se présume du seul fait de l'insuffisance significative du prix, lorsque les parties sont en relation d'intérêt, sauf preuve contraire apportée par le contribuable ;

12. Considérant, en l'espèce, qu'il résulte de l'instruction que par actes authentiques de vente du 14 avril 2005, la société Le Tilleul Argenté a vendu en l'état futur d'achèvement à son gérant et aux membres de sa famille vingt-quatre appartements F3 appartenant à la troisième tranche du programme de promotion immobilière qu'elle réalisait depuis 1999 au 24, chemin des Justices à Brie-Comte-B... (77) pour un prix total de 2 299 441 euros TTC, soit un prix moyen de 94 518 euros TTC par appartement à Audrey et Carole C...et de 97 102 euros pour les ventes et à Henri et RenéeC... ; que l'administration, qui a la charge de la preuve de l'insuffisance du prix de vente, et qui a suivi sur ce point l'avis de la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires, a pu compte-tenu des fluctuations significatives et rapides des prix du marché immobilier, retenir comme termes de comparaison appropriés les deux dernières cessions de la deuxième tranche du programme immobilier, intervenues en janvier et avril 2003, d'un montant unitaire moyen de 131.351 euros ramené à 114.275 euros après application d'un abattement de 13 % tenant compte de la cession en bloc des appartements en cause ; que, si la société requérante soutient que les deux ventes ainsi retenues comme termes de comparaison par l'administration portaient sur des appartements, d'une part, d'une superficie de 66 mètres carrés, alors que la surface des biens à évaluer allait de 58 à 66 m2, que ces deux appartements bénéficiaient du meilleur emplacement de la résidence, en termes de vue, d'exposition et de calme, contrairement à ceux cédés aux consorts C...qui étaient mal situés et exposés à diverses nuisances, et enfin, que l'un des deux termes de comparaison disposait d'un troisième parking, elle n'a assorti ses dires d'aucun commencement de preuve, comme l'ont déjà relevé les premiers juges, alors que le service fait valoir sans être contredit que le plan de financement de la troisième tranche proposé à la Caisse d'épargne le 5 mars 2004 prévoyait dès l'origine la vente de vingt-quatre appartements au public pour un prix au m² de 2 352 euros et des vingt-quatre autres appartements aux membres de la famille C...pour un prix de 1 462 euros au m² ; qu'il résulte de ce qui précède que l'administration, qui a pris pour termes de comparaison des cessions de biens intrinsèquement similaires, intervenues à des dates proches et antérieures aux cessions en cause, auxquelles en outre elle a appliqué l'abattement susmentionné de 13 % reflétant l'importance relative du bloc cédé dans la troisième tranche à commercialiser, a apporté la preuve qui lui incombe de l'insuffisance du prix des cessions en cause ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'administration, qui établit la minoration de près de 20 % des prix de vente acquittés par les consorts C...par rapport à la valeur vénale réelle des biens en cause et qui fait valoir, ce qui est au demeurant constant, que la société venderesse avait des liens étroits avec les acquéreurs, qui étaient son gérant et la famille de celui-ci et détenaient ensemble directement ou indirectement son capital, établit ainsi une volonté d'évasion fiscale ; que, si la société requérante soutient en sens contraire que cette différence de prix significative ne résultait pas d'une volonté d'évasion fiscale mais que l'achat groupé effectué par les consorts C...était une condition de l'obtention du financement de la troisième tranche de son programme immobilier, elle n'en justifie pas plus devant la Cour que devant les premiers juges ; qu'elle ne peut par ailleurs utilement se prévaloir du dégrèvement des cotisations complémentaire d'impôt sur le revenu mises personnellement à la charge des consorts des consortsC..., qui la détenaient au demeurant par l'intermédiaire de la société à responsabilité limitée JL Finances ; qu'il résulte de tout ce qui précède que l'administration était par suite en droit de substituer aux prix de cession déclarés par la SCI pour les biens litigieux leur valeur vénale réelle, conformément aux dispositions de l'article L. 17 du livre des procédures fiscales ;

Sur le terrain de la doctrine administrative :

14. Considérant, en premier lieu, que les prévisions de la doctrine administrative 8 A-3-04 du 7 juin 2004, selon laquelle il appartient à l'administration d'établir la preuve de la fraude ou de l'évasion fiscale pour mettre en oeuvre un redressement en matière de taxe sur la valeur ajoutée sur la valeur vénale et non sur le prix stipulé dans l'acte, ne contiennent aucune interprétation de la loi fiscale au sens des dispositions de l'article 80 A du livre des procédures fiscales différente de celle qui a été énoncée ci-dessus ;

15. Considérant, en second lieu, que la société requérante ne peut pas non plus se prévaloir du dégrèvement par l'administration des compléments d'impôt sur le revenu mis à la charge personnelle des consorts C...au titre de l'année 2005 dès lorsque ces dégrèvements en cause, intervenus par des décisions qui ne sont assorties d'aucune motivation, ne peuvent être regardés comme une prise de position formelle opposable à l'administration sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ; que, de même, l'abandon de l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts dont l'administration avait initialement assorti les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige est sans incidence sur l'établissement de la volonté d'évasion fiscale dès lors que l'abandon de ces pénalités, qui n'a été assorti d'aucune motivation, ne peut non plus être regardé somme une prise de position formelle de l'administration sur une situation de fait au sens des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Le Tilleul Argenté n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Le Tilleul Argenté est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié la société civile immobilière Le Tilleul Argenté et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique est).

Délibéré après l'audience du 13 mai 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Dalle, président,

- Mme Notarianni, premier conseiller,

- Mme Versol, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 28 mai 2015.

Le rapporteur,

L. NOTARIANNILe président,

D. DALLE

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13PA03486


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA03486
Date de la décision : 28/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Procédure de taxation - Procédure de rectification (ou redressement).

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Fraude.


Composition du Tribunal
Président : M. DALLE
Rapporteur ?: Mme Laurence NOTARIANNI
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : SELARL DUBAULT-BIRI et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-05-28;13pa03486 ?
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