La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/06/2015 | FRANCE | N°14PA00840

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 30 juin 2015, 14PA00840


Vu la requête, enregistrée le 27 février 2014, présentée pour la société Fabienne Bulle, dont le siège est 113 avenue de la République à Montrouge (92120), par Me A... ; la société Fabienne Bulle demande à la Cour :

1º) d'annuler le jugement n° 1203303/2 du 26 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 8 février 2012 du maire de la commune de Melun en tant que celui-ci a décidé de ne lui verser que la moitié de la prime de 30 000 euros hors taxes prévue par l'article 7.5.2

du règlement du concours restreint pour l'attribution du marché de maîtrise d...

Vu la requête, enregistrée le 27 février 2014, présentée pour la société Fabienne Bulle, dont le siège est 113 avenue de la République à Montrouge (92120), par Me A... ; la société Fabienne Bulle demande à la Cour :

1º) d'annuler le jugement n° 1203303/2 du 26 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 8 février 2012 du maire de la commune de Melun en tant que celui-ci a décidé de ne lui verser que la moitié de la prime de 30 000 euros hors taxes prévue par l'article 7.5.2 du règlement du concours restreint pour l'attribution du marché de maîtrise d'oeuvre relatif à la restructuration du groupe scolaire situé dans le quartier de l'Almont, d'autre part, à la condamnation de la commune de Melun à lui verser les sommes de 43 056 et 7 654,40 euros TTC, assorties des intérêts au taux légal et des intérêts capitalisés, au titre respectivement des frais engagés pour la participation à la procédure de concours et du préjudice subi ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions en date des 8 décembre 2011 et 8 février 2012 du maire de la commune de Melun limitant le montant de la prime à la somme de

15 000 euros HT ;

3°) de condamner la commune de Melun à lui verser la somme de 17 940 euros TTC au titre du reliquat de la prime due et la somme de 7 654,40 euros TTC, sauf à parfaire, en réparation du préjudice subi, assorties des intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2011 et des intérêts capitalisés ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Melun le versement de la somme de

5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- son dossier était complet et son projet conforme au programme du concours qui comportait des indications non contraignantes et des imprécisions ; son projet a fait l'objet d'appréciations sur le fond de la part du jury ; étant en tout état de cause dans l'exercice normal de sa mission de concepteur, elle ne pouvait être privée du versement de l'indemnité contractuelle prévue ;

- le rejet de son projet pour non-conformité constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune qui n'était pas fondée à réduire le montant de l'indemnité de 50 % et n'a pas justifié du principe de la réduction pratiquée ; en conséquence, la commune doit lui verser la somme de 17 940 euros TTC et réparer son préjudice matériel, correspondant à la différence entre le montant des frais engagés, soit 43 535,40 euros TTC, et le montant de l'indemnité due ; ce préjudice s'élève à la somme de 7 654,40 euros TTC et sera réajusté si l'indemnité admise est inférieure à 30 000 euros HT ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 décembre 2014, présenté pour la commune de Melun, représentée par son maire en exercice, par la Selarl Pichavant - Chetrit, qui conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 4 000 euros soit mis à la charge de la société Fabienne Bulle sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir que :

- les décisions prises sont suffisamment motivées, de même que le jugement attaqué ;

- c'est à bon droit que le projet de la société requérante a été jugé non-conforme, dès lors qu'il ne respectait pas une contrainte impérative imposée à l'ensemble des candidats, concernant l'emplacement des murs ;

- la mission d'architecte exercée par la société ne l'autorisait pas à méconnaître le programme du concours ;

- la société ne pouvait prétendre à aucune prime et n'est donc pas fondée à se plaindre de l'insuffisance de la somme qui lui a été néanmoins versée, compte tenu du travail accompli ;

- un candidat ne peut en tout état de cause prétendre à une indemnité supérieure au montant de la prime qui est destinée à couvrir l'ensemble des dépenses supportées par l'architecte ;

Vu les pièces dont il résulte que, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la société Fabienne Bulle tendant à l'annulation, d'une part, de la décision du maire de la commune de Melun du 8 décembre 2011 en tant que celui-ci a attribué à cette société une prime d'un montant réduit à 15 000 euros HT, d'autre part, de la décision du 8 février 2012 par laquelle le maire a confirmé sa position, dès lors que le juge du contrat ne peut annuler ces décisions qui ont le caractère de mesures d'exécution du contrat liant la commune et la société ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 5 juin 2015, présenté pour la commune de Melun, par la Selarl Pichavant - Chetrit qui confirme ses précédentes écritures, et reprend à son compte le moyen d'ordre public communiqué par la Cour ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 8 juin 2015, présenté pour la société Fabienne Bulle, par Me A...qui confirme ses précédentes écritures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 juin 2015 :

- le rapport de M. Cantié, premier conseiller,

- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,

- et les observations de Me Chetrit, avocat de la commune de Melun ;

1. Considérant que la commune de Melun a lancé le 9 juillet 2011 un concours restreint pour la passation d'un marché de maîtrise d'oeuvre relatif à la restructuration du groupe scolaire situé dans le quartier de l'Almont, consistant en la construction d'une école maternelle de quatorze classes, la démolition de deux écoles maternelles, la réhabilitation de deux écoles élémentaires et l'aménagement de la voirie et des abords de ce groupe scolaire ; que quatre candidats ont été admis à concourir, dont la société d'architecture Fabienne Bulle ; que la date limite de remise des offres a été fixée au 7 novembre 2011 ; qu'à la suite de l'avis émis le 1er décembre 2011 par le jury du concours, le maire de la commune de Melun a, par une lettre du 8 décembre 2011, informé la société Fabienne Bulle, d'une part, que son offre n'était pas retenue en raison de sa non conformité avec le règlement du concours, d'autre part, qu'elle ne percevrait que 50 % de la prime de 30 000 euros HT prévue par l'article 7.5.2 de ce règlement ; qu'après avoir accepté, sur le recours gracieux de la société, de solliciter à nouveau l'avis des membres du jury sur le montant de la prime susceptible d'être allouée à celle-ci, le maire lui a adressé un courrier du 8 février 2012 confirmant les termes de sa décision du 8 décembre 2011 ; que la société Fabienne Bulle relève appel du jugement du 26 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 8 février 2012 du maire de la commune de Melun en tant que celui-ci a décidé de ne lui verser que la moitié de la prime de 30 000 euros HT, d'autre part, à la condamnation de la commune de Melun à lui verser les sommes de 43 056 et 7 654,40 euros TTC, assorties des intérêts au taux légal et des intérêts capitalisés, au titre respectivement des frais engagés pour la participation à la procédure de concours et du préjudice subi ; que la société limite en cause d'appel à la somme de 17 940 euros TTC ses prétentions au titre du reliquat de la prime due par la commune, dès lors que celle-ci lui a réglé la somme de 15 000 euros HT ; qu'elle demande, pour la première fois en appel, l'annulation de la décision du maire de la commune en date du 8 décembre 2011 en tant qu'elle réduit de 30 000 à 15 000 euros HT le montant de la prime devant lui être versée ;

Sur la demande tendant à l'annulation de la décision du 8 février 2012 et les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 8 décembre 2011 :

2. Considérant que l'organisation d'un concours d'architecture a pour effet de créer des relations contractuelles entre la collectivité qui lance le concours et les concurrents ; que, dès lors, la décision du maire de la commune de Melun du 8 décembre 2011 par laquelle celui-ci a attribué à la société Fabienne Bulle une prime d'un montant réduit à 15 000 euros HT et la décision du 8 février 2012 par laquelle il a confirmé sa position ont le caractère de mesures d'exécution du contrat liant la commune et la société ; que le juge du contrat n'étant pas habilité à annuler de telles mesures, les conclusions présentées par la société Fabienne Bulle tendant à l'annulation des deux décisions prises par le maire sont irrecevables ; qu'il suit de là, d'une part, que la société Fabienne Bulle n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif a rejeté sa demande dirigée contre la première décision, d'autre part, que les conclusions visant la seconde décision doivent être rejetées ;

Sur la demande relative au paiement de la prime et à l'indemnisation du préjudice subi :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 12 juillet 1985 : " Les décrets prévus à l'article 10 fixent (...) b) Les conditions d'indemnisation de tout concurrent ayant remis une proposition conforme au règlement d'un concours d'architecture et d'ingénierie. " ; qu'aux termes de l'article 74 du code des marchés publics : " (...) II.- Les marchés de maîtrise d'oeuvre d'un montant égal ou supérieur aux seuils des marchés formalisés fixés au II de l'article 26 sont passés selon la procédure du concours dans les conditions précisées ci-après. (...) III.- Le concours mentionné ci-dessus est un concours restreint organisé dans les conditions définies à l'article 70. Les candidats ayant remis des prestations conformes au règlement du concours bénéficient d'une prime. L'avis d'appel public à la concurrence indique le montant de cette prime. Le montant de la prime attribuée à chaque candidat est égal au prix estimé des études à effectuer par les candidats telles que définies dans l'avis d'appel public à la concurrence et précisées dans le règlement du concours, affecté d'un abattement au plus égal à 20 %. (...) " ; que selon l'article 70 du même code : " (...) VII. - Après réception de l'avis et des procès-verbaux du jury, et après examen de l'enveloppe contenant le prix, le ou les lauréats du concours sont choisis par le pouvoir adjudicateur. Des primes sont allouées aux candidats conformément aux propositions du jury. " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un candidat ayant remis une proposition non conforme au règlement du concours ne peut prétendre au versement de la prime destinée à compenser partiellement le coût des prestations fournies ;

4. Considérant que l'article 7.5.2 du règlement du concours de maîtrise d'oeuvre lancé par la commune de Melun : " (...) Le lauréat du concours ainsi que chaque concurrent non retenu ayant remis des prestations répondant au programme, recevra une prime d'un montant de 30 000 euros hors taxe. / Dans le cas où une offre serait incomplète ou ne répondrait pas au programme, une réduction ou la suppression de la prime pourra être effectuée par le maître de l'ouvrage sur proposition du jury. En effet, le jury peut proposer la réduction ou la suppression des indemnités à verser aux participants dont les prestations ne sont pas conformes au présent règlement ou au cahier des charges sur la base d'une retenue de 10% par pièce manquante ou non conforme. " ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la proposition de la société Fabienne Bulle ne prévoyait pas l'alignement de la façade de la future école maternelle sur la voie piétonne située au Nord pourtant prévu au cahier des charges du marché en cause ; que si la société soutient qu'il ne s'agissait pas d'une prescription obligatoire, l'implantation imposée de l'ouvrage ressort clairement de l'organigramme du plan de masse du programme technique compris dans le dossier de consultation des concepteurs ; que l'entreprise, qui invoque les imprécisions du dossier, ne démontre pas avoir été induite en erreur par l'une des autres pièces communiquées par l'administration ou par une information donnée par cette dernière ; que, par suite, son offre n'était pas conforme au programme ; qu'eu égard au caractère substantiel de cette non-conformité, le maire de la commune était en droit de ne pas attribuer de prime à l'entreprise, en application des dispositions du l'article 7.5.2 du règlement du concours, édictées conformément aux exigences de l'article 74 du code des marchés publics ; que le maire, sur proposition du jury, a néanmoins décidé d'attribuer une prime de 15 000 euros HT à la société Fabienne Bulle, eu égard au travail accompli ; que celle-ci ne peut utilement contester le bien-fondé de cette décision en faisant valoir que son offre était complète ou en se prévalant des droits et obligations de l'architecte, lesquels ne pouvaient l'autoriser à s'exonérer du respect du programme défini par le pouvoir adjudicateur préalablement à l'organisation du concours ; qu'il suit de là que la société Fabienne Bulle n'est pas fondée à réclamer le versement d'une prime d'un montant supérieur à celui arrêté par le maire de la commune de Melun, ni à soutenir que la responsabilité de celle-ci est engagée à son égard ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Fabienne Bulle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant au paiement du montant de la prime prévue par le règlement du concours et à la condamnation de la commune de Melun à l'indemniser ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Melun, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une quelconque somme au titre des frais exposés par la société Fabienne Bulle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des mêmes dispositions et de mettre à la charge de la société Fabienne Bulle le versement à la commune de Melun de la somme de 2 000 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Fabienne Bulle est rejetée.

Article 2 : La société Fabienne Bulle versera à la commune de Melun la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Fabienne Bulle et à la commune de Melun.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Coënt-Bochard, président de chambre,

- M. Dellevedove, premier conseiller,

- M. Cantié, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 juin 2015.

Le rapporteur,

C. CANTIÉLe président,

E. COËNT-BOCHARD

Le greffier,

A.-L. CALVAIRELa République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

2

N° 14PA00840


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA00840
Date de la décision : 30/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02-02 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés. Mode de passation des contrats.


Composition du Tribunal
Président : Mme COËNT-BOCHARD
Rapporteur ?: M. Christophe CANTIE
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : SELARL PICHAVANT et CHETRIT

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-06-30;14pa00840 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award