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30/06/2015 | FRANCE | N°14PA05147

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 30 juin 2015, 14PA05147


Vu la requête, enregistrée le 17 décembre 2014, présentée pour la société EMJ, agissant en qualité de liquidateur de la société Alkopharm, dont le siège est 62 boulevard de Sébastopol à Paris (75003), par Me A... ; la société EMJ demande à la Cour :

1º) d'annuler le jugement n° 1308111/3-3 du 12 novembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation des avis des sommes à payer du 18 octobre 2012, par lesquels la directrice générale de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) a constituée la so

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Vu la requête, enregistrée le 17 décembre 2014, présentée pour la société EMJ, agissant en qualité de liquidateur de la société Alkopharm, dont le siège est 62 boulevard de Sébastopol à Paris (75003), par Me A... ; la société EMJ demande à la Cour :

1º) d'annuler le jugement n° 1308111/3-3 du 12 novembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation des avis des sommes à payer du 18 octobre 2012, par lesquels la directrice générale de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) a constituée la société Alkopharm débitrice des sommes de 309 637,24 et 2 515 795,84 euros au titre des redevances d'exploitation de spécialités pharmaceutiques pour l'année 2011, d'autre part, d'annuler l'opposition à tiers détenteur décernée le 23 mai 2013 par la direction spécialisée des finances publiques pour l'AP-HP en vue du recouvrement de la somme totale de 2 825 433,08 euros ;

2°) de faire droit à la demande présentée par la société Alkopharm devant le Tribunal administratif de Paris ;

3°) de mettre à la charge de l'AP-HP le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont rejeté la demande de la société Alkopharm comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ; en effet, les conventions conclues avec l'AP-HP constituent des marchés publics de services, entrant dans le champ d'application du code des marchés publics et ayant le caractère de contrats administratifs en application de la loi n°2001-1168 du 11 décembre 2001 ;

- l'action de la société Alkopharm, engagée sur le fondement de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, est recevable ;

- l'AP-HP ne justifie d'aucun fait ou acte juridique générateur de créance ; elle a refusé l'exécution des contrats dès le début de l'année 2012 ; la société Alkopharm a pris acte de la cessation des contrats au 6 janvier 2012 ; la facturation porte sur l'année 2012 et concerne donc la période antérieure à la transmission universelle de patrimoine (TUP) ; l'AP-HP ne peut justifier d'aucune créance détenue sur la société Laboratoire Genopharm, comme l'attestent les avoirs sur factures consenties par l'organisme public ;

- la société Alkopharm ne peut être tenue que des seules obligations contractées par la société dissoute dans le cadre de la TUP ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2015, présenté pour l'AP-HP, représentée par son directeur général en exercice, par la société d'avocats CMS Bureau Francis Lefebvre, qui conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 4 000 euros soit mis à la charge de la société Alkopharm sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir que :

- le litige initié par la société Alkopharm relève de la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire ; en effet, les conventions litigieuses n'entrent pas, eu égard à leur objet, dans le champ d'application du code des marchés publics ; la circonstance qu'une procédure de mise en concurrence a été conduite pour leur attribution est sans incidence sur la qualification de ces conventions ; celles-ci autorisent l'opérateur privé à exploiter le savoir-faire acquis par l'administration en contrepartie du paiement de redevances et n'ont pas pour objet la commande de prestations de service ; il n'est pas contesté que ces contrats ne font pas participer le cocontractant de la personne publique à l'exécution même du service public et ne contiennent pas de clauses exorbitantes du droit commun ;

- le retrait des titres exécutoires émis à l'encontre de la société Laboratoires Genopharm ne caractérise aucunement l'émission d' " avoirs sur factures " ; ce retrait était motivé par la dissolution de cette société ; la société Alkopharm est débitrice à son égard en raison du transfert des dettes nées antérieurement à la TUP, par l'effet de cette transmission ; l'absence de poursuite de l'exécution des licences avec la société Alkopharm résulte exclusivement du fait que celle-ci était sous le coup d'une mesure de suspension non levée, prise par l'agence compétente ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 juin 2015 :

- le rapport de M. Cantié, premier conseiller,

- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,

- et les observations de Me Weill, avocat de l'AP-HP ;

1. Considérant que l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) a conclu le 1er mars 2007 avec la société Laboratoire Génopharm, à l'issue d'une procédure de mise en concurrence, deux contrats de licence d'exploitation de savoir faire pharmaceutique, de fabrication et de distribution de deux médicaments, le " Propylthiouracile " et la " fluodrocortisone ", conçus et développés par l'établissement public ; que l'AP-HP a recherché le recouvrement des redevances d'exploitation prévues par ces contrats au titre de l'année 2011 auprès de la société Laboratoire Genopharm ; que les titres exécutoires émis à son encontre ont été retirés en raison de l'absorption de cette société, par l'effet d'une transmission universelle de patrimoine, par son associée, la société Alkopharm ; que des avis des sommes à payer ont été émis le 18 octobre 2012 par la directrice générale de l'AP-HP afin de recouvrer auprès de la société Alkopharm les sommes de 309 637,24 et 2 515 795,84 euros au titre des redevances d'exploitation ; que la direction spécialisée des finances publiques pour l'AP-HP a décerné à la BRED Banque Populaire de Lagny-sur-Marne (Seine-et-Marne) une opposition à tiers détenteur le 23 mai 2013 en vue du recouvrement de la somme de 2 825 433,08 euros ; que la société EMJ, agissant en qualité de liquidateur de la société Alkopharm, relève appel du jugement du 12 novembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de cette société tendant à l'annulation de ces titres exécutoires et de cet acte de poursuites ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 11 décembre 2001 susvisée : " Les marchés passés en application du code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs " ; qu'il résulte de ces dispositions que les marchés entrant dans le champ d'application du code des marchés publics sont des contrats administratifs, le juge judiciaire ne demeurant... ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les contrats litigieux ont pour objet de concéder à la société Laboratoire Genopharm l'exploitation en France et hors de France des médicaments conçus par l'AP-HP ainsi que leur fabrication ; que l'AP-HP a consenti à mettre à la disposition de l'opérateur son savoir-faire pharmaceutique afin que celui-ci obtienne les autorisations de mise sur le marché nécessaires à l'exploitation des deux spécialités ; qu'en contrepartie des droits concédés, la société concessionnaire s'est engagée à verser à l'AP-HP une redevance d'exploitation dont le montant est déterminé en fonction du montant du chiffre d'affaires dégagée par l'entreprise sur les ventes des produits ; qu'eu égard à leur objet et à leur équilibre financier, ces contrats ne constituent pas des marchés publics ; que, par suite, et alors même que leur attribution a été précédée d'une procédure de mise en concurrence diligentée par la personne publique, ils ne sont pas des contrats administratifs par détermination de la loi ;

4. Considérant, d'autre part, que les contrats en litige n'ont pas pour objet de faire participer la société concessionnaire, qui n'est assujettie à aucune obligation spécifique liée au fonctionnement du service public hospitalier, à l'exécution même de ce service public ; que ces contrats ne comportent aucune clause qui implique, dans l'intérêt général, qu'ils relèvent du régime exorbitant des contrats administratifs ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conventions conclues entre l'APH-HP et la société Laboratoire Genopharm ont le caractère de conventions de droit privé ; que, par suite, le litige portant sur le recouvrement des redevances d'exploitation prévues par ces contrats relève de la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par l'AP-HP, la société EMJ n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société Alkopharm comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'AP-HP, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une quelconque somme au titre des frais exposés par la société EMJ et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces mêmes dispositions et de mettre à la charge de la société EMJ, agissant en qualité de liquidateur de la société Alkopharm, le versement à l'AP-HP de la somme de 2 000 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société EMJ est rejetée.

Article 2 : La société EMJ agissant en qualité de liquidateur de la société Alkopharm versera à

l'AP-HP la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société EMJ et à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Coënt-Bochard, président de chambre,

- M. Dellevedove, premier conseiller,

- M. Cantié, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 juin 2015.

Le rapporteur,

C. CANTIÉLe président,

E. COËNT-BOCHARD

Le greffier,

A.-L. CALVAIRELa République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA05147


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA05147
Date de la décision : 30/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-01-02-02-02 Marchés et contrats administratifs. Notion de contrat administratif. Nature du contrat. Contrats n'ayant pas un caractère administratif. Contrats ne concernant pas directement l'exécution d'un service public et ne contenant pas de clauses exorbitantes du droit commun.


Composition du Tribunal
Président : Mme COËNT-BOCHARD
Rapporteur ?: M. Christophe CANTIE
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-06-30;14pa05147 ?
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