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02/07/2015 | FRANCE | N°13PA03435,13PA03448

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 02 juillet 2015, 13PA03435,13PA03448


Vu, I, la requête, enregistrée le 3 septembre 2013, sous le numéro 13PA03435, présentée pour la société Gaz Réseau Distribution de France (GRDF), dont le siège est au 6 rue Condorcet à Paris (75009), par la SCP Courteaud Pellissier ; la société GRDF demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1019363/3-1 du 28 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris l'a condamnée solidairement avec la ville de Paris à réparer les conséquences dommageables subies par la société Covea Risks à raison de l'aggravation de l'incendie de l'immeuble situé 1-3 rue des

Innocents à Paris (75001) et à garantir la ville de Paris à hauteur de 20 % ...

Vu, I, la requête, enregistrée le 3 septembre 2013, sous le numéro 13PA03435, présentée pour la société Gaz Réseau Distribution de France (GRDF), dont le siège est au 6 rue Condorcet à Paris (75009), par la SCP Courteaud Pellissier ; la société GRDF demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1019363/3-1 du 28 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris l'a condamnée solidairement avec la ville de Paris à réparer les conséquences dommageables subies par la société Covea Risks à raison de l'aggravation de l'incendie de l'immeuble situé 1-3 rue des Innocents à Paris (75001) et à garantir la ville de Paris à hauteur de 20 % des condamnations prononcées à son encontre ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Covea Risks devant le Tribunal administratif de Paris en ce qu'elle est dirigée à son encontre ainsi que tout recours en garantie dirigé à son encontre ;

3°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement du 28 juin 2013 en ce qu'il a dit que la ville de Paris la garantirait de 80 % des condamnations prononcées à son encontre et de dire et juger qu'elle sera intégralement garantie par la ville de Paris ainsi que les sociétés Linéa BTP, Electricité de France (EDF) et Cico de toute condamnation prononcée à son encontre ;

4°) de mettre à la charge solidaire de la société Covea Risks et de la ville de Paris une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les frais et honoraires d'expertise ;

Elle soutient que :

- elle n'a pas commis de faute ayant directement concouru à la réalisation du dommage provoqué par la galette de sol dur ; le tribunal a retenu qu'il était peu plausible que les travaux réalisés par la société Cico, dont elle était informée, aient été directement à l'origine des conséquences dommageables ; elle n'a pas été informée des travaux à l'origine de la constitution de la galette de sol dur, qui sont ceux réalisés par la société Linéa BTP ; aucun manquement à son obligation de vigilance et de surveillance de l'accessibilité du robinet ne saurait donc lui être reproché ;

- le rapport d'expertise n'a pas démontré que les briques disposées pour permettre le positionnement du tabernacle au niveau du trottoir n'étaient pas jointes de manière étanche ;

- elle avait procédé à un essai de fonctionnement de l'ouvrage enterré deux ans avant le sinistre et ainsi respecté les conditions de maintenance définies par la note relative à la politique de maintenance préventive des ouvrages de distribution gaz à Paris ainsi que par la fiche n° 9 annexée à cette note ;

- elle est fondée à appeler en garantie la ville de Paris, maître d'ouvrage des travaux réalisés par la société Linéa BTP, qui ne l'a pas informée des travaux, en contravention avec l'article 14 de la convention du 14 décembre 1993, et qui a procédé à la réception des travaux sans procéder aux vérifications nécessaires ;

- elle est également fondée à appeler en garantie la société Linéa BTP, qui ne l'a pas informée de la nature des travaux qu'elle allait effectuer à proximité de l'ouvrage enterré de distribution du gaz dont elle ne pouvait ignorer l'existence, qui a travaillé sans protéger le tabernacle contenant le robinet de coupure et qui n'a pas procédé, à l'issue du chantier, aux vérifications nécessaires ;

- elle est fondée à appeler en garantie la société Cico, qui a réalisé le raccordement électrique au niveau du tabernacle sans le protéger et qui n'a pas procédé à l'issue du chantier aux vérifications nécessaires ;

- la mesure d'instruction diligentée par le tribunal a établi que les sociétés Cico et Linéa BTP n'ont pas respecté les recommandations techniques émises par l'association française du gaz ;

- si la réception sans réserve des travaux réalisés par la société Linéa BTP produisait son plein effet exonératoire à l'égard du maître d'ouvrage, il n'en va pas de même s'agissant des tiers ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 janvier 2014, présenté pour la société Covea Risks par la SCP Coste Floret ; la société Covea Risks demande à la Cour :

1°) de fixer dès à présent le montant de son préjudice à la somme de 7 194 821,96 euros, de condamner solidairement la société GRDF et la ville de Paris à lui payer, en l'état, cette somme, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de chaque règlement qu'elle a effectué et d'ordonner la capitalisation des intérêts ;

2°) de mettre à la charge solidaire de la société GRDF et de la ville de Paris une somme de 150 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens, incluant les frais d'expertise, d'un montant de 225 100,89 euros et les frais afférents à la procédure de référé-constat, d'un montant de 8 086,20 euros ;

3°) de rejeter les conclusions contraires de GRDF et de la ville de Paris ;

Elle soutient que:

- la société GRDF a engagé sa responsabilité sans faute, le dommage provenant d'ouvrages publics utilisés par un concessionnaire de service public ;

- en outre, cette société a commis plusieurs fautes à l'origine du dommage ; ainsi, l'absence de protection de la colonne montante, pourtant exigée par l'arrêté du 2 août 1977, qui a facilité l'agression de la canalisation, lui est imputable ; elle ne s'est pas souciée de savoir si les travaux de la société Linéa BTP pouvaient avoir des conséquences sur l'installation dont elle avait la concession, n'ayant pas réagi aux travaux préalablement effectués par la société Cico ; elle devait se douter que l'intervention de la société Cico était indispensable pour remettre en état la chaussée ; les travaux dont elle était informée suffisaient à l'alerter sur les risques qu'ils pouvaient faire courir aux installations ;

- la ville de Paris a également engagé sa responsabilité sans faute, d'une part, en qualité d'autorité publique concédante du service public de la distribution du gaz, et, d'autre part, en sa qualité de maître d'ouvrage de travaux publics ayant concouru à la réalisation du dommage ; la preuve du lien de causalité entre les travaux de la société Linéa BTP et l'aggravation des désordres est apportée ;

- en outre, la ville de Paris a commis plusieurs fautes à l'origine du dommage ; elle était informée des travaux de la société Cico et ne les a pas surveillés ; elle n'a pas vérifié l'existence de tout-venant dans le tabernacle et l'absence d'obturation des échancrures ; elle a signé le procès-verbal de réception des travaux, reconnaissant ainsi que ceux-ci avaient été effectués dans les règles de l'art ;

- elle justifie d'une subrogation légale dans les droits et actions de ses assurés ainsi que du règlement des indemnités, pour les dommages aux parties communes, les dommages aux parties privatives et les pertes de loyer et d'usage ; ce préjudice est encore provisoire, d'autres règlements étant susceptibles d'être effectués ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 mars 2014, présenté pour la société Linéa BTP par Me Rodas ; la société Linéa BTP demande à la Cour :

1°) de rejeter les appels en garantie présentés par la société GRDF et par la ville de Paris et de prononcer en conséquence sa mise hors de cause ;

2°) à titre subsidiaire, de limiter le montant de sa condamnation à 25 % des préjudices et travaux imputables à l'aggravation du sinistre et de garantir en conséquence GRDF, EDF, la ville de Paris et la société Cico du montant restant de la condamnation, soit 5 170 469,94 euros ;

3°) de confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que la société Covea Risks ne justifiait pas de la nature et de l'objet des indemnisations versées, de nature à permettre de vérifier leur imputabilité à l'aggravation de l'incendie ; d'ordonner en conséquence un complément d'expertise ;

4°) de confirmer le jugement en ce qu'il a écarté les demandes formées par la MAAF et la société Basane ; à titre subsidiaire, de limiter à 75 % de 179 400 euros l'indemnité susceptible d'être allouée à la société Basane et à 75 % de 342 676,94 euros l'indemnité susceptible d'être accordée à la MAAF ;

5°) de mettre à la charge de la ville de Paris, ou à défaut, de la société GRDF ou à défaut, de toute autre partie perdante, une somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'appel en garantie de GRDF et celui de la ville de Paris sont irrecevables ; le fondement de cet appel en garantie n'est pas mentionné ; les travaux ayant fait l'objet d'une réception, la ville de Paris ne dispose d'aucune action à son encontre ; la garantie décennale des constructeurs ne saurait être invoquée, aucun désordre de ce type n'affectant la voirie ;

- aucun lien de causalité entre la formation de la galette et les travaux qu'elle a réalisés n'est démontré ; la reconstitution réalisée au cours de l'expertise n'a pas été concluante ; les travaux réalisés et la nature des matériaux utilisés n'étaient pas susceptibles de provoquer le dommage ; seule une couche pelliculaire était susceptible de pénétrer dans le tabernacle ; aucune intervention sur l'ouvrage ne pouvait être effectué sans qu'en soit informé le surveillant des travaux de la ville de Paris ; celui-ci n'a donc été ni touché ni modifié au cours de l'intervention ; l'expert n'a nullement répondu à ses différentes objections ;

- les travaux réalisés étaient dispensés de demande de renseignement, compte tenu de leur faible ampleur ; leur profondeur maximale était inférieure à 0,50 mètres et une demande de DICT avait été établie en amont par la société Cico ;

- le dommage est imputable à GRDF, qui n'a pas mis en oeuvre les moyens pour que l'ouvrage soit accessible en permanence ; il aurait dû être procédé à un nouvel essai au cours des deux années qui ont suivi ; en outre, la canalisation litigieuse devait être installée dans une gaine ;

- les experts n'ont pas procédé à la distinction qui s'imposait, en ce qui concerne les préjudices liés à l'incendie et ceux résultant de son aggravation ; la société Covea Risks ne justifie pas de son préjudice ; aucune pièce ne permet d'établir l'objet des indemnisations versées ; à titre subsidiaire, il convient de s'en tenir à la somme retenue par Mme B...I... ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 mars 2014, présenté pour la société Eiffage Energie, venant aux droits de la société Forclum, venant elle-même aux droits de la société Cico, par Me Brosset ; la société Eiffage Energie demande à la Cour :

1°) de rejeter les conclusions de la société GRDF dirigées contre elle et de la mettre hors de cause ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner la ville de Paris, la société GRDF, la société Linéa BTP et la société ERDF à la garantir de toutes condamnations, en principal, frais et accessoires ;

3°) à titre très subsidiaire, de limiter sa quote-part de responsabilité à celle retenue par l'expert ;

4°) dans tous les cas, à mettre à la charge solidaire de la ville de Paris et de toute partie perdante une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- en estimant que sa responsabilité était engagée du fait de l'absence d'obturation du tabernacle, l'expert n'a émis qu'une simple hypothèse, que la reconstitution réalisée n'a pas permis de confirmer ; les échancrures étaient obturées au cours de sa prestation ; l'expert a mis en évidence que les gravois conservés n'étaient pas représentatifs des matériaux extraits par la société BIR ; l'origine des blocs de mortier n'a pu être précisée ; l'expert a également relevé la présence d'asphalte dans la zone litigieuse alors qu'aucun ouvrage contenant du bitume n'a été réalisé par elle ; à supposer que le remblaiement de la tranchée ait entraîné l'ensevelissement du tabernacle par du tout-venant, la galette de sol dur se serait constituée exclusivement par le versement de béton liquide sur un tabernacle non étanche, posé sur un lit de briques encore moins étanche ; même si le tabernacle n'avait pas été obturé, seule une fine particule de béton sec aurait pu pénétrer à l'intérieur du tabernacle, et celle-ci aurait été insuffisante pour créer la couche dure litigieuse ; la faible quantité de béton constatée à l'intérieur du tabernacle était disséminée en plusieurs zones indépendantes les unes des autres et ne présentant pas une épaisseur suffisante ; aucun élément factuel ne justifie la part de responsabilité de 20 % retenue par l'expert ; en l'absence d'une première couche de tout-venant, le béton aurait été directement en contact avec le robinet d'accès au gaz ; la galette de sol dur pouvait également provenir du socle de briques non étanche ; il ne saurait non plus être exclu qu'un tiers ait pu manipuler le tampon gaz, qui était libre d'ouverture et facilement manoeuvrable ;

- la société GRDF a également engagé sans responsabilité pour faute, en manquant à son obligation de surveillance de l'ouvrage ; elle avait été dûment informée des travaux réalisés ;

- la ville de Paris a commis une faute dans le contrôle des travaux de la société Linéa BTP en ne relevant pas l'existence de la galette ;

- la société Linéa BTP a également commis une faute dans la réalisation des travaux ; la réception de l'ouvrage ne peut être opposée à un tiers ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 mars 2014, présenté pour la société Covea Risks, qui maintient ses conclusions ;

Elle soutient en outre que :

- si le robinet avait été accessible, la fuite aurait été arrêtée par les pompiers environ vingt minutes après l'inflammation et non deux heures plus tard ; si le gaz avait été coupé à temps, les pompiers auraient pu, en toute sécurité, circonscrire le sinistre au seul hall de l'immeuble, escalier rez-de-chaussée et première volée ; la méthode retenue par la société Linéa, qui propose d'appliquer un pourcentage, n'est pas réaliste ; les eaux d'extinction que les pompiers ont dû utiliser ont encore aggravé le dommage ;

- il importe de prendre en compte le chiffrage retenu par l'expert et non celui retenu par le sapiteur ; elle n'avait pas versé toutes les indemnités à la date de dépôt du rapport d'expertise ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 mars 2014, présenté pour la ville de Paris par Me H... ; la ville de Paris demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement attaqué et de rejeter les conclusions dirigées à son encontre ;

2°) à titre subsidiaire, de dire qu'elle sera intégralement garantie de toutes condamnations prononcées à son encontre par les sociétés GRDF, EDF, Cico et Linéa BTP ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, de dire qu'elle n'est que partiellement responsable du dommage, à un quantum inférieur au taux de 40 % retenu par l'expert et, en conséquence, qu'elle sera garantie de toutes condamnations prononcées à son encontre par les sociétés GRDF, EDF, Cico et Linéa BTP à hauteur de cette part de responsabilité ;

4°) de mettre à la charge des sociétés GRDF, EDF, Cico et Linéa BTP la somme de 5 000 euros chacune sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens, y compris la contribution pour l'aide juridique prévue par l'article

R. 761-1 du même code ;

Elle soutient que :

- la société GRDF a manqué à son obligation de surveillance et de vigilance quant à la sécurité de l'ouvrage, résultant de la convention du 14 décembre 1993 (articles 4 et annexe 1, chapitre 2) et de l'arrêté du 13 juillet 2000 ; elle a utilisé un tabernacle inadéquat ; la société GRDF ne s'est pas assurée de l'accessibilité de l'ouvrage après l'intervention de la société Cico ; elle a encore manqué à son obligation de contrôle régulier de l'accessibilité des ouvrages enterrés ;

- la société GRDF a manqué à son obligation générale de sécurité en s'abstenant de prendre les mesures alternatives requises au cours de l'incendie ; celles-ci résultent de l'article 17 de l'arrêté du 13 juillet 2000 et de l'article 4.1. du cahier des charges du 30 juin 2003 ; il lui fallait ainsi couper l'alimentation du secteur ;

- la société GRDF s'est abstenue de protéger la colonne montante conformément aux normes en vigueur ;

- même en l'absence de faute, sa responsabilité peut être engagée en sa qualité de concessionnaire des ouvrages à l'origine du dommage, en application des articles 2 et 4 du cahier des charges du 14 décembre 1993 ;

- elle ne saurait être condamnée à garantir GRDF de sa condamnation ; le concessionnaire était informé des travaux ;

- il ne peut lui être reproché de n'avoir pas contrôlé lors de la réception des travaux de la société Linéa BTP que la réfection de la voirie n'avait pas bloqué l'accès au robinet de gaz, GDF étant chargé de surveiller les ouvrages enterrés, en application de la convention du 14 décembre 1993 ; elle n'est pas en mesure d'effectuer un tel contrôle, compte tenu du nombre de chantiers et de carters gaz et de l'absence d'équipement de ses agents ;

- en tout état de cause, il n'est pas établi que les fautes qu'elle aurait commises soient en lien direct avec l'aggravation de l'incendie ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 mars 2014, présenté pour les sociétés EDF et ERDF par Me A... ; les sociétés EDF et ERDF demandent à la Cour de mettre hors de cause la société EDF, de rejeter la requête de la société GRDF et de mettre à la charge solidaire de toute partie perdante une somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elles soutiennent que :

- en application des articles 13 et 14 de la loi du 9 août 2004, dans sa rédaction issue de la loi du 7 décembre 2006, l'activité de gestionnaire du réseau de distribution d'électricité a été transférée à la société ERDF à compter du 31 décembre 2007 ; la société EDF doit dès lors nécessairement être mise hors de cause ;

- l'expert n'a pas distingué entre les dommages, selon qu'ils résultent de l'incendie ou de son aggravation ;

- l'aggravation de l'incendie résulte d'abord de l'absence de protection de la colonne montante, imputable à GRDF ;

- elle n'a commis aucune faute ; la société GRDF était informée des travaux à intervenir ; il n'incombait qu'à GDF de contrôler l'accès au robinet de gaz litigieux, en application de la convention du 14 décembre 1993, de l'arrêté du 2 août 1977 et de l'arrêté du 13 juillet 2000 ; le tabernacle installé était en outre trop petit ;

- le contrôle de l'accessibilité du robinet qui lui est reproché était en tout état de cause inutile ; ce contrôle incombait également à la ville, autorité concédante et maître d'ouvrage des travaux de la société Linéa BTP ;

- il n'est pas établi que les matériaux utilisés par la société Cico sont à l'origine de la galette de sol dur ; le dommage a pour origine le béton utilisé par la société Linéa ;

- les dommages résultant de l'absence de mesures conservatoires pendant cinq mois postérieurement à l'incendie ne sauraient être mis à sa charge ;

- les préjudices relatifs à la perte de loyer et d'usage résultent des délais excessifs de reconstruction de l'immeuble ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 mars 2014, présenté pour la société GRDF, qui maintient ses conclusions ;

Elle soutient en outre que :

- le dommage invoqué ne présente pas un caractère anormal et spécial ; aucun lien de causalité avec l'ouvrage public n'est établi ; la cause déterminante de l'incendie ne lui est pas imputable ; le dommage est lié à un cas de force majeure ;

- le branchement litigieux n'étant pas un nouveau branchement par rapport à la convention du 14 décembre 1993, il n'était pas sous sa garde ; en application de l'article 29.1 de l'arrêté du 2 août 1977, le maire était responsable du maintien en l'état de l'accès au dispositif; elle n'a ainsi commis aucune faute ;

- il résulte de l'arrêté du 2 août 1977 que ce n'est qu'à l'intérieur des immeubles collectifs neufs que les conduites montantes doivent être installées dans une gaine ; ces dispositions ne présentent pas un caractère rétroactif ; les arrêtés auxquels renvoie l'article 35 de cet arrêté ne sont pas identifiés ; il n'est en outre pas établi que l'existence d'une gaine aurait permis de prévenir la dégradation volontaire constatée ;

- aucune obligation de surveillance ou de contrôle de bonne fin des travaux ne se déduit de l'article 13 de l'arrêté du 2 août 1977 auquel l'expert se réfère ; la DICT n'a pas pour objet de mettre un contrôle à sa charge mais de renseigner l'entreprise ; il lui est donc loisible de n'effectuer que des contrôles non systématiques par échantillonnage ; la responsabilité incombe donc à la ville ; en tout état de cause, la société Linéa n'a pas régularisé la DICT ;

Vu le mémoire, enregistré le 31 mars 2014, présenté pour les sociétés Basane et MAAF Assurances par MeE... ; les sociétés Basane et MAAF Assurances demandent à la Cour de rejeter la requête ainsi que les conclusions tendant à ce qu'elle statue sur les préjudices subis par la société Covea Risks ;

Elles soutiennent qu'elles ont pris acte des termes du jugement rejetant leur intervention comme irrecevable et que la Cour n'est donc saisie d'aucune demande portant sur leurs préjudices ;

Vu les mémoires enregistrés le 10 avril 2014 et le 21 mai 2014, présentés pour la société Covéa Risks, qui maintient ses conclusions ;

Vu les mémoires enregistrés le 11 avril 2014 et le 5 mai 2014, présenté par la ville de Paris, qui maintient ses conclusions ;

Vu le mémoire enregistré le 14 avril 2014 présenté par la société Linéa BTP, qui maintient ses conclusions ;

Vu le courrier du 13 octobre 2014 par lequel la Cour a informé les parties que la décision pourrait être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de l'incompétence du juge administratif pour statuer sur les conclusions formées par la société Covéa Risks à l'encontre de GRDF eu égard aux rapports de droit privé entre GRDF et Covéa Risks, subrogé dans les droits des copropriétaires de l'immeuble ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 12 novembre 2014, présentée pour la ville de Paris à la suite de l'audience du 6 novembre 2014 ;

Vu le mémoire enregistré le 31 décembre 2014, présenté pour la société Covéa Risks, qui maintient ses conclusions ;

Vu le mémoire enregistré le 7 janvier 2015, présenté pour la société Linéa BTP qui maintient ses conclusions ;

Vu le mémoire enregistré le 9 janvier 2015, présenté pour la ville de Paris, qui maintient ses conclusions ;

Vu, II, la requête, enregistrée le 3 septembre 2013, sous le numéro 13PA03448, présentée pour la ville de Paris, représentée par son maire, par Me H... ; la ville de Paris demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1019363/3-1 du 28 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris l'a condamnée solidairement avec GRDF à réparer les conséquences dommageables subies par la société Covea Risks à raison de l'aggravation de l'incendie de l'immeuble situé 1-3 rue des Innocents à Paris (75001) et à garantir GRDF à hauteur de 80 % des condamnations prononcées à son encontre ;

2°) de rejeter l'ensemble des conclusions dirigées à son encontre ;

3°) à titre subsidiaire, de dire qu'elle sera intégralement garantie de toutes condamnations prononcées à son encontre par les sociétés GRDF, EDF, Cico et Linéa BTP ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, de dire qu'elle n'est que partiellement responsable du dommage, à un quantum inférieur au taux de 40 % retenu par l'expert et, en conséquence, qu'elle sera garantie de toutes condamnations prononcées à son encontre par les sociétés GRDF, EDF, Cico et Linéa BTP à hauteur de cette part de responsabilité ;

5°) de mettre à la charge des sociétés GRDF, EDF, Cico et Linéa BTP la somme de 5 000 euros chacune sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens, y compris la contribution pour l'aide juridique prévue par l'article

R. 761-1 du même code ;

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, au regard de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, faute d'avoir visé ou fait référence dans ses motifs aux dispositions de l'article

L. 2111-2 du code général de la propriété des personnes publiques, alors que le tribunal a considéré que la galette de sol dur était un élément indissociable de la voie publique dont elle est propriétaire ;

- le jugement est en outre insuffisamment motivé, au regard de l'article L. 9 du code de justice administrative, faute d'avoir répondu à certains moyens opérants et d'avoir suffisamment exposé les éléments de fait et de droit justifiant la solution retenue ; il n'a pas indiqué sur quels éléments il se fondait pour considérer que la galette était un élément indissociable de la voie publique ; le partage de responsabilité retenu n'est pas davantage motivé ; il n'a pas répondu sur le moyen tiré de ce que GDF aurait commis une faute en n'assurant pas la protection de la colonne montante ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré que la galette de sol dur constituait un élément indissociable de la voie publique ; il s'agit de résidus de déblais, qui n'étaient pas destinés à assurer une quelconque fonction sur la voie publique et ne contribuent en aucune manière à l'utilisation de la voie publique ; le tribunal a ainsi méconnu l'article L. 2111-2 du code général de la propriété des personnes publiques ;

- le tribunal a estimé à tort que sa responsabilité pouvait être engagée, alors que la société GRDF avait la qualité de concessionnaire de service public ; il résulte de l'article 4 du cahier des charges de la convention conclue le 14 décembre 1993 que le contrôle de la sécurité de l'ouvrage, et notamment de l'accessibilité et de la manoeuvrabilité des organes de coupure, relevait de la responsabilité du concessionnaire ; seule la responsabilité de ce dernier pouvait dès lors être recherchée par les tiers ;

- sa responsabilité pour faute ne pouvait davantage être engagée ; elle n'a pas commis de faute en ne contrôlant pas le tabernacle lors de la réception des travaux de réfection de la voirie effectués par la société Linéa BTP dès lors qu'un tel contrôle incombait au concessionnaire ; en application de l'article 1er de l'arrêté du 13 juillet 2000 portant règlement de sécurité de la distribution de gaz combustible par canalisation et de la convention conclue le 14 décembre 1993, c'est au responsable du réseau de distribution du gaz qu'il incombe d'assurer la bonne sécurité de l'ouvrage exploité ; une telle obligation ne peut être mise à sa charge ; une telle vérification systématique impliquerait pour elle une charge opérationnelle impossible à tenir ; elle ne dispose pas de l'outillage nécessaire et ses agents n'ont pas non plus la formation requise ; en tout état de cause, cette faute ne serait pas en lien direct et certain avec l'aggravation de l'incendie ; ce sont l'installation d'un tabernacle non étanche et l'absence de contrôle périodique par GDF qui ont joué à cet égard un rôle déterminant ;

- à titre subsidiaire, elle doit être garantie en totalité par les divers intervenants ; c'est à tort que le tribunal n'a retenu que deux manquements à l'encontre de la société GRDF, qui a manqué à son obligation de surveillance et de vigilance quant à la sécurité de l'ouvrage ; l'obligation de ce dernier résultait de l'article 4 et de l'annexe 1 de la convention de concession ainsi que de l'arrêté du 13 juillet 2000 et du cahier des charges du 2 décembre 2005 ; le concessionnaire a utilisé un tabernacle inadéquat ; la société GDF a été informée des travaux de la société Cico mais ne s'est pas acquittée des obligations qui lui incombaient alors ; elle a en outre manqué à son obligation de contrôle régulier de l'accessibilité des ouvrages enterrés ; si ses règles de contrôle interne lui imposaient un contrôle tous les cinq ans, cette périodicité n'était pas adaptée ; la déclaration de travaux de la société Linéa BTP n'avait pas à lui être adressée ; elle était suffisamment informée pour être alertée sur les risques encourus par les installations enterrées du fait de la réfection de la voirie ; la société GDF a également manqué à son obligation générale de sécurité en s'abstenant, au cours de l'incendie, de prendre toutes les mesures alternatives, compte tenu de l'inaccessibilité du robinet, permettant d'assurer la sécurité des personnes et des biens, en application de l'article 17 de l'arrêté du 13 juillet 2000 et de l'article 4.1. du cahier des charges du 30 juin 2003 ; elle devait ainsi couper l'alimentation du secteur, et donc les autres robinets et postes de transformation ; enfin, cette société n'a pas assuré la protection des colonnes montantes ; contrairement à ce que soutient la société, cette obligation n'était pas réservée aux installations nouvelles, conformément à l'article 1er de l'arrêté du 13 juillet 2000 ;

- c'est à tort que le tribunal a rejeté les appels en garantie dirigés contre les sociétés EDF et Cico ; le tribunal s'est ainsi appuyé sur un motif hypothétique ; les matériaux utilisés par cette société ont causé l'ensevelissement du tabernacle, à l'origine de la constitution de la galette de sol dur ;

- l'appel en garantie dirigé contre la société Linéa BTP ne pouvait être rejeté du fait de la réception des travaux, le dommage subi par le tiers trouvant directement son origine dans des désordres affectant l'ouvrage objet du marché, qui seraient de nature à engager la responsabilité du maître d'ouvrage sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs ; le tribunal n'a pas suffisamment exposé pour quel motif la ville ne pouvait se prévaloir de cette garantie ;

- en tout état de cause, sa responsabilité ne saurait être engagée à hauteur de 80 % ; la société GDF a commis des fautes d'une particulière gravité ; la seule faute qui lui est imputée apparaît mineure ; l'expert n'avait retenu à son encontre qu'une part de responsabilité de 40 % ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2014, présenté pour la Covea Risks par Me Zohair ; la société Covea Risks demande à la Cour :

1°) de fixer dès à présent le montant de son préjudice à la somme de 7 194 821,96 euros, de condamner solidairement la société GRDF et la ville de Paris à lui payer, en l'état, cette somme, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de chaque règlement qu'elle a effectué et d'ordonner la capitalisation des intérêts ;

2°) de mettre à la charge solidaire de la société GRDF et de la ville de Paris une somme de 150 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens, incluant les frais d'expertise, d'un montant de 225 100,89 euros et les frais afférents à la procédure de référé-constat, d'un montant de 8 086,20 euros ;

3°) de rejeter les conclusions contraires de GRDF et la ville de Paris ;

Elle soutient que :

- la circonstance que la galette de sol dur ne constituerait pas un élément indissociable de la voie publique est sans incidence, celle-ci ayant son origine dans le béton de fondation mis en oeuvre par la société Linéa BTP, sous la maîtrise d'ouvrage de la ville de Paris ;

- elle est fondée à mettre en cause la responsabilité de la ville de Paris, dès lors que son concessionnaire, dont la capacité financière n'est pas connue, ne reconnaît pas sa propre responsabilité ; en outre, la responsabilité de la ville n'est pas uniquement engagée en tant qu'autorité concédante, mais également au titre des fautes commises ;

- le lien de causalité avec les travaux réalisés par la société Linéa BTP est établi par les conclusions du rapport d'expertise ; les interventions des sociétés Cico et Linéa BTP ont rendu la vanne de gaz non accessible et manipulable ;

- la responsabilité de la ville de Paris peut être engagée en raison de sa qualité d'autorité publique concédante du service public de la distribution du gaz à Paris et de sa qualité de maître d'ouvrage de travaux publics ayant concouru à la réalisation du dommage ;

- en outre, la ville de Paris a commis plusieurs fautes à l'origine du dommage ; elle était informée des travaux de la société Cico et ne les a pas surveillés ; elle n'a pas vérifié l'existence de tout-venant dans le tabernacle et l'absence d'obturation des échancrures ; elle a signé le procès-verbal de réception des travaux, reconnaissant ainsi que ceux-ci avaient été effectués dans les règles de l'art ;

- la société GRDF a engagé sa responsabilité sans faute, le dommage provenant d'ouvrages publics utilisés par un concessionnaire de service public ;

- en outre, cette société a commis plusieurs fautes à l'origine du dommage ; ainsi, l'absence de protection de la colonne montante, pourtant exigée par l'arrêté du 2 août 1977, qui a facilité l'agression de la canalisation, lui est imputable ; elle ne s'est pas souciée de savoir si les travaux de la société Cico pouvaient avoir des conséquences sur l'installation dont elle avait la concession, n'ayant pas réagi aux travaux préalablement effectués par la société Linéa BTP ; elle devait se douter que l'intervention de la société Cico était indispensable pour remettre en état la chaussée ; les travaux dont elle était informée suffisaient à l'alerter sur les risques qu'ils pouvaient faire courir aux installations ;

- elle justifie d'une subrogation légale dans les droits et actions de ses assurés ainsi que du règlement des indemnités, pour les dommages aux parties communes, les dommages aux parties privatives et les pertes de loyer et d'usage ; ce préjudice est encore provisoire, d'autres règlements étant susceptibles d'être effectués ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 janvier 2014, présenté pour la Covea Risks, qui maintient ses conclusions ;

Elle soutient que sa demande d'indemnisation doit être actualisée au vu des règlements intervenus dans le dossier " Follea " ; qu'elle porte sur la somme de 7 252 765,96 euros réglée suite au sinistre, diminuée de la somme de 54 644 euros, correspondant au montant des dommages auquel le sinistre aurait été limité si le robinet d'alimentation générale avait été accessible dès l'arrivée des pompiers ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 mars 2014, présenté pour la société Linéa BTP par Me Rodas ; la société Linéa BTP demande à la Cour :

1°) de rejeter les appels en garantie présentés par la société GRDF et par la ville de Paris et de prononcer en conséquence sa mise hors de cause ;

2°) à titre subsidiaire, de limiter le montant de sa condamnation à 25 % des préjudices et travaux imputables à l'aggravation du sinistre et de garantir en conséquence GRDF, EDF, la ville de Paris et la société Cico du montant restant de la condamnation, soit 5 170 469,94 euros ;

3°) de confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que la société Covea Risks ne justifiait pas de la nature et de l'objet des indemnisations versées, de nature à permettre de vérifier leur imputabilité à l'aggravation de l'incendie ; d'ordonner en conséquence un complément d'expertise ;

4°) de confirmer le jugement en ce qu'il a écarté les demandes formées par la MAAF et la société Basane ; à titre subsidiaire, de limiter à 75 % de 179 400 euros l'indemnité susceptible d'être allouée à la société Basane et à 75 % de 342 676,94 euros l'indemnité susceptible d'être accordée à la MAAF ;

5°) de mettre à la charge de la ville de Paris, ou à défaut, de la société GRDF ou à défaut, de toute autre partie perdante, une somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'appel en garantie de GRDF et celui de la ville de Paris sont irrecevables ; le fondement de cet appel en garantie n'est pas mentionné ; les travaux ayant fait l'objet d'une réception, la ville de Paris ne dispose d'aucune action à son encontre ; la garantie décennale des constructeurs ne saurait être invoquée, aucun désordre de ce type n'affectant la voirie ;

- aucun lien de causalité entre la formation de la galette et les travaux qu'elle a réalisés n'est démontré ; la reconstitution réalisée au cours de l'expertise n'a pas été concluante ; les travaux réalisés et la nature des matériaux utilisés n'étaient pas susceptibles de provoquer le dommage ; seule une couche pelliculaire était susceptible de pénétrer dans le tabernacle ; aucune intervention sur l'ouvrage ne pouvait être effectué sans qu'en soit informé le surveillant des travaux de la ville de Paris ; celui-ci n'a donc été ni touché ni modifié au cours de l'intervention ; l'expert n'a nullement répondu à ses différentes objections ;

- les travaux réalisés étaient dispensés de demande de renseignement, compte tenu de leur faible ampleur ; leur profondeur maximale était inférieure à 0,50 mètres et une demande de DICT avait été établie en amont par la société Cico ;

- le dommage est imputable à GRDF, qui n'a pas mis en oeuvre les moyens pour que l'ouvrage soit accessible en permanence ; il aurait dû être procédé à un nouvel essai au cours des deux années qui ont suivi ; en outre, la canalisation litigieuse devait être installée dans une gaine ;

- les experts n'ont pas procédé à la distinction qui s'imposait, en ce qui concerne les préjudices liés à l'incendie et ceux résultant de son aggravation ; la société Covea Risks ne justifie pas de son préjudice ; aucune pièce ne permet d'établir l'objet des indemnisations versées ; à titre subsidiaire, il convient de s'en tenir à la somme retenue par Mme B...I... ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 mars 2014, présenté pour la société Eiffage Energie, venant aux droits de la société Forclum, venant elle-même aux droits de la société Cico, par Me Brosset ; la société Eiffage demande à la Cour :

1°) de rejeter les conclusions de la ville de Paris dirigées contre elle et de la mettre hors de cause ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner la ville de Paris, la société GRDF, la société Linéa BTP et la société ERDF à la garantir de toutes condamnations, en principal, frais et accessoires ;

3°) à titre très subsidiaire, de limiter sa quote-part de responsabilité à celle retenue par l'expert ;

4°) dans tous les cas, à mettre à la charge solidaire de la ville de Paris et de toute partie perdante une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- en estimant que sa responsabilité était engagée du fait de l'absence d'obturation du tabernacle, l'expert n'a émis qu'une simple hypothèse, que la reconstitution réalisée n'a pas permis de confirmer ; les échancrures étaient obturées au cours de sa prestation ; l'expert a mis en évidence que les gravois conservés n'étaient pas représentatifs des matériaux extraits par la société BIR ; l'origine des blocs de mortier n'a pu être précisée ; l'expert a également relevé la présence d'asphalte dans la zone litigieuse alors qu'aucun ouvrage contenant du bitume n'a été réalisé par elle ; à supposer que le remblaiement de la tranchée ait entraîné l'ensevelissement du tabernacle par du tout-venant, la galette de sol dur se serait constituée exclusivement par le versement de béton liquide sur un tabernacle non étanche, posé sur un lit de briques encore moins étanche ; même si le tabernacle n'avait pas été obturé, seule une fine particule de béton sec aurait pu pénétrer à l'intérieur du tabernacle, et celle-ci aurait été insuffisante pour créer la couche dure litigieuse ; la faible quantité de béton constatée à l'intérieur du tabernacle était disséminée en plusieurs zones indépendantes les unes des autres et ne présentant pas une épaisseur suffisante ; aucun élément factuel ne justifie la part de responsabilité de 20 % retenue par l'expert ; en l'absence d'une première couche de tout-venant, le béton aurait été directement en contact avec le robinet d'accès au gaz ; la galette de sol dur pouvait également provenir du socle de briques non étanche ; il ne saurait non plus être exclu qu'un tiers ait pu manipuler le tampon gaz, qui était libre d'ouverture et facilement manoeuvrable ;

- le tribunal a qualifié à bon droit la galette d'ouvrage public par accessoire ; la galette a un lien fonctionnel avec le tabernacle ;

- la ville de Paris a commis une faute dans le contrôle des travaux de la société Linéa BTP en ne relevant pas l'existence de la galette ;

- la société GRDF a également engagé sans responsabilité pour faute, en manquant à son obligation de surveillance de l'ouvrage ; elle avait été dûment informée des travaux réalisés ;

- la société Linéa BTP a également commis une faute dans la réalisation des travaux ; la réception de l'ouvrage ne peut être opposée à un tiers ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 mars 2014, présenté pour la société Covea Risks, qui maintient ses conclusions ;

Elle soutient en outre que :

- si le robinet avait été accessible, la fuite aurait été arrêtée par les pompiers environ vingt minutes après l'inflammation et non deux heure plus tard ; si le gaz avait été coupé à temps, les pompiers auraient pu, en toute sécurité, circonscrire le sinistre au seul hall de l'immeuble, escalier rez-de-chaussée et première volée ; la méthode retenue par la société Linéa, qui propose d'appliquer un pourcentage, n'est pas réaliste; les eaux d'extinction que les pompiers ont dû utiliser ont encore aggravé le dommage ;

- il importe de prendre en compte le chiffrage retenu par l'expert et non celui retenu par le sapiteur ; elle n'avait pas versé toutes les indemnités à la date de dépôt du rapport d'expertise ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 26 mars 2014, présenté pour la ville de Paris, qui maintient ses conclusions ;

Elle soutient en outre que les conclusions indemnitaires de la société Covea Risks sont irrecevables, la Cour n'étant saisie que du jugement avant dire droit ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 mars 2014, présenté pour les sociétés EDF et ERDF par MeA... ; les sociétés EDF et ERDF demandent à la Cour de mettre hors de cause la société EDF, de rejeter l'appel en garantie de la ville de Paris et de mettre à la charge solidaire de toute partie perdante une somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elles soutiennent que :

- en application des articles 13 et 14 de la loi du 9 août 2004, dans sa rédaction issue de la loi du 7 décembre 2006, l'activité de gestionnaire du réseau de distribution d'électricité a été transférée à la société ERDF à compter du 31 décembre 2007 ; la société EDF doit dès lors nécessairement être mise hors de cause ;

- l'expert n'a pas distingué entre les dommages, selon qu'ils résultent de l'incendie ou de son aggravation ;

- l'aggravation de l'incendie résulte d'abord de l'absence de protection de la colonne montante, imputable à GRDF ;

- elle n'a commis aucune faute ; la société GRDF était informée des travaux à intervenir ; il n'incombait qu'à GDF de contrôler l'accès au robinet de gaz litigieux, en application de la convention du 14 décembre 1993, de l'arrêté du 2 août 1977 et de l'arrêté du 13 juillet 2000 ; le tabernacle installé était en outre trop petit ;

- le contrôle de l'accessibilité du robinet qui lui est reproché était en tout état de cause inutile ; ce contrôle incombait également à la ville, autorité concédante et maître d'ouvrage des travaux de la société Linéa BTP ;

- il n'est pas établi que les matériaux utilisés par la société Cico sont à l'origine de la galette de sol dur ; le dommage a pour origine le béton utilisé par la société Linéa ;

- les dommages résultant de l'absence de mesures conservatoires pendant cinq mois postérieurement à l'incendie ne sauraient être mis à sa charge ;

- les préjudices relatifs à la perte de loyer et d'usage résultent des délais excessifs de reconstruction de l'immeuble ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 mars 2014, présenté pour la société GRDF par Me G... ; la société GRDF demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement attaqué ;

2°) de rejeter les conclusions de la société Covea Risks dirigées à son encontre ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner la ville de Paris à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, de condamner les sociétés Linéa BTP, EDF et Cico à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

5°) de mettre à la charge solidaire de la ville de Paris et des sociétés Covea Risks, Linéa BTP, EDF et Cico une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens ;

Elle soutient en outre :

- qu'elle s'est acquittée de son obligation de contrôle du bon fonctionnement des robinets, telle qu'elle résulte de l'article 4 de la convention du 14 décembre 1993 et du chapitre 2 de son annexe 1 ;

- elle n'a pas commis de faute dès lors qu'elle n'était pas informée des travaux de la société Linéa BTP ; les travaux de la société Cico ne sont pas à l'origine de la galette ; le lien de causalité entre le dommage et la hauteur du tabernacle n'est pas établi ;

- la ville de Paris a en revanche commis des fautes à l'origine du dommage ; en sa qualité de maître d'ouvrage des travaux réalisés par la société Linéa BTP, elle devait l'informer des travaux, en application de l'article 14 de la convention du 14 décembre 1993 ; elle a procédé à la réception des travaux sans procéder aux vérifications nécessaires ;

- elle est également fondée à appeler en garantie la société Linéa BTP, qui ne l'a pas informée de la nature des travaux qu'elle allait effectuer à proximité de l'ouvrage enterré de distribution du gaz dont elle ne pouvait ignorer l'existence, qui a travaillé sans protéger le tabernacle contenant le robinet de coupure et qui n'a pas procédé, à l'issue du chantier, aux vérifications nécessaires ;

- elle est fondée à appeler en garantie la société Cico, qui a réalisé le raccordement électrique au niveau du tabernacle sans le protéger et qui n'a pas procédé à l'issue du chantier aux vérifications nécessaires ;

- la mesure d'instruction diligentée par le tribunal a établi que les sociétés Cico et Linéa BTP n'ont pas respecté les recommandations techniques émises par l'association française du gaz ;

- si la réception sans réserve des travaux réalisés par la société Linéa BTP produisait son plein effet exonératoire à l'égard du maître d'ouvrage, il n'en va pas de même s'agissant des tiers ;

Vu le mémoire, enregistré le 31 mars 2014, présenté pour les sociétés Basane et MAAF Assurances par MeE... ; les sociétés Basane et MAAF Assurances demandent à la Cour de rejeter la requête ainsi que les conclusions tendant à ce qu'elle statue sur les préjudices subis par la société Covea Risks ;

Elles soutiennent qu'elles ont pris acte des termes du jugement rejetant leur intervention comme irrecevable et que la Cour n'est donc saisie d'aucune demande portant sur leurs préjudices ;

Vu les mémoires enregistrés le 10 avril 2014 et le 21 mai 2014, présentés pour la société Covéa Risks, qui maintient ses conclusions ;

Vu les mémoires enregistrés le 11 avril 2014 et le 5 mai 2014, présenté par la ville de Paris, qui maintient ses conclusions ;

Vu le mémoire enregistré le 14 avril 2014 présenté par la société Linéa BTP, qui maintient ses conclusions ;

Vu le courrier du 13 octobre 2014 par lequel la Cour a informé les parties que la décision pourrait être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de l'incompétence du juge administratif pour statuer sur les conclusions formées par la société Covéa Risks à l'encontre de GRDF eu égard aux rapports de droit privé entre GRDF et Covéa Risks, subrogé dans les droits des copropriétaires de l'immeuble ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 12 novembre 2014, présentée pour la ville de Paris à la suite de l'audience du 6 novembre 2014 ;

Vu le mémoire enregistré le 31 décembre 2014, présenté pour la société Covéa Risks, qui maintient ses conclusions ;

Vu le mémoire enregistré le 7 janvier 2015, présenté pour la société Linéa BTP qui maintient ses conclusions ;

Vu le mémoire enregistré le 9 janvier 2015, présenté pour la ville de Paris, qui maintient ses conclusions ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 mars 2015 :

- le rapport de Mme Chavrier, premier conseiller,

- les conclusions de M. Roussel, rapporteur public,

- les observations de Me Froger, avocat de la ville de Paris,

- les observations de Me Zohair, avocat de la société Covéa Risks,

- les observations de Me Rodas, avocat de la société Linéa BTP,

- et les observations de Me Brosset, avocat de la société Eiffage Energie ;

1. Considérant que, le 10 mars 2007 vers 2h20, s'est déclenché dans un immeuble sis

1-3 rue des Innocents à Paris (75001) un incendie qui n'a pu être éteint que vers huit heures ; que, par une ordonnance en date du 23 mars 2007, le juge des référés du Tribunal administratif de Paris a désigné M. D... en qualité d'expert judiciaire afin de constater les désordres et fournir tous éléments techniques et de fait permettant de déterminer l'origine, le point de départ et la cause de cet incendie ; que M. D...a déposé son rapport le 10 décembre 2009 ; que la société Covéa Risks, en qualité d'assureur du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 1-3 rue des Innocents, subrogé dans les droits de ce dernier, a saisi le Tribunal administratif de Paris pour obtenir la condamnation solidaire de GRDF venant aux droits de GDF et de la ville de Paris à lui verser la somme de 6 933 192,45 euros, en réparation des préjudices subis du fait de l'aggravation des conséquences de l'incendie résultant de l'inaccessibilité du robinet d'alimentation générale en gaz de l'immeuble ; que, par un jugement en date du 28 juin 2013, le tribunal a décidé que la ville de Paris et GRDF devaient être condamnés solidairement à réparer les conséquences dommageables subies par la société Covéa Risks, à raison de l'aggravation de l'incendie, que la ville de Paris garantirait GRDF à hauteur de 80 % des condamnations prononcées à son encontre et que GRDF garantirait la ville de Paris à hauteur de 20 % des condamnations prononcées à son encontre ; que, par ce même jugement, le tribunal a rejeté les conclusions à fin d'appel en garantie présentées par la ville de Paris à l'encontre de la société Cico, d'EDF et de la société Linéa BTP ; qu'enfin, le tribunal a estimé qu'il y avait lieu de procéder à un supplément d'instruction avant de statuer sur le montant du préjudice subi par la société Covéa Risks ; que GRDF et la ville de Paris relèvent appel de ce jugement en tant qu'ils ont été condamnés solidairement à réparer les préjudices subis par la société Covéa Risks ; que la société Covéa Risks a déposé des conclusions à fin d'appel incident pour contester le jugement en tant qu'il ne s'est pas prononcé sur le préjudice et a ordonné un supplément d'instruction ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans la nuit du 10 au 11 mars 2007, aux environs de 2h20 du matin, un violent incendie s'est déclaré dans l'immeuble sis 1-3 rue des Innocents à Paris ; que, vers 2h45, une équipe de la brigade des sapeurs pompiers de Paris est arrivée sur les lieux ; que les pompiers qui, face au vif embrasement de la colonne montante de gaz au pied de l'escalier de l'immeuble, ont immédiatement voulu fermer le robinet d'alimentation générale de l'immeuble, situé au pied de celui-ci sous le trottoir de la rue des Innocents, ont constaté que cette manoeuvre était impossible, ce robinet étant inaccessible ; qu'à 3h30, un préposé de Gaz de France, constatant à son tour qu'une " galette " constituée de matériaux solides empêchait d'accéder au robinet, a fait appel à une entreprise de bâtiment et travaux publics ; que ce n'est qu'à 4h30, que la société BIR a détruit cette " galette " et a permis aux pompiers d'accéder au robinet et de fermer l'arrivée du gaz ; que, vers 5h, le robinet ayant ainsi été fermé, la torche de feu s'est éteinte ; que l'incendie a été totalement maîtrisé vers huit heures ; qu'il résulte du rapport d'expertise que le long délai au terme duquel l'incendie a pu être éteint, et donc l'aggravation des conséquences dommageables qui ont résulté de ce retard, ont directement et exclusivement pour origine l'impossibilité d'accéder, dès l'arrivée des pompiers sur les lieux, au robinet de coupure d'alimentation générale en gaz de l'immeuble, impossibilité tenant à ce que le dispositif dit " tabernacle " censé protéger ce robinet n'avait pas empêché que du " tout-venant " (sable et graviers) et du béton, s'introduisant par ses échancrures dans la cavité abritant le robinet, forment une " galette de sol dur " qui n'a pu être fissurée et détruite qu'à l'aide d'un marteau-piqueur ; que la société Covéa Risks demande la condamnation solidaire de GRDF et de la ville de Paris à réparer les préjudices subis par la copropriété dans les droit de laquelle elle est subrogée, la première en sa qualité de concessionnaire de la distribution de gaz à Paris et, par ailleurs, à raison de fautes commises, notamment, dans la surveillance de l'accessibilité du dispositif de coupure, la seconde d'une part en sa qualité d'autorité publique concédante du service public de la distribution de gaz à Paris, et d'autre part en sa qualité de maître d'ouvrages publics ayant concouru à la réalisation du dommage ;

Sur les responsabilités :

3. Considérant en premier lieu que ni le dispositif de protection du robinet en cause, ni la galette qui s'étant formée sur celui-ci en empêchait le fonctionnement, ne peuvent être tenus pour nécessaires à un domaine public de la voirie dont, nonobstant leur localisation sous le trottoir, ils ne sont pas non plus matériellement indissociables ; que, dans ces conditions, ils ne sont pas susceptibles d'être regardés comme des accessoires dudit domaine au sens du l'article L. 2112-2 du code général de la propriété des personnes publiques ; que c'est par suite à tort que le Tribunal administratif de Paris a estimé que la responsabilité de la ville de Paris pouvait se trouver engagée à l'égard du syndicat des copropriétaires pris en sa qualité de tiers par rapport à la voirie communale ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que si la société Covéa Risks soutient que les travaux de raccordement électrique au niveau du tabernacle opérés, par la société Cico, pour le compte d'EDF, puis par la société Linéa BTP, pour le compte de la ville de Paris, ont permis son obturation par des matériaux divers, il résulte de l'instruction que la reconstitution opérée par l'expert ne s'est pas avérée concluante sur les responsabilités effectives de l'une et de l'autre dès lors que les gravois analysés par le laboratoire à sa demande n'ont pas été représentatifs des matériaux effectivement extraits par la société BIR lors de la destruction de cette " galette " et que les blocs analysés proviennent d'au moins trois fabrications différentes, apparemment sans rapport avec le tout-venant utilisé par la société Cico et le mortier utilisé par la société Linéa BTP ; qu'ainsi, si la nature des travaux effectués par la société Cico et des matériaux qu'elle a utilisés permettent de suspecter qu'ils ont pu être à l'origine d'un ensevelissement du tabernacle, ils rendent, à tout le moins, peu plausible la constitution d'une " galette de sol dur " qui est directement à l'origine des conséquences dommageables dont il est demandé réparation ; que, dans ces conditions, la preuve d'un lien de causalité entre les désordres constatés sur le dispositif de coupure de l'alimentation en gaz, et les travaux effectués pour le compte de la ville de Paris ou d'EDF sur le trottoir de la rue des Innocents n'est pas rapportée ; qu'il apparaît qu'aucune mesure d'instruction ne peut plus être utilement ordonnée aujourd'hui aux fins de préciser les causes de ces désordres ;

5. Considérant en troisième lieu qu'il résulte de l'instruction que le dommage en cause est imputable à l'existence et au fonctionnement d'un ouvrage, le dispositif de protection du robinet de coupure de l'alimentation, dont la construction et le fonctionnement avaient été délégués au concessionnaire, et qu'il avait d'ailleurs lui-même mis en place ; que la responsabilité de GRDF en sa qualité de concessionnaire à l'égard de la copropriété tiers par rapport à l'ouvrage en cause ne peut donc être écartée ; que les circonstances dans lesquelles la colonne montante, située à l'intérieur de l'immeuble, a été endommagée et le gaz enflammé ne sont pas susceptibles d'exonérer GRDF de cette responsabilité, alors que c'est pour les seules conséquences de l'impossibilité de couper l'alimentation en gaz que cette responsabilité est recherchée ;

6. Considérant qu'il résulte de qui précède qu'il y a lieu de condamner GRDF à prendre en charge la réparation de l'intégralité des préjudices imputables à l'aggravation de l'incendie en cause due à l'impossibilité de couper l'alimentation en gaz de l'immeuble dès l'arrivée des pompiers ;

Sur l'évaluation des préjudices :

7. Considérant que le tribunal a estimé que la société Covéa Risks ne produisait aucune pièce établissant la nature et l'objet des indemnisations versées, permettant de vérifier leur imputabilité effective à l'aggravation de l'incendie ; que les premiers juges ont également relevé que les parties, qui n'avaient pas contesté le montant retenu par l'expert, n'apportaient aucun éclairage utile sur cette évaluation ; que toutefois, il résulte de l'instruction que la société Covéa Risks produisait, à l'appui de ses écritures de première instance, des tableaux récapitulatifs, régulièrement mis à jour et précisant, pour chacun des versements, le numéro de quittance correspondant, ainsi que des quittances faisant état des sommes versées ; que de tels éléments sont suffisants pour déterminer les préjudices subis ; que, par conséquent, la mesure d'instruction décidée par le jugement avant dire droit présente un caractère frustratoire ; qu'il y a donc lieu de statuer sur l'évaluation du préjudice lié à l'aggravation de l'incendie ;

8. Considérant que, dans le dernier état de ses écritures, la société Covéa Risks évalue son préjudice, en l'état des règlements déjà intervenus, à la somme de 7 205 932,43 euros qui comprend les indemnités versées concernant les parties communes, pour 4 616 425 euros, dont 85 451 euros au titre des honoraires versés à l'expert, les indemnités versées aux copropriétaires en raison des dommages sur les parties privatives pour un montant global de 1 875 457,96 euros, les indemnités versées en réparation des pertes de loyer et d'usage, pour 590 289,70 euros, les versements consécutifs à la condamnation de l'assureur par jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 8 novembre 2012, pour un montant de 170 592,50 euros ; que la société Covéa Risks fait aussi état d'un versement complémentaire de 8 040 euros aux épouxC... ; que selon la société Covéa Risks elle-même, doit être déduit de ce montant global de 7 260 805,16 euros un montant, réévalué dans son dernier mémoire à 54 872,73 euros, correspondant à ce qu'aurait été l'ampleur des dégâts si le gaz avait pu être coupé dans des délais normaux, soit dans les 20 minutes suivant l'incendie ;

9. Considérant, par ailleurs, que s'il est reproché à la société Covéa Risks d'intégrer dans son chiffrage une somme de 85 451 euros au titre des honoraires d'expert, alors que ceux-ci ne sont pas exclusivement imputables à l'aggravation de l'incendie, une telle critique doit être écartée dès lors que, comme l'indique le rapport de l'expert, qui sur ce point n'est pas sérieusement contesté, les désordres auraient été extrêmement limités, et l'objet de l'expertise considérablement restreint si l'incendie avait pu être immédiatement maîtrisé ; qu'il y a lieu de retenir l'estimation, à hauteur de 228,73 euros, proposée par la société Covéa Risks de la part des frais pouvant se rattacher au sinistre ainsi circonscrit, cette estimation, qui résulte de l'interprétation de stipulations contractuelles, n'étant pas utilement contredite ;

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les dépenses relatives à des " travaux TCE y compris démolitions / déblais complémentaires " sont en partie imputables au fait que l'immeuble sinistré a été exposé aux intempéries jusqu'en septembre 2007 ; que l'expert a relevé dans son rapport que l'absence de protection pendant six mois a contribué à la détérioration des plâtres, rendant indispensable leur abattage et leur évacuation préalable à toute intervention à l'intérieur du bâtiment ; qu'au vu de ces éléments, et en l'absence de réponse de la société Covéa Risks sur ce point, il y a lieu de tenir compte du surcoût lié au retard dans la couverture de l'immeuble et à réduire en conséquence le coût des travaux indemnisables de 16 081,50 euros, correspondant à la moitié du montant des démolitions complémentaires au titre des travaux TCE estimé par l'expert à 32 163 euros ;

11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le préjudice indemnisable au titre des pertes de jouissance ne saurait excéder 31 mois, compte tenu d'un retard injustifié de six mois dans le commencement des travaux ; que la société Covéa Risks ne fait état d'aucun élément de nature à remettre en cause cette durée de 31 mois retenue par l'expert ; qu'il convient donc de retrancher de son préjudice une somme correspondant aux pertes subies pendant ce retard ; qu'eu égard aux précisions apportées par la société Covéa Risks dans son dernier mémoire, en date du 31 décembre dernier, il y a lieu de retrancher de son préjudice la somme de 138 751 euros ; que, pour le même motif, le préjudice lié au versement supplémentaire de 8 040 euros aux époux C...doit être limité à la somme 2 040 euros ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préjudice de la société Covéa Risks doit être évalué à la somme de 7 045 099,93 euros ; que cette somme devra être assortie des intérêts au taux légal à compter de la date des règlements effectués par la société Covéa Risks ; que la capitalisation des intérêts devra également être ordonnée, conformément à la demande présentée par la société dans le dernier état de ses écritures, une année d'intérêts étant due au moment de la demande ;

Sur le bien-fondé des appels en garantie :

13. Considérant que la société GRDF demande à être garantie par la ville de Paris, la société Cico et la société Linéa BTP, des condamnations prononcées contre elle ; qu'il résulte de ce que dit ci-dessus que ces appels en garantie ne peuvent qu'être rejetés ;

Sur les dépens :

14. Considérant que la société GRDF doit être condamnée à prendre en charge les dépens ; que ceux-ci comprennent d'abord la somme de 225 100,89 euros au titre des frais et honoraires de l'expert, à laquelle il convient d'ajouter la somme de 8 086,20 euros au titre du référé constat, soit un montant total de 233 187,09 euros ; qu'il y a également lieu de tenir compte des honoraires des experts privés missionnés par l'assureur ainsi que les honoraires de l'avocat dans le cadre de l'expertise ; qu'il sera fait une juste appréciation de ces frais divers, au vu des factures produites, en les évaluant à la somme de 115 000 euros ; que la société Covéa Risks est donc fondée à solliciter la somme de 348 187,09 euros au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de GRDF une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par la société Covéa Risks ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de GRDF une même somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par la ville de Paris ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de GRDF une même somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par la société Linéa BTP ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de GRDF une même somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société EDF ; qu'il y a enfin lieu de mettre à la charge de GRDF une même somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Cico ;

DÉCIDE :

Article 1er : La société GRDF est condamnée à verser la somme de 7 045 099,93 euros à la société Covéa Risks, somme assortie des intérêts au taux légal à compter de la date des règlements effectués par la société Covéa Risks. Les intérêts échus à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : La société GRDF est condamnée à verser à la société Covéa Risks la somme de 348 187,09 euros au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La société GRDF est condamnée à verser une somme de 2 500 euros à la société Covéa Risks, une somme de 2 500 euros à la ville de Paris, une somme de 2 500 euros à la société Linéa BTP, une somme de 1 500 euros à la société EDF et une somme de 1 500 euros à la société Cico sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le jugement du tribunal administratif est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Gaz Réseau Distribution de France, à la société Electricité de France, à la société Eiffage Energie, à la société Electricité Réseau Distribution de France, à la société Covéa Risks, à la ville de Paris et à la société Linéa BTP. Copie en sera adressée à la société MAAF Assurances, à la société Basane et à la société European Currency Exchange.

Délibéré après l'audience du 26 mars 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Polizzi, président assesseur,

- Mme Chavrier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 2 juillet 2015.

Le rapporteur,

A-L. CHAVRIERLe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

M. F...

La République mande et ordonne au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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Nos 13PA03435, 13PA03448


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA03435,13PA03448
Date de la décision : 02/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Anne Laure CHAVRIER
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : BROSSET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-07-02;13pa03435.13pa03448 ?
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