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31/12/2015 | FRANCE | N°15PA00660

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 31 décembre 2015, 15PA00660


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Holding Molitor a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2005, 2006 et 2007, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er juillet 2004 au 30 juin 2007.

Par un jugement n

° 1313210/2-2 du 8 décembre 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Holding Molitor a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2005, 2006 et 2007, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er juillet 2004 au 30 juin 2007.

Par un jugement n° 1313210/2-2 du 8 décembre 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 9 février et le

9 décembre 2015, la SARL Holding Molitor, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1313210/2-2 du 8 décembre 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées.

Elle soutient que :

- les premiers juges n'ont pas pris en compte la fermeture de l'établissement pour travaux du 1er janvier au 16 mars 2007 ;

- l'échantillon retenu par le vérificateur pour procéder à la reconstitution des recettes n'est pas représentatif, dès lors qu'il correspond à une période située après les travaux d'embellissement, donc une période d'activité plus importante ; l'extrapolation à partir de cette période non représentative constitue une méthode de reconstitution viciée ; il convient, en conséquence, de considérer que la part des vins et champagnes dans les recettes en salle s'établit à 14 % et non à 13,70 % ;

- le coefficient pondéré retenu, appliqué à la période avant travaux, ne tient pas compte de l'augmentation des recettes après travaux ; par ailleurs, il ne tient pas compte de ce que les pichets de vin proposés avant travaux avaient une contenance de 28 cl et non de 25 cl ; il résulte de ces deux éléments que le coefficient doit être fixé à 4,34 et non 4,5 ;

- les charges non comptabilisées, retenues à hauteur de 25 % du chiffre d'affaires non déclaré, doivent être portées à 28,05 %, pourcentage qui ressort de la comptabilité ;

- faute d'avoir mis en oeuvre les dispositions de l'article 117 du code général des impôts, l'administration ne pouvait pas considérer les gérants comme bénéficiaires des revenus réputés distribués ;

- la pénalité de 40 % pour manquement délibéré doit être modulée dans la mesure du possible.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 juin 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Holding Molitor ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Legeai,

- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public.

1. Considérant que la société à responsabilité limitée Holding Molitor, qui exploite à Paris un bar brasserie à l'enseigne " Le Comptoir du 7ème ", sis 39 avenue de La Motte Picquet à Paris 7ème, relève régulièrement appel du jugement n° 1313210/2-2 du 8 décembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2005, 2006 et 2007, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er juillet 2004 au

30 juin 2007 ; qu'en l'espèce, l'appelante a fait l'objet en 2008 d'une vérification de comptabilité ayant porté sur les exercices clos en 2005, 2006 et 2007 ; qu'à la suite de ce contrôle, l'administration, estimant que la comptabilité de la société était dénuée de valeur probante, a procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires et de son bénéfice, puis lui a notifié les rectifications correspondantes en matière d'impôt sur les sociétés, de contribution à cet impôt et de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'à la suite de la réception de trois réclamations successives en date des 8 juillet 2010, 14 novembre 2011 et 11 mai 2012, l'administration a prononcé le dégrèvement partiel des imposition contestées ; que la SARL Holding Molitor demande la décharge de la totalité des impositions restant à sa charge ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que, si la SARL Holding Molitor soutient que les premiers juges n'ont pas pris en compte la fermeture pour travaux de l'établissement qu'elle exploite, du 1er janvier au

16 mars 2007, elle n'assortit ce moyen d'aucune précision, alors qu'il ressort du jugement attaqué que le tribunal a expressément écarté comme non fondé, faute de justificatifs, le moyen tiré de ce que l'augmentation invoquée de l'activité, après réalisation des travaux, pouvait avoir eu une incidence sur la part des consommations de vins et de champagne dans les recettes relatives aux ventes réalisées en salle ; qu'il suit de là que le moyen invoqué, à supposer qu'il porte sur la régularité du jugement, ne peut qu'être écarté ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales :

" Lorsqu'une des commissions visées à l'article L.59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité présente de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge " ;

4. Considérant que les bases d'imposition de la SARL Holding Molitor, dont la comptabilité a été écartée comme non probante au regard des graves irrégularités non contestées, relevées lors de la vérification, ont été établies conformément à l'avis émis le 8 décembre 2009 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que, par suite, il appartient à l'appelante, en application des dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve de l'exagération de ses bases d'imposition ;

En ce qui concerne la méthode de reconstitution de la comptabilité des recettes :

5. Considérant que le vérificateur n'a procédé, au titre des années litigieuses qu'à la reconstitution du chiffre d'affaires relatif aux ventes réalisées en salle, sans remettre en cause les recettes tirées du bar, lesquelles ne représentaient qu'une très faible part des recettes ; qu'à cet effet, il a dépouillé les seules bandes de caisse enregistreuses disponibles au titre de l'exercice 2006-2007, en retenant comme éléments représentatifs des consommations accompagnant un repas, le vin et le champagne ordinaire vendu à la coupe ; qu'il en a déduit une quote-part des vins et du champagne ordinaire représentant 13,33 % des recettes en salle, laquelle a ultérieurement été portée à 13,51 % ; qu'il a déterminé le coefficient de marge à partir des factures d'achat délivrées entre le

1er décembre 2007 et le 23 février 2008, et les prix de vente mentionnés sur la carte en vigueur lors du contrôle, soit en 2008 ; qu'il a pratiqué un abattement de 25 % pour tenir compte des pertes, des offerts, de la consommation du personnel et de la consommation en cuisine ;

6. Considérant, en premier lieu, que, si la SARL Holding Molitor soutient que l'échantillon retenu par le vérificateur pour procéder à la reconstitution des recettes n'est pas représentatif, dès lors qu'il correspond à une période située après les travaux d'embellissement, donc une période d'activité plus importante et que l'extrapolation à partir de cette période non représentative constitue une méthode de reconstitution viciée, il est constant que le gérant de l'établissement n'a fait état, lors du contrôle, d'aucun changement dans les conditions d'exploitation et que, d'ailleurs, les données ressortant des déclarations souscrites par la société ne faisaient apparaître, au titre de la période vérifiée, aucune variation sensible du coefficient d'achat-reventes ; que la société ne précise pas en quoi l'augmentation de l'activité après travaux qu'elle invoque, au demeurant non démontrée, aurait une incidence sur la part des vins et des champagnes ordinaires dans les recettes réalisées en salle ; qu'au surplus, il résulte de l'instruction que l'échantillon retenu par le vérificateur correspondait à la seule période pour laquelle lui ont été remises des bandes de caisse enregistreuse ; qu'enfin, elle ne produit aucun élément probant à l'appui de sa demande tendant à ce que la part des vins et champagnes dans les recettes en salle soit portée de 13,70 % à 14 % ; que sa contestation sur ce point ne peut, en conséquence, qu'être écartée ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que, si la SARL Molitor soutient que les pichets de vin servis avant travaux avaient une contenance de 28 cl et non de 25 cl, elle ne l'établit pas en se bornant à produire quelques bandes de caisses relatives à l'année 2004, qui n'ont pas été présentées lors du contrôle, et ne suffisent pas, en tout état de cause, à démontrer que les pichets de vins servis en 2005, 2006 et jusqu'à la réalisation des travaux effectués en 2007 avaient une contenance supérieure à celle relevée sur les bandes de caisse remises lors du contrôle ; qu'il suit de là, et de ce qui a été dit au point précédent, que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le coefficient de marge, déjà ramené par l'administration à 4,5 doit être fixé à 4,34 ;

En ce qui concerne la prise en compte de charges non comptabilisées :

8. Considérant que la SARL Holding Molitor soutient que le pourcentage de charges non comptabilisées, admis par l'administration à hauteur de 25 % du chiffre d'affaires non déclaré, doit être porté à 28,05 % ; que, toutefois, elle n'assortit pas cette demande de justificatifs probants en se bornant à invoquer le pourcentage de charges ressortant de sa comptabilité, dès lors que ladite comptabilité a expressément été écartée comme non probante ;

9. Considérant que la SARL Holding Molitor soutient que le service ne pouvait désigner les époux B...comme bénéficiaires des revenus distribués résultant des rehaussements apportés aux résultats déclarés sans mettre en oeuvre la procédure prévue à l'article 117 du code général des impôts, et ce à l'instar de la procédure retenue par l'administration dans une autre instance concernant une société dont les époux B...sont également gérants ; que, toutefois, ce moyen est sans incidence sur le présent litige, qui porte sur les impositions établies au nom de la société appelante ;

Sur les pénalités pour manquement délibéré :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; b) 80 % en cas d'abus droit (...) " ; que les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts proportionnent les pénalités selon les agissements commis par le contribuable, prévoient des taux de majoration différents selon la qualification qui peut être donnée au comportement de celui-ci ; que le juge de l'impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, décide, dans chaque cas, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir ou d'appliquer la majoration effectivement encourue au taux prévu par la loi, sans pouvoir moduler celui-ci pour tenir compte de la gravité de la faute commise par le contribuable, soit, s'il estime que l'administration n'établit, ni que celui-ci se serait rendu coupable de manoeuvres frauduleuses, ni qu'il aurait agi de mauvaise foi, de ne laisser à sa charge que des intérêts de retard ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le juge de l'impôt ne peut, contrairement à ce que soutient la SARL Holding Molitor qu'infirmer ou confirmer la pénalité précitée sans pouvoir la moduler ; qu'en l'espèce, la proposition de rectification en date du

16 octobre 2008 précise que le gérant de la SARL Holding Molitor s'est délibérément abstenu de comptabiliser une part correspondant à 25 % de ses recettes au cours des trois exercices vérifiés et ce alors même que sa qualité de gérant impliquait qu'il ait à connaître des opérations de comptabilité et du montant des recettes ; que, par suite, en relevant notamment le caractère non probant de la comptabilité et le caractère répétitif des omissions constatées, l'administration doit être regardée comme rapportant la preuve de l'intention délibérée de l'appelante d'éluder l'impôt ; que, dés lors, c'est à bon droit qu'elle a fait application des pénalités pour manquement délibéré de 40 % contestées ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Holding Molitor n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, sa requête présentée devant la Cour ne peut qu'être rejetée, en toutes ses conclusions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Holding Molitor est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Holding Molitor et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2015, à laquelle siégeaient :

Mme Brotons, président de chambre,

Mme Appèche, président assesseur,

M. Legeai, premier conseiller,

Lu en audience publique le 31 décembre 2015.

Le rapporteur,

A. LEGEAI Le président,

I. BROTONS Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA00660


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA00660
Date de la décision : 31/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : SCP PINOS-COTTET

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-12-31;15pa00660 ?
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