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25/01/2016 | FRANCE | N°15PA03774

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 25 janvier 2016, 15PA03774


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Entreprise Pitel a demandé au juge des référés du Tribunal administratif de Melun de condamner le Centre hospitalier intercommunal de Créteil, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à lui verser une provision de 148 213,08 euros, à parfaire, au titre des intérêts moratoires, et de 27 988,29 euros, à parfaire, au titre des intérêts moratoires complémentaires, et d'ordonner la capitalisation des intérêts.

Par une ordonnance n° 1501286 du 25 septem

bre 2015, le juge des référés du Tribunal administratif de Melun a condamné le Centre ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Entreprise Pitel a demandé au juge des référés du Tribunal administratif de Melun de condamner le Centre hospitalier intercommunal de Créteil, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à lui verser une provision de 148 213,08 euros, à parfaire, au titre des intérêts moratoires, et de 27 988,29 euros, à parfaire, au titre des intérêts moratoires complémentaires, et d'ordonner la capitalisation des intérêts.

Par une ordonnance n° 1501286 du 25 septembre 2015, le juge des référés du Tribunal administratif de Melun a condamné le Centre hospitalier intercommunal de Créteil à lui verser une provision d'un montant de 100 000 euros au titre des intérêts moratoires dus pour le paiement des situations mensuelles payées avec retard, et a ordonné la capitalisation de ces intérêts.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 9 octobre 2015, sous le n° 15PA03774, et par un mémoire enregistré le 4 décembre 2015, le Centre hospitalier intercommunal de Créteil, représenté par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Melun du 25 septembre 2015 ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande ;

3°) de rejeter l'appel incident de la société Entreprise Pitel ;

4°) de mettre à la charge de la société Entreprise Pitel le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'ordonnance attaquée n'a pas statué sur le moyen soulevé en défense par le centre hospitalier tendant à démontrer que la société n'était pas recevable à solliciter le versement d'intérêts moratoires et d'intérêts moratoires complémentaires puisqu'une telle demande n'avait pas été formée au stade de l'établissement de ses décomptes finaux et, en toute hypothèse, au stade de sa réclamation sur le décompte général relatif au lot n°1 ;

- le juge des référés a dénaturé le moyen par lequel le centre hospitalier avait soutenu que l'existence d'un contentieux relatif au solde du lot n°1 rendait sérieusement contestable la demande de versement d'une provision au titre d'intérêts moratoires et d'intérêts moratoires complémentaires pour retard de paiement de ce solde ;

- l'obligation de verser des intérêts moratoires et des intérêts moratoires complémentaires sur les situations de travaux et sur le solde du lot n°1 du marché est sérieusement contestable, en raison de l'irrecevabilité de la demande tendant au versement d'intérêts qui n'avait pas été mentionnée dans le décompte final et dans le mémoire de réclamation, en raison de l'existence d'un contentieux relatif au montant du solde du lot n°1, et en raison de l'absence de preuve des retards de paiement allégués ;

- l'obligation de verser des intérêts moratoires et des intérêts moratoires complémentaires sur les acomptes mensuels du lot n°24 du marché est sérieusement contestable, en raison de l'irrecevabilité de la demande tendant au versement d'intérêts qui n'avait pas été mentionnée dans le décompte final et qui n'avait donné lieu à aucune réclamation, en raison du règlement du solde quarante-trois jours après la réception du décompte général et définitif, et en raison de l'absence de preuve des retards de paiement allégués ;

- l'ordonnance attaquée est entachée de deux erreurs de droit au regard des dispositions de l'article 13.4 du CCAG Travaux, applicable aux lots n°1 et 24 du marché, et au regard des règles de preuve du retard de paiement ;

- l'appel incident de la société Entreprise Pitel est irrecevable en ce qu'il n'est dirigé que contre les motifs de l'ordonnance attaquée, et non contre son dispositif, et en ce qu'il ne repose sur aucun moyen d'appel ;

- cet appel incident n'est pas fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2015, la société Entreprise Pitel, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer l'ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Melun du 25 septembre 2015 en ce qu'elle a rejeté ses conclusions relatives aux situations de travaux n° 3, 4 , 5, 11, 12, 13, 14 et 24 du lot n° 1, et n° 2, 5 et 9 du lot n° 24, et de faire droit à ses conclusions présentées devant le juge des référés ;

3°) de mettre à la charge du Centre hospitalier intercommunal de Créteil le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel du centre hospitalier est tardive ;

- les moyens soulevés par le centre hospitalier ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 7 décembre 2015, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 décembre 2015.

II. Par une requête, enregistrée le 9 octobre 2015, sous le n° 15PA03775, et par un mémoire enregistré le 7 janvier 2016, le Centre hospitalier intercommunal de Créteil, représenté par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution de l'ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Melun du 25 septembre 2015 ;

2°) de mettre à la charge de la société Entreprise Pitel le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'exécution de l'ordonnance risque d'entrainer des conséquences difficilement réparables, compte tenu du montant important de la provision accordée, des difficultés financières du centre hospitalier et des délais nécessaires au remboursement de la provision ;

- il a invoqué des moyens sérieux et de nature à justifier l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

- ces moyens sont de nature à justifier le rejet de la demande de première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 novembre 2015, la société Entreprise Pitel, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge du Centre hospitalier intercommunal de Créteil le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'exécution de l'ordonnance n'est pas de nature à entrainer des conséquences difficilement réparables pour le centre hospitalier ;

- les moyens soulevés par le centre hospitalier à l'appui de sa requête d'appel ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet, rapporteur,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- les observations de MeB..., pour le Centre hospitalier intercommunal de Créteil,

- et les observations de MeA..., pour la société Entreprise Pitel.

1. Considérant que les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre la même ordonnance et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Entreprise Pitel a demandé au juge des référés du Tribunal administratif de Melun, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner le Centre hospitalier intercommunal de Créteil à lui verser une provision correspondant à des intérêts moratoires pour un montant de 148 213,08 euros et à des intérêts moratoires complémentaires pour un montant de 27 988,29 euros, dus en raison de retards dans le paiement des acomptes correspondant à trente-six situations mensuelles de travaux dans le cadre de l'exécution des lots n° 1 et n° 24 d'un marché passé par le centre hospitalier en vue de la construction d'un nouveau plateau des urgences, et à des retards dans le paiement du solde des deux lots ; que, par une ordonnance du 25 septembre 2015, le juge des référés du Tribunal administratif de Melun a partiellement fait droit à sa demande, en condamnant le Centre hospitalier intercommunal de Créteil à lui verser une provision de 100 000 euros au titre des intérêts moratoires dus à raison de retards dans le paiement de vingt situations mensuelles ; que le centre hospitalier fait appel de cette ordonnance ; que la société Entreprise Pitel demande à la Cour, par la voie de l'appel incident, de réformer cette même ordonnance en ce qu'elle a pour partie rejeté ses conclusions ;

Sur la requête n° 15PA03774 :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir soulevée par la société Entreprise Pitel :

1. Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie " ; qu'aux termes de l'article R. 541-3 du même code : " L'ordonnance rendue par le président du tribunal administratif ou par son délégué est susceptible d'appel devant la cour administrative d'appel dans la quinzaine de sa notification " ; que, contrairement à ce que soutient la société Entreprise Pitel, la requête du centre hospitalier, enregistrée le 9 octobre 2015, dirigée contre l'ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Melun du 25 septembre 2015, notifiée le jour même, n'est pas tardive ;

En ce qui concerne les conclusions du centre hospitalier :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 13.3.1 du cahier des clauses administratives générales : " Après l'achèvement des travaux, un projet de décompte final est établi concurremment avec le projet de décompte mensuel afférent au dernier mois d'exécution des prestations ou à la place de ce dernier. / Ce projet de décompte final est la demande de paiement finale du titulaire, établissant le montant total des sommes auquel le titulaire prétend du fait de l'exécution du marché dans son ensemble, son évaluation étant faite en tenant compte des prestations réellement exécutées (...) " ; qu'aux termes de l'article 13.3.3 du même document : " 13.3.3. Le titulaire est lié par les indications figurant au projet de décompte final " ;

3. Considérant que les intérêts moratoires dus sur les acomptes mandatés ou payés au-delà du délai contractuel constituent des éléments de créance trouvant leur cause dans l'exécution du marché ; que l'entreprise doit, à peine de déchéance, les intégrer dans leur principe ou dans leur montant à son projet de décompte final si à la date d'établissement de cette pièce lesdits acomptes ayant été mandatés ou payés, elle est en mesure de déterminer le retard sur la base duquel les intérêts moratoires doivent être liquidés ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au 19 décembre 2013, date d'établissement des deux projets de décompte final de la société, les acomptes dont elle a fait état dans sa demande devant le tribunal administratif, avaient, à l'exception de celui qui avait donné lieu à la situation de travaux n°11 dans le cadre du lot n°24, fait l'objet de règlements ; qu'à supposer qu'ils soient intervenus au-delà des délais contractuels, elle était à même de liquider définitivement cet élément de créance ; que s'en étant abstenue, elle doit être regardée, en vertu des dispositions citées ci-dessus du cahier des clauses administratives générales, comme ayant renoncé à en demander le paiement, sans pouvoir se prévaloir utilement, ni de ses deux mémoires en réclamation en date des 29 mai 2012 et 19 décembre 2013 qui, s'ils demandent une indemnisation " intérêts moratoires non compris ", ne comportent aucune demande précise de paiement d'intérêts moratoires, ni de ses courriers en date des 17 et 23 octobre 2012 adressés au comptable et au centre hospitalier dont elle n'a pas repris les termes dans ses deux projets de décompte final, ni encore de son courrier en date du 10 mars 2014, formulant ses réserves sur le décompte général du lot n°1 ;

5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article de l'article 13.4.4 du cahier des clauses administratives générales : " Dans un délai de quarante-cinq jours compté à partir de la notification du décompte général, le titulaire renvoie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'oeuvre, le décompte général revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou fait connaître les motifs pour lesquels il refuse de le signer. / Si la signature du décompte général est donnée sans réserve par le titulaire, il devient le décompte général et définitif du marché. / Ce décompte lie définitivement les parties, sauf en ce qui concerne le montant des intérêts moratoires afférents au solde " ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que dans son mémoire de réclamation du 10 mars 2014, suite à la notification du décompte général, la société Entreprise Pitel s'est abstenue de formuler des réserves sur le montant des intérêts moratoires dus à raison du retard dans le paiement, le 31 décembre 2013, de l'acompte correspondant à la situation de travaux n°11 dans le cadre du lot n°24 ; que le décompte général est donc devenu définitif sur ce point et ne peut donc plus faire l'objet de contestation sur les intérêts moratoires afférents à cet acompte ;

7. Considérant que, dans ces circonstances, l'existence de l'obligation du centre hospitalier de payer à la société Entreprise Pitel des intérêts moratoires et des intérêts moratoires complémentaires à raison de retards dans le paiement des vingt situations mensuelles mentionnées ci-dessus, ne présente pas en l'état de l'instruction, un caractère non sérieusement contestable au sens de l'article R. 541-1 du code de justice administrative ; que le centre hospitalier est donc fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du Tribunal administratif de Melun l'a condamné à verser une provision correspondant à ces intérêts ;

En ce qui concerne l'appel incident de la société Entreprise Pitel :

8. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, les conclusions de la société, présentées par la voie de l'appel incident, tendant à obtenir une provision correspondant à des intérêts moratoires et à des intérêts moratoires complémentaires dus selon elle en raison de retards dans le paiement des acomptes correspondant aux situations de travaux n° 3, 4, 5, 11, 12,13, 14 et 24 du lot n° 1, et n° 2, 5 et 9 du lot n° 24, qui n'ont pas été mentionnés dans son projet de décompte final, et qui au demeurant ne résultent pas de l'instruction, ne peuvent, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le centre hospitalier, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution de la requête n° 15PA03775 :

9. Considérant que, la Cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête n°15PA03774 tendant à l'annulation de l'ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Melun du 25 septembre 2015, les conclusions de la requête n° 15PA03775 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de cette ordonnance sont privées d'objet ; qu'il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du Centre hospitalier intercommunal de Créteil, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Entreprise Pitel demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Entreprise Pitel une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le Centre hospitalier intercommunal de Créteil dans les deux instances et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n° 1501286 du juge des référés du Tribunal administratif de Melun du 25 septembre 2015 est annulée en tant qu'elle a fait droit aux conclusions de la société Entreprise Pitel.

Article 2 : La demande de la société Entreprise Pitel devant le Tribunal administratif de Melun et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : La société Entreprise Pitel versera au Centre hospitalier intercommunal de Créteil une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 15PA03775 tendant au sursis à l'exécution de l'ordonnance mentionnée ci-dessus.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au Centre hospitalier intercommunal de Créteil et à la société Entreprise Pitel.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, premier conseiller.

Lu en audience publique le 25 janvier 2016.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLe président,

O. FUCHS-TAUGOURDEAU

Le greffier,

P.TISSERAND

P

La République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA03774, 15PA03775


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