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15/04/2016 | FRANCE | N°15PA02337

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 15 avril 2016, 15PA02337


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Le Rond Point des Arts a demandé au Tribunal administratif de Paris de la décharger des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des majorations correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006, 2007 et 2008 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et majorations y afférentes qui lui ont été assignés au titre de la période allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008.

Par un jugement n° 1406167/1-2 du 16 avril 2015 l

e Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Le Rond Point des Arts a demandé au Tribunal administratif de Paris de la décharger des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des majorations correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006, 2007 et 2008 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et majorations y afférentes qui lui ont été assignés au titre de la période allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008.

Par un jugement n° 1406167/1-2 du 16 avril 2015 le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement le 11 juin 2015 et le

30 mars 2016, la société Le Rond Point des Arts, représentée par la SCP Fillon, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1406167/1-2 du 16 avril 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige pour les années 2007 et 2008 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que le vérificateur ne l'a pas suffisamment informée, avant qu'elle opère le choix prévu au II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, de la nature des investigations qu'il entendait mener et ne lui a donc pas, contrairement aux exigences de ce texte, permis d'exercer un véritable choix parmi les options proposées ;

- les impositions sont mal fondées car l'administration, après avoir écarté à tort sa comptabilité comme non probante, a procédé à une évaluation de son chiffre d'affaires au moyen d'une méthode non pertinente, aboutissant de manière erronée et au prix d'une inexacte application des dispositions des articles 38, 39 et 256 du code général des impôts, à constater des dissimulations de recettes ;

- les majorations pour manquement délibéré ne sont pas justifiées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- eu égard au dégrèvement accordé devant les premiers juges, seuls les suppléments d'impositions contestés afférents aux années 2007 et 2008 restent en litige ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Appèche,

- et les conclusions de M. Egloff, rapporteur public,

1. Considérant que la société Le Rond Point des Arts a demandé en vain au Tribunal administratif de Paris, de la décharger des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des majorations correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006, 2007 et 2008, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et majorations y afférentes qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008; que par la présente requête, elle doit être regardée comme relevant appel du jugement de ce tribunal, en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à la décharge des suppléments d'impôt et de taxe afférents aux années 2007 et 2008 et des pénalités correspondantes ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales : " (...) / II. En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : / a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable / b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget / c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. Ces copies sont produites sur tous supports informatiques, répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget. L'administration restitue au contribuable avant la mise en recouvrement les copies des fichiers et n'en conserve pas de double. L'administration communique au contribuable, sous forme dématérialisée ou non au choix du contribuable, le résultat des traitements informatiques qui donnent lieu à des rehaussements au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification mentionnée à l'article L. 57 / Le contribuable est informé des noms et adresses administratives des agents par qui ou sous le contrôle desquels les opérations sont réalisées " ; qu'aux termes de l'article L. 57 du même livre, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation / (...) / En cas d'application des dispositions du II de l'article L. 47 A, l'administration précise au contribuable la nature des traitements effectués / (...) " ;

3. Considérant que la SARL Le Rond Point des Arts soutient qu'elle n'a été informée ni de la nature des investigations souhaitées ni de la nature des traitements informatiques envisagés par l'administration avant d'exercer l'option prévue par le II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ; que, toutefois, il résulte de l'instruction et notamment de la copie du courrier en date du

17 septembre 2009, signé par le vérificateur, que ce document, contresigné par le représentant de la société requérante, a bien été remis en mains propres à ce dernier le jour de la première intervention sur place du vérificateur ; que ce document précise que ce dernier entend contrôler les ventes sur la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 et souhaite disposer des données informatiques consignées dans le module gestion commerciale utilisé par la société pour les commandes, les livraisons, les factures, promotions, remises, offerts, références des articles vendus, quantités, prix unitaires, et taux de taxe sur la valeur ajoutée appliqué ; que, par ailleurs, ce document expose de manière suffisamment détaillée les options prévues par les dispositions précitées du II de l'article L 47 A du livre des procédures fiscales ; que, par suite, le service a clairement et suffisamment informé la SARL Le Rond Point des Arts sur la nature des investigations souhaitées pour lui permettre d'effectuer son choix en toute connaissance de cause, ce qu'elle a d'ailleurs effectivement fait à l'issue d'un délai dont elle n'est pas fondée à soutenir qu'il aurait été insuffisant, aucune disposition ne prévoyant l'octroi d'un délai au contribuable pour effectuer ce choix ; qu'il résulte de ce qui précède que l'administration n'a pas méconnu les dispositions susmentionnées du livre des procédures fiscales et ce faisant entaché la procédure d'imposition d'irrégularité ;

4. Considérant que la doctrine administrative référencée 13 L-2-08 n° 22 ayant trait à la procédure d'imposition, ne peut être utilement invoquée dès lors qu'elle ne donne aucune interprétation du texte fiscal susceptible d'être opposée à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales :

" Lorsqu'une des commissions visées à l'article L. 59 du est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendus par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité présente de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. " ;

En ce qui concerne la régularité de la comptabilité :

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur a estimé que la comptabilité de la société requérante était entachée de graves irrégularités et par suite dénuée de valeur probante, après avoir constaté que, si les commandes étaient enregistrées sur le fichier ventes, par jour, avec le code de l'article vendu, sa quantité et son prix, une rupture apparaissait dans la numérotation des ventes d'articles, mettant en évidence plus de 300 commandes manquantes sur la période vérifiée ; qu'il a également relevé, d'une part, que certaines ventes faisaient apparaître une date de commande postérieure à la date de livraison et que dans ce cas, une discordance apparaissait également entre le prix facturé et le prix encaissé, que d'autre part, alors que plusieurs colonnes étaient prévues selon les modes d'encaissement, chèques, carte bancaire ou espèces, seule la colonne " espèces " était utilisée pour l'intégralité des encaissements, et enfin, que le total journalier des sommes encaissées était supérieur à celui des recettes déclarées, notamment pour les jours où un décalage entre la date de commande et la date de livraison était constaté, ce qui avait été le cas sur tous les mois et principalement pour les livraisons enregistrées la première quinzaine du mois alors que les dates indiquées pour les commandes correspondantes se situaient en fin dudit mois, ces anomalies concernant plus de 8 % des clients ; que si la société requérante soutient que ces irrégularités sont directement liées au fonctionnement du logiciel de gestion " Delivery System II ", comme le précise d'ailleurs la société prestataire " TALC " dans un courrier daté du 18 janvier 2011, cette circonstance n'exonère pas la société requérante de ses obligations comptables et administratives ; que, de surcroit, la société ne verse aux débats aucun document suffisamment probant permettant de justifier l'écart entre le prix facturé et le prix encaissé, résultant prétendument d'une rectification des commandes ; que ces irrégularités, par leur importance et par leur répétition, justifient le rejet de la comptabilité des exercices en cause ; que si la société requérante se prévaut d'un jugement rendu par un tribunal administratif dans un litige opposant l'administration fiscale à une autre société utilisant le même logiciel de comptabilité, ce jugement est, en tout état de cause, dépourvu de l'autorité de la chose jugée ;

7. Considérant qu'eu égard aux graves irrégularités susanalysées, le vérificateur était fondé à écarter, comme non probante, la comptabilité de la société Le Rond Point des Arts ; que la société requérante a sollicité le 28 mai 2010 la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur la chiffres d'affaires, soit cinq mois avant la date de la séance du 17 novembre 2010 durant laquelle son cas a été examiné et son conseil entendu ; que les impositions litigieuses ont été établies conformément à l'avis régulièrement émis par ladite commission ; que par suite, la société requérante supporte la charge d'en démontrer le caractère exagéré ;

En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :

8. Considérant que la société requérante conteste la méthode appliquée par le vérificateur, en faisant valoir que celui-ci s'est fondé exclusivement sur la colonne " encaissements " du fichier " commandes " et n'a, ce faisant, d'une part, pas respecté les règles de rattachement des créances fixées par l'article 38-2 bis du code général des impôts, cette méthode aboutissant selon elle à calculer le résultat de l'entreprise en prenant en compte les produits encaissés alors que les charges imputées sont les charges engagées, et d'autre part, pas intégré dans son calcul les remises et les réductions opérées ; que, toutefois, la société requérante ne justifie aucunement du versement par sa clientèle d'acomptes qui n'auraient pas été rattachés par le vérificateur à l'exercice au cours duquel est intervenue la livraison des produits et n'établit pas davantage l'importance ni même l'existence de remises ou réductions consenties sur la période en cause et non prises en compte par le service vérificateur ; qu'en application de la méthode décrite ci-dessus mise en oeuvre par le service vérificateur, et qui n'apparaît ni excessivement sommaire ni radicalement viciée dans son principe, aucune méthode alternative n'éta nt d'ailleurs proposée par la société requérante, le montant du rehaussement du bénéfice imposable de cette dernière a pu, à bon droit, être défini comme la différence entre le montant déclaré par elle et le montant total apparaissant dans la colonne " espèces " tel qu'il ressort de l'exploitation des fichiers fournis par elle-même au vérificateur ;

En ce qui concerne les dépenses de carburant :

9. Considérant que la société requérante soutient, comme elle le faisait en première, que c'est à tort que l'administration a refusé d'admettre la déductibilité, en tant que charges, de dépenses de carburant pour un montant de 7 328 euros, mais ne verse aucun justificatif au dossier de la Cour ; qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le tribunal d'écarter ce moyen ;

Sur les pénalités :

10. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 1729 du même code :

" 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (...) " ;

11. Considérant qu'en relevant le défaut de caractère probant de la comptabilité, en mettant en évidence des omissions répétées de recettes représentant 18,2 % et 16,2 % des recettes déclarées en 2007 et 2008, l'administration a établi de manière suffisante la volonté de la SARL Le Rond Point des Arts de se soustraire délibérément au paiement des impôts qu'elle savait dus ; que, par suite, elle établit les manquements délibérés de la société requérante et le bien-fondé de la pénalité de 40% prévue, en pareil cas, par l'article 1729 du code général des impôts ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Le Rond Point des Arts n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande concernant les suppléments d'imposition et majorations correspondantes mis en recouvrement au titre des années 2007 et 2008 ; que les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il concerne ces suppléments d'impositions et pénalités y afférentes et à leur décharge doivent, par suite, être rejetées ; qu'il en va de même, par voie de conséquence, de celles présentées sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'ayant pas dans la présente instance la qualité de partie perdante ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Le Rond Point des Arts est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Le Rond Point des Arts et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie du présent arrêt sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 6 avril 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. Legeai, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 avril 2016.

Le rapporteur,

S. APPECHELe président,

I. BROTONS

Le greffier,

P. LIMMOIS

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA02337


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA02337
Date de la décision : 15/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : SCP FILLON

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-04-15;15pa02337 ?
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