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12/05/2016 | FRANCE | N°13PA04678,14PA03533

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 12 mai 2016, 13PA04678,14PA03533


Vu la procédure suivante :

I) Sous le n° 13PA04678 :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) a, par trois demandes distinctes, demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur les véhicules des sociétés auxquels il a été assujetti au titre des périodes du 1er octobre 2005 au 30 septembre 2006 et du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2007 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement nos 1113076, 1311057, 131

1741/2-2 du 28 octobre 2013, le Tribunal administratif de Paris a joint ces trois deman...

Vu la procédure suivante :

I) Sous le n° 13PA04678 :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) a, par trois demandes distinctes, demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur les véhicules des sociétés auxquels il a été assujetti au titre des périodes du 1er octobre 2005 au 30 septembre 2006 et du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2007 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement nos 1113076, 1311057, 1311741/2-2 du 28 octobre 2013, le Tribunal administratif de Paris a joint ces trois demandes et les a rejetées.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2013, et des mémoires enregistrés le 8 août 2014 et le 1er juillet 2015, le CIRAD, représenté par la société d'avocats CMS Francis Lefebvre, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1113076, 1311057, 1311741/2-2 du 28 octobre 2013 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le Tribunal administratif a méconnu les dispositions de l'article 1654 du code général des impôts, d'une part, en se fondant sur son statut juridique d'établissement public industriel et commercial alors que seule la nature des opérations qu'il effectue effectivement pouvait fonder l'assujettissement à cette taxe et, d'autre part, en omettant de rechercher si, par les modalités de son exécution, son activité était effectivement à caractère lucratif ;

- il résulte de l'avis du Conseil d'Etat du 8 janvier 1957 et de la doctrine fiscale publiée au BOCD-1957-II-83, §6 que seules les personnes publiques en situation de concurrence effective avec des personnes privées peuvent être assujetties à la taxe sur les véhicules de sociétés en application des dispositions des articles 1010 et 1654 du code général des impôts ;

- les modalités d'exécution de ses missions sont différentes de celles des sociétés privées réalisant des opérations de recherche et d'études ;

- son activité est dépourvue de caractère lucratif ;

- le caractère non lucratif de son activité a été reconnu par une décision de l'administration en date du 8 janvier 1990.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 avril 2014 et 30 juin 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le CIRAD n'est fondé.

II) Sous le n° 14PA03533 :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des droits de taxe sur les véhicules des sociétés auxquels il a été assujetti au titre des périodes du 1er octobre 2007 au 30 septembre 2008, du 1er octobre 2008 au 30 septembre 2009, du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2010, du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2011 et du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1311731/2-2 du 2 juin 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrée les 5 août 2014 et 16 juillet 2015, le CIRAD, représenté par la société d'avocats CMS Francis Lefebvre, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1311731/2-2 du 2 juin 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la restitution de ces impositions et la décharge des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a méconnu les dispositions de l'article 1654 du code général des impôts, d'une part, en se fondant sur son statut juridique d'établissement public industriel et commercial alors que seule la nature des opérations qu'il effectue effectivement pouvait fonder l'assujettissement à cette taxe et, d'autre part, en omettant de rechercher si, par les modalités de son exécution, son activité était effectivement à caractère lucratif ;

- eu égard aux sujétions tenant à son statut d'intervenant public et aux modalités effectives d'exercice de ses missions, il n'effectue pas les " mêmes opérations" que des entreprises privées ;

- la charge de la preuve ne lui incombe pas sur le fondement des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales en ce qui concerne la taxe relative aux années postérieures à celles redressées dès lors que, dans les circonstances de l'espèce, il ne peut être regardé comme ayant déclaré et acquitté spontanément cette taxe ; subsidiairement, les dispositions de nature règlementaire du deuxième alinéa de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales sont dépourvues de base légale car l'attribution de la charge de la preuve dans le contentieux fiscal relève du domaine de la loi ;

- en ce qui concerne les établissements publics, l'assujettissement à la taxe litigieuse est limité aux véhicules effectivement affectés à la réalisation d'opérations entrant dans le champ de cette taxe.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mars 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le CIRAD n'est fondé.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le décret n° 84-429 du 5 juin 1984 portant création et organisation du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Notarianni,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- et les observations de Me Lacroix, avocat du CIRAD.

1. Considérant que les requêtes n° 13PA04678 et n° 14PA03533, présentées pour le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant porté sur l'ensemble de ses déclarations fiscales au titre des exercices clos en 2006 et 2007, au terme de laquelle il a été regardé comme passible de la taxe sur les véhicules de sociétés prévue à l'article 1010 du code général des impôts et a été assujetti aux rappels correspondants de cette taxe au titre des périodes du 1er octobre 2005 au 30 septembre 2006 et du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2007 ; qu'à la suite de cet assujettissement, il a spontanément déposé les déclarations de taxe sur les véhicules de sociétés afférentes aux périodes d'imposition postérieures allant du 1er octobre 2007 au 30 septembre 2012, tout en contestant parallèlement son assujettissement à cette taxe, et a été assujetti à des pénalités de retard pour les périodes déclarées tardivement ; qu'il relève appel des jugements du 28 octobre 2013 et du 2 juin 2014 par lesquels le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à la décharge de l'ensemble de ces impositions, tant complémentaires que primitives, et des pénalités correspondantes ;

Sur l'application de la loi fiscale :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1654 du code général des impôts : " Les établissements publics, les exploitations industrielles ou commerciales de l'Etat ou des collectivités locales, les entreprises concessionnaires ou subventionnées, les entreprises bénéficiant de statuts, de privilèges, d'avances directes ou indirectes ou de garanties accordées par l'Etat ou les collectivités locales, les entreprises dans lesquelles l'Etat ou les collectivités locales ont des participations, les organismes ou groupements de répartition, de distribution ou de coordination, créés sur l'ordre ou avec le concours ou sous le contrôle de l'Etat ou des collectivités locales doivent sous réserve des dispositions des articles 133,207,208,1040,1382,1394 et 1449 à 1463 acquitter, dans les conditions de droit commun, les impôts et taxes de toute nature auxquels seraient assujetties des entreprises privées effectuant les mêmes opérations " ;

4. Considérant, d'une part, que le CIRAD, qualifié d'établissement public industriel et commercial par l'article 2 du décret du 5 juin 1984, est doté de la personnalité civile et de l'autonomie financière et est soumis, en matière de gestion financière et comptable, en vertu de l'article 15-1 du même décret, aux règles en usage dans les sociétés industrielles et commerciales ; que cet établissement, qui a pour missions, en vertu de l'article 3 du même décret, en France et hors de France, de contribuer au développement rural des régions chaudes par des recherches et réalisations expérimentales, principalement dans les secteurs agricoles, forestiers et agroalimentaires, d'apporter son concours, à la demande de gouvernements étrangers, aux institutions nationales de recherche dans ces domaines, d'assurer l'information scientifique et technique des milieux scientifiques, économiques et culturels concernés, de participer à la formation de Français et d'étrangers à la recherche et par la recherche, de contribuer à l'élaboration de la politique nationale dans les domaines de sa compétence, notamment par l'analyse de la conjoncture scientifique nationale, n'exerce pas ses activités dans le cadre de prérogatives de puissance publique ou en tant qu'autorité publique et ne bénéficie d'aucun monopole légal dans l'exercice de ses missions ; que, l'article 4 du décret du 5 juin 1984 l'autorise à valoriser les résultats obtenus, notamment par la création de filiales, la prise de participation et la coopération avec d'autres organismes publics ou privés nationaux, étrangers ou internationaux ; qu'enfin, au nombre des ressources énumérées par l'article 15 du même décret figurent notamment les recettes contractuelles sur programme, le produit des exploitations expérimentales, les rémunérations des services rendus, et les taxes parafiscales ; qu'il est au surplus constant qu'il est inscrit au registre du commerce et des sociétés de Paris ;

5. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que le CIRAD procède effectivement comme une entreprise privée à l'exploitation commerciale de ses activités de recherche appliquée, notamment par l'exploitation de brevets qu'il détient, par la commercialisation de matériels, de végétaux et de produits vétérinaires, par l'offre contre rémunération de formations, de services et d'expertises et la commercialisation d'équipements et logiciels d'aide aux cultures, et qu'il crée des filiales pour mieux valoriser et commercialiser les résultats de ses recherches ; qu'il ressort par ailleurs de l'examen des comptes annuels déposés par le CIRAD au titre des années 2006 à 2012 que le chiffre d'affaires net généré par ses activités de vente de marchandises, produits et services a contribué à hauteur de 25 % à 28 % à ses ressources totales des années en litige et n'avait ainsi pas un caractère accessoire ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le CIRAD avait pour une part non accessoire une activité industrielle et commerciale, correspondant en outre à l'apparence créée par son statut d'établissement public industriel et commercial, dans le cadre de laquelle il effectuait les mêmes opérations qu'une entreprise privée ; que, dans ces conditions, alors même que la part de ses activités industrielles et commerciales ne serait pas prépondérante, il devait dès lors en application des dispositions précitées de l'article 1654 du code général des impôts acquitter, dans les conditions de droit commun, les impôts et taxes de toute nature auxquels auraient été assujetties des entreprises privées effectuant les mêmes opérations, sous réserve qu'il remplisse par ailleurs également les conditions d'assujettissement propres à chacun de ces impôts et taxes ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que l'administration était fondée à regarder le CIRAD comme une " société " pour l'application combinée des dispositions précitées de l'article 1654 du code général des impôts et de celles de l'article 1010 du même code, aux termes desquelles " Les sociétés sont soumises à une taxe annuelle à raison des véhicules de tourisme qu'elles utilisent en France (...) ", dès lors qu'il résulte de ce qui précède qu'il était constitué sous la forme d'un établissement public à caractère industriel et commercial, qu'il était doté de l'autonomie financière, qu'il exploitait des activités industrielles et commerciales non accessoires et qu'il était au surplus inscrit au registre du commerce et des sociétés ;

8. Considérant que, dès lors que le CIRAD doit être regardé comme une société pour l'application des dispositions de l'article 1010 du code général des impôts, les règles d'assiette propres à cette imposition lui sont applicables dans les mêmes conditions qu'aux sociétés ; que, par suite, le CIRAD était soumis à la taxe litigieuse à raison de l'ensemble des véhicules de tourisme qu'il utilisait en France et qui remplissaient les conditions d'assujettissement prévues par ce texte, indépendamment de la nature industrielle et commerciale ou administrative de l'activité à laquelle était affecté chacun des véhicules concerné, qui est sans incidence ;

Sur le bénéfice de la doctrine fiscale :

9. Considérant qu'à supposer que le CIRAD ait entendu se prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales de la doctrine fiscale publiée au BOCD-1957-II-83, §6, son moyen pris de ce qu'en vertu de cette doctrine seules les personnes publiques en situation de concurrence effective avec des personnes privées sont assujetties à la taxe sur les véhicules de sociétés ne peut qu'être écarté dès lors, tout état de cause, qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'il n'aurait pas été placé en situation de concurrence effective ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement et au ministre des finances et des comptes publics.

Copies en seront adressées à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal Paris centre et services spécialisés) et à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division du contentieux ouest).

Délibéré après l'audience du 31 mars 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Dalle, président assesseur,

- Mme Notarianni, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 12 mai 2016.

Le rapporteur,

L. NOTARIANNI

Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOTLa République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Nos 13PA04678, 14PA03533


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA04678,14PA03533
Date de la décision : 12/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-08 Contributions et taxes. Parafiscalité, redevances et taxes diverses.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Laurence NOTARIANNI
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE ; CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE ; CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-05-12;13pa04678.14pa03533 ?
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