La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/05/2016 | FRANCE | N°15PA01329

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 27 mai 2016, 15PA01329


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...D...C...a demandé au Tribunal administratif de Melun la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui ont été assignées au titre de l'année 2007, ainsi que la décharge des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1305912 du 5 février 2015, le Tribunal administratif de Melun a rejeté la requête de Mme D...C....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 31 mars 2015 et un mémoire complémentaire

enregistré le

6 août 2015, Mme D...C..., représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...D...C...a demandé au Tribunal administratif de Melun la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui ont été assignées au titre de l'année 2007, ainsi que la décharge des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1305912 du 5 février 2015, le Tribunal administratif de Melun a rejeté la requête de Mme D...C....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 31 mars 2015 et un mémoire complémentaire enregistré le

6 août 2015, Mme D...C..., représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1305912 du 5 février 2015 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de prononcer la décharge des impositions supplémentaires auxquelles elle a été assujettie et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et d'une somme de 6 000 euros au titre des " frais exposés ".

Elle soutient que :

- compte tenu du délai d'instruction anormalement long de la réclamation, le silence gardé par l'administration sur la réclamation doit être regardé comme un acquiescement tacite en application de la " jurisprudence Hollande " ;

- les procédures de rectification trouvent leur fondement dans un procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal dressé à l'encontre d'une tierce personne, M.E... ; la requérante n'est pas concernée par une telle procédure ;

- l'administration a refusé de faire droit à ses demandes de communication de pièces ; il est demandé à l'administration de communiquer les pièces utilisées pour reconstituer le chiffre d'affaires, telles que les " cartons de signature " des comptes bancaires professionnels, les devis signés et les ordres d'achat de matériaux ;

- les bénéfices de l'activité de la société MJ BAT ont été reconstitués à partir de la compilation de crédits bancaires sans la moindre recherche d'une vraisemblance économique ; un taux de marge nette sur chiffre d'affaires de 40 % est totalement fantaisiste pour une entreprise générale du bâtiment ; l'administration n'a pas procédé à un examen réel de la comptabilité ; il convient d'ordonner une expertise qui permettra d'établir que la marge nette ne peut excéder 10 % ;

- la gérance de fait de la société MJ BAT par M. G...D...C...n'est pas établie.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 juillet 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Cheylan, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public.

1. Considérant que Mme D...C...a exercé jusqu'en 2008 les fonctions de gérante de la société MJ BAT qui avait une activité de maçonnerie générale et dont elle détenait la moitié du capital social ; que, par un avis de vérification du 14 novembre 2008, l'administration fiscale a informé la société MJ BAT qu'elle envisageait de procéder à une vérification de comptabilité en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2007 ; que le service vérificateur, qui a estimé que le contrôle ne pouvait avoir lieu en raison du comportement des gérants successifs de la société MJ BAT, a dressé le 12 mars 2009 un procès-verbal pour opposition à contrôle fiscal ; que le service a en conséquence procédé, en application de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, à une évaluation d'office du résultat imposable sur la base des encaissements mentionnés sur les relevés de compte bancaire de la société ; que, par une proposition de rectification du 20 avril 2009, les rehaussements en résultant ont été notifiés à la société

MJ BAT ; que, par une proposition de rectification du même jour, l'administration a notifié à

M. et Mme D...C..., suivant une procédure de rectification contradictoire, des rehaussements en matière d'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre de l'année 2007, en tant que bénéficiaires des sommes réputées distribuées par la société

MJ BAT à la suite de l'évaluation d'office dont cette dernière avait fait l'objet ; que

Mme D...C...relève appel du jugement du 5 février 2015 par lequel le

Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle avait été assujettie à la suite de ce contrôle ;

Sur la procédure d'imposition :

2. Considérant, en premier lieu, que la requérante se prévaut de l'irrégularité de l'évaluation d'office engagée à l'encontre de la société MJ BAT, le procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal mentionnant une tierce personne, M.E... ; que toutefois, les moyens contestant la régularité de la procédure d'imposition suivie à l'encontre d'une société soumise au régime d'imposition des sociétés de capitaux sont inopérants au regard des impositions mises à la charge de l'un de ses associés ou gérants ; qu'en tout état de cause, il résulte de l'instruction que M. E...a été nommé gérant de la société MJ BAT lors d'une réunion de l'assemblée générale de la société qui s'est tenue le 1er septembre 2008 ; que le moyen ne peut dès lors qu'être écarté ;

3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'administration est tenue d'informer le contribuable dont elle envisage de rectifier les bases d'imposition de l'origine et de la teneur des renseignements recueillis dans l'exercice de son droit de communication ou auprès d'un autre contribuable et qu'elle a effectivement utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante, afin que l'intéressé soit mis à même de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition ;

4. Considérant que la requérante soutient que l'administration n'a pas fait droit à ses demandes de communication de pièces ; que la proposition de rectification du 20 avril 2009 adressée à M. et Mme D...C...précise que les rehaussements à l'origine des revenus distribués ont été établis sur la base des crédits bancaires apparaissant sur le compte BCP ouvert au nom de la société MJ BAT ; qu'ainsi, la requérante, qui ne conteste pas avoir reçu cette proposition de rectification le 23 avril 2009, disposait à cette date d'informations suffisamment précises lui permettant de demander la communication des pièces utilisées pour établir les rehaussements ; que l'administration indique, sans être contredite sur ce point, que la mise en recouvrement des impositions en litige est intervenue le 30 septembre 2009 ; qu'il résulte de l'instruction que les deux demandes de communication formulées au nom de la société MJ BAT et de M. D...C...ont été adressées à l'administration par des courriers datés des 18 décembre 2009 et 4 février 2010 ; que dès lors, les demandes de communication de pièces, qui ont été formulées postérieurement à la mise en recouvrement des impositions, ne peuvent pas bénéficier de la garantie prévue par les dispositions précitées de l'article L. 76 B ; que par suite, le moyen doit être écarté ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que la procédure d'imposition serait entachée d'irrégularité ;

Sur l'instruction de la réclamation :

6. Considérant qu'à l'appui de sa requête d'appel, Mme D...C...invoque à nouveau devant la Cour, dans des termes identiques, le moyen qu'elle avait présenté devant le

Tribunal administratif de Melun, tiré de ce que, eu égard au délai de traitement de sa réclamation, le défaut de réponse de l'administration devait être regardé comme un acquiescement tacite conformément à la " jurisprudence Hollande " ; qu'elle n'apporte toutefois aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le Tribunal administratif de Melun sur son argumentation de première instance aux points 4 et 5 du jugement attaqué ; qu'il y a lieu dès lors d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;

Sur le bien-fondé des impositions :

7. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. (...) " ; que l'administration n'est pas contredite lorsqu'elle indique que M. et Mme D...C...n'ont pas formulé d'observations en réponse à la proposition de rectification du 20 avril 2009 qui leur avait été notifiée le 23 avril 2009 ; que par suite, il appartient à la requérante de verser au dossier soumis au juge tous éléments de nature à étayer sa contestation des impositions en litige ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le comportement des gérants successifs de la société MJ BAT, qui a empêché le service de procéder à une vérification de comptabilité, a conduit l'administration à mettre en oeuvre à l'encontre de cette société une évaluation d'office pour opposition à contrôle fiscal ; que la société MJ BAT n'ayant présenté aucun document comptable ou pièce justificative, le service a déterminé un résultat imposable de 303 169 euros sur la base de relevés bancaires obtenus dans le cadre du droit de communication exercé auprès de l'établissement financier gérant le compte de la société ; que l'administration a déduit de ce montant un taux forfaitaire de charges de 68% ; qu'eu égard à ce qui précède, la requérante, qui était gérante de la société MJ BAT jusqu'au 24 novembre 2008, date à laquelle le procès-verbal d'assemblée générale du 1er septembre 2008 a été déposé au greffe du Tribunal de commerce de Paris, ne saurait sérieusement reprocher à l'administration de ne pas avoir procédé à un examen réel de la comptabilité ; qu'elle ne peut utilement faire valoir que le service aurait utilisé une méthode de reconstitution dénuée de toute vraisemblance économique, l'administration n'ayant pas procédé à une reconstitution de chiffre d'affaires dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire prévue par l'article L. 55 du livre des procédures fiscales mais à une évaluation d'office des bases d'imposition sur le fondement de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales ; que la requérante n'apporte aucun élément au soutien de son allégation selon laquelle le taux de marge de l'entreprise devrait être ramené à 10 % ; que par suite, la requérante n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'exagération des bases d'imposition qui ont fait l'objet de cette évaluation d'office ;

9. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du 1 de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) " ;

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société MJ BAT, dont Mme D...C...et une tierce personne, M.B..., détenaient chacun la moitié du capital social, avait pour seul salarié l'époux de la requérante, M. G...D...C... ; qu'il ressort des termes de la proposition de rectification du 20 avril 2009 que Mme D...C..., qui était gérante de la société MJ BAT, occupait dans une autre entreprise un poste salarié à plein temps de directrice de magasin et ne pouvait dès lors assurer de façon effective ses fonctions de gérante ; que M.B..., qui n'avait aucune activité dans cette société, ne disposait pas de la signature sur le compte bancaire de la société ; que M. D...C..., qui avait été le seul interlocuteur de l'administration fiscale lors d'un précédent contrôle en 2008, était également la seule personne habilitée à signer des contrats avec les clients et à contacter les fournisseurs ; que la requérante, qui se borne à affirmer que la gérance de fait par M. G...D...C...n'est pas démontrée, n'apporte aucun justificatif qui permettrait de contredire les constatations effectuées par le service ; qu'ainsi, c'est à bon droit que l'administration a estimé que M. G...D...C...s'était comporté pendant l'année d'imposition en litige en tant que maître de l'affaire ; qu'il n'est pas contesté que

M. et Mme D...C...ont appréhendé les bénéfices dissimulés qui ont fait l'objet de l'évaluation d'office ; que dès lors, c'est par une exacte application des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts que M. et Mme D...C..., qui faisaient l'objet d'une imposition commune au titre de l'année 2007, ont été assujettis à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en tant que bénéficiaires des sommes réputées distribuées par la société MJ BAT à la suite de l'évaluation d'office des bases d'imposition de cette société ;

11. Considérant, par ailleurs, que la requérante ne saurait, en tout état de cause, exiger de l'administration qu'elle verse à l'instance des pièces comptables qui n'ont pas été présentées au service vérificateur, la vérification de comptabilité n'ayant pu avoir lieu du fait du comportement des gérants successifs de la société MJ BAT ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de prescrire la mesure d'expertise sollicitée, que Mme D...C...n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante en la présente instance, verse à Mme D...C...la somme qu'elle demande sur ce fondement et au titre des " frais exposés " ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D...C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...D...C...et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 13 mai 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Mosser, président de la formation de jugement,

- M. Boissy, premier conseiller,

- M. Cheylan, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 mai 2016.

Le rapporteur,

F. CHEYLANLe président,

G. MOSSERLe greffier,

A-L. PINTEAU

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

3

N° 15PA01329


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA01329
Date de la décision : 27/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués. Notion de revenus distribués. Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : Mme MOSSER
Rapporteur ?: M. Frédéric CHEYLAN
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : CREEL

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-05-27;15pa01329 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award