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07/06/2016 | FRANCE | N°15PA04772

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 07 juin 2016, 15PA04772


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme Figesbal a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et activités métallurgiques ou minières auxquelles elle avait été assujettie au titre des exercices clos en 2005, 2006 et 2007.

Par un jugement n° 10205 du 2 mars 2012, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie n'a que partiellement fait droit à sa demande.

La SA Figesbal a demandé à la Cour administrative d'

appel de Paris de réformer ce jugement en tant qu'il avait rejeté le surplus de sa demande.

P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme Figesbal a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et activités métallurgiques ou minières auxquelles elle avait été assujettie au titre des exercices clos en 2005, 2006 et 2007.

Par un jugement n° 10205 du 2 mars 2012, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie n'a que partiellement fait droit à sa demande.

La SA Figesbal a demandé à la Cour administrative d'appel de Paris de réformer ce jugement en tant qu'il avait rejeté le surplus de sa demande.

Par un arrêt n° 12PA02909 du 18 octobre 2013, la Cour de céans a réformé ce jugement et prononcé la décharge de la fraction de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés et activités métallurgiques ou minières à laquelle la société Figesbal avait été assujettie au titre de l'exercice clos en 2005 à raison de la réintégration, dans sa base taxable à cet impôt, d'une somme de 21 944 687 francs CFP et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

La SA Figesbal a demandé au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 12PA02909 du 18 octobre 2013 de la Cour administrative d'appel de Paris.

Par une décision n° 374857 du 7 décembre 2015 le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'article 4 de l'arrêt de la Cour de céans en tant qu'il s'est prononcé sur la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés et activités métallurgiques ou minières résultant de la remise en cause de la déduction du bénéfice imposable, au titre de l'exercice clos en 2005, de la provision constituée en vue de faire face au risque de non-recouvrement de créances détenues sur la société Ballande Asia et, après avoir rejeté le surplus des conclusions, renvoyé dans cette mesure l'affaire à la Cour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement les 6 juillet 2012 et 5 août 2013, la société Figesbal, représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 10205 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie en date du 2 mars 2012 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés et activités métallurgiques ou minières à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2005, ainsi que des intérêts de retard y afférents ;

2°) de prononcer la décharge totale de l'imposition litigieuse et des intérêts de retard y afférents ;

3°) de condamner la Nouvelle-Calédonie aux dépens de l'instance ;

4°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie le versement d'une somme d'un million de francs CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, s'agissant du chef de rectification dont la Cour reste saisie après cassation partielle de son arrêt du 18 octobre 2013, que la provision pour risque de non-recouvrement de la créance qu'elle détenait sur la société Ballande Asia était fiscalement déductible eu égard à son intérêt, commercial et financier, à ce que sa débitrice pût poursuivre son activité, de sorte que sa créance ne procédait pas d'un acte anormal de gestion.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2013 et régularisé le 18 janvier suivant, la Nouvelle-Calédonie, représentée par MeA..., conclut, en premier lieu, au rejet de la requête, en deuxième lieu et par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a exclu de la base imposable, d'une part, la provision constituée, au titre de l'exercice clos en 2005, pour dépréciation des titres de participation détenus dans le capital de la société Daméfa, d'autre part, au titre de l'exercice clos en 2006, la somme de 36 345 360 F CFP correspondant à des dividendes prescrits, en dernier lieu, à la mise à la charge de la société Figesbal d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

Un nouveau mémoire, enregistré après cassation partielle le 19 mai 2016, a été présenté pour la Nouvelle-Calédonie.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 ;

- le code des impôts de la Nouvelle-Calédonie ;

- la loi du pays n° 2006-2 du 24 janvier 2006 ;

- la délibération n° 281 du 24 février 1988 du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, modifiée par la délibération n° 212/CP du 15 octobre 1997 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Auvray,

- les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public,

- et les observations de Me C...pour la Nouvelle-Calédonie.

1. Considérant que le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi présenté par la société anonyme Figesbal à l'encontre de l'arrêt n° 12PA02909 du 18 octobre 2013 n'ayant fait que partiellement droit aux conclusions de sa requête, a, par sa décision n° 374857 du 7 décembre 2015, annulé cet arrêt de la Cour de céans en tant seulement qu'il s'est prononcé sur la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés et activités métallurgiques ou minières résultant de la remise en cause du caractère fiscalement déductible du bénéfice de l'exercice clos en 2005 de la provision qu'elle avait constituée pour faire face au risque de non-recouvrement de sa créance sur la société Ballande Asia ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 21 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, dans sa rédaction en vigueur à la date des impositions en litige : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges à condition : - de se rattacher à la gestion normale de l'entreprise ou d'être exposées dans l'intérêt de l'exploitation ; / (...) Ces charges comprennent, notamment : / (...) e) Les provisions si elles répondent aux conditions fixées aux articles 27 et suivants (...) " ; qu'aux termes de l'article 27 de ce code : " I. Les provisions sont admises en déduction du bénéfice imposable lorsqu'elles remplissent les conditions suivantes : / Elles doivent : a) être destinées à faire face soit à une perte ou à la dépréciation d'un élément d'actif, soit à une charge qui, si elle était intervenue au cours de la période d'imposition, aurait normalement pu venir en déduction des bénéfices imposables de cette période ; / b) être probables et non pas simplement éventuelles ; / c) trouver leur source ou leur origine dans des faits intervenus au cours de la période d'imposition ; d) être nettement précisées (...) " ;

3. Considérant que la société anonyme Figesbal a constitué une provision de 26 549 854 francs CFP en vue de faire face au risque de non-recouvrement de la créance de même montant qu'elle détient sur l'une de ses filiales, la société Ballande Asia, et qui correspond à des prestations de services, notamment administratives et financières, que la requérante avait effectuées pour cette filiale avant le 1er janvier 2005, date d'ouverture du premier bilan non prescrit ; que le service a remis en cause le caractère fiscalement déductible de cette provision dont il a, par suite, réintégré le montant au résultat imposable de l'exercice clos le 31 décembre 2005 sans procéder à la correction symétrique des bilans du fait de l'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la créance en cause de 26 549 854 francs CFP détenue par la société Figesbal sur l'une de ses filiales, la société Ballande Asia, dont elle possède 99,9 % du capital, procède de la facturation de prestations de services que la requérante a fournies à cette filiale, notamment en matière administrative et financière ; que, contrairement à ce que soutient la Nouvelle-Calédonie, la seule circonstance que la société Figesbal ait fourni ces prestations à la société Ballande Asia alors même que la situation financière de cette dernière était dégradée n'est pas, par elle-même, constitutive d'un acte anormal de gestion, alors surtout qu'il n'est pas contesté qu'eu égard à leur nature, les prestations en cause, au demeurant habituelles pour une société holding, étaient nécessaires au maintien de l'activité de sa filiale, la société Ballande Asia, ainsi qu'à son redressement, ce qui répond au moins à l'intérêt financier propre de l'appelante en tant que société mère, laquelle soutient, au surplus, que cette filiale, qui intervient sur le marché du vin à Hong-Kong, porte d'accès au marché chinois, occupe une place hautement stratégique au sein du groupe Ballande ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire de ses bénéfices imposables des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle à la condition qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances de fait constatées à la date de clôture de l'exercice et que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante ;

6. Considérant que la société Figesbal fait valoir que la société Ballande Asia se trouvait depuis plusieurs années et, notamment, durant l'exercice clos en 2005, dans une situation financière et comptable très dégradée et qu'elle précise à cet égard que, s'agissant de cet exercice, le résultat courant de sa filiale était déficitaire à hauteur de 1 961 880 francs CFP et que sa situation nette était négative à hauteur de 6 602 455 francs CFP ; que cette situation financière difficile est, en outre, corroborée par la circonstance que la société Figesbal a inscrit une provision pour dépréciation de ses titres de participation dans le capital de la société Ballande Asia, provision que l'administration n'a du reste pas remise en cause ;

7. Considérant que si, comme le relève la Nouvelle-Calédonie, il n'est pas contesté que la société Figesbal n'a, à l'encontre de sa débitrice, la société Ballande Asia, mis en oeuvre aucune action tendant à obtenir le paiement de sa créance, une telle circonstance ne faisait cependant pas obstacle à ce que l'appelante constituât régulièrement la provision litigieuse à hauteur de 100 % de sa créance, eu égard au fait que sa débitrice, en situation financière très dégradée, était l'une de ses filiales, dont elle détenait 99,9 % du capital ;

8. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes du III de l'article 18 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie : " Les bénéfices indirectement transférés hors de la Nouvelle-Calédonie, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par la comptabilité (...) " ;

9. Considérant que la Nouvelle-Calédonie soutient en cause d'appel qu'en application des dispositions citées au point précédent, la somme déduite du résultat de l'exercice clos en 2005 au titre de la provision litigieuse pour risque de non-recouvrement des créances détenues sur la société Ballande Asia, dont le siège social se trouve hors de la Nouvelle-Calédonie, constitue un transfert de bénéfices devant être réintégré dans le résultat imposable de la société Figesbal ; que, toutefois, la provision litigieuse, qui n'emporte pas, au profit de la société Ballande Asia, un abandon des créances au titre desquelles elle a précisément été constituée, ne saurait être regardée comme constitutive d'un transfert indirect de bénéfices hors de la Nouvelle-Calédonie ; qu'en outre, ainsi qu'il a été dit au point 4, la poursuite de la fourniture des prestations de services à la société Ballande Asia, à l'origine de la provision en cause, répondait à l'intérêt financier propre de la société Figesbal qui, contrairement à ce que soutient la Nouvelle-Calédonie, doit être regardée comme établissant qu'elle présentait pour elle des contreparties équivalentes ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Figesbal est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à être déchargée de la fraction de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés et activités métallurgiques ou minières à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2005 ainsi que de l'intérêt de retard y afférent ; qu'il y a par suite lieu pour la Cour de réformer sur ce point le jugement attaqué dans le cadre du litige dont elle demeure saisie en exécution de la décision n° 374857 en date du 7 décembre 2015 du Conseil d'Etat ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie le versement d'une somme de 1 000 euros au titre des frais qu'a exposés la société Figesbal à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice font en revanche obstacle à ce que la Cour mette à la charge de la société Figesbal, qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, une quelconque somme au titre des frais exposés par la Nouvelle-Calédonie et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La base imposable à l'impôt sur les sociétés et activités métallurgiques ou minières assigné à la société anonyme Figesbal au titre de l'exercice clos en 2005 est réduite de 26 549 854 francs CFP.

Article 2 : La société Figesbal est déchargée des droits et intérêts de retard correspondant à la réduction de base définie à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le jugement n° 10205 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie en date du 2 mars 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La Nouvelle-Calédonie versera à la société Figesbal une somme de 1 000 (mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la Nouvelle-Calédonie tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Figesbal et au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2016 à laquelle siégeaient :

M. Krulic, président de chambre,

M. Auvray, président-assesseur,

Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,

Lu en audience publique le 7 juin 2016.

Le rapporteur,

B. AUVRAY

Le président,

J. KRULIC

Le greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA04772


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA04772
Date de la décision : 07/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

46-01-03-02-02 Outre-mer. Droit applicable. Lois et règlements (hors statuts des collectivités). Collectivités d'outre-mer et Nouvelle-Calédonie. Nouvelle-Calédonie.


Composition du Tribunal
Président : M. KRULIC
Rapporteur ?: M. Brice AUVRAY
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-06-07;15pa04772 ?
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