La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/06/2016 | FRANCE | N°14PA03151

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 09 juin 2016, 14PA03151


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 23 juillet 2012 par laquelle le ministre de la justice a fixé les modalités de sa rémunération au titre de ses congés de maladie et a ordonné le reversement d'un trop-perçu, la décision révélée par son bulletin de salaire du mois d'août 2012 par laquelle cette même autorité a opéré une retenue de 1 247,28 euros sur sa rémunération et la décision du 24 octobre 2012 rejetant le recours préalable introd

uit à l'encontre des deux décisions précitées, d'autre part, de condamner l'Etat à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 23 juillet 2012 par laquelle le ministre de la justice a fixé les modalités de sa rémunération au titre de ses congés de maladie et a ordonné le reversement d'un trop-perçu, la décision révélée par son bulletin de salaire du mois d'août 2012 par laquelle cette même autorité a opéré une retenue de 1 247,28 euros sur sa rémunération et la décision du 24 octobre 2012 rejetant le recours préalable introduit à l'encontre des deux décisions précitées, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 10 000 euros au titre des préjudices résultant de la gestion défectueuse de son dossier par les services du ministère de la justice.

Par un jugement n° 1221772 et n° 1314131 du 22 mai 2014, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 18 juillet 2014 et 6 mai 2016, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1221772 du 22 mai 2014 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler les décisions précitées des 23 juillet 2012, 25 août 2012 et 24 octobre 2012 ;

3°) d'enjoindre au ministre de la justice de rétablir rétroactivement ses droits à rémunération et de lui restituer la retenue opérée sur sa rémunération au titre du mois d'août 2012 ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 10 000 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il a été rendu en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

- le jugement est irrégulier compte tenu de l'omission à statuer sur l'un des moyens qu'elle avait invoqués ;

- aucune retenue ne pouvait être opérée sur son traitement en l'absence d'émission d'un titre de recette ; la créance du ministère de la justice n'était pas certaine, liquide et exigible et ne pouvait dès lors faire l'objet d'une compensation ;

- la retenue pratiquée sur sa rémunération excède la quotité légalement saisissable ;

- la responsabilité de l'administration est engagée du fait de la promesse non tenue de lui verser une rémunération jusqu'à la fin de l'année 2012 ; l'arrêt brutal de toute rémunération et la retenue de la totalité de son traitement au mois d'août 2012 constituent des fautes de nature à engager la responsabilité de l'administration ; la gestion défaillante de son dossier a entraîné un retard dans le paiement de ses indemnités journalières ;

- du fait des fautes de l'administration elle a subi un préjudice matériel ainsi que des troubles dans ses conditions d'existence.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 novembre 2015, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;

- le décret n° 65-845 du 4 octobre 1965 relatif au paiement sans ordonnancement préalable des rémunérations et de leurs accessoires servis à des fonctionnaires et agents des services civils de l'Etat ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'Etat pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Amat,

- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public.

1. Considérant que MmeA..., recrutée en qualité de secrétaire par le ministère de la justice par contrat du 24 novembre 2011, après un précédent contrat du 22 août au 21 octobre 2011, a été placée en arrêt de travail pour raison de santé à partir du 20 janvier 2012 ; que, par décision du 27 avril 2012, l'administration a indiqué à Mme A... qu'elle serait rémunérée durant trois mois à plein traitement, puis neuf mois à demi-traitement ; que, par décision du 23 juillet 2012 annulant et remplaçant la décision du 27 avril 2012, Mme A...a été informée qu'elle percevrait au titre des congés maladie 30 jours à plein traitement, du 20 janvier 2012 au 18 février 2012, puis un mois à demi-traitement, du 19 février au 19 mars 2012, que pour la période du 20 mars 2012 au 11 septembre 2012, aucune rémunération ne lui serait versée et qu'une retenue serait pratiquée sur sa rémunération, à compter du mois d'août 2012, au titre du trop-perçu ; que, par décision du 24 octobre 2012, l'administration a rejeté le recours préalable formé par l'intéressée contre cette décision ; que Mme A...relève appel du jugement du 22 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 23 juillet 2012, de la décision par laquelle une retenue de 1 247,28 euros aurait été effectuée sur sa rémunération pour le mois d'août 2012 et de la décision précitée du 24 octobre 2012, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 10 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ; " (...) La décision mentionne que l'audience a été publique (...) Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. " ;

3. Considérant que contrairement à ce que soutient Mme A...les premiers juges ont suffisamment analysé le mémoire enregistré le 10 mai 2013 en indiquant que la requérante maintenait ses précédentes écritures ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'en indiquant au point 10 du jugement attaqué que " le moyen tiré de la méconnaissance des règles de la quotité saisissable (...) n'est pas de nature à remettre en cause la légalité de la créance ; qu'il concerne les modalités de recouvrement de la créance dont la détermination ressortit de la seule compétence du comptable chargé d'en assurer le recouvrement et relève d'un litige distinct " et que ce moyen est inopérant, les premiers juges ont répondu au moyen de la requérante tiré de ce que la décision portant retenue sur sa rémunération du mois d'août 2012 méconnaît les règles de la quotité disponible ; que, par suite, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que le jugement est insuffisamment motivé ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'annulation :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 12 du décret du 17 janvier 1986 : " L'agent non titulaire en activité bénéficie, sur présentation d'un certificat médical, pendant une période de douze mois consécutifs si son utilisation est continue ou au cours d'une période comprenant trois cents jours de services effectifs si son utilisation est discontinue, de congés de maladie dans les limites suivantes : / Après quatre mois de services : - un mois à plein traitement ; - un mois à demi-traitement ; Après deux ans de services : - deux mois à plein traitement ; - deux mois à demi-traitement ; Après trois ans de services : - trois mois à plein traitement ; - trois mois à demi-traitement " ;

6. Considérant, d'une part, que sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ; qu'une décision administrative explicite accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l'administration avait l'obligation de refuser cet avantage ; qu'en revanche, n'ont pas cet effet les mesures qui se bornent à procéder à la liquidation de la créance née d'une décision prise antérieurement ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que par décision du 27 avril 2012 l'administration a indiqué à Mme A...qu'elle bénéficierait d'une rémunération durant trois mois à plein traitement, puis neuf mois à demi-traitement ; que, toutefois, il est constant que cette décision créatrice de droits était illégale compte tenu de la durée de services de la requérante ; qu'ainsi, l'administration a pu légalement, dans le délai de quatre mois, retirer la décision du 27 avril 2012 par la décision du 23 juillet 2012 ;

8. Considérant par ailleurs qu'il ressort des pièces du dossier que MmeA..., alors qu'elle ne disposait plus d'aucun droit à rémunération à compter du 20 mars 2012, a été rémunérée à plein traitement jusqu'au mois de juillet 2012 ; que l'administration lui a ainsi indiqué dans la décision précitée du 23 juillet 2012 que la retenue du trop perçu de rémunération se ferait, " dans le respect de la quotité saisissable " " à compter de la paye du mois d'août 2012 " ; que cependant, contrairement à ce que soutient la requérante, il n'a été procédé à aucune retenue sur sa rémunération du mois d'août 2012 dès lors qu'elle n'avait pas repris le travail et n'avait donc aucun droit à rémunération ; que, par suite, les moyens, invoqués au soutien des conclusions à fin d'annulation de la décision révélée par les mentions portées sur le bulletin de salaire du mois d'août 2012, tirés de ce qu'aucune compensation ne pouvait être établie en l'absence d'émission d'un titre exécutoire et de la méconnaissance de la règle de la quotité disponible, ne peuvent qu'être écartés, aucune retenue ni compensation n'ayant été effectuée ;

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

9. Considérant qu'en promettant à tort le 27 avril 2012 à MmeA..., agent contractuel récemment embauchée, de lui verser une rémunération à plein traitement puis demi traitement jusqu'à la fin de l'année 2012 et en maintenant pendant une durée de cinq mois la rémunération à plein traitement de l'intéressée avant de l'interrompre brusquement fin juillet 2012, l'administration a commis des négligences constitutives de fautes de nature à engager sa responsabilité ; que si le préjudice matériel résultant de rejets de paiements par la banque de Mme A...n'est pas établi dans la mesure où les sommes versées par l'administration jusqu'à fin juillet 2012, qui n'ont fait l'objet d'une demande de reversement qu'en 2013, excédaient les indemnités journalières dues pour la même période et réglées le 29 octobre 2012, il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence subis par Mme A...du fait de la mauvaise gestion de sa situation administrative en lui allouant la somme de 2 000 euros ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions indemnitaires ; que, par ailleurs, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la somme de 1 500 euros au titre des frais de procédure exposés par MmeA... ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'Etat est condamné à verser à Mme A...une somme de 2 000 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1221772 et n° 1314131 du 22 mai 2014 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A...et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, président de chambre,

- M. Diémert, président assesseur,

- Mme Amat, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 juin 2016.

Le rapporteur,

N. AMATLe président,

S. PELLISSIER Le greffier,

E. CLEMENTLa République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

2

N° 14PA03151


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 14PA03151
Date de la décision : 09/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-08-02-01 Fonctionnaires et agents publics. Rémunération. Traitement. Retenues sur traitement.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Nathalie AMAT
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : SENEJEAN

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-06-09;14pa03151 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award