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04/10/2016 | FRANCE | N°14PA03925

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 04 octobre 2016, 14PA03925


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société COFIDA a demandé au Tribunal administratif de Paris de constater l'illégalité des arrêtés du 2 avril 2013 par lesquels le maire de la ville de Paris a résilié les lots n°s 2, 3, 4 et 5 du marché à bons de commandes de fourniture et de livraison de denrées alimentaires brutes pour les établissements de la petite enfance de la ville de Paris, relatifs respectivement aux fruits et légumes conventionnels, aux produits d'épicerie dont ceux de diététique infantile, aux produits frais et biolo

giques et conventionnels et aux produits surgelés biologiques et conventionnels,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société COFIDA a demandé au Tribunal administratif de Paris de constater l'illégalité des arrêtés du 2 avril 2013 par lesquels le maire de la ville de Paris a résilié les lots n°s 2, 3, 4 et 5 du marché à bons de commandes de fourniture et de livraison de denrées alimentaires brutes pour les établissements de la petite enfance de la ville de Paris, relatifs respectivement aux fruits et légumes conventionnels, aux produits d'épicerie dont ceux de diététique infantile, aux produits frais et biologiques et conventionnels et aux produits surgelés biologiques et conventionnels, et le marché de fourniture et de livraison de produits alimentaires destinés aux petites structures d'accueil d'enfants de zéro à six ans, d'ordonner la reprise des relations contractuelles et de condamner la ville de Paris à lui verser une somme de 900 000 euros en réparation du préjudice résultant de la non exécution des contrats précités entre la date de leur résiliation et la date fixée pour la reprise des relations contractuelles, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de la requête, capitalisés, ou de condamner la ville de Paris à défaut de reprise des relations contractuelles, à lui verser une somme de 3 195 700, 04 euros au titre de la valeur non amortie des investissements réalisés dans le cadre de l'exécution du contrat, du manque à gagner postérieurement à la prise d'effet de la résiliation irrégulière et en réparation de l'atteinte à sa réputation commerciale, augmentée des intérêts au taux légal capitalisés et, enfin, de mettre à la

charge de la ville de Paris, une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1306052/7-1 du 7 juillet 2014, le Tribunal administratif de Paris a jugé qu'il n'y avait plus lieu à statuer sur les conclusions tendant à la reprise des relations contractuelles, a rejeté le surplus de la demande de la société COFIDA et a mis à la charge de cette société une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés respectivement les 6 septembre 2014, 23 septembre 2015 et 15 septembre 2016, la société COFIDA, représentée par Me Basset, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1306052/7-1 du 7 juillet 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de constater et de tirer les conséquences de l'illégalité des arrêtés en date du 2 avril 2013 par lesquels le maire de la ville de Paris a résilié les lots 2, 3, 4 et 5 du marché à bons de commandes de fourniture et de livraison de denrées alimentaires brutes pour les établissements de la petite enfance de la ville de Paris et le marché de fourniture et de livraison de produits alimentaires destinés aux petites structures d'accueil d'enfants de zéro à six ans ;

3°) d'ordonner la reprise des relations contractuelles et de condamner la ville de Paris au versement d'une somme de 900 000 euros en réparation du préjudice lié à la non exécution des contrats entre la date de leur résiliation et la date fixée pour la reprise des relations contractuelles augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de la requête et de la capitalisation des intérêts ;

4°) de condamner, à défaut de reprise des relations contractuelles, la ville de Paris au versement de la somme de 3 225 344,08 euros au titre de la valeur non amortie des investissements réalisés dans le cadre de l'exécution du contrat, du manque à gagner postérieurement à la prise d'effet de la résiliation irrégulière et en réparation de l'atteinte à sa réputation commerciale, augmentée des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ;

5°) de mettre à la charge de la ville de Paris, une somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont, à tort, considéré que les conclusions à fin de reprise des relations contractuelles étaient devenues sans objet ;

- les conclusions indemnitaires sont recevables puisque la liaison du contentieux a été opérée par l'effet d'un courrier transmis à la ville de Paris le 20 juin 2013 ;

- le principe du contradictoire issu de l'article 32.2 du cahier des clauses administratives générales " fournitures courantes et services " a été méconnu puisque les pesées des denrées livrées par la société COFIDA, sur lesquelles reposent les arrêtés de résiliation, ne lui sont pas opposables dans la mesure où elles ont été faites en l'absence de cette société et que seul un délai de cinq jours lui a été imparti pour répondre aux mises en demeures de la ville de Paris, ce qui était trop court ;

- les arrêtés de résiliation ne sont pas motivés ;

- les arrêtés de résiliation ne pouvaient reposer sur l'article 1.6 du cahier des clauses techniques et particulières relatif à la transmission des fiches techniques, dans la mesure où cet article n'exige pas du cocontractant qu'il produise l'intégralité de ces fiches pour chaque produit utilisé ;

- ils ne pouvaient reposer sur l'existence d'erreurs commises par la société COFIDA dans la facturation, puisque ces erreurs étaient dues à des bons de commandes incomplets et lacunaires ;

- ils ne pouvaient reposer sur l'existence d'incidents à caractère sanitaire dans la mesure où la ville de Paris n'a jamais procédé aux mesures de contrôle qui s'imposent ;

- ils ne pouvaient reposer sur l'insuffisance des quantités livrées dans la mesure où les constats d'huissier révélant ces insuffisances n'ont été communiqués à la société requérante que dans le cadre de la présente instance ;

- la ville de Paris a commis des fautes de nature à exonérer la société COFIDA de sa responsabilité ;

- la somme de 900 000 euros doit être mise à la charge de la ville de Paris en réparation du préjudice résultant de la non exécution des contrats entre la date de leur résiliation et la date fixée pour la reprise des relations contractuelles ;

- à défaut de reprise des relations contractuelles, elle a droit à une indemnisation globale de 3 225 344, 04 euros en réparation de la valeur non amortie des investissements réalisés dans le cadre de l'exécution du contrat, du manque à gagner postérieurement à la prise d'effet de la résiliation irrégulière et en réparation de l'atteinte à son image et à sa réputation commerciale.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés le 30 juillet 2015 et le 9 septembre 2016, la ville de Paris, représentée par la SCP Foussard Froger, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de la société COFIDA ;

2°) de condamner la société COFIDA à lui verser une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à la reprise des relations contractuelles ;

- les conclusions indemnitaires sont irrecevables, faute d'avoir été précédées d'une demande préalable ;

- en tout état de cause, aucun des moyens soulevés dans la requête n'est fondé.

Un mémoire a été enregistré, le 16 septembre 2016, pour la Ville de Paris.

Une note en délibéré a été enregistrée, le 21 septembre 2016, pour la société COFIDA.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme d'Argenlieu,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- les observations de Me Basset, avocat de la société COFIDA,

- et les observations de Me Froger, avocat de la ville de Paris.

1. Considérant que les lots n°s 2, 3, 4 et 5 du marché à bons de commande de fourniture et de livraison de denrées alimentaires brutes pour les établissements de la petite enfance de la ville de Paris ont été attribués à la société COFIDA par la commission d'appel d'offres le 11 septembre 2012, ces marchés étant notifiés le 31 octobre 2012, le lot n° 1 n'étant pas attribué ; qu'après avoir déclaré sans suite la procédure pour le lot n° 6 et lancé une nouvelle consultation, un marché pour les produits alimentaires destinés aux " petites structures " d'accueil d'enfants de zéro à six ans a été attribué à la société COFIDA et notifié le 11 décembre 2012 ; que ces marchés ont pris effet le 2 janvier 2013 ; que la ville de Paris a mis en demeure le 11 février 2013 la société COFIDA de répondre à ses obligations contractuelles, sous peine de mise en oeuvre d'une procédure de résiliation ; que, par une lettre du 1er mars 2013, la ville de Paris a informé la société COFIDA qu'elle envisageait de résilier les marchés ; qu'après que la société COFIDA a présenté ses observations le 8 mars 2013 ces marchés ont été résiliés par le maire de Paris par cinq arrêtés du 2 avril 2013 ; que, par un jugement du 7 juillet 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société COFIDA tendant à la reprise des relations contractuelles et à la condamnation de la ville de Paris à l'indemniser, à hauteur de 900 000 euros, du préjudice subi du fait de la non exécution des contrats entre la date de leur résiliation et la date fixée pour la reprise des relations contractuelles ou, à défaut, à hauteur de 3 195 700,04 euros en réparation du préjudice lié à la valeur non amortie des investissements, au manque à gagner et à l'atteinte à sa réputation commerciale ; que la société COFIDA fait appel de ce jugement ;

Sur la reprise des relations contractuelles :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'acte d'engagement des cinq marchés concernés " Le marché issu de la présente consultation prend effet à compter de sa notification pour une durée de douze mois " ; qu'aux termes de l'article 3.1 du cahier des clauses administratives particulières : " Le marché peut être reconduit dans les mêmes termes. La reconduction est tacite. Le titulaire du marché ne peut refuser la reconduction. En cas de non reconduction, le pouvoir adjudicateur adresse une décision expresse intervenant au plus tard dans un délai de trois mois avant l'échéance de la période en cours d'exécution. La décision de ne pas reconduire le marché est adressée au titulaire par lettre recommandée avec accusé de réception " ;

3. Considérant qu'en résiliant les contrats en litige par cinq arrêtés du 2 avril 2013, la ville de Paris a nécessairement entendu mettre un terme à ces marchés attribués à la société COFIDA pour une durée d'un an tacitement renouvelable, et ne pas procéder à leur reconduction ; que, par suite, les marchés relatifs aux lots n°s 2, 3, 4 et 5 initialement notifiés le 31 octobre 2012 et le marché " petites structures " notifié le 11 décembre 2012 étaient arrivés à leur terme les 31 octobre et 11 décembre 2013 ; que dès lors, les conclusions tendant à la reprise des relations contractuelles n'avaient plus d'objet, le 7 juillet 2014, à la date du jugement dont il est relevé appel ; que, par suite, la société COFIDA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont prononcé un non lieu à statuer sur ses conclusions aux fins de reprise des relations contractuelles ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée " ;

5. Considérant que la recevabilité des conclusions indemnitaires, présentées à titre accessoire ou complémentaire aux conclusions tendant à la reprise des relations contractuelles dans le cadre d'une action en contestation de la validité d'une mesure de résiliation, est soumise, selon les modalités du droit commun, à l'intervention d'une décision préalable de l'administration de nature à lier le contentieux, le cas échéant en cours d'instance, sauf en matière de travaux publics ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société COFIDA n'a saisi la ville de Paris d'aucune demande, préalable ou en cours d'instance, tendant à l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des résiliations litigieuses ; que, notamment, la lettre en date du 20 juin 2013 adressée par la société COFIDA à la ville de Paris, qui a pour seul objet de contester le décompte de résiliation adressé par la personne publique, se borne à évoquer à titre informatif le contentieux intenté par l'appelante devant le tribunal administratif de Paris et tendant à la reprise des relations contractuelles ainsi qu'à la condamnation de la ville à l'indemniser du préjudice résultant de la non exécution du contrat entre sa résiliation et cette reprise ; que cette lettre, contrairement à ce que soutient la société COFIDA, ne saurait dès lors être regardée comme une demande préalable de nature à lier le présent contentieux indemnitaire ; qu'ainsi, ces conclusions étant irrecevables, la société COFIDA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris les a rejetées ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la ville de Paris qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, en revanche, sur le fondement de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la société COFIDA une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la ville de Paris et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société COFIDA est rejetée.

Article 2 : La société COFIDA versera à la ville de Paris une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société COFIDA et à la ville de Paris.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Hamon, président,

- M. Dellevedove, premier conseiller,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 octobre 2016.

Le rapporteur,

L. d'ARGENLIEULe président assesseur,

En application de l'article R. 222-26 du code

de justice administrative,

P. HAMON

Le greffier,

S. GASPARLa République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 14PA03925


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA03925
Date de la décision : 04/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-08-01 Marchés et contrats administratifs. Règles de procédure contentieuse spéciales. Recevabilité.


Composition du Tribunal
Président : Mme HAMON
Rapporteur ?: Mme Lorraine D'ARGENLIEU
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : SELARL BASSET et MACAGNO

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-10-04;14pa03925 ?
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