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04/10/2016 | FRANCE | N°15PA02904

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 04 octobre 2016, 15PA02904


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA Société Air France a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 17 octobre 2014 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un jugement n° 1430858/3-2 du 27 mai 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure contentieuse devant la Cour :

Par une requête et un mémo

ire complémentaire, enregistrés les 23 juillet et 28 septembre 2015, la Société Air France, re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA Société Air France a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 17 octobre 2014 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un jugement n° 1430858/3-2 du 27 mai 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure contentieuse devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 juillet et 28 septembre 2015, la Société Air France, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris du 27 mai 2015 ;

2°) d'annuler la décision du 17 octobre 2014 susvisée ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a pas été en mesure de faire valoir utilement ses observations au cours de la procédure devant l'administration, le document original ne lui ayant pas été présenté lors de la consultation des pièces du dossier ;

- le visa présenté par le passager incriminé ne présente pas d'élément d'irrégularité manifeste suffisamment visible et significatif pour être remarqué par un agent d'embarquement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 septembre 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution du 4 octobre 1958 ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 92-307 DC du 25 février 1992 ;

- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;

- le code des transports ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dellevedove,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- et les observations de Me B...pour la société Air France.

1. Considérant que, par une décision du 17 octobre 2014, le ministre de l'intérieur a infligé à la Société Air France une amende de 5 000 euros, sur le fondement de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour avoir débarqué, le 11 décembre 2013, à l'aéroport de Roissy Charles De Gaulle, Mme C...A..., de nationalité péruvienne, en provenance de Colombie, munie d'un visa Shenghen manifestement falsifié ; que la Société Air France fait appel du jugement du 27 mai 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2.Considérant qu'aux termes de l'article L. 6421-2 du code des transports : " Le transporteur ne peut embarquer les passagers pour un transport international qu'après justification qu'ils sont régulièrement autorisés à atterrir au point d'arrivée et aux escales prévues " ; qu'aux termes de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Est punie d'une amende d'un montant maximum de 5 000 euros l'entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque sur le territoire français, en provenance d'un autre Etat, un étranger non ressortissant d'un Etat de l'Union européenne et démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable en raison de sa nationalité / Est punie de la même amende l'entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque, dans le cadre du transit, un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne et démuni du document de voyage ou du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable compte tenu de sa nationalité et de sa destination " ; qu'aux termes de l'article L. 625-2 de ce code : " Le manquement est constaté par un procès-verbal établi par un fonctionnaire appartenant à l'un des corps dont la liste est définie par décret en Conseil d'Etat. Copie du procès-verbal est remise à l'entreprise de transport intéressée. Le manquement ainsi relevé donne lieu à une amende prononcée par l'autorité administrative compétente. L'amende peut être prononcée autant de fois qu'il y a de passagers concernés. Son montant est versé au Trésor public par l'entreprise de transport. / L'entreprise de transport a accès au dossier et est mise à même de présenter ses observations écrites dans un délai d'un mois sur le projet de sanction de l'administration. La décision de l'autorité administrative, qui est motivée, est susceptible d'un recours de pleine juridiction. / L'autorité administrative ne peut infliger d'amende à raison de faits remontant à plus d'un an " ; qu'aux termes de l'article L. 625-5 du même code : " Les amendes prévues aux articles L. 625-1, L. 625-3 et L. 625-4 ne sont pas infligées : / (...) 2° Lorsque l'entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l'embarquement et qu'ils ne comportaient pas d'élément d'irrégularité manifeste " ; qu'il résulte tant de ces dispositions, adoptées en vue de donner leur plein effet aux stipulations de l'article 26 de la convention de Schengen, signée le 19 juin 1990, que de l'interprétation qu'en a donné le Conseil constitutionnel dans sa décision susvisée du 25 février 1992, qu'elles font obligation aux transporteurs aériens de s'assurer, au moment des formalités d'embarquement, que les voyageurs ressortissants d'Etats non membres de l'Union européenne sont en possession de documents de voyage, le cas échéant revêtus des visas exigés par les textes, leur appartenant, non falsifiés et valides ; que si ces dispositions n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de conférer au transporteur un pouvoir de police aux lieu et place de la puissance publique, elles lui imposent de vérifier que l'étranger est muni des documents de voyage et des visas éventuellement requis et que ceux-ci ne comportent pas des éléments d'irrégularité manifeste, décelables par un examen normalement attentif des agents de l'entreprise de transport ; qu'en l'absence d'une telle vérification, le transporteur encourt l'amende administrative prévue par l'article L. 625-1 ;

3. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de la décision contestée que le ministre de l'intérieur a estimé que le visa litigieux était manifestement contrefait, aux motifs de l'existence de traces de découpe de la micro-ligne au-dessous du mot " Visto " et de traces de découpe et d'altération des guillochis au bas de la pastille holographique, du manque de définition du fond d'impression et du caractère terne et peu visible des lettres " EUR " incorporées dans ce fond impression ; qu'il résulte toutefois de l'instruction et notamment de la comparaison entre la photocopie du visa litigieux produite par le ministre et le modèle figurant en annexe du règlement susvisé du 29 mai 1995 établissant un modèle type de visa, que ces anomalies, difficilement perceptibles à l'oeil nu sans recourir à du matériel spécialisé permettant leur agrandissement, ne pouvaient être décelées par l'examen normalement attentif auquel doit procéder l'agent d'embarquement et ne pouvaient donc être considérées comme constituant des éléments d'irrégularité manifeste au sens des dispositions susmentionnées ; que, dès lors, la décision contestée, entachée sur ce point d'illégalité, doit être annulée ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que la Société Air France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision susvisée du 17 octobre 2014, et à demander l'annulation de ce jugement et de cette décision ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1000 euros au titre des frais exposés par la Société Air France et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1430858/3-2 du 27 mai 2015 du Tribunal administratif de Paris et la décision du 17 octobre 2014 du ministre de l'intérieur infligeant à la société Air France une amende de 5 000 euros sont annulés.

Article 2 : L'État versera à la Société Air France la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Société Air France et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Hamon, président,

- M. Dellevedove, premier conseiller,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 octobre 2016.

Le rapporteur,

E. DELLEVEDOVELe président assesseur,

En application de l'article R. 222-26 du code

de justice administrative,

P. HAMON Le greffier,

S. GASPAR

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA02904


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA02904
Date de la décision : 04/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

49-05-15 Police. Polices spéciales. Police des aérodromes (voir : Transports).


Composition du Tribunal
Président : Mme HAMON
Rapporteur ?: M. Ermès DELLEVEDOVE
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : Malka

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-10-04;15pa02904 ?
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