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04/10/2016 | FRANCE | N°15PA03734

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 04 octobre 2016, 15PA03734


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AIR FRANCE a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 9 octobre 2014 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un jugement n° 1430114/3-2 du 27 juillet 2015, le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 5 octobre 2015, le mi

nistre de l'intérieur demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AIR FRANCE a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 9 octobre 2014 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un jugement n° 1430114/3-2 du 27 juillet 2015, le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 5 octobre 2015, le ministre de l'intérieur demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1430114/3-2 du 27 juillet 2015 ;

2°) de rejeter la demande de la société Air France devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- les premiers juges ont méconnu leur office en se fondant sur les allégations de la société Air France sans rechercher si celles-ci pouvaient être tenues pour établies au regard des pièces du dossier ;

- en tout état de cause, la décision du 9 octobre 2014 est fondée, dès lors qu'il résulte de l'instruction que le trajet emprunté par MmeA..., ressortissante ukrainienne, devait nécessairement passer par Riga et nécessitait donc qu'elle présentât un visa de court séjour, exigé pour entrer sur le territoire Schengen.

Par un mémoire en défense et des pièces complémentaires, enregistrés les 8 février et 9 février 2016, la société Air France, représentée par Me Malka, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête du ministre de l'intérieur est irrecevable car tardive ;

- en tout état de cause aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu :

- la Constitution du 4 octobre 1958 ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 92-307 DC du 25 février 1992 ;

- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;

- le code des transports ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2016 :

- le rapport de Mme d'Argenlieu,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- et les observations de Me Malka, avocat de la société Air France.

1. Considérant que, par une décision du 9 octobre 2014, le ministre de l'intérieur a infligé à la société Air France une amende de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif que la compagnie aérienne avait permis l'embarquement à Punta Cana (République Dominicaine) d'une ressortissante ukrainienne, accompagnée de son fils mineur, dépourvue d'un visa d'entrée dans l'espace Schengen alors que le trajet de l'intéressée en direction de Kiev (Ukraine) nécessitait une escale à Riga (Lettonie) ; que le ministre de l'intérieur fait appel du jugement n° 1430114/3-2 du 27 juillet 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 6421-2 du code des transports : " Le transporteur ne peut embarquer les passagers pour un transport international qu'après justification qu'ils sont régulièrement autorisés à atterrir au point d'arrivée et aux escales prévues " ; qu'aux termes L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Est punie d'une amende d'un montant maximum de 5 000 euros l'entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque sur le territoire français, en provenance d'un autre Etat, un étranger non ressortissant d'un Etat de l'Union européenne et démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable en raison de sa nationalité / Est punie de la même amende l'entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque, dans le cadre du transit, un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne et démuni du document de voyage ou du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable compte tenu de sa nationalité et de sa destination " ; qu'aux termes de l'article L. 625-2 du même code : " Le manquement est constaté par un procès-verbal établi par un fonctionnaire appartenant à l'un des corps dont la liste est définie par décret en Conseil d'Etat. Copie du procès-verbal est remise à l'entreprise de transport intéressée. Le manquement ainsi relevé donne lieu à une amende prononcée par l'autorité administrative compétente. L'amende peut être prononcée autant de fois qu'il y a de passagers concernés. Son montant est versé au Trésor public par l'entreprise de transport. / L'entreprise de transport a accès au dossier et est mise à même de présenter ses observations écrites dans un délai d'un mois sur le projet de sanction de l'administration. La décision de l'autorité administrative, qui est motivée, est susceptible d'un recours de pleine juridiction. / L'autorité administrative ne peut infliger d'amende à raison de faits remontant à plus d'un an " ; qu'aux termes de l'article L. 625-5 du même code : " Les amendes prévues aux articles L. 625-1, L. 625-3 et L. 625-4 ne sont pas infligées : / (...) Lorsque l'entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l'embarquement et qu'ils ne comportaient pas d'élément d'irrégularité manifeste " ; qu'il résulte tant de ces dispositions, adoptées en vue de donner leur plein effet aux stipulations de l'article 26 de la convention de Schengen, signée le 19 juin 1990, que de l'interprétation qu'en a donné le Conseil constitutionnel dans sa décision susvisée du 25 février 1992, qu'elles font obligation aux transporteurs aériens de s'assurer, au moment des formalités d'embarquement, que les voyageurs ressortissants d'Etats non membres de l'Union européenne sont en possession de documents de voyage, le cas échéant, revêtus des visas exigés par les textes, leur appartenant, non falsifiés et valides ; que si ces dispositions n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de conférer au transporteur un pouvoir de police aux lieu et place de la puissance publique, elles lui imposent de vérifier que l'étranger est muni des documents de voyage et des visas éventuellement requis et que ceux-ci ne comportent pas des éléments d'irrégularité manifeste, décelables par un examen normalement attentif des agents de l'entreprise de transport ; qu'en l'absence d'une telle vérification, le transporteur encourt l'amende administrative prévue par l'article L. 625-1 ;

3. Considérant qu'il appartient au juge administratif, saisi d'un recours de pleine juridiction contre la décision infligeant une amende sur le fondement des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de statuer sur le bien-fondé de la décision contestée et, le cas échéant, d'annuler ou de réduire le montant de l'amende infligée en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : / 1° Des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; (...) " ; que l'article 1er du règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001 susvisée dispose que les ressortissants des pays tiers figurant sur la liste de l'annexe I doivent être munis d'un visa lors du franchissement des frontières extérieures des Etats membres, à l'exclusion du transit aéroportuaire ; que l'Ukraine fait partie des pays figurant sur la liste de cette annexe ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 211-1 du même code : " Un arrêté du ministre chargé de l'immigration détermine la nature des documents prévus au 1° de l'article L. 211-1 sous le couvert desquels les étrangers sont admis à franchir la frontière. " ; que l'article 4 de l'arrêté du 10 mai 2010 relatif aux documents et visas exigés pour l'entrée des étrangers sur le territoire européen de la France dispose que : " Sont (...) dispensés de visa : /- les étrangers transitant par le territoire métropolitain de la France en empruntant exclusivement la voie aérienne, sous réserve qu'ils ne sortent pas des limites de la zone de transit international de l'aéroport durant les escales, à l'exception des étrangers mentionnés à l'annexe D du présent arrêté (...) " ; que l'annexe D de cet arrêté prévoit que sont notamment soumis au visa de transit aéroportuaire les étrangers mentionnés à l'annexe IV du règlement (CE) n° 810/2009 du 13 juillet 2009 ; que les ressortissants ukrainiens ne sont pas au nombre de ceux mentionnés à l'annexe IV qui fixe la liste des ressortissants des pays tiers qui sont tenus, en vertu de l'article 3 dudit règlement, d'être munis d'un visa de transit aéroportuaire lorsqu'ils passent par la zone internationale de transit des aéroports situés sur le territoire des États membres ; qu'ils ne sont pas davantage mentionnés à l'annexe D de l'arrêté du 10 mai 2010 ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la passagère ukrainienne, en provenance de Punta Cana, ayant pour destination finale Kiev, détenait un passeport ukrainien et justifiait dès lors être régulièrement autorisée à atterrir pour escale, le 4 novembre 2013, à Paris-Roissy-Charles de Gaulle ; que si le ministre de l'intérieur fait valoir que la passagère devait rejoindre Kiev via une correspondance à Riga (Lettonie), et, par suite, justifier, lors de son embarquement à Punta Cana, d'un visa d'entrée pour franchir les frontières extérieures des Etats membres, il ne résulte pas de l'instruction que cette correspondance via Riga ait été prévue lors de l'embarquement à Punta Cana ; qu'en effet, les lignes 2 et 3 de la pièce produite par la société Air France intitulée " PNRA... " font apparaître que le trajet initial de l'intéressée pour Kiev comportait une seule escale à Paris-Roissy-Charles de Gaulle mais que ce trajet a du être modifié du fait du retard à l'arrivée du vol Air France en provenance de Punta Cana, ainsi qu'il ressort de la ligne 12 de cette même pièce ; qu'ainsi, le ministre de l'intérieur, qui n'établit pas que le trajet pour lequel la passagère a embarqué à Punta Cana, comportait un franchissement des limites de la zone de transit international de l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle durant l'escale prévue à Paris pour rejoindre Kiev, ne peut soutenir que la société Air France ne pouvait l'autoriser à débarquer sans visa ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le ministre de l'intérieur avait illégalement infligé à la société Air France une amende de 5 000 euros pour avoir autorisé le débarquement sur le territoire français d'un ressortissant étranger démuni de document de voyage revêtu d'un visa d'entrée dans l'espace Schengen, sur le fondement de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 9 octobre 2014 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, la somme de 1 000 euros à verser à la société Air France au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à la Société Air France la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Société Air France et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

- Mme Hamon, président,

- M. Dellevedove, premier conseiller,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 octobre 2016.

Le rapporteur,

L. d'ARGENLIEULe président assesseur,

En application de l'article R. 222-26 du code

de justice administrative,

P. HAMON

Le greffier,

S. GASPAR

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA03734


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA03734
Date de la décision : 04/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

65-03-04-02 Transports. Transports aériens. Aéroports. Police des aérodromes.


Composition du Tribunal
Président : Mme HAMON
Rapporteur ?: Mme Lorraine D'ARGENLIEU
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : Malka

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-10-04;15pa03734 ?
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