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29/11/2016 | FRANCE | N°15PA03793

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 29 novembre 2016, 15PA03793


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

La Régie autonome des transports parisiens (RATP) a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la condamnation du Syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF) à lui verser à titre de provision une somme de 9 119 528 euros hors taxes correspondant à la compensation intégrale des jours de gratuité des transports prévue aux articles 85 et 86 du contrat conclu entre le STIF et la RATP pour la période 2012-2015.

Par un jugement n° 1507824/2-1 du 29 septembre 2015, le Tribunal administratif d

e Paris a constaté un non-lieu à statuer sur les conclusions de la RATP à conc...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

La Régie autonome des transports parisiens (RATP) a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la condamnation du Syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF) à lui verser à titre de provision une somme de 9 119 528 euros hors taxes correspondant à la compensation intégrale des jours de gratuité des transports prévue aux articles 85 et 86 du contrat conclu entre le STIF et la RATP pour la période 2012-2015.

Par un jugement n° 1507824/2-1 du 29 septembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a constaté un non-lieu à statuer sur les conclusions de la RATP à concurrence de la somme de 4 444 000 euros versée en cours d'instance, et a fait droit à ses conclusions en condamnant le STIF à lui verser une provision d'un montant de 4 675 528 euros HT.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 octobre 2015, le STIF, représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 29 septembre 2015 ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande à hauteur de 4 675 528 euros HT ;

3°) de mettre à la charge de la RATP le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la demande de la RATP devant le juge des référés du tribunal administratif était irrecevable à défaut de mise en oeuvre de la procédure de réclamation préalable prévue par le contrat STIF/RATP ;

- le jugement attaqué est irrégulier pour avoir à tort admis la recevabilité de la demande de la RATP devant le juge des référés du tribunal administratif et pour être entaché de contradiction de motifs ;

- la créance invoquée est sérieusement contestable dans son principe comme dans son montant ;

- l'Etat doit être appelé en garantie pour les sommes qu'il s'est engagé à verser, et, au moins pour la somme de 4 444 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2016, la RATP, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement d'une somme de 5 000 euros soit mis à la charge du STIF sur le fondement des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le STIF ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des transports ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- les observations de MeC..., pour la le STIF,

- et les observations de MeD..., pour la RATP.

1. Considérant qu'à l'occasion d'un épisode de pollution atmosphérique intense et persistant sur la région parisienne, les transports publics franciliens ont été rendus gratuits au cours des journées des 14, 15, 16 et 17 mars 2014 ; que la Régie autonome des transports parisiens (RATP), qui a subi du fait de cette mesure une perte de recettes, a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner le Syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF) à lui verser à titre de provision une somme de 9 119 528 euros hors taxes, correspondant à la compensation intégrale des jours de gratuité déterminée selon les modalités fixées par le contrat conclu entre le STIF et la RATP pour la période 2012-2015 ; que le Tribunal administratif de Paris a, par un jugement du 29 septembre 2015, constaté un non-lieu à statuer sur les conclusions de la RATP, à concurrence de la somme de 4 444 000 euros versée en cours d'instance, et fait droit à ses conclusions en condamnant le STIF à lui verser une provision d'un montant de 4 675 528 euros hors taxes ; que le STIF doit être regardé comme faisant appel de ce jugement en ce qu'il prononce cette condamnation ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie " ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant qu'en se référant au point 5 de son jugement au communiqué de presse du 13 mars 2014 du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie annonçant la mise en oeuvre de mesures adaptées aux circonstances exceptionnelles de pollution, parmi lesquelles la gratuité des transports publics franciliens du 14 mars au 16 mars inclus, " à la demande du Premier ministre et en accord avec le président de la région Ile-de-France, président du STIF ", en estimant au point 6 de ce jugement que la gratuité des transports en Ile-de-France avait été assurée à la demande du STIF pour la période du 14 au 16 mars, et en rejetant au point 7 de ce même jugement l'appel en garantie présenté par le STIF à l'encontre de l'Etat en raison de l'absence d'engagement officiel de garantie de l'Etat, les premiers juges n'ont pas entaché leur décision de contradiction de motifs ; que le bien-fondé de ce jugement, en particulier ce qui concerne la recevabilité de la demande en référé de la RATP, est sans incidence sur sa régularité ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 103 du contrat conclu entre le STIF et la RATP pour la période 2012-2015 : " En cas de contestation dans l'interprétation et/ou l'application du présent contrat, les parties contractantes s'engagent à faire leurs meilleurs efforts pour parvenir à un règlement amiable. Les parties peuvent engager, préalablement à une action contentieuse, une procédure de conciliation. Si les deux parties s'accordent pour engager une procédure de conciliation, celle-ci se déroule selon les modalités précisées ci-dessous ... " ; qu'il résulte des stipulations précitées que la procédure de conciliation qui peut être mise en oeuvre avant la saisine du juge administratif revêt un caractère facultatif ; que s'il est constant que les parties contractantes devaient s'engager à faire leurs meilleurs efforts pour parvenir à un règlement amiable, cette obligation doit être considérée comme remplie dès lors que la RATP a sollicité à plusieurs reprises du STIF, par courriers des 18 mars 2014, 12 janvier 2015 et 25 mars 2015, le versement de l'indemnité qu'elle estime lui être due en compensation de la mesure de gratuité ; qu'en outre, par lettre du 24 mars 2015 adressée au président-directeur général de la RATP, la directrice générale du STIF a indiqué que la moitié de la compensation due à la RATP devait être prise en charge par l'Etat, dès lors que la " mesure de gratuité avait été décidée par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, en accord avec le président du STIF " ; qu'il ressort de ces échanges que, plus d'un an après la naissance de la créance, les parties n'étaient toujours pas parvenues à s'entendre sur un règlement amiable du litige ; que le STIF ne saurait utilement se référer au courrier du 18 mai 2015 par lequel il a, après l'introduction de la demande, informé la RATP du versement de la somme de 4 444 000 euros pour soutenir que le litige ne serait né qu'à cette date ; que, par suite, il n'est pas fondé à contester le jugement attaqué en ce qu'il a écarté la fin de non recevoir qu'il avait opposée à la demande de première instance et tirée du défaut de mise en oeuvre de la procédure prévue par le contrat conclu avec la RATP ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que par un communiqué de presse diffusé le 13 mars 2014, le président du STIF a annoncé qu'il avait été décidé, en concertation avec le Gouvernement, d'assurer la gratuité des transports publics dans la région Ile-de-France pendant toute la durée du pic de pollution atmosphérique, cette mesure prenant effet à compter du 14 mars à 5 heures 30 ; que, parallèlement, un communiqué de presse du 13 mars 2014 du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a annoncé la mise en oeuvre de mesures adaptées aux circonstances exceptionnelles de pollution, parmi lesquelles la gratuité des transports publics franciliens du 14 mars au 16 mars inclus, mesure décidée " à la demande du Premier ministre et en accord avec le président de la région Ile-de-France, président du STIF " ; que par arrêté du 17 mars 2014, le préfet de police, préfet de la zone de défense et de sécurité de Paris, a en outre décidé la mise en oeuvre de mesures d'urgence pour la journée du 17 mars 2014, notamment la circulation alternée dans le périmètre géographique concerné ; qu'aux termes de l'article 15 de l'arrêté inter-préfectoral n° 2011-00832 du 27 octobre 2011 relatif à la procédure d'information et d'alerte du public en cas de pointe de pollution atmosphérique en région Ile-de-France : " ... Durant la période d'application de la mesure de circulation alternée, le Syndicat des transports d'Ile-de-France assure, sur les communes concernées, l'accès gratuit aux réseaux de transport public en commun des voyageurs " ;

6. Considérant que les articles 85 et 86 du contrat d'exploitation conclu entre le STIF et la RATP pour la période 2012-2015 prévoient les modalités de calcul de la compensation financière dont bénéficie la RATP de la part du STIF pour les pertes de recettes occasionnées par les mesures de gratuité des transports décidées par le STIF en cas d'alerte à la pollution ou dans tout autre cas ; qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que la gratuité des transports en Ile-de-France a été assurée à la demande du STIF pour la période du 14 au 16 mars 2014 et en application de la procédure d'information et d'alerte du public mise en oeuvre par le préfet de police pour la journée du 17 mars 2014 ; que la compensation financière prévue par les stipulations des articles 85 et 86 est assurée par le STIF, lequel, en vertu de l'article L. 1241-1 du code des transports, " est l'autorité organisatrice des services de transports publics réguliers de personnes dans la région Ile-de-France " ; que le STIF ne peut tenter, pour se soustraire à son obligation de payer en vertu des stipulations du contrat le liant à la RATP, utilement soutenir que la mesure de gratuité lui aurait été imposée par l'Etat et qu'en conséquence son indemnisation lui incombe ; que dans ces conditions l'obligation de payer du STIF à l'égard de la RATP n'est pas sérieusement contestable ;

7. Considérant, en dernier lieu, que si le STIF demande, à titre subsidiaire, à être garanti par l'Etat des condamnations mises à sa charge, les deux courriers du président du STIF adressés au Premier ministre et au secrétaire d'Etat chargé des transports qu'il produit et qui mentionnent que le Premier ministre aurait accepté que l'Etat prenne en charge la moitié de la compensation due à la RATP, ne suffisent pas à établir l'existence d'un tel engagement de l'Etat ; que dans ces conditions l'obligation dont se prévaut le STIF à l'égard de l'Etat n'apparaît pas, en l'état de l'instruction, comme non sérieusement contestable ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le STIF n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris l'a condamné à verser à la RATP une provision de 4 675 528 euros et a rejeté ses conclusions tendant à ce que l'Etat le garantisse des condamnations prononcées à son encontre ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que, dès lors, les conclusions présentées à ce titre par le STIF doivent être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du STIF une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la RATP et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du Syndicat des transports d'Ile-de-France est rejetée.

Article 2 : Le Syndicat des transports d'Ile-de-France versera à la Régie autonome des transports parisiens une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au Syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF) et à la Régie autonome des transports parisiens (RATP).

Copie en sera adressée au président de la région Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Petit, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 novembre 2016.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

A-L. CHICHKOVSKY-PASSUELLO

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA03793


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA03793
Date de la décision : 29/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-015 Procédure. Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. Référé-provision.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : JONES DAY

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-11-29;15pa03793 ?
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