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06/12/2016 | FRANCE | N°15PA03060

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 06 décembre 2016, 15PA03060


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Stock J Boutique Jennyfer a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner la ville de Paris à lui verser la somme de 800 648,70 euros en réparation des préjudices qu'elle aurait subis du fait des travaux réalisés par la ville de Paris au sein du Forum des Halles, du mois de mai 2010 au 31 décembre 2012.

Par un jugement n° 1311176/5-3 du 3 juin 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoir

e en réplique, enregistrés respectivement le 30 juillet 2015 et le 3 novembre 2016, la société...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Stock J Boutique Jennyfer a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner la ville de Paris à lui verser la somme de 800 648,70 euros en réparation des préjudices qu'elle aurait subis du fait des travaux réalisés par la ville de Paris au sein du Forum des Halles, du mois de mai 2010 au 31 décembre 2012.

Par un jugement n° 1311176/5-3 du 3 juin 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement le 30 juillet 2015 et le 3 novembre 2016, la société Stock J Boutique Jennyfer, représentée par Me Gelas, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1311176/5-3 du 3 juin 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner la ville de Paris à lui verser une somme de 800 648,70 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 août 2012, en réparation des préjudices subis par elle ;

3°) de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- eu égard à leur durée et à leur ampleur, les travaux ont occasionné des dommages importants à l'exploitation normale du magasin qu'elle exploite ;

- le lien de causalité entre la baisse significative du chiffre d'affaires et les travaux, qui ont compromis l'activité du magasin, est établi, cette baisse ne pouvant être attribué à un autre facteur, comme en atteste l'analyse comparative des chiffres d'affaires réalisés par les autres magasins de l'enseigne dans la région Ile-de-France ;

- le dommage présente bien un caractère spécial dès lors qu'il concerne uniquement le Forum des Halles ;

- il présente également un caractère d'anormalité dès lors que les nuisances sonores importantes ont entraîné une baisse de fréquentation du Forum et que les accès au magasin, qui n'étaient plus aussi visibles, ont été rendus particulièrement difficiles, alors que sa clientèle était essentiellement une clientèle de passage et non de destination ;

- c'est à tort que les premiers juges ont pris en compte la circonstance, au demeurant non établie, que la fréquentation du centre commercial était susceptible de connaître une forte augmentation à l'issue des travaux, alors que ces travaux ne se terminent qu'en 2018.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 août 2016, la ville de Paris, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Stock J Boutique Jennyfer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le lien de causalité entre la perte de chiffre d'affaires invoqué par la société et les travaux n'est pas établi, cette baisse de chiffre d'affaires s'inscrivant dans un mouvement global observé dans le secteur de l'habillement, et les résultats du magasin en cause ne pouvant pas être comparés à ceux du magasin de la même enseigne situé à La Défense ;

- le dommage subi par la société ne présente pas un caractère d'anormalité dès lors que l'accessibilité et l'attractivité du centre commercial ont été préservées, et que les travaux n'ont pas particulièrement gêné l'accessibilité du magasin exploité par la société requérante, ni nui à sa visibilité ;

- à titre subsidiaire, le montant du préjudice invoqué doit être ramené à de plus justes proportions.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Luben,

- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,

- les observations de Me Gelas, avocat de la société Celio France,

- et les observations de Me Froger, avocat de la ville de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. La société Stock J Boutique Jennyfer exploite un magasin de prêt-à-porter féminin au niveau -1 du centre commercial du Forum des Halles à Paris. Par un courrier du 9 août 2012, la société a saisi la commission de règlement amiable instituée par la ville de Paris d'une demande d'indemnisation du préjudice commercial qu'elle aurait subi entre le mois de mai 2010 et le 31 décembre 2012 du fait des travaux de réaménagement du quartier des Halles. Cette demande a été rejetée par une lettre du 25 avril 2013. La société Stock J Boutique Jennyfer relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la ville de Paris à lui verser la somme de 800 648,70 euros en réparation de son préjudice.

2. Il appartient au riverain d'une voie publique qui entend obtenir réparation des dommages qu'il estime avoir subis à l'occasion d'une opération de travaux publics à l'égard de laquelle il a la qualité de tiers d'établir, d'une part, le lien de causalité entre cette opération et les dommages invoqués, et, d'autre part, le caractère anormal et spécial de son préjudice, les riverains des voies publiques étant tenus de supporter sans contrepartie les sujétions normales qui leur sont imposées dans un but d'intérêt général.

3. Si les travaux de réaménagement du quartier des Halles ont entraîné des modifications dans les conditions de la circulation automobile et piétonne et la fermeture temporaire de certaines portes d'accès au centre commercial, il résulte de l'instruction que le magasin exploité par la société requérante est resté ouvert durant toute la période des travaux et que son accès a toujours été maintenu, notamment, d'une part, par la construction d'un escalier provisoire lors des travaux de restructuration des escalators afin de garantir une accessibilité verticale et, d'autre part, par la mise en place d'un important dispositif de signalisation sur les murs, le plafond et le sol ainsi que la mise à disposition des clients du centre commercial de bornes interactives indiquant le plan et la direction de tous les magasins du centre. Dès lors, l'accès au magasin, certes moins aisé en raison des travaux, ne saurait être regardé comme ayant été rendu extrêmement difficile.

4. Par ailleurs, il n'est pas établi que les nuisances liées aux travaux, en particulier les nuisances sonores, auraient été de nature à compromettre gravement l'activité du magasin, alors au demeurant que les travaux au sein du centre commercial ont été effectués essentiellement de nuit, en dehors des heures d'ouverture des magasins.

5. Par suite, nonobstant la baisse du chiffre d'affaires réalisé par le magasin durant la période litigieuse, il ne résulte pas de l'instruction que la société Stock J Boutique Jennyfer aurait subi un préjudice anormal et spécial du fait des travaux de réaménagement du quartier des Halles, dont les inconvénients n'ont pas, pour ce commerce, excédé les sujétions normales pouvant être imposées sans indemnité aux riverains des voies publiques.

6. Il résulte de ce qui précède que la société Stock J Boutique Jennyfer n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la ville de Paris, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Stock J Boutique Jennyfer demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Stock J Boutique Jennyfer le versement à la ville de Paris d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Stock J Boutique Jennyfer est rejetée.

Article 2 : La société Stock J Boutique Jennyfer versera à la ville de Paris une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Stock J Boutique Jennyfer et à la ville de Paris.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 décembre 2016.

Le rapporteur,

I. LUBENLe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

A. CLEMENTLa République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA03060


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA03060
Date de la décision : 06/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : CASSIN

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-12-06;15pa03060 ?
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