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30/12/2016 | FRANCE | N°16PA00971

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 30 décembre 2016, 16PA00971


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge, d'une part, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2008, ainsi que des pénalités correspondantes et, d'autre part, de l'amende de 6 000 euros mise à sa charge en application du IV de l'article 1736 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1302234/1-3 du 29 novembre 2013, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Par un

arrêt n° 14PA00518 du 4 février 2015 la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge, d'une part, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2008, ainsi que des pénalités correspondantes et, d'autre part, de l'amende de 6 000 euros mise à sa charge en application du IV de l'article 1736 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1302234/1-3 du 29 novembre 2013, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 14PA00518 du 4 février 2015 la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé contre ce jugement par M.C....

Par une décision n° 389309 du 24 février 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel du 4 février 2015 et a renvoyé l'affaire devant la même Cour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 3 février 2014, 28 juin 2016 et 14 septembre 2016, M.C..., représenté par la société d'avocats Soyer et Soyer, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1302234/1-3 du 29 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, d'une part, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2008, ainsi que des pénalités correspondantes, et, d'autre part, de l'amende de 6 000 euros mise à sa charge en application du IV de l'article 1736 du code général des impôts ;

2°) de le décharger des droits et pénalités qui lui ont été assignés du fait de la réintégration dans ses bases d'imposition au titre de l'année 2008 de la somme de 95 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la procédure de taxation d'office a été irrégulièrement mise en oeuvre sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, dès lors qu'il a répondu au service dans le délai imparti de manière suffisamment précise en assortissant de documents sa réponse, laquelle ne pouvait être assimilée à un refus de répondre ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée, dès lors que l'administration s'est s'abstenue d'expliquer en quoi la réponse qu'il lui a faite le 7 novembre 2011 était insuffisante sur certains points ;

- le strict contrôle des changes alors en vigueur en ex-Yougoslavie interdisait, pour les non résidents, les virements de banque à banque, les virements de devises à l'étranger et les remises en espèces de devises de plus de 5 000 euros par jour ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé, d'une part, qu'il n'établissait pas le lien entre la vente d'un bien immobilier en Yougoslavie et les flux financiers constatés sur ses comptes bancaires et, d'autre part, qu'il n'était pas possible d'opérer des rapprochements de dates et de montants entre les sommes prélevées sur les livrets d'épargne et celles déposées sur ses comptes bancaires au début de l'année 2008 ;

- il a justifié qu'il disposait depuis de nombreuses années de livrets d'épargne et qu'une partie des sommes en cause provenait de remboursements d'obligations par l'Etat yougoslave ;

- il n'a jamais été prétendu par l'administration que les versements figurant sur ses comptes bancaires proviendraient d'une activité professionnelle et non de la simple gestion de son patrimoine mobilier et immobilier ;

- la réintégration dans ses bases d'imposition de la somme de 45 000 euros créditée sur son compte bancaire à compter du 30 avril 2008 et de celle de 50 000 euros créditée pour partie en janvier-février 2008 et pour le reste le 29 avril 2008 est mal fondée ;

- certaines sommes ont la nature de prêts familiaux dès lors qu'elles correspondent à des versements effectués par son neveu et par sa soeur, ce dont il justifie ;

- c'est à tort, compte tenu des justificatifs spontanément fournis par lui, que l'administration a cru devoir lui infliger une pénalité de 40 % pour manquement délibéré.

Par des mémoires, enregistrés les 1er décembre 2014, 8 juin 2016, 6 septembre 2016 et 10 novembre 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le litige porte sur l'imposition mise en recouvrement le 31 juillet 2012, soit sur un montant de 66 262 euros en droits et pénalités ;

- M. C...était clairement informé de la nature des pièces et informations attendues par l'administration pour justifier de l'origine, de la nature et de l'objet des versements constatés sur ses comptes bancaires ;

- la réponse du 6 septembre 2011 fournie par M. C...concernant en particulier les versements constatés sur le compte Raiffeisen Banka AD au cours de l'année 2008 pour un montant total de 95 000 euros était imprécise, l'intéressé indiquant d'ailleurs lui-même que certaines informations étaient encore en attente et aucune pièce justificative n'ayant été produite à l'administration concernant les sommes litigieuses ;

- en l'absence d'éléments de réponse suffisamment précis et vérifiables, la procédure de taxation d'office a pu régulièrement être mise en oeuvre, comme l'administration l'indique précisément dans la proposition de rectification ;

- en l'absence de correspondance entre les montants et les dates concernant, d'un côté, les retraits d'espèces sur le compte Société Générale à Belgrade de M.C..., les sommes figurant sur des livrets d'épargne clos en 2005 et 2009 et le prix de cession d'immeubles appartenant à Mme A...et, de l'autre, les crédits bancaires apparaissant sur le compte Raiffeisen Banka AD sous forme d'espèces, ces derniers ne peuvent être considérés comme provenant de manière suffisamment certaine de ces opérations ;

- il en va de même pour, d'une part, les versements opérés sur le compte Raiffeisen Banka AD entre janvier et octobre 2008 et, d'autre part, les retraits opérés le 30 avril 2008 sur le compte société Générale, les dates et montants des uns ne concordant par avec ceux des autres ;

- en l'absence de moyen propre développé concernant les pénalités, celles-ci, suffisamment motivées dans la proposition de rectification, ne peuvent qu'être maintenues.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dalle,

- les conclusions de M. Blanc, rapporteur public,

- et les observations de Me Soyer, avocat de M.C....

1. Considérant que M. C...relève appel du jugement du 29 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, d'une part, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2008, ainsi que des pénalités correspondantes, et, d'autre part, de l'amende de 6 000 euros mise à sa charge en application du IV de l'article 1736 du code général des impôts ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que, devant la Cour, M. C...demande seulement la décharge des droits et pénalités qui lui ont été assignés du fait de la réintégration dans ses bases d'imposition au titre de l'année 2008 de la somme de 95 000 euros ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (...) Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés. (...) Les demandes visées aux alinéas précédents doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et mentionner à l'intéressé le délai de réponse dont il dispose en fonction des textes en vigueur. " ; qu'aux termes de l'article L. 16 A du même livre : " Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite " ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 69 du même livre : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 " ;

4. Considérant que M. C...fait valoir qu'il a répondu à la demande de justifications de l'administration et qu'en conséquence, cette dernière ne pouvait recourir à la procédure de taxation d'office ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que, dans sa réponse datée du 6 septembre 2011 à la demande d'éclaircissements et de justifications de l'administration en date du 13 juillet 2011, M. C...apporte des réponses partielles, imprécises et non assorties de justificatifs concernant notamment les sommes d'un montant total de 95 000 euros portées sur son compte bancaire Raiffeisen Banka, à propos desquelles il se borne à indiquer qu'elles correspondent à des remises d'espèces effectuées par son neveu et sa soeur et provenant de retraits opérés sur un autre compte bancaire à son nom tenu par l'agence de la banque Société Générale à Belgrade, mais ne transmet au vérificateur, déjà en possession des relevés bancaires afférents à ces deux comptes pour l'ensemble des années en cause, aucun autre justificatif pour corroborer ses affirmations ; que l'administration lui a adressé, le 6 octobre 2011, une mise en demeure de compléter sa réponse notamment sur les crédits bancaires susmentionnés d'un montant de total de 95 000 euros ; que, si M. C...a répondu le 7 novembre 2011 à cette mise en demeure, cette réponse, versée au dossier d'appel par l'administration sur demande de la Cour, ne comporte pas de justifications complètes et vérifiables de l'origine des crédits bancaires susmentionnés, dont il est allégué " sur l'honneur " qu'ils correspondraient à des transferts de compte à compte et seraient, de ce fait, non imposables ; que, par suite, l'administration était en droit de taxer ces sommes selon la procédure de taxation d'office ;

5. Considérant, en second lieu, que, contrairement à ce que soutient le requérant, la proposition de rectification qui lui a été adressée était suffisamment motivée, y compris en ce qui concerne les motifs de la mise en oeuvre de la procédure de taxation d'office ;

Sur le bien-fondé des impositions :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition " ; qu'il appartient à M. C..., régulièrement taxé d'office, d'apporter la preuve de l'exagération des impositions litigieuses ;

7. Considérant que, pour justifier de l'origine et de la nature des crédits bancaires litigieux portés sur le compte ouvert à son nom à la Raiffeisen Banka AD, le requérant invoque, d'une part, comme il le faisait en première instance, la vente d'un bien immobilier détenu par lui en Serbie et produit la copie d'un acte de vente en date du 13 août 2007 traduit en français, ainsi qu'un relevé bancaire concernant non pas ce compte mais celui ouvert à la Société Générale à Belgrade et faisant apparaître le montant de la vente de 333 000 euros, augmenté des intérêts acquis ; que, d'autre part, M. C...soutient que des économies personnelles qui figuraient sur des livrets d'épargne en Serbie sont à l'origine de ces dépôts et produit des copies de livrets d'épargne ouverts à partir de 1979 et clos au plus tard en 2005 lors de la conversion des sommes en obligations de l'Etat serbe, ainsi que des attestations relatives aux cessions de ces contrats d'obligations intervenues en 2005, 2006, 2007 et février 2008 ; que, toutefois, ces documents, faute de concordance voire de proximité suffisante entre, d'une part, les montants et les dates des opérations dont ils font état et, d'autre part, les montants et les dates des dépôts à l'origine des crédits bancaires constatés sur le compte du requérant à la Raiffeisen Banka AD, ne peuvent être regardés comme justifiant de l'origine des crédits en cause et de leur caractère non imposable ; qu'il en va de même des documents produits pour la première fois en appel et constitués de la copie d'un avant-contrat de vente d'un immeuble situé en Serbie daté du 26 septembre 2007 et de la copie d'un contrat de vente daté du 26 février 2008 portant sur un immeuble situé dans la même ville de Serbie, qui n'indiquent pas que les biens concernés appartenaient à M.C..., mais mentionnent pour acquéreur deux personnes différentes et pour vendeur MmeA..., dont le requérant indique qu'elle serait sa concubine, ces documents ne permettant pas davantage de relier le prix des cessions dont ils font état avec les crédits bancaires litigieux et de corroborer l'allégation formulée pour la première fois en appel par le requérant selon laquelle ces crédits proviendraient, à hauteur de 50 000 euros, du produit de la vente de biens appartenant à Mme A... ; qu'enfin, si les pièces produites en dernier lieu par M. C...font apparaître qu'il a reçu en 2008, pour un montant total de 30 000 euros, des sommes versées par son neveu par l'intermédiaire du compte Raiffeisen, ces pièces sont insuffisantes en l'espèce pour établir que ces versements ont été effectués à l'aide de fonds appartenant à ce neveu et que les sommes en question auraient par suite le caractère d'un prêt familial, alors qu'il résulte de l'instruction que d'autres sommes versées à M. C...par son neveu ou par sa soeur, par le biais du compte Raiffeisen, correspondraient à la cession d'un bien immobilier ou d'obligations appartenant à l'intéressé ;

Sur la majoration de 40 % :

8. Considérant que l'administration a justifié l'application de la majoration pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts par l'importance des sommes imposées d'office, s'élevant à 95 000 euros, et par l'insuffisance des justifications fournies par M.C... ; qu'en l'espèce, ces éléments ne suffisent pas à établir la mauvaise foi du contribuable ; qu'il y lieu dès lors d'accorder à M. C...la décharge de la majoration pour manquement délibéré dont ont été assortis les compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui ont été assignés au titre de l'année 2008 ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris n'a pas fait droit à ses conclusions en décharge de la majoration pour manquement délibéré dont les cotisations supplémentaires mises à sa charge ont été assorties ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à la charge de l'Etat, en remboursement des frais exposés par M. C...et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : Il est accordé à M. C...la décharge de la majoration pour manquement délibéré dont les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à sa charge au titre de l'année 2008 ont été assorties.

Article 2 : Le jugement n° 1302234/1-3 du 29 novembre 2013 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de M. C...est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre de l'économie et des finances.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division du contentieux est).

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Jardin, président de chambre,

M. Dalle, président assesseur,

Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 30 décembre 2016.

Le rapporteur, Le président,

D. DALLE C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre l'économie et des finances en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA00971


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA00971
Date de la décision : 30/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-04 Contributions et taxes. Généralités. Amendes, pénalités, majorations.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. David DALLE
Rapporteur public ?: M. BLANC
Avocat(s) : SOYER

Origine de la décision
Date de l'import : 17/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-12-30;16pa00971 ?
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