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25/04/2017 | FRANCE | N°16PA02992

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 25 avril 2017, 16PA02992


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Café des Sports a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer, d'une part, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquelles elle a assujettie au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009, d'autre part, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des pénalités y afférentes, qui lui ont été assignés au titre de la période courue du 1er janvier 2007 au

31 décembre 2009.

Par un jugement n° 1512656/1-3 du 28 juillet 2016, le Tribunal adm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Café des Sports a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer, d'une part, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquelles elle a assujettie au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009, d'autre part, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des pénalités y afférentes, qui lui ont été assignés au titre de la période courue du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009.

Par un jugement n° 1512656/1-3 du 28 juillet 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 28 septembre 2016 et le 17 mars 2017, la société Café des Sports, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1512656/1-3 du Tribunal administratif de Paris en date du 28 juillet 2016 ;

2°) de prononcer les décharges sollicitées ainsi que celle de l'amende fiscale prévue à l'article 1759 du code général des impôts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier faute d'avoir répondu au moyen tiré de ce que la méthode de reconstitution des recettes était radicalement viciée ;

- la procédure d'imposition est irrégulière pour absence de motivation de la proposition de rectification ;

- les impositions sont mal fondées dès lors que la méthode de reconstitution des recettes est radicalement viciée ou, à tout le moins, excessivement sommaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Auvray,

- les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., pour la société Café des Sports.

Une note en délibéré présentée pour la société Café des Sports a été enregistrée le 28 mars 2017.

1. Considérant que la SARL Café des Sports, qui exploite un fonds de commerce de bar-brasserie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période courue du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 ; qu'après avoir rejeté la comptabilité de la contribuable, le service en a reconstitué les recettes et mis en recouvrement les suppléments d'impôt contestés ainsi que l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que la société Café des Sports soutient que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que, pour déterminer son chiffre d'affaires total, le vérificateur a appliqué aux recettes totales de liquides la part que représentent les recettes de liquides au sein du chiffre d'affaires hors ventes à emporter ; qu'il résulte toutefois des termes mêmes du jugement entrepris qu'il écarte le moyen tiré de ce que les taux de liquides seraient plus élevés s'ils prenaient en compte les ventes à emporter au motif que la requérante ne l'établit pas par la seule production de tickets Z se rapportant à une période de 27 jours en 2010, année postérieure au litige, qui ne permettent pas d'identifier les ventes à emporter de liquides et dont l'exploitation n'est pas plus pertinente que celle des bandes de caisse produites durant le contrôle ; qu'il suit de là que doit être écarté le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé sur ce point ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lu permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " ; qu'aux termes de l'article R*. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition (...) " ;

4. Considérant que pour satisfaire aux dispositions citées au point précédent, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications qu'elle envisage, de manière à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations ;

5. Considérant qu'en cause d'appel, la société Café des Sports soutient que la proposition de rectification du 10 novembre 2010 n'est pas motivée uniquement en ce qu'elle ne précise pas les raisons ayant conduit le vérificateur à retenir une répartition égalitaire entre les ventes au comptoir et celles en salle et en ce qu'elle se borne à réfuter la répartition 70/30 proposée par le gérant ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'un tel grief n'est pas de nature à faire regarder l'acte de procédure critiqué comme insuffisamment motivé ; qu'au surplus, la proposition de rectification mentionne notamment le nombre de tables dont dispose l'établissement pour justifier une répartition égalitaire ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visée à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission (...) " ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les impositions contestées ont été établies conformément à l'avis émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires dans sa séance du 4 janvier 2012 ; qu'il suit de là qu'il appartient à la société Café des Sports d'établir le caractère exagéré des impositions qu'elle conteste ;

8. Considérant que, pour procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires réalisé par la société requérante au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009, le vérificateur a exploité les bandes mensuelles de caisse du mois de janvier 2007 au mois de mai 2009 produites par l'entreprise pour en déduire que la part du chiffre d'affaires des liquides s'établissait à 63,22 %, 67,21 % et 64,72 % du chiffre d'affaires total hors ventes à emporter, respectivement pour 2007, 2008 et 2009 ; que, pour déterminer le chiffre d'affaires des liquides, le service s'est fondé sur les achats revendus de boissons corrigés de la variation des stocks au cours de chacun de ces trois exercices, après application d'un pourcentage de pertes et d'offerts porté à 15 % conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires et sans prise en compte des adjuvants (sirops) ; que compte tenu de la pondération du chiffre d'affaires des liquides pour chacun des trois exercices, le vérificateur en a alors déduit le chiffre d'affaires total ;

9. Considérant que la société Café des Sports soutient que la méthode ainsi utilisée est radicalement viciée au motif que, pour la reconstitution de son chiffre d'affaires total, cette méthode se fonde sur la pondération des liquides au sein des seules ventes sur place, qu'elle extrapole ainsi au total, alors que les ventes à emporter représentent une part importante de son chiffre d'affaires total, comprise entre 11,42 % et 18,21 % ;

10. Considérant, toutefois, que dès lors qu'il n'est pas établi que la pondération du chiffre d'affaires des liquides au sein de la seule activité " ventes à emporter " serait différente de celle constatée au sein de l'activité " vente sur place ", la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la méthode en cause comporterait une erreur de raisonnement, étant de surcroît observé que, comme le ministre le fait valoir, implicitement mais nécessairement dans son mémoire en défense, la pondération des liquides au sein de la seule activité " à emporter " est, en réalité, inférieure à celle des liquides au sein de l'activité " sur place ", l'établissement pratiquant la vente au comptoir, qui est à l'origine de la moitié des recettes totales, ainsi qu'il sera dit au point 14 ; qu'il suit de là que la société Café des Sports n'est pas fondée à soutenir que la méthode à laquelle le service a recouru serait radicalement viciée ;

11. Considérant que la société requérante se prévaut, en outre, d'un taux de liquides de 84,91 % résultant de l'exploitation des tickets Z pour contester la part des liquides, soit 63,22 % pour 2007, 67,21 % pour 2008 et 64,72 % pour 2009, retenue par le service à partir des bandes mensuelles comme il a été dit au point 8 ;

12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les tickets Z dont la société requérante tire un taux de liquides représentant 84,91 % de son chiffre d'affaires total ne se rapportent qu'à la période du 8 septembre au 4 octobre 2010, tandis que la part des liquides établie par le vérificateur, soit 63,22 % , 67,21 % et 64,72 % ressort de l'exploitation des bandes mensuelles se rapportant à une période allant du 1er janvier 2007 au 30 mai 2009, correspondant à la période vérifiée et davantage représentative des conditions réelles d'exploitation de l'entreprise pour inclure des périodes tant hivernales qu'estivales qui influent sur la répartition entre les ventes de liquides et de solides ; qu'en outre, à supposer que la société ait produit la totalité des tickets Z, un taux de liquides de 84,91 % paraît particulièrement élevé pour un établissement de 80 m2, qui comporte certes un bar, mais aussi 35 tables pour deux personnes ainsi que 6 tables en terrasse, et propose une offre de restauration variée avec plats et menus ; que la requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que la méthode de reconstitution à laquelle le service a recouru serait radicalement viciée du fait de la pondération des liquides retenue ;

13. Considérant que la société Café des Sports soutient également que cette méthode est excessivement sommaire motifs pris, d'une part, que le service a retenu une répartition égalitaire entre les ventes au comptoir et celles en salle au lieu d'une répartition revendiquée de 70 % pour les premières et de 30 % pour les secondes, d'autre part, qu'il a retenu une dose de 8 grammes par tasse de café vendue au lieu de 8,4 grammes revendiqués par l'intéressée ;

14. Considérant que, contrairement à ce que soutient la société requérante, le service ne s'est pas borné, pour justifier une répartition du chiffre d'affaires " égalitaire " entre comptoir et salle, à relever que l'intéressée n'avait fourni aucun élément de nature à établir la pertinence d'une répartition 70/30, mais s'est fondé sur les conditions d'exploitation propres à l'entreprise caractérisées, comme il a été dit au point 12, par un fonds de commerce d'une superficie de 80 m2 avec 35 tables à l'intérieur et 6 en terrasse, ainsi que par la diversité des plats proposés ; que si la société requérante se prévaut d'un constat d'huissier pour revendiquer une dose de 8,4 grammes au lieu des 8 grammes retenus conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, il est constant que ce constat a été dressé le 21 décembre 2010, soit postérieurement à la période vérifiée, sans que l'intéressée établisse qu'elle utilisait alors le même doseur, étant en outre précisé que, pour retenir un poids initialement limité à 7 grammes, le vérificateur avait consulté plusieurs sources dont la société italienne fabriquant précisément le type de moulin utilisé par l'intéressée ;

15. Considérant, enfin, que la société Café des Sports soutient que le caractère radicalement vicié ou, à tout le moins, excessivement sommaire, de la méthode de reconstitution de ses recettes se déduit de l'écart entre la moyenne des taux de marge brute et des coefficients de marge constatée au sein de la profession et ceux auxquels conduit cette méthode ; que l'intéressée relève ainsi que le taux de marge brute constaté dans la profession était de 66,50 % en 2007, de 65,90 % en 2008 et de 66,8 % en 2009 et les coefficients de marge de 2,93 en 2008 et de 3 en 2009 ; qu'outre qu'un contribuable ne peut pas se prévaloir de moyennes ou de normes professionnelles pour critiquer utilement une méthode de reconstitution, dès lors que celle-ci tient nécessairement compte des conditions d'exploitation qui lui sont propres, le taux de marge brute à l'issue du contrôle s'établit à 75,80 % en 2007, à 69 % en 2008 et à 78,10 % en 2009 et le coefficient de marge après contrôle à 3,26 en 2008 et 5,02 en 2009, valeurs qui ne sont pas significativement supérieures aux moyennes de la profession ; que, dans ces conditions, la société Café des Sports n'établit pas, ainsi qu'il lui incombe de le faire en vertu de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, que la méthode de reconstitution de ses recettes serait radicalement viciée ou excessivement sommaire ; que l'intéressée n'est dès lors pas fondée à demander la décharge des impositions qui en résultent, ni celle de l'amende fiscale prévue à l'article 1759 du code général des impôts, à l'encontre de laquelle elle ne formule aucun moyen propre ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Café des Sports n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que les conclusions de la requérante tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Café des Sports est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Café des Sports et au ministre de l'économie et des finances. Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal parisien 1).

Délibéré après l'audience du 28 mars 2017 à laquelle siégeaient :

M. Krulic, président de chambre,

M. Auvray, président-assesseur,

Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,

Lu en audience publique le 25 avril 2017.

Le rapporteur,

B. AUVRAY

Le président,

J. KRULIC Le greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA02992


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA02992
Date de la décision : 25/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. KRULIC
Rapporteur ?: M. Brice AUVRAY
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : ADDA

Origine de la décision
Date de l'import : 09/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-04-25;16pa02992 ?
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