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01/06/2017 | FRANCE | N°15PA04266

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 01 juin 2017, 15PA04266


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Foncière et Financière Monceau a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos au cours des années 2007 et 2008 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1411892/1-2 du 22 septembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 novembr

e 2015 et le 20 avril 2017, la société Foncière et Financière Monceau, représentée par MeA..., demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Foncière et Financière Monceau a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos au cours des années 2007 et 2008 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1411892/1-2 du 22 septembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 novembre 2015 et le 20 avril 2017, la société Foncière et Financière Monceau, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1411892/1-2 du 22 septembre 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités mises à sa charge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a été privée de la possibilité d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, notamment s'agissant du redressement correspondant aux frais de déplacement à l'étranger ;

- ses dirigeants ont été amenés à se rendre à l'étranger pour des démarches de prospection et d'étude en vue de prises de participation éventuelles dans des sociétés situées à l'étranger, ou pour visiter des filiales implantées à l'étranger ;

- les dépenses supportées pour le compte de la société Creal International l'ont été dans le cadre de son activité de holding et dans l'intérêt du groupe ;

- les prestations prévues par le contrat passé entre la société Immobilière du Centre et M. B...n'entrent pas dans le champ de la loi Hoguet ;

- un acte illicite n'est pas constitutif d'un acte anormal de gestion ;

- le Tribunal a renversé la charge de la preuve en exigeant qu'elle justifie d'une contrepartie à l'acompte versé à M.B... ;

- l'administration a reconnu l'existence de contreparties au versement anticipé de la rémunération à M.B... ; celui-ci a effectivement rendu des prestations et a eu un rôle utile ;

- la majoration pour manquement délibéré doit être déchargée par voie de conséquence.

Par un mémoire, enregistré le 31 mai 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la vérificatrice étant intervenue à douze reprises au siège de la société Foncière et Financière Monceau, celle-ci est présumée avoir bénéficié d'un débat oral et contradictoire ;

- s'agissant des frais de déplacement à l'étranger, aucune pièce justificative ne permet de faire formellement le lien entre les frais comptabilisés et des rendez-vous, la participation à des réunions, la signature de contrats ou de projets professionnels précis ;

- s'agissant de la facture Creal International, la société Foncière et Financière Monceau n'avait pas d'intérêt propre à supporter cette dépense, qui bénéficiait seulement à la société Creal International ;

- s'agissant de la perte sur créance irrécouvrable d'un montant de 717 600 euros, les sociétés Immobilière du Centre et Foncière et Financière Monceau ont commis un acte anormal de gestion et pris un risque exagéré en mandatant M. B...pour vendre l'immeuble du 12 rue Royale à Paris et en lui versant un acompte, alors que l'intéressé était interdit de gérer une entreprise commerciale, n'était pas habilité à exercer la profession d'agent immobilier et que la vente de l'immeuble n'était pas intervenue ;

- la majoration pour manquement délibéré est fondée dès lors que le contrat passé entre la société Immobilière du Centre et M. B...contrevient aux dispositions de la loi Hoguet, qu'en sa qualité de spécialiste de la gestion d'immeubles, la société Foncière et Financière Monceau ne pouvait ignorer que l'acompte versé à M. B...était dépourvu de contrepartie et qu'elle n'a pris aucune mesure pour s'assurer de la restitution de cet acompte.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de commerce ;

- la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dalle,

- et les conclusions de M. Blanc, rapporteur public.

1. Considérant que la société Foncière et Financière Monceau, qui exerce l'activité de gestion d'immeubles et de prise de participations, a fait l'objet en 2009 et 2010 d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle elle a notamment été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2007 et 2008 ; qu'elle relève appel du jugement en date du 22 septembre 2015, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités dont elles ont été assorties ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant que la société Foncière et Financière Monceau reprend en appel le moyen qu'elle avait invoqué en première instance, tiré de ce qu'elle aurait été privée de la possibilité d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, s'agissant notamment du redressement correspondant aux frais de déplacement à l'étranger ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, en l'absence de tout élément nouveau de droit ou de fait produit en appel ;

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne les frais de déplacement à l'étranger :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, également applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu du même article 209 : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ; qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable de justifier tant du montant des charges qu'il entend, en application du I de l'article 39 du code général des impôts précité, déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du même code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

4. Considérant que l'administration a réintégré dans les résultats des exercices clos en 2007 et 2008 de la société Foncière et Financière Monceau des frais, s'élevant respectivement à 7 985 euros et 8 520 euros, supportés par la société à raison de déplacements effectués par son dirigeant à l'étranger, notamment en Algérie, au Maroc, en Turquie, à Londres et à Genève ; que pour justifier la déduction de ces dépenses, la société Foncière et Financière Monceau soutient que ses dirigeants ont été amenés à se rendre à l'étranger pour des démarches de prospection et d'étude en vue de prises de participation éventuelles dans des sociétés situées à l'étranger, ou pour visiter des filiales implantées à l'étranger ; que, cependant, les pièces produites, pour l'essentiel des échanges de messages électroniques entre la société requérante et d'autres sociétés mentionnant ces projets ne permettent pas de faire le lien avec les déplacements réalisés et, par suite, de justifier de ce que ces dépenses ont été exposées dans l'intérêt de l'entreprise ;

En ce qui concerne la facture Creal International :

5. Considérant que l'administration a réintégré dans le résultat de l'exercice clos en 2007 de la société Foncière et Financière Monceau une facture d'un montant de 6 033 euros, établie par sa filiale de droit anglais Creal International et Co ; qu'il résulte de l'instruction que cette facture correspond à des honoraires d'avocat destinés à permettre l'acquisition par la société Creal International et Co des titres d'une société de droit allemand ; que la société Foncière et Financière Monceau ne fait état d'aucune circonstance particulière qui justifierait qu'elle prenne elle-même en charge ces frais d'avocat ; qu'elle se borne à invoquer l'intérêt du groupe et à soutenir que cette dépense entrait dans le cadre de son activité de holding ; que, dans ces conditions, en relevant que la société Foncière et Financière Monceau n'avait aucun intérêt propre à prendre en charge cette dépense, l'administration établit que celle-ci n'a pas été effectuée dans le cadre d'une gestion normale ;

En ce qui concerne la perte sur créance irrécouvrable d'un montant de 717 600 euros :

6. Considérant que la société Immobilière du Centre, absorbée le 31 décembre 2002 par la société Foncière et Financière Monceau, a signé le 1er mars 2002 un contrat " de prestations de services " avec M. B...afin que celui-ci l'aide à trouver un acquéreur au prix minimum de 18 293 882 euros pour son immeuble du 12 rue Royale à Paris 8ème et effectue diverses démarches à cette fin ; que le contrat prévoyait que la société Immobilière du Centre (le mandant) verserait à M. B...(le mandataire) une commission de 6,5 % du montant hors taxes de la cession, avec un acompte de 600 000 euros à la signature du contrat, payable à échéance du 30 juin 2003 ; que le contrat prévoyait que M. B...n'était tenu que par une obligation de moyens et que si la vente ne se réalisait pas, il devrait restituer l'intégralité de l'acompte, sous déduction des frais qu'il avait exposés ; que le contrat prévoyait que le mandat était valable du 1er mars 2002 au 30 juin 2004 et qu'il cesserait de plein droit à cette date ; qu'en exécution de ce contrat, M. B...a facturé le 28 mars 2002 une somme hors taxes de 600 000 euros, soit 717 600 euros taxe sur la valeur ajoutée comprise, à la société Immobilière du Centre, pour diverses prestations, notamment des démarches administratives en vue d'obtenir un permis de construire ; que cette somme a été réglée à M. B...le 10 juillet 2003 par la société Foncière et Financière Monceau, qui l'a alors comptabilisée en charge constatée d'avance ; que l'immeuble en cause n'ayant pas été vendu, la société a tenté, à compter de l'année 2005, d'obtenir de M. B...la restitution de la somme de 717 600 euros ; qu'après diverses démarches judiciaires infructueuses, estimant que sa créance était devenue définitivement irrécouvrable, elle a comptabilisé le 31 décembre 2008 une perte de 717 600 euros ;

7. Considérant que l'administration a remis en cause cette perte au motif que la société Immobilière du Centre et la société Foncière et Financière Monceau avaient agi contrairement à leur intérêt en contractant le 1er mars 2002 avec M.B..., alors que celui-ci était interdit de diriger une entreprise commerciale par un jugement du tribunal de commerce de Paris du 18 avril 2001, puis en lui réglant la facture du 28 mars 2002, alors que la vente n'avait pas encore eu lieu, contrairement aux dispositions de l'article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, dite " loi Hoguet ", selon lesquelles aucune somme d'argent n'est due aux personnes se livrant ou prêtant leur concours aux opérations portant sur les biens d'autrui et relatives à l'achat et à la vente d'immeubles, ou ne peut être exigé ou accepté par elles, avant que l'une de ces opérations ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit contenant l'engagement des parties ;

8. Considérant, toutefois, que la seule circonstance qu'aux yeux de l'administration fiscale, les opérations réalisées entre les sociétés Immobilière du Centre et Foncière et Financière Monceau, d'une part, M.B..., d'autre part, soient constitutives d'infractions au code de commerce, à la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et aux textes pris pour l'application de celle-ci, ne permet pas de les regarder comme étrangères à une gestion commerciale normale ; que la requérante soutient que le contrat passé avec M. B...était justifié par les talents de négociateur de l'intéressé et par les relations de confiance qui s'étaient tissées, à partir de 1999, entre son dirigeant et M.B..., à l'occasion de négociations qui avaient permis à la société Immobilière du Centre d'absorber une société et d'acquérir à un prix intéressant l'immeuble du 12 rue Royale à Paris ; que ces affirmations ne sont pas contredites par l'administration et aucune des pièces du dossier ne permet de les mettre en doute ; que, par ailleurs, si, devant la Cour, le ministre des finances et des comptes publics justifie également le redressement par le risque exagéré qu'aurait pris la société Foncière et Financière Monceau en versant un acompte à M. B...alors que celui-ci était interdit de gérer une entreprise commerciale, que la vente de l'immeuble n'avait pas eu lieu et que la société n'avait pas pris de garantie pour s'assurer de la restitution de l'acompte versé, un tel motif ne peut qu'être écarté, en tout état de cause, dès lors qu'il n'appartient pas à l'administration de se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par l'entreprise et notamment pas sur l'ampleur des risques pris par elle pour améliorer ses résultats ; qu'il y a lieu par voie de conséquence d'accorder à la société Foncière et Financière Monceau la décharge des impositions supplémentaires correspondant à ce redressement, soit, en bases, une somme de 717 600 euros au titre de l'année 2008, et des pénalités correspondantes ;

Sur la majoration pour manquement délibéré :

9. Considérant que seuls les droits supplémentaires correspondant à la réintégration dans le résultat imposable de l'exercice 2008 de la société Foncière et Financière Monceau de la perte d'un montant de 717 600 euros ont été assortis de la majoration de 40 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts ; qu'il y a lieu d'accorder à la société Foncière et Financière Monceau la décharge de cette majoration, pour les raisons exposées au point 8 ci-dessus ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Foncière et Financière Monceau est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris, n'a pas fait droit à ses conclusions en décharge à hauteur de la somme, en bases, de 717 600 euros, en ce qui concerne le complément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'année 2008, et des pénalités correspondantes ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat en remboursement des frais exposés par la société Foncière et Financière Monceau ;

DECIDE :

Article 1er : La base de l'impôt sur les sociétés assignée à la société Foncière et Financière Monceau au titre de l'année 2008 est réduite de la somme de 717 600 euros.

Article 2 : Il est accordé à la société Foncière et Financière Monceau une décharge, en droits et pénalités, correspondant à la réduction de base définie à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le surplus des conclusions en décharge de la société Foncière et Financière Monceau est rejeté.

Article 4 : Le jugement n° 1411892/1-2 du 22 septembre 2015 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à la société Foncière et Financière Monceau au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Foncière et Financière Monceau et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division du contentieux ouest).

Délibéré après l'audience du 11 mai 2017 à laquelle siégeaient :

M. Jardin, président de chambre,

M. Dalle, président assesseur,

Mme Notarianni, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 1er juin 2017.

Le rapporteur, Le président,

D. DALLE C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA04266


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA04266
Date de la décision : 01/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04-082 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net. Acte anormal de gestion.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. David DALLE
Rapporteur public ?: M. BLANC
Avocat(s) : CABELI-PERETTI

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-06-01;15pa04266 ?
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