La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/10/2017 | FRANCE | N°16PA02467

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 04 octobre 2017, 16PA02467


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision par laquelle le ministre des affaires sociales et de la santé a implicitement rejeté sa demande du 23 novembre 2013 tendant à l'annulation du contrat à durée déterminée signé

le 26 septembre 2013 et à son remplacement par un contrat à durée indéterminée et d'autre part, la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 68 800 euros augmentée des intérêts de droit en réparation du manque à gagner

que lui ont causés les fautes commises par l'administration dans la gestion de sa carrièr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision par laquelle le ministre des affaires sociales et de la santé a implicitement rejeté sa demande du 23 novembre 2013 tendant à l'annulation du contrat à durée déterminée signé

le 26 septembre 2013 et à son remplacement par un contrat à durée indéterminée et d'autre part, la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 68 800 euros augmentée des intérêts de droit en réparation du manque à gagner que lui ont causés les fautes commises par l'administration dans la gestion de sa carrière ainsi qu'une somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles subis dans ses conditions d'existence.

Par un jugement n° 1413637/5-2 du 2 juin 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 29 juillet 2016, 10 janvier 2017 et

23 juin 2017, M. A..., représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1413637/5-2 du 2 juin 2016 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 68 800 euros en réparation du manque à gagner que lui ont causé les fautes commises par l'administration dans la gestion de sa carrière ainsi qu'une somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence, augmentées des intérêts de droit à compter du jour de réception de sa réclamation préalable ;

3°) de condamner l'Etat à procéder au " rattrapage " de sa carrière, notamment s'agissant de la détermination de ses droits à pension ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a commis une erreur de fait en considérant, d'une part, qu'il n'avait jamais sollicité de requalification de ses contrats de travail successifs avant le mois de novembre 2013 et, d'autre part, que son dernier contrat a été conclu pour une durée supérieure à celle lui restant à accomplir avant d'être atteint par la limite d'âge ;

- si le tribunal a considéré à juste titre que l'Etat était son véritable employeur et qu'il avait commis une faute en ne lui proposant pas un contrat à durée indéterminée, c'est à tort qu'il a ensuite jugé que cette situation ne lui avait causé aucun préjudice ;

- en application des dispositions combinées des articles 4 de la loi du 11 janvier 1984,

5 du décret du 6 septembre 1985 et 13 de la loi du 26 juillet 2005, il aurait dû être recruté par le ministère des affaires sociales dès 1986 et bénéficier à ce titre, d'abord, d'un contrat à durée déterminée de 3 ans renouvelable une fois puis d'un contrat à durée indéterminée ;

- sa rémunération a été manifestement inférieure à celle à laquelle il pouvait prétendre compte tenu des responsabilités qu'il exerçait ;

- les fautes ainsi commises par l'Etat lui ont causé un préjudice moral qu'il convient d'évaluer à 30 000 euros ainsi qu'un préjudice financier de 68 000 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 et 31 janvier 2017, le ministre des affaires sociales et de la santé conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 7 juin 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 28 juin 2017.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n°2005-843 du 26 juillet 2005 ;

- le décret modifié n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jimenez,

- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant M.A....

1. Considérant que le 7 avril 1986, M.A..., qui est titulaire de deux DESS d'économie et d'informatique, a été recruté par l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) sur un poste d'ingénieur analyste en contrat à durée déterminée pour une durée probatoire de 3 mois ; que ce contrat a été tacitement renouvelé jusqu'au 1er novembre 2004, date à laquelle il a été recruté par le centre hospitalier de Meulan les Mureaux en contrat à durée indéterminée ; qu'enfin, en octobre 2010, M. A...a signé avec les ministères en charge des affaires sociales un contrat à durée déterminée de 3 ans renouvelé en 2013 ; que, par une lettre du 26 novembre 2013, M. A...a demandé à l'Etat de lui verser une indemnité d'un montant de 68 000 euros en réparation du manque à gagner résultant des fautes commises par les ministres en charge des affaires sociales dans la gestion de sa rémunération depuis 1986 ; que M. A...relève appel du jugement

n° 1413637/5-2 du 2 juin 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'indemnisation ;

Sur le maintien en position de mise à disposition et l'absence de transformation en contrat à durée indéterminée :

En ce qui concerne la faute :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Sauf dérogation prévue par une disposition législative, les emplois civils permanents de l'Etat (...) et de leurs établissements publics à caractère administratifs sont (...) occupés par des fonctionnaires régis par le présent titre (...)" ; qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 du titre Ier du statut général, des agents contractuels peuvent être recrutés dans les cas suivants : /1° Lorsqu'il n'existe pas de corps de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes ; /2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A et, dans les représentations de l'Etat à l'étranger, des autres catégories, lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient " ; qu'aux termes de l'article 13 de la loi du 26 juillet 2005 : " I. - Lorsque l'agent, recruté sur un emploi permanent, est en fonction à la date de publication de la présente loi ou bénéficie, à cette date, d'un congé, en application des dispositions du décret mentionné à l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, le renouvellement de son contrat est soumis aux conditions prévues aux quatrième, cinquième et sixième alinéas de l'article 4 de la même loi. Lorsque, à la date de publication de la présente loi, l'agent est en fonction depuis six ans au moins, de manière continue, son contrat ne peut, à son terme, être reconduit que par décision expresse et pour une durée indéterminée " et qu'aux termes de l'article 6 bis de la loi du 11 janvier 1984, dans sa rédaction issue de l'article 37 de la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique : " (...) / Tout contrat conclu ou renouvelé en application des mêmes articles 4 et 6 avec un agent qui justifie d'une durée de services publics effectifs de six ans dans des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique est conclu, par une décision expresse, pour une durée indéterminée. / La durée de six ans mentionnée au deuxième alinéa du présent article est comptabilisée au titre de l'ensemble des services effectués dans des emplois occupés en application des articles 4, 6, 6 quater, 6 quinquies et 6 sexies. Elle doit avoir été accomplie dans sa totalité auprès du même département ministériel, de la même autorité publique ou du même établissement public. (...) Lorsqu'un agent atteint l'ancienneté mentionnée aux deuxième à quatrième alinéas du présent article avant l'échéance de son contrat en cours, celui-ci est réputé être conclu à durée indéterminée. L'autorité d'emploi lui adresse une proposition d'avenant confirmant cette nouvelle nature du contrat. (...) "; que le droit ouvert aux agents contractuels par ces dispositions est subordonné à une condition de durée de services publics effectifs, nécessairement accomplis par l'agent auprès du même département ministériel, de la même autorité publique ou du même établissement public ; que, cependant, dans le cas où un agent sollicitant le bénéfice de ces dispositions aux fins de transformation de son contrat, fait valoir que la multiplicité de ses employeurs dissimule en réalité l'existence d'un unique et véritable employeur au titre de la période en cause, il appartient au juge administratif, saisi par l'intéressé, de rechercher, en recourant au besoin à la méthode du faisceau d'indices, si en dépit de l'apparence, l'agent a en réalité accompli la durée nécessaire de services publics effectifs auprès d'un seul et véritable employeur ;

3. Considérant que si la prise en charge de la rémunération de M. A...par le ministère des affaires sociales et de la santé n'a fait l'objet d'un poste budgétaire dépendant du ministère qu'à compter de son recrutement par contrat à durée déterminée signé le 27 septembre 2010, il résulte de l'instruction que depuis son recrutement en avril 1986 par l'AP-HP, M. A...a été mis à disposition dudit ministère et que cette mise à disposition a perduré alors qu'il était ensuite employé par le centre hospitalier Meulan-les-Mureaux ; qu'ainsi, M. A...a travaillé de façon ininterrompue au sein du département informatique du ministère des affaires sociales et de la santé depuis avril 1986 ; que, par suite, l'Etat doit être regardé comme ayant été son véritable employeur depuis cette date ; qu'il ressort des dispositions applicables, reprises aux articles 4 et 6 bis précités de la loi du 11 janvier 1984, que M. A...est, dès lors, fondé à soutenir qu'en lui faisant signer à nouveau un contrat à durée déterminée en 2010, alors qu'il était employé en réalité par le ministère chargé de la santé depuis 1986, l'Etat a commis une faute de nature à engager à son égard sa responsabilité;

En ce qui concerne l'indemnisation :

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A...a travaillé sans interruption pour le ministère en charge des affaires sociales de 1986 jusqu'à la date à laquelle il a fait valoir ses droits à la retraite ; qu'ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, il n'a jamais sollicité une requalification de ses contrats de travail successifs avant le mois de novembre 2013, date à laquelle le contrat qu'il a signé avec l'Etat avait pourtant été renouvelé pour une durée supérieure à celle restant à accomplir par M. A...avant qu'il ne soit atteint par la limite d'âge ; que, dans ces conditions, le requérant n'établit pas la réalité du préjudice financier causé par l'absence de transformation de contrat en contrat à durée indéterminée et par le maintien en position de mise à sa disposition ;

5. Considérant qu'en revanche, M.A..., après avoir fait l'objet, pendant 24 ans, de mises à disposition auprès du ministère des affaires sociales et de la santé, a été recruté en 2010 dans le cadre d'un contrat à durée déterminée, alors que comme il a été dit au point 3, un contrat à durée indéterminée aurait du lui être proposé par ce ministère, qui était son véritable employeur depuis 1986 ; qu'il s'est ainsi retrouvé dans une situation précaire et a subi un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence ; qu'en évaluant ce préjudice à la somme de 2 500 euros, tous intérêts compris, il en sera fait une juste appréciation ;

Sur la rémunération de M.A... :

6. Considérant que M. A...soutient que l'administration a profité du recours réitéré au procédé consistant à le mettre à disposition de l'administration centrale du ministère, pour lui proposer une rémunération inférieure à celle qu'il aurait dû percevoir s'il avait été recruté par l'Etat, qui était son véritable employeur dès le commencement de sa carrière ;

7. Considérant qu'il appartient à l'autorité hiérarchique de fixer, au cas par cas, sous le contrôle du juge, la rémunération de ses agents recrutés par contrat à durée déterminée, en prenant en compte principalement la rémunération accordée aux titulaires qu'ils remplacent et, à titre accessoire, d'autres éléments tels que le niveau de diplôme et l'expérience professionnelle des non-titulaires ainsi recrutés ; que, les mêmes principes s'appliquent dans le cas où l'agent contractuel est recruté en contrat à durée indéterminée dont la rémunération est également fixée principalement par référence à la rémunération accordée aux titulaires exerçant des fonctions équivalentes et, à titre accessoire, d'autres éléments tels que le niveau de diplôme et l'expérience professionnelle des autres agents non titulaires recrutés en contrat à durée indéterminée pour exercer des fonctions équivalentes ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, la rémunération de M. A...a fait l'objet d'une revalorisation par avenants des 26 novembre 1987, 16 mars 1990, 22 mars 1992 et

25 mars 1994 puis par contrats des 15 octobre 2004 et 2 septembre 2010 ; qu'exerçant des fonctions de chef de projet, M. A...était situé au niveau d'emplois n°3 et a terminé sa carrière en janvier 2016 à l'indice 860, soit une rémunération brute de 3982,05 euros, laquelle n'est pas, d'ailleurs, inférieure à celle prévue par la circulaire n°2007-01 du 2 août 2007 relative au cadre de gestion des agents recrutés par contrat invoquée par l'intéressé ; que si M. A... estime que l'indice retenu n'a pas été identique à celui d'autres contractuels ayant, selon ses dires, les mêmes responsabilités et occupant les mêmes fonctions, il n'établit pas qu'il se trouvait dans la même situation que ces derniers ; que, de même, si M. A...invoque des écarts de rémunération avec des personnels titulaires qui occuperaient des fonctions équivalentes aux siennes, ses allégations ne sont, en tout état de cause, pas établies ; que, dans ces conditions, et alors que les écarts de rémunération dont se prévaut M. A...présentent d'ailleurs un caractère relativement modéré, celui-ci n'est pas fondé à soutenir qu'au regard des fonctions qu'il a occupées, sa rémunération a été manifestement sous-évaluée depuis 1990 et jusqu'à la date à laquelle il a fait valoir ses droits à la retraite ; que, dès lors, la faute alléguée résultant de la sous-évaluation de sa rémunération n'est pas établie ; que, par conséquent, les conclusions présentées par M. A...tendant à ce que l'Etat soit condamné à procéder au " rattrapage " de sa carrière, notamment s'agissant de la détermination de ses droits à pension, ne peuvent qu'être rejetées ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris n'a pas fait droit, à hauteur de 2 500 euros tous intérêts compris, à ses conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : L'Etat versera à M. A... la somme de 2 500 euros, tous intérêts compris à la date de la présente décision.

Article 2 : Le jugement n°1413637/5-2 du 2 juin 2016 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. B...A...et au ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Appèche, président,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Jimenez, premier conseiller.

Lu en audience publique le 4 octobre 2017.

Le rapporteur,

J. JIMENEZLe président assesseur,

En application de l'article R. 222-26 du code

de justice administrative

S. APPECHE

Le greffier,

P. LIMMOIS

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA02467


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA02467
Date de la décision : 04/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme APPECHE
Rapporteur ?: Mme Julia JIMENEZ
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : FAVIER

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-10-04;16pa02467 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award