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11/10/2017 | FRANCE | N°14PA04198

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 11 octobre 2017, 14PA04198


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...G..., Mme A...G...et Melle Shana G...ont demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à les indemniser des préjudices résultant pour chacun d'entre eux de l'utilisation d'un produit défectueux lors de l'intervention chirurgicale subie par M. G...à l'hôpital Henri Mondor de Créteil le 12 novembre 2009.

Par un jugement nos 1209170 et 1308610 du 11 août 2014, le Tribunal administratif de Melun a notamment condamné l'Assistance publique - H

pitaux de Paris à verser aux consorts G...la somme de 21 841,47 euros, à la cai...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...G..., Mme A...G...et Melle Shana G...ont demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à les indemniser des préjudices résultant pour chacun d'entre eux de l'utilisation d'un produit défectueux lors de l'intervention chirurgicale subie par M. G...à l'hôpital Henri Mondor de Créteil le 12 novembre 2009.

Par un jugement nos 1209170 et 1308610 du 11 août 2014, le Tribunal administratif de Melun a notamment condamné l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à verser aux consorts G...la somme de 21 841,47 euros, à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne la somme de 1 701,98 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du

10 décembre 2013 avec capitalisation et a rejeté le surplus des conclusions de la requête et les conclusions des autres parties à l'instance.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 octobre 2014 et 7 septembre 2017, les consortsG..., représentés par MeH..., demandent à la Cour :

- de confirmer le jugement contesté en ce qu'il a jugé irrecevable la société Cook France en ses demandes propres dans le cadre de son intervention volontaire et en ce qu'il a jugé que la responsabilité pour faute de l'AP-HP était engagée ;

- de réformer ce jugement en ce qu'il a limité leur droit à indemnisation à 50% du dommage et en ce qu'il a fait partiellement droit à leur demande en condamnant l'AP-HP à leur verser la somme de 21.841,47 euros ;

- à titre subsidiaire, de juger que l'AP-HP a manqué à ses obligations et engage ainsi sa responsabilité pour faute et de limiter à 10% la part d'antériorité dans l'indemnisation du dommage ;

- d'ordonner une nouvelle expertise afin d'examiner l'étendue du dommage corporel de M. G...et de lui allouer, dans l'attente, une provision de 30.000 euros ;

- à titre plus subsidiaire, d'allouer à M. G...une somme de 1 000 000 euros en réparation de son dommage corporel, à Mme A...G...une somme de 40 000 euros au titre de son préjudice personnel et à Mlle C...G...la somme de 15 000 euros au titre de son préjudice ;

- à titre encore plus subsidiaire, de condamner l'AP-HP à verser à titre de dommages et intérêts une somme de 300 000 euros à M.G..., 30 000 euros à Mme G...et 15 000 euros pour leur enfant mineure au titre du préjudice d'impréparation et des manquements de l'AP-HP à son devoir de conseil et de d'information ;

- de mettre en tout état de cause à la charge de l'AP-HP une somme de 4 000 euros à verser à chacun des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le dysfonctionnement du matériel d'endoprothèse utilisé et le lien de causalité avec le dommage a été reconnu tant par les experts commis par la CRCI que par l'aveu même de l'AP-HP et la responsabilité sans faute de l'AP-HP est engagée du fait de l'utilisation d'un matériel défectueux ;

- à titre subsidiaire, la responsabilité de l'AP-HP repose également sur des fautes commises lors de sa prise en charge à l'hôpital Henri Mondor de Créteil ;

- les praticiens du centre hospitalier ont commis des manquements aux règles de l'art en raison de l'absence de traçabilité du traitement anticoagulant en préopératoire associé à un traitement insuffisant en post opératoire, de l'absence de tentative de cathétérisme au cours de l'opération, du choix inapproprié du matériel de greffe ;

- le tribunal ne pouvait retenir une perte de chance à hauteur de 50% pour limiter son droit à indemnisation et considérer que les dommages subis sont " bi-factoriels " en raison de son état de santé antérieur, alors que si M. G...vivait effectivement avec un risque, celui-ci n'était que latent, sans manifestations externes dommageables et relevait d'une simple potentialité ; la minoration du dommage devra donc être rejetée et subsidiairement limitée à 10% ;

- ils sont fondés à solliciter une expertise médicale, celle ordonnée par la CRCI ayant été incomplète ;

- ils sont fondés à demander pour M.G..., la somme de 82 775 euros au titre de la perte de revenus durant 21 mois et 2 semaines avant déduction des indemnités journalières servies sur la période, la somme de 308 euros au titre des frais médicaux actuels restés à sa charge et 21 279 euros au titre des frais futurs, 4 192,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire de 30%, 60 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent de 30%, 827 534,40 euros au titre de l'incidence professionnelle avant déduction de la rente d'invalidité qui cessera à sa retraite, 3 000 euros au titre des souffrances endurées, 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément, 50 000 euros au titre du préjudice sexuel, 2 246 euros au titre des frais d'expertise, 121 497 euros au titre de la tierce personne définitive à raison de 7 heures par semaine au tarif de 17 euros de l'heure, 7 000 euros au titre du préjudice esthétique, une somme à déterminer au titre de l'aménagement de son logement ;

- ils sont fondés à demander pour Mme G...la somme de 40 000 en raison de l'impuissance de son époux et de la modification de sa vie et de ses projets et la somme de 15 000 euros à leur fille mineure qui ne peut plus avoir aucune activité de loisirs d'aucune sorte avec son père ;

- à titre plus subsidiaire, l'AP-HP a également commis une faute en manquant à son devoir de conseil et d'information à un double titre ; les médecins ont décidé de l'opérer alors qu'une telle opération n'était pas immédiatement utile ; ils ont ensuite changé de mode opératoire six jours seulement avant l'intervention en optant pour la voie endo-vasculaire ; ce double manquement lui a fait perdre une chance de ne pas accepter l'opération et partant d'éviter le dommage ;

- ces manquements sont en outre à l'origine d'un préjudice d'impréparation.

Par des mémoires, enregistrés les 22 décembre 2014, 13 avril 2015, 25 janvier 2016 et 7 septembre 2017, la Caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France, représentée par Me F...demande à la Cour :

- de condamner le tiers responsable à lui rembourser, compte tenu du taux d'imputabilité de 50 %, la somme de 30 534,51 euros au titre des arrérages échus du 1er juin 2011 au 1er octobre 2015, cette somme devant être assortie des intérêts légaux à compter de la première demande ;

- de condamner le tiers responsable au paiement de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale s'élevant pour l'année 2017 à 1 055 euros ;

- de condamner le tiers responsable à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La CRAMIF soutient que sa créance doit s'imputer en priorité sur les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle et sur le déficit fonctionnel permanent pour le reliquat.

Par un mémoire enregistré le 15 janvier 2015, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val de Marne représentée par Me B...demande à la Cour :

- de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a retenu la responsabilité de l'AP HP et en ce qu'il a condamné l'APHP au remboursement des prestations services dans l'intérêt de la victime ;

- en cas de réformation dudit jugement, de condamner l'APHP à lui verser la somme de 2 525, 41 euros au titre des prestations déjà versées dans l'intérêt de la victime toutes réserve étant faites pour les prestations non connues à ce jour et pour celles qui pourraient être versées ultérieurement ;

- de condamner l'APHP au versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle déclare s'en rapporter aux mérites d'appel des ConsortsG....

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2015, l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, représentée par Me Tsouderos, avocat, conclut à titre principal au rejet de la requête et des conclusions des différentes caisses et, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit jugé qu'elle ne saurait être condamnée à la réparation d'une fraction du préjudice, fraction qui ne saurait être supérieure à 50%, à ce que les prétentions des Consorts G...soient ramenées à de plus justes proportions, à la condamnation de la société Cook France à la garantir de toutes condamnations indemnitaires à son encontre et, en tout état de cause, à la condamnation de tout succombant à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'AP-HP soutient que :

- comme le souligne l'expert, le comportement et les choix thérapeutiques opérés ont été conformes aux bonnes pratiques et données acquises de la science ; le "sizing" de l'anévrisme de M.G... a été réalisé lors du staff du 5 novembre 2009 ;

- l'endoprothèse était entachée d'un vice interne qui a créé un danger anormal et excessif pour M. G...;

- les dommages présentés par M. G...consistant en une claudication fessière et en une impuissance sexuelle sont directement liés au dysfonctionnement de l'endoprothèse Cook ;

- que l'indication opératoire ne souffre aucune critique et aucune maladresse chirurgicale ne saurait être reprochée à l'équipe médicale ;

- le défaut d'information invoqué n'a, en tout état de cause, été à l'origine d'aucun préjudice indemnisable puisqu'il n'a pas privé M. G...d'une chance d'échapper à la réalisation du risque encouru dans la mesure où l'indication de l'intervention s'imposait de manière vitale ; qu'il en est de même s'agissant de la technique opératoire ;

- le "sizing" de l'anévrisme de M. G...a bien été réalisé par l'équipe médicale, ce type d'endoprothèse n'étant délivrée que sur commande spéciale ; que si elle n'est pas en mesure de produire les examens attestant de la mise en oeuvre d'un "sizing" préalable à l'intervention, c'est seulement en raison d'un égarement des pièces au fur et à mesure de leur communication entre les différents intervenants au dossier ;

- les mails échangés avec la société Cook montrent que l'équipe médicale avait informé la société du dysfonctionnement survenu lors de l'intervention ;

- à titre subsidiaire, la complication per-opératoire n'est pas à l'origine exclusive du dommage eu égard à l'état antérieur du patient, et c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que le fait générateur de responsabilité du service public hospitalier n'avait été à l'origine que d'une perte de chance d'éviter les dommages réalisés à hauteur de 50% ;

- s'agissant de l'indemnisation des différents postes de préjudices, il n'est pas justifié que les dépenses de santé dont le remboursement est demandé n'ont pas été prises en charge par la mutuelle de l'intéressé ; que s'agissant du médicament destiné à pallier les troubles érectiles, les premiers juges ont statué ultra petita ;

- M. G...ne saurait réclamer davantage que ce que lui ont attribué les premiers juges au titre des pertes de revenus eu égard aux documents produits et dès lors que l'intervention subie entraînait en tout état de cause une incapacité temporaire totale de trois mois ; les pertes de revenus futures alléguées ainsi que l'incidence professionnelle ne sont pas davantage attestées ;

- si la claudication fessière entraîne une plus grande fatigabilité, il ne semble toutefois pas que cela constitue un obstacle dans sa vie quotidienne tel qu'il requiert l'assistance par une tierce personne ; la claudication invoquée par le requérant est apparemment bien plus modérée que ce qu'il fait valoir ; en tout état de cause, si la nécessité d'une telle assistance apparaissait justifiée à la Cour, il conviendrait de ramener les sommes demandées à ce titre à de plus justes proportions et d'y appliquer le taux de perte de chance retenu ;

- s'agissant du déficit fonctionnel temporaire de 30% entre le 11 novembre 2009 et le 30 novembre 2010, elle ne saurait être condamnée à verser 3 750 euros compte tenu du référentiel ONIAM, somme à laquelle il conviendrait d'appliquer le taux de perte de chance de 50 % ;

- la somme demandée au titre du déficit fonctionnel permanent devra également être ramenée à de plus justes proportions ;

- l'impuissance sexuelle étant efficacement traitée, M. G...ne saurait réclamer une quelconque somme au titre du préjudice sexuel ; à titre subsidiaire, la somme accordée ne devrait pas dépasser 5 000 euros à laquelle il conviendrait d'appliquer le taux de perte de chance de 50 % ;

- la somme attribuée au titre des souffrances endurées ne devrait pas être supérieure à 1 500 euros à laquelle il conviendrait d'appliquer le taux de perte de chance de 50 % ;

- compte tenu de la claudication extrêmement modérée, le préjudice esthétique devra être ramené à de plus justes proportions, entre 600 et 800 euros, somme à laquelle il conviendrait d'appliquer le taux de perte de chance de 50 % ;

- les difficultés alléguées dans les activités pratiquées avec sa fille ou dans le bricolage sont indemnisées au titre du déficit fonctionnel ; que s'agissant du préjudice d'agrément, il ne rapporte pas la preuve de ce qu'il ne serait plus en mesure de pratiquer le golf du fait d'une claudication ;

- les demandes présentées par l'épouse et la fille de M. G...doivent être rejetées faute d'être établies ;

- elle demande à être garantie par la société Cook, productrice du produit défectueux, du fait de sa subrogation dans les droits de M.G....

Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 mai 2015 et 6 septembre 2017, la société Cook, représentée par MeI..., demande à la Cour :

- d'être reconnue recevable et bien fondée en son intervention ;

- à titre principal, de confirmer le jugement en ce qu'il retient la responsabilité de l'APHP mais l'infirmer quant au fondement retenu ;

- de retenir la responsabilité pour faute de l'APHP au titre des préjudices subis par les consorts G...;

- de condamner l'APHP à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;

- à titre subsidiaire de diligenter une expertise avant dire droit avec pour mission de déterminer l'origine des préjudices allégués puis de les évaluer ;

- de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a retenu la responsabilité sans faute de l'APHP dès lors que la prothèse n'était pas défectueuse mais tout au plus défaillante, sans que la cause ne puisse en être déterminée à défaut d'explantation ;

- de condamner en tout état de cause l'AP-HP aux entiers dépens.

Elle soutient que :

- les causes du dommage invoqué par les appelants ressortent à l'évidence de la responsabilité de l'AP-HP ;

- la détermination de la qualité de fournisseur ou de prestataire de services de

l'AP-HP importe peu dès lors qu'il n'est en aucun cas question d'un produit défectueux ;

- en tout état de cause, la qualité de prestataire de services de l'AP-HP est ici indiscutable ;

- contrairement aux conclusions du rapport d'expertise déposé par le docteur Vaislic, l'endoprothèse utilisée lors de l'intervention de M. G...le 12 novembre 2009 a parfaitement fonctionné de telle sorte que la responsabilité de l'AP-HP devra être retenue pour faute ;

- l'expert Vaislic n'a pas répondu à l'ensemble des questions posées ou bien y a répondu de manière erronée ;

- commissaire-enquêteur-investigateur principal pour la société belge qui fabrique un dispositif ayant vocation à concurrencer directement les endoprothèses Cook, le docteur Vaislic est en conflit d'intérêt manifeste et ne pouvait légitimement accepter une quelconque mission d'expertise médicale mettant en cause une endoprothèse de la société Cook ;

- l'endoprothèse fournie est un produit répandu qui a démontré un haut degré de fiabilité et un très faible pourcentage de difficultés pratiques dont aucune liée à un défaut du produit ; la présentation complète et détaillée du produit garantit en outre une sécurité optimale d'utilisation ;

- de son côté, l'AP-HP a cruellement contrevenu aux règles de l'art en la matière en pratiquant une chirurgie non justifiée et non adaptée à l'état de santé de M.G..., en omettant ou en réalisant mal l'étape fondamentale du "sizing" alors qu'elle incombe au chirurgien et en omettant de contrôler le traitement anticoagulant post-opératoire.

- le blocage invoqué n'a été que temporaire, le mécanisme de largage s'étant finalement libéré et ayant par conséquent dûment fonctionné ; au surplus, il n'existe aucun lien de causalité entre le blocage temporaire de ce mécanisme et le dommage invoqué ;

- les médecins n'ont effectué aucune déclaration de matériovigilance ;

- les médecins ont manifestement manqué à leur devoir d'information envers M.G... en ne lui délivrant aucune information sur l'intervention initialement programmée et le ratio bénéfices-risques de cette indication qui n'était au demeurant pas indispensable, le changement de mode opératoire et le matériel utilisé ; le requérant a ainsi été exposé à un risque injustifié ;

- s'agissant des préjudices dont il est demandé réparation, celui de claudication fessière dont M. G...se prévaut et qui conditionne l'ensemble de ses autres demandes indemnitaires est, au vu des constatations faites par un enquêteur privé, purement et simplement inexistant ;

- s'agissant des pertes de revenus futurs, M. G...ne saurait être davantage indemnisé que ce qu'il l'a été devant le Tribunal administratif, ou en tout état de cause, être ramenés à de plus justes proportions que ce qui est réclamé, les éléments fournis ne permettant d'attester d'un préjudice à hauteur de 60 000 euros bruts annuels ;

- s'agissant de l'incidence professionnelle, les conséquences ne sont pas telles que le requérant le laisse entendre alors qu'il travaillait avant son opération, dans le domaine de la conception de mobilier et qu'en tout état de cause, sa condition physique lui permettrait de se déplacer sur des chantiers ; qu'il apparaît en outre que M.G... n'est pas dans l'impasse professionnelle au vu des éléments du dossier, certificat médical et feuilles de salaire ; le jugement ne pourra qu'être confirmé en tant qu'il ne reprend pas ce poste de préjudice ;

- les sommes demandées au titre de l'indemnisation des préjudices accessoires devront être ramenées à de plus justes proportions.

Vu le mémoire, enregistré le 8 septembre 2017, présenté pour l'Assistance publique - Hôpitaux de paris par Me Tsouderos.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pena,

- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,

- et les observations de MeH..., représentant les consortsG..., de MeD..., représentant la société Cook France et de Me Tsouderos, représentant l'AP-HP.

1. Considérant que M. G...présentait des antécédents d'embolie pulmonaire par déficit en facteur V de Leyden et en protéine C réactive nécessitant un traitement par anticoagulant au long cours ; qu'un scanner réalisé le 25 septembre 2008 a mis en évidence un anévrisme bilobé au niveau supérieur atteignant l'aorte abdominale et un anévrisme iliaque primitif droit ; que le 4 juin 2009, un nouveau scanner a montré un anévrisme aorto-iliaque de type C de 45 mm ; que M. G...a été opéré le 12 novembre 2009 à l'hôpital Henri Mondor de Créteil par un chirurgien vasculaire qui a réalisé une cure d'anévrisme par endoprothèse ; que, depuis cette intervention, M. G...souffre notamment d'une claudication fessière droite ; que par deux requêtes distinctes, les consorts G...ont demandé au Tribunal administratif de Melun l'indemnisation des préjudices qu'ils estiment avoir subis à la suite de cette intervention chirurgicale ; que leurs deux requêtes qui présentaient à juger des questions semblables ont été jointes après avoir fait l'objet d'une instruction commune ; qu'ils ont également saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux d'Ile-de-France ; que dans le cadre de cette procédure, une première expertise a été remise le 18 novembre 2010, puis une seconde, le 7 janvier 2012 ; que le 6 mars suivant, la commission régionale d'indemnisation a émis un avis au terme duquel la cause des dommages subis résultait du caractère défectueux de l'endoprothèse fournie par la société Cook France ; qu'à défaut pour eux d'avoir obtenu une indemnisation amiable, les requérants ont demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à verser une somme de 1 000 000 d'euros à M. G...en réparation de l'ensemble de ses préjudices patrimoniaux et personnels, une somme de 40 000 euros à Mme G...en réparation du préjudice résultant pour elle de l'impuissance sexuelle de son époux et une somme de 15 000 euros à Melle G...en réparation du préjudice résultant pour elle de l'incapacité physique de son père ; qu'ils se sont fondés, pour ce faire, sur l'article L. 1142-1 du code de la santé publique et ont demandé, à titre principal, la mise en oeuvre du régime de responsabilité sans faute lié au caractère défectueux de l'endoprothèse et, subsidiairement, l'engagement de la responsabilité de l'établissement public à raison des fautes commises dans la prise en charge médicale par les équipes médicales de l'hôpital Henri Mondor de Créteil ; que par jugement du 11 août 2014, le Tribunal administratif a condamné l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à verser aux consorts G...la somme de 21 841,47 €, à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne la somme de 1 701,98 € assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 2013 avec capitalisation et a rejeté le surplus des conclusions de la requête et les conclusions des autres parties à l'instance ; que les consorts G...relèvent appel dudit jugement, à titre principal, en ce qu'il a limité leur droit à indemnisation à 50% du dommage et en ce qu'il a fait partiellement droit à leur demande en condamnant l'AP-HP à leur verser la somme de 21.841,47 euros ; que, de leur côté, l'AP-HP et la société Cook concluent chacune, à titre principal, au rejet de la requête ;

Sur les responsabilités respectives de l'AP-HP et de la société Cook :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. La mission confiée à l'expert peut viser à concilier les parties " ;

3. Considérant que si les docteurs Poulain et Vaislic désignés dans le cadre de la procédure devant la CRCI concluent tous deux dans leurs rapports d'expertise respectifs, à un dysfonctionnement de l'endoprothèse destinée à être implantée sur l'anévrisme aorto-iliaque dont M. G...était porteur et dont personne ne conteste qu'il est la cause des dommages subis par ce dernier, l'origine de cette défaillance demeure à ce jour indéterminée, ainsi que l'ont implicitement admis les premiers juges ; qu'il n'est notamment pas possible, en l'état du dossier, de savoir si le dysfonctionnement qui s'est produit lors du déploiement du matériel prothétique a pour origine un défaut intrinsèque de celui-ci ou bien s'il doit être imputé à une mauvaise utilisation par les praticiens hospitaliers, voire à une autre circonstance ; qu'il n'est pas davantage possible de savoir, au vu des éléments produits tant en première instance que devant la Cour, si le " sizing " qui constitue l'opération consistant à prendre les mesures du diamètre de l'aorte du patient permettant d'obtenir une prothèse totalement adaptée à son anatomie a été ou non réalisé, et, en cas de réponse positive, s'il l'a été de manière totalement pertinente ; que dès lors, il y a lieu avant de statuer sur la requête des Consorts G...et les conclusions incidentes des autres parties, d'ordonner un complément d'expertise sur ces points ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il sera, avant de statuer sur la requête des Consorts G...et les conclusions incidentes de l'AP-HP, de la société Cook et des caisses d'assurance maladie, procédé par un expert, désigné par le président de la Cour administrative d'appel, à une expertise complémentaire avec mission de donner à la Cour tous les éléments lui permettant d'apprécier :

- si la cause du double dysfonctionnement de l'endoprothèse (blocage du fil de sécurité et défaut d'ouverture complète de la branche droite) a tenu à un défaut intrinsèque du matériel en cause, à un mauvais maniement par les praticiens hospitaliers ou à une quelconque autre circonstance '

- dans le cas où la cause serait bi-factorielle, dans quelle mesure chacune d'elles a contribué aux dommages subis par M.G... '

- si un "sizing" de l'artère du patient a été réalisé préalablement à l'intervention et si oui, s'il l'a été de manière suffisamment précise et pertinente '

- si l'état antérieur du patient a pu contribuer aux séquelles résultant de la défaillance de la prothèse ' Et dans l'affirmative, dans quelles proportions '

- l'étendue réelle des dommages corporels subis par M.G..., notamment l'importance de sa claudication fessière et si l'impuissance sexuelle est efficacement traitée par un traitement médical '

Article 2 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant le greffier en chef de la Cour. L'expert déposera son rapport au greffe de la Cour en deux exemplaires et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par le président de la Cour dans sa décision le désignant.

Article 3 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 4 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...G..., à Mme A...G..., à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, à la société Cook France, à la Caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France, à la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés et à la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- Mme Julliard, premier conseiller,

- Mme Pena, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 octobre 2017.

Le rapporteur,

E. PENA

Le président,

M. BOULEAU

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

14PA04198


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA04198
Date de la décision : 11/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Eléonore PENA
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : CABINET SZPINER-TOBY-AYELA-SEMERDJIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-10-11;14pa04198 ?
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