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24/10/2017 | FRANCE | N°16PA02116

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 24 octobre 2017, 16PA02116


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par action simplifiée Scapêche, par deux requêtes, a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler deux décisions implicites par lesquelles le directeur départemental des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris a rejeté ses réclamations préalables du 21 juin 2013 et du 26 novembre 2013, d'annuler deux titres de perception d'un montant respectif de 86 788 euros et de 119 542 euros, et de prononcer la décharge totale des sommes mises à sa charge en application

de la décision de la Commission européenne 2005/239/CE du 14 juillet 2004 et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par action simplifiée Scapêche, par deux requêtes, a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler deux décisions implicites par lesquelles le directeur départemental des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris a rejeté ses réclamations préalables du 21 juin 2013 et du 26 novembre 2013, d'annuler deux titres de perception d'un montant respectif de 86 788 euros et de 119 542 euros, et de prononcer la décharge totale des sommes mises à sa charge en application de la décision de la Commission européenne 2005/239/CE du 14 juillet 2004 et du règlement (CE) n° 794/2004 du 21 avril 2004.

Par un jugement n° 1401140-1401754 du 2 mai 2016, le tribunal administratif de Paris, après avoir joint les deux demandes, a déchargé la société Scapêche des sommes qui lui étaient réclamées.

Procédure devant la cour :

Par un recours, enregistré le 1er juillet 2016, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les demandes de la société Scapêche.

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas justifié les raisons pour lesquelles il n'avait pas rouvert l'instruction après la production d'une note en délibéré par la société Scapêche ;

- la décharge prononcée par le tribunal porte atteinte au principe de récupération immédiate et effective des aides d'Etats accordées en méconnaissance du droit communautaire ;

- l'annulation des titres de perception pour un vice de forme régularisable n'était pas de nature à justifier la décharge.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 novembre 2016, la société Scapêche représentée par la société d'avocats Delaporte, Briard et Trichet, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 1999/659 du Conseil du 22 mars 1999 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bernier,

- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la société Scapêche.

1. Considérant qu'à la suite de la pollution occasionnée par le naufrage du navire Erika le 12 décembre 1999 et de la tempête des 27 et 28 décembre de la même année, la France a mis en place un dispositif d'aides exceptionnelles à destination des aquaculteurs et des pêcheurs des départements du Finistère, du Morbihan, de la Loire-Atlantique, de la Vendée, de la Charente-Maritime et de la Gironde ; que certaines de ces aides ont été étendues en 2000 à tous les pêcheurs et aquaculteurs français ; que, par une décision n° 2005/239/CE du 14 juillet 2004, la Commission Européenne a estimé notamment que l'allègement des charges sociales accordées aux pêcheurs de France métropolitaine et des départements d'outre-mer pour la période du 15 avril au 15 octobre 2000 était incompatible avec le marché commun et, en application de l'article 14 du règlement (CE) susvisé n° 659/1999, a enjoint à la France de procéder à la récupération de ces aides auprès de leurs bénéficiaires ; que, pour faire droit à cette injonction, le directeur départemental des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris a émis le 22 février 2013 à l'encontre de la société Scapêche, qui avait bénéficié de l'exonération de ses cotisations salariales au titre de la période concernée, deux titres de paiement pour des montants respectifs de 86 788 euros et 119 542 euros ; que le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie relève appel du jugement du 2 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Paris a déchargé la société Scapêche de l'obligation de payer les sommes qui lui étaient réclamées sur le fondement de ces deux titres exécutoires ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant d'une part qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ; que, d'autre part, aux termes de l'article

R. 731-3 du code de justice administrative, alors applicable : " A l'issue de l'audience, toute partie à l'instance peut adresser au président de la formation de jugement une note en

délibéré. ... " ; que l'article R. 741-2 prévoit que mention est faite dans le jugement de la production de cette note ; qu'enfin, aux termes du premier alinéa de l'article R. 613-4 du même code : " Le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. Cette décision est notifiée dans les mêmes formes que l'ordonnance de clôture " ;

3. Considérant que lorsque le juge administratif est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction et au prononcé des conclusions du rapporteur public, d'une note en délibéré émanant d'une des parties à l'instance, il lui appartient dans tous les cas d'en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision ; que, s'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré, il n'est tenu de le faire à peine d'irrégularité de sa décision que si cette note contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office ; qu'aucune règle ni aucun principe ne lui impose d'exposer dans son jugement les raisons pour lesquelles il estime que les éléments contenus dans la note en délibéré dont il a pris connaissance et qu'il a visée n'appelaient pas une réouverture de l'instruction ; que le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement doit être écarté ;

Sur le bien fondé du jugement :

4. Considérant d'une part qu'aux termes de l'article 24 du décret susvisé du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique " (...) Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (...) " ;

5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulier, un état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la dette ; qu'une personne publique ne peut mettre une somme à la charge d'un tiers sans indiquer, soit dans le titre lui-même, soit par référence à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels ce titre se fonde ;

6. Considérant d'autre part qu'aux termes de l'article 14 du règlement n° 659/1999/CE du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE, devenu l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. En cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l'Etat membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l'aide auprès de son bénéficiaire (ci-après dénommée " décision de récupération "). La Commission n'exige pas la récupération de l'aide si, ce faisant, elle allait à l'encontre d'un principe général du droit communautaire./ (...)/3. (...) la récupération s'effectue sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l'Etat membre concerné, pour autant que ces dernières permettent l'exécution immédiate

et effective de la décision de la Commission. A cette fin et en cas de procédure devant

les tribunaux nationaux, les Etats membres concernés prennent toutes les mesures prévues par leurs systèmes juridiques respectifs, y compris les mesures provisoires, sans préjudice du droit communautaire " :

7. Considérant que le ministre ne conteste pas en appel le motif de décharge retenu par les premiers juges tiré de ce que les titres exécutoires ne comportaient pas les bases de la liquidation ni de référence à un document qui les aurait indiquées ; qu'il est constant qu'ils étaient notamment dépourvus des éléments de calcul permettant de distinguer le montant de l'aide obtenue et les intérêts moratoires devant être versés ; que si les titres de perception litigieux ne satisfaisaient pas, dès lors, aux exigences de motivation de l'article 24 du décret du

7 novembre 2012, ce vice peut être régularisé par l'émission d'un nouveau titre de perception ; que le jugement attaqué n'implique pas, par ailleurs, que des sommes indument versées doivent être rendues à la société qui en a bénéficié ; qu'ainsi, les dispositions de l'article 14, paragraphe 3, du règlement (CE) du 22 mars 1999, qui impliquent de concilier le respect des procédures prévues par le droit national avec l'exigence de permettre l'exécution effective et immédiate de la décision de la Commission, ne faisaient pas obstacle, contrairement à ce que soutient le ministre, à ce que le tribunal décharge la SAS Scapêche des sommes réclamées sur le fondement de titres de perception qui, en raison du vice dont ils étaient entachés, étaient dépourvus de force exécutoire ; que, dès lors, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a déchargé la société Scapêche des sommes mises à sa charge par les titres du 22 février 2013 ;

8. Considérant qu'il ya lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à la société Scapêche sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la société Scapêche la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et à la société Scapêche.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 24 octobre 2017.

Le rapporteur,

Ch. BERNIERLe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 16PA02116


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA02116
Date de la décision : 24/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-10-24;16pa02116 ?
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