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27/12/2017 | FRANCE | N°15PA03281

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 27 décembre 2017, 15PA03281


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner la Banque de France à l'indemniser des préjudices résultant de son licenciement illégal au titre de la requalification de son contrat, du non respect du préavis, des congés payés dus sur préavis, du non respect de la procédure de licenciement, de l'indemnité de licenciement et des dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, à hauteur d'une somme totale de 18 698,25 euros, et d'enjoindre à la Banque de France de lu

i remettre une attestation " Pôle emploi " conforme au jugement, sous astrein...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner la Banque de France à l'indemniser des préjudices résultant de son licenciement illégal au titre de la requalification de son contrat, du non respect du préavis, des congés payés dus sur préavis, du non respect de la procédure de licenciement, de l'indemnité de licenciement et des dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, à hauteur d'une somme totale de 18 698,25 euros, et d'enjoindre à la Banque de France de lui remettre une attestation " Pôle emploi " conforme au jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1306297/5-2 du 18 juin 2015, le Tribunal administratif de Paris a condamné la Banque de France à indemniser Mme D...à hauteur d'une somme totale de 15 403,40 euros et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement les 13 août, 18 septembre et 24 novembre 2015, la Banque de France, représentée par la SCP Guillaume et Antoine Delvolvé, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement susvisé du Tribunal administratif de Paris du 18 juin 2015 ;

2°) de rejeter la demande présentée par MmeD... devant le Tribunal administratif de Paris ;

3°) de mettre à la charge de MmeD... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La Banque de France soutient que :

- le jugement attaqué a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que les conclusions du rapporteur public n'ont pas été mises en ligne dans le délai imparti, que le tribunal n'a pas répondu à tous les moyens exposés en défense par la Banque de France, qu'il n'a pas mentionné les mémoires et pièces produites et qu'il a statué ultra petita ;

- le contrat à durée déterminée conclu avec l'intéressée le 11 juillet 2011 au motif d'un surcroît temporaire d'activité au service des règlements interbancaires a été renouvelé par avenant à compter du 10 avril 2012 au même motif et non au motif, relevant d'une simple erreur matérielle portée sur le contrat, d'un surcroît temporaire d'activité occasionné par le projet dit " EICHQ2 " de la refonte du traitement des chèques en succursale, en sorte que les premiers juges ont requalifié à tort le contrat à durée déterminée de l'intimée en contrat à durée indéterminée ;

- subsidiairement, les premiers juges ont statué ultra petita, s'agissant de l'indemnité de licenciement, et ont commis une erreur de droit en accordant à l'intéressée une indemnité pour rupture abusive sur le fondement des dispositions des articles L. 122-14 et L. 122-14-1 anciens, reprises à l'article L. 1235-5, dès lors que ces dispositions ne lui sont pas applicables à défaut d'une ancienneté supérieure à deux ans.

Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés les 20 octobre et 8 décembre 2015, MmeD..., représentée par MeB..., conclu au rejet de la requête et demande à la Cour de porter la condamnation de la Banque de France à la somme de 21 472,83 euros au titre des chefs de préjudices susvisés, d'enjoindre à la Banque de France de lui remettre une attestation " Pôle emploi " conforme à l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de la Banque de France la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la Banque de France ne sont pas fondés ;

- elle a droit à ce que lui soient versées les sommes respectivement de 1 687,65 euros à titre d'indemnité de requalification, 2 037,57 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 203,75 euros à titre de congés payés sur préavis, 2 037,57 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement et 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code monétaire et financier ;

- le code du travail ;

- le statut du personnel de la Banque de France ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dellevedove,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- et les observations de Me C...pour la Banque de France.

1. Considérant que Mme D...a été recrutée par la Banque de France en qualité d'agent d'exécution de bureau, par un contrat à durée déterminée portant sur la période du 11 juillet 2011 au 10 avril 2012, au motif de l'existence d'un " surcroît temporaire d'activité occasionné par l'accompagnement des établissements de crédits concernés par la fin du service de co-management de leurs comptes par la Banque de France " et affectée à ce titre au service des règlements interbancaires de la direction des systèmes de paiement et des infrastructures de marché ; que, par un avenant en date du 10 avril 2012, son contrat a été renouvelé pour une même durée de neuf mois, soit jusqu'au 10 janvier 2013, au motif d'un " surcroît temporaire d'activité occasionnée par le projet EICHQ2 impliquant la mobilisation d'une partie des équipes de production en sus de l'exécution des tâches courantes " ; que, par une lettre du 4 janvier 2013, restée sans réponse,

Mme D...a contesté ce motif et sollicité la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ; que, par une lettre du 18 janvier 2013, la Banque de France a adressé à l'intéressée une attestation dite du dernier employeur destinée à Pôle emploi ; que, par le jugement susvisé, dont la Banque de France fait appel, le Tribunal administratif de Paris, faisant partiellement droit à la demande de MmeD..., a condamné la Banque de France à lui verser globalement la somme de 15 403,40 euros en réparation des préjudices résultant de son licenciement illégal et a rejeté le surplus de ses conclusions ; que, par la voie de l'appel incident, Mme D...demande à la Cour de porter la condamnation de la Banque de France à la somme de 21 472,83 euros et d'enjoindre à la Banque de France de lui délivrer une attestation régulière de dernier employeur destinée à Pôle emploi ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne " ; que la communication aux parties du sens des conclusions, prévue par ces dispositions, a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré ; qu'en conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ; que cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment de la fiche émanant de l'application " Sagace " produite au dossier et qu'il n'est pas contesté que le rapporteur public devant le tribunal administratif a saisi le sens de ses conclusions le 3 juin 2015 à 9 h 38, alors que l'audience s'est tenue le lendemain à 10 h 30 ; qu'ainsi, en indiquant aux parties, vingt-quatre heures avant l'audience, les éléments du dispositif de la décision qu'il comptait proposer à la formation de jugement d'adopter, le rapporteur public les a informés, dans un délai raisonnable avant l'audience, du sens de ses conclusions, conformément aux dispositions susmentionnées ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le jugement entrepris aurait été rendu au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que, si la Banque de France soutient que le tribunal administratif n'aurait pas mentionné tous les mémoires et pièces produits devant lui en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, il résulte de l'instruction que le tribunal administratif a analysé les conclusions et mémoires et visé les dispositions législatives et réglementaires dont il a fait application, ainsi que les autres pièces du dossier, conformément aux exigences des dispositions dudit article ; que, dès lors, le jugement attaqué n'est entaché à cet égard d'aucune irrégularité ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'après avoir rappelé les dispositions du code du travail applicables aux contrats de MmeD..., les premiers juges, à l'issue d'un raisonnement circonstancié, ont accueilli le moyen présenté par la demanderesse tiré de ce que, à défaut pour la Banque de France d'apporter la preuve qui lui incombait de la réalité du motif invoqué a posteriori pour justifier la conclusion du second contrat à durée déterminée conclu entre les parties, il y avait lieu de requalifier ce contrat en contrat à durée indéterminée ; que, dans l'enchaînement de leur raisonnement, contrairement à ce que soutient la Banque de France, ils ont écarté expressément au point 3 du jugement l'argumentation présentée en défense par la banque qui faisait valoir l'erreur matérielle dont aurait été affecté le motif figurant dans l'avenant au premier contrat, motif qui devait être lu, selon elle, comme identique au motif de ce premier contrat ; que, dès lors, le moyen manque en fait ; que, d'autre part, le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé sur ce point, n'est entaché d'aucune omission à statuer ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que si les premiers juges ont retenu une indemnité de licenciement supérieure à celle qu'avait indiquée MmeD..., ils n'ont accordé à celle-ci, qu'une indemnité totale, tous chefs de préjudices confondus, inférieure à celle qu'elle réclamait ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la Banque de France, ils n'ont pas statué au-delà des conclusions indemnitaires dont ils étaient saisis ;

Sur le principe du droit à indemnisation :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 142-1 du code monétaire et financier : " La Banque de France est une institution dont le capital appartient à l'Etat " ; qu'aux termes de l'article L. 142-9 de ce code : " (...) Le conseil général de la Banque de France détermine, dans les conditions prévues par le troisième alinéa de l'article L. 142-2, les règles applicables aux agents de la Banque de France dans les domaines où les dispositions du code du travail sont incompatibles avec le statut ou avec les missions de service public dont elle est chargée. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que la Banque de France constitue une personne publique, chargée par la loi de missions de service public, qui n'a cependant pas le caractère d'un établissement public, mais revêt une nature particulière et présente des caractéristiques propres ; qu'au nombre des caractéristiques propres à la Banque de France, figure l'application à son personnel des dispositions du code du travail qui ne sont incompatibles ni avec son statut, ni avec les missions de service public dont elle est chargée ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1242-2 du code du travail : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants : (...) 2° Accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1242-12 de ce code : " Le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1245-1 de ce même code : " Est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L. 1242-1 à 1242-4, (...) L. 1242-12, alinéa premier (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le contrat de travail à durée déterminée étant dérogatoire au droit commun, il appartient à l'employeur, en cas de contestation, de justifier, sous le contrôle du juge, de la réalité et de la légalité du motif du recours à ce type de contrat ; que ces dispositions, qui ne sont incompatibles ni avec le statut de la Banque de France, ni avec les missions de service public dont elle est chargée, sont applicables aux contrats litigieux ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que, à l'issue du terme de son premier contrat intervenu le 10 avril 2012, Mme D...a continué à exercer ses fonctions sur l'activité d'accompagnement des établissements de crédit au sein du " Service des règlements interbancaires ", dont le surcroît d'activité à ce titre avait motivé la conclusion de ce premier contrat, alors même que, par l'avenant du 10 avril 2012, le second contrat à durée déterminée dans le cadre duquel elle était réputée exercer ses fonctions à compter de cette date était conclu au motif d'un surcroît temporaire d'activité occasionnée par le projet de refonte du traitement des chèques en succursales, relevant du " Service de pilotage des images chèques automatisées " ; que la Banque de France ne justifie ni de la réalité, ni de la légalité du motif du recours à la formule du contrat à durée déterminée pour le second contrat consenti à l'intéressée en se bornant à soutenir que ce second motif résulterait d'une simple erreur matérielle et que ce contrat serait justifié par le même motif que le premier, alors que l'avenant susmentionné ne présente aucune équivoque concernant le second motif retenu, que les deux activités précitées sont entièrement distinctes et relèvent de services et de directions différents et que le caractère temporaire des surcroîts d'activité en cause n'est étayé par aucune des pièces versées au dossier ; que, dès lors, d'une part, la Banque de France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges, en application des dispositions susmentionnées, ont requalifié le second contrat de Mme D...en contrat de travail à durée indéterminée ; que, d'autre part, en reconduisant illégalement le premier contrat de travail à durée déterminée susmentionné du 11 juillet 2011 par l'avenant du 10 avril 2012, alors que celui-ci aurait dû donner lieu à un contrat à durée indéterminée, et en refusant de faire droit à la réclamation de l'intéressée tendant à la requalification en contrat à durée indéterminée de ce second contrat arrivé à son terme le 10 janvier 2013, la Banque de France a commis des illégalités fautives de nature à engager sa responsabilité à l'égard de MmeD... ;

Sur les préjudices :

10. Considérant que Mme D...a droit à l'indemnisation de l'intégralité des préjudices dont elle justifie en lien direct avec les illégalités susmentionnées ;

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1245-2 du code du travail : " Lorsque le conseil de prud'hommes est saisi d'une demande de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l'affaire est directement portée devant le bureau de jugement qui statue au fond dans un délai d'un mois suivant sa saisine. / Lorsque le conseil de prud'hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s'applique sans préjudice de l'application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée. " ; qu'aux termes de l'article L. 1234-1 de ce même code : " Lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit : (...) / 2o S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1234-5 de ce même code : " (...) L'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise. / L'indemnité compensatrice de préavis se cumule avec l'indemnité de licenciement (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1235-3 du même code : " Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. / Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9. " ; qu'aux termes de l'article L. 1235-5 dudit code : " Ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise (...) les dispositions relatives : / 1° Aux irrégularités de procédure, prévues à l'article L. 1235-2 ; / 2° A l'absence de cause réelle et sérieuse, prévues à l'article L. 1235-3 ; / (...) Le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi. / Toutefois, en cas de méconnaissance des dispositions des articles L. 1232-4 et L. 1233-13, relatives à l'assistance du salarié par un conseiller, les dispositions relatives aux irrégularités de procédure prévues à l'article L. 1235-2 s'appliquent même au licenciement d'un salarié ayant moins de deux ans d'ancienneté (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1234-9 du code précité : " Le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement (...) / Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire. " ; qu'aux termes de l'article R. 1234-2 de ce code : " L'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté. " ; qu'aux termes de l'article R. 1234-4 de ce même code : " Le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié : 1o Soit le douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant le licenciement ; 2o Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion " ;

12. Considérant que la Banque de France ayant illégalement refusé de procéder à la requalification du second contrat de travail de MmeD..., ainsi qu'il a été dit au point 9, cette dernière doit être regardée comme ayant été licenciée à compter du terme de ce contrat ; que la rupture d'un contrat de travail à durée indéterminée à l'initiative de l'employeur est régie par la procédure de licenciement définie par les articles L. 1232-1 et suivants du code du travail et ouvre droit, le cas échéant, aux réparations indemnitaire y afférentes sur le fondement des dispositions précitées, lesquelles ne sont incompatibles ni avec le statut de la Banque de France, ni avec les missions de service public dont elle est chargée ;

En ce qui concerne l'indemnité de requalification :

13. Considérant que sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 1245-2 du code du travail, Mme D...est fondée à obtenir une indemnité de requalification ne pouvant être inférieure à un mois de salaire, soit à la somme de 1 687,65 euros correspondant au dernier salaire mensuel brut perçu par l'intéressée ; qu'il convient donc de réformer le jugement attaqué en ce sens ;

En ce qui concerne l'indemnité résultant de l'absence de préavis et des congés payés y afférents :

14. Considérant qu'il résulte de l'instruction que MmeD..., qui n'a commis aucune faute, n'a pas bénéficié du préavis d'un mois prévu par les dispositions précitées de l'article

L. 1234-1 du code du travail ; qu'ainsi, l'intéressée a droit à être indemnisée à ce titre à hauteur de la somme de 1 687,65 euros correspondant à son dernier salaire mensuel brut perçu ; qu'en revanche, la requérante ne fournissant aucun élément de nature à préciser la réalité et le quantum du préjudice qu'elle aurait subi en raison de cette absence de préavis en termes de congés payés, ces conclusions doivent être écartées ; qu'il convient donc de réformer en ce sens le jugement attaqué ;

En ce qui concerne l'indemnité due au titre de la rupture abusive du contrat :

15. Considérant que, si la Banque de France fait valoir à juste titre que, en vertu des exceptions apportées par le premier alinéa de l'article L. 1235-5 du code du travail, la situation de MmeD..., qui avait moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise, ne rentrait pas dans le champ d'application de l'indemnité minimale correspondant aux six derniers mois de salaire prévue à l'article L. 1235-3 de ce code en cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, indemnité à laquelle la banque requérante a donc été condamnée à tort par les premiers juges à hauteur de la somme de 10 799,56 euros de ce chef de préjudice, il résulte des dispositions de l'avant-dernier alinéa de ce même article que le salarié peut prétendre, en tout état de cause, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi ; qu'il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que la Banque de France ne présente aucun élément de nature à justifier la fin des relations contractuelles avec l'intéressée qui doit s'analyser, en conséquence, comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que MmeD..., qui n'a bénéficié d'aucune des formalités préalables au licenciement et notamment pas de celles relatives à l'entretien préalable avec un conseiller de son choix, a donc été l'objet d'un licenciement abusif ; que l'intéressée justifie être restée plusieurs mois à la recherche d'un emploi ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en condamnant la Banque de France à verser à Mme D...une indemnité à hauteur de 5 062,95 euros, correspondant à trois mois de salaire brut, à titre d'indemnité pour rupture abusive du contrat ; qu'il y a donc lieu de réformer le jugement attaqué en ramenant à cette somme le montant de la condamnation prononcée par les premiers juges de ce chef de préjudice ;

En ce qui concerne l'indemnité de licenciement :

16. Considérant qu'il résulte de l'instruction que MmeD..., qui n'a commis aucune faute, a exercé ses fonctions à la Banque de France entre juillet 2011 et janvier 2013, soit pendant

18 mois ; qu'en application des dispositions précitées de l'article R. 1234-4 du code du travail, le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est pour

Mme D...égal au tiers du cumul des salaires qu'elle a perçus durant ses trois derniers mois d'activité précédant le licenciement ; que, par application des dispositions combinées des articles

L. 1234-9, R. 1234-2 et R. 1234-4 précités de ce code, le calcul de l'indemnité minimale de licenciement auquel a droit MmeD..., qui ne fait valoir à cet égard aucun autre élément, doit être calculée à partir du cinquième de ce salaire à proportion de son ancienneté d'un an et six mois de service, soit à hauteur de la somme de 506,29 euros qu'elle réclame à ce titre ; qu'il y a donc lieu de ramener à la somme précitée le montant de la condamnation retenue par les premiers juges à titre d'indemnité de licenciement, en réformant en ce sens le jugement attaqué ;

17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que la Banque de France est seulement fondée à demander à ce que la somme qu'elle a été condamnée à verser à Mme D...en réparation de la rupture illicite de son contrat de travail soit ramenée de 15 403,40 euros à 8 944,54 euros et à ce que le jugement attaqué soit réformé en ce sens, le surplus des conclusions d'appel incident de Mme D...ne pouvant qu'être rejeté ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte de MmeD... :

18. Considérant que Mme D...reproduit en appel ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte dirigées contre la Banque de France formulées en première instance sans les assortir d'aucun moyen, ni d'aucun élément nouveau susceptible de remettre en cause l'appréciation que les premiers juges ont portée à bon droit sur les mérites de sa demande sur ce point ; que, dès lors, il y a lieu de confirmer le jugement attaqué sur ce point et d'écarter ces conclusions par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement de ces dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La somme de 15 403,40 euros que l'article 1er du jugement susvisé du 28 juin 2015 du Tribunal administratif de Paris a condamné la Banque de France à verser à Mme D...est ramenée à 8 944,54 euros.

Article 2 : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête, le surplus des conclusions d'appel incident de MmeD..., ainsi que ses conclusions relatives aux frais irrépétibles sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Banque de France et à Mme A...D....

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président,

- Mme Hamon, président assesseur,

- M. Dellevedove, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 décembre 2017.

Le rapporteur,

E. DELLEVEDOVE Le président,

B. EVENLe greffier,

I. BEDR

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

8

15PA03281


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA03281
Date de la décision : 27/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

33-02-06-02-03 Établissements publics et groupements d'intérêt public. Régime juridique des établissements publics. Personnel. Statut. Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Ermès DELLEVEDOVE
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : CABINET KAMEL YAHMI

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-12-27;15pa03281 ?
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