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08/03/2018 | FRANCE | N°17PA00005

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 08 mars 2018, 17PA00005


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner la Banque de France à lui verser une indemnité de licenciement d'un montant de 106 699,27 euros, assortie des intérêts au taux légal sur le fondement des dispositions de l'article L. 1234-9 du code du travail.

Par un jugement n° 1603182 du 10 novembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 3 janvier 2017 et un mémoire, enregistré le

21 juin 2017, M.A..., représenté par Me Bernier-Dupréelle, demande à la Cour :

1°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner la Banque de France à lui verser une indemnité de licenciement d'un montant de 106 699,27 euros, assortie des intérêts au taux légal sur le fondement des dispositions de l'article L. 1234-9 du code du travail.

Par un jugement n° 1603182 du 10 novembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 3 janvier 2017 et un mémoire, enregistré le 21 juin 2017, M.A..., représenté par Me Bernier-Dupréelle, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1603182 du 10 novembre 2016 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner la Banque de France à lui verser une indemnité de licenciement d'un montant de 106 699,27 euros, assortie des intérêts au taux légal sur le fondement des dispositions de l'article L. 1234-9 du code du travail ;

3°) de mettre à la charge de la Banque de France une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- par un arrêt du 30 juin 2015, devenu définitif, la Cour a jugé que la décision prononçant sa mise à la retraite d'office ne respectait pas les dispositions de l'article 241 du statut du personnel de la Banque de France et qu'elle était entachée d'illégalité ; elle doit dès lors être regardée comme un licenciement et qu'il est en droit d'obtenir l'indemnité de licenciement prévue à l'article 1234-9 du code du travail, sous déduction des sommes qu'il a reçues sous forme d'allocation de départ à la retraite ;

- les règles de procédure opposables aux agents publics, dont font partie les règles de délai de recours, ne sont pas applicables aux agents de la Banque de France ; le tribunal a appliqué à tort un délai de deux mois ;

- l'absence d'annulation de la décision de mise à la retraite n'empêche pas de reconnaître son caractère illégal ;

- n'ayant pas fait une application régulière des dispositions du statut du personnel de la Banque de France, sa sortie de service ne peut s'analyser que comme un licenciement fautif impliquant l'application du code du travail.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2017, la Banque de France, représentée par la SCP Delvolvé et Trichet, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. A...le versement d'une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les dispositions concernant la mise à la retraite des agents de la Banque de France ressortissent de son statut, de sorte qu'une mise à la retraite prononcée de façon illégale ne constituerait pas un licenciement au sens des dispositions du code du travail ;

- la décision portant mise à la retraite de l'agent n'a pas fait l'objet d'une requête en annulation dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir ; même si elle était frappée d'illégalité elle conserverait sa nature de décision de placement à la retraite.

Vu :

- le code du travail ;

- le code monétaire et financier ;

- le statut du personnel de la Banque de France ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Poupineau,

- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public,

- et les observations de Me Bernier-Dupréelle, avocat de M. A... et de Me Delvolvé, avocat de la Banque de France.

1. Considérant que M. A..., qui a été recruté par la Banque de France le 1er février 1973 et y a exercé, en dernier lieu, les fonctions de directeur de service à la direction générale des activités fiduciaires et de place, a été admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 31 juillet 2009 par une décision du 18 août 2009 du gouverneur de la Banque de France ; que, par un arrêt en date du 30 juin 2015, la Cour, faisant partiellement droit à sa demande, a jugé que cette décision était illégale au motif que les dispositions de l'article 241 du statut du personnel de la Banque de France, seules applicables à la situation de M.A..., qui fixent à 65 ans l'âge de départ à la retraite des agents titulaires, ne permettaient pas au gouverneur de la Banque de France de placer l'intéressé d'office à la retraite alors qu'il n'était âgé que de 63 ans ; que, par une lettre du 2 décembre 2015, M. A... a vainement demandé à la Banque de France de lui verser l'indemnité de licenciement " telle que prévue au code du travail, indemnité due en raison de l'illégalité de sa mise à la retraite d'office " intervenue prématurément ; qu'il fait appel du jugement en date du 10 novembre 2016, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la Banque de France à lui verser une indemnité de licenciement d'un montant de 106 699,27 euros, assortie des intérêts au taux légal, sur le fondement des dispositions de l'article L. 1234-9 du code du travail ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 142-1 du code monétaire et financier : " La Banque de France est une institution dont le capital appartient à l'Etat " ; qu'aux termes de l'article L. 142-9 du même code : " (...) Le conseil général de la Banque de France détermine, dans les conditions prévues par le troisième alinéa de l'article L. 142-2, les règles applicables aux agents de la Banque de France dans les domaines où les dispositions du code du travail sont incompatibles avec le statut ou avec les missions de service public dont elle est chargée. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que la Banque de France constitue une personne publique chargée par la loi de missions de service public qui n'a cependant pas le caractère d'un établissement public, mais revêt une nature particulière et présente des caractéristiques propres ; qu'au nombre des caractéristiques propres à la Banque de France, figure l'application à son personnel des dispositions du code du travail qui ne sont incompatibles ni avec son statut, ni avec les missions de service public dont elle est chargée ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 1237-5 du code du travail, dans sa rédaction alors en vigueur : " La mise à la retraite s'entend de la possibilité donnée à l'employeur de rompre le contrat de travail d'un salarié ayant atteint l'âge mentionné au 1° de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale sous réserve des septième à neuvième alinéas (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1237-7 du même code : " La mise à la retraite d'un salarié lui ouvre droit à une indemnité de mise à la retraite au moins égale à l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 " ; qu'aux termes de l'article L. 1237-8 du même code : " Si les conditions de mise à la retraite ne sont pas réunies, la rupture du contrat de travail par l'employeur constitue un licenciement " ; qu'aux termes de l'article L. 1234-9 dudit code : " Le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement. Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire " ;

4. Considérant que les dispositions précitées qui prévoient que la décision de l'employeur de placer à la retraite son salarié peut être requalifiée en décision de licenciement lorsque les conditions d'une telle mise à la retraite ne sont pas réunies, ne sont incompatibles ni avec le statut de la Banque de France, ni avec les missions de service public dont celle-ci est chargée, et sont, en conséquence, applicables aux agents de la Banque de France ;

5. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, M. A...a été admis à la retraite à l'âge de 63 ans, alors que les dispositions de l'article 241 du statut du personnel de la Banque de France fixaient à 65 ans l'âge légal de départ à la retraite des agents titulaires ; qu'ainsi, à la date de la décision en litige du 31 juillet 2009 du gouverneur de la Banque de France, M. A... ne remplissait pas les conditions pour être mis à la retraite ; qu'en application des dispositions précitées de l'article L. 1237-8 du code du travail, M. A...doit être regardé comme ayant fait l'objet d'un licenciement ouvrant droit au versement de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 du même code, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que la décision le plaçant d'office à la retraite n'ait pas été annulée par le juge de l'excès de pouvoir ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article R. 1234-2 du code du travail : " L'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté " ; qu'aux termes de l'article R. 1234-4 de ce code : " Le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié : 1° Soit le douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant le licenciement ; 2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion " ; qu'aux termes de l'article. R. 1234-1 du même code : " L'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 ne peut être inférieure à une somme calculée par année de service dans l'entreprise et tenant compte des mois de service accomplis au-delà des années pleines " ; que ces dispositions ne sont incompatibles ni avec le statut de la Banque de France, ni avec les missions de service public dont celle-ci est chargée ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A...a exercé ses fonctions à la Banque de France pendant 36 ans et six mois ; qu'en application des dispositions précitées de l'article R. 1234-4 du code du travail, le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est pour M. A...égal au douzième de la rémunération qu'il a perçue les douze derniers mois précédant son admission à la retraite, soit la somme non contestée de 13 124,71 euros ; que, par application des dispositions combinées des articles L. 1234-9, R. 1234-2 et R. 1234-4 précités de ce code, M. A...a droit au versement d'une indemnité de licenciement d'un montant de 142 184,3 euros, duquel doit toutefois être déduite la somme de 35 485,07 euros correspondant au montant de l'indemnité qui lui avait été versée par la Banque de France, sur le fondement des dispositions de l'article 1er de la décision règlementaire DR n° 718 du gouverneur de la Banque de France du 20 mars 1961, au titre de l'allocation de départ à la retraite ; qu'il y a donc lieu de verser à M. A...la somme totale de 106 699,27 euros ;

Sur les intérêts :

8. Considérant que M. A...a droit, sur les sommes qui lui sont dues, aux intérêts au taux légal qu'il demande à compter de la date de réception de sa réclamation préalable d'indemnité en date du 2 décembre 2015 ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A...qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la Banque de France demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la Banque de France une somme de 1 500 euros à verser à M.A... sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1603182 du 10 novembre 2016, du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La Banque de France est condamnée à verser à M. A... la somme de 106 699,27 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa réclamation préalable d'indemnité en date du 2 décembre 2015.

Article 3 : La Banque de France versera à M. A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées devant la Cour par la Banque de France sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au gouverneur de la Banque de France.

Délibéré après l'audience du 15 février 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Poupineau, président assesseur,

- Mme Lescaut, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 mars 2018.

Le rapporteur,

V. POUPINEAULe président,

S.-L. FORMERY

Le greffier,

N. ADOUANE

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA00005


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA00005
Date de la décision : 08/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-09-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Calcul de la taxe. Franchise et décote.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Valérie POUPINEAU
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : BERNIER DUPREELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-03-08;17pa00005 ?
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