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28/06/2018 | FRANCE | N°15PA04850

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 28 juin 2018, 15PA04850


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'une part, d'annuler la décision implicite du 1er octobre 2013 et la décision expresse du 30 octobre 2013 par lesquelles La Poste a rejeté sa demande de protection fonctionnelle pour des faits de harcèlement moral, d'autre part, de condamner La Poste à lui verser la somme de 10 000 euros au titre des préjudices financier et moral subis en raison de l'illégalité des décisions attaquées et à prendre entièrement en charge, au titre de la protection fon

ctionnelle, les frais de procédure qu'elle a avancés, pour la somme de 54 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'une part, d'annuler la décision implicite du 1er octobre 2013 et la décision expresse du 30 octobre 2013 par lesquelles La Poste a rejeté sa demande de protection fonctionnelle pour des faits de harcèlement moral, d'autre part, de condamner La Poste à lui verser la somme de 10 000 euros au titre des préjudices financier et moral subis en raison de l'illégalité des décisions attaquées et à prendre entièrement en charge, au titre de la protection fonctionnelle, les frais de procédure qu'elle a avancés, pour la somme de 54 259,86 euros TTC dont 35 euros non soumis à la taxe sur la valeur ajoutée, d'enjoindre à La Poste de mettre en oeuvre la protection fonctionnelle et, enfin, de condamner La Poste à lui verser la somme de 1 255 000 euros en réparation des préjudices résultant du harcèlement moral subi.

Par un jugement n° 1317145/5-2 du 29 octobre 2015, le Tribunal administratif de Paris a partiellement fait droit à sa demande, d'une part, en annulant la décision du 30 octobre 2013 et en condamnant La Poste à lui verser la somme de 39 307,56 euros en réparation des préjudices résultant du refus illégal opposé à sa demande de protection fonctionnelle pour des faits de harcèlement moral, d'autre part, en enjoignant à La Poste de lui accorder la protection fonctionnelle pour les faits retenus dans le jugement comme constitutifs d'un harcèlement moral, enfin, en rejetant le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une ordonnance du 25 avril 2016, le président de la 10ème chambre de la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté la requête en appel de Mme C...tendant à l'annulation du jugement n° 1317145/5-2 du 29 octobre 2015 du Tribunal administratif de Paris en ce qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande, au motif que l'intéressée devait être regardée comme s'étant désistée de sa requête faute d'avoir produit dans les délais impartis le mémoire complémentaire annoncé.

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 décembre 2015, 16 août 2017,

18 avril 2018 et 2 mai 2018, La Poste, représentée par la SCP Granrut, demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1, 2 et 3 du jugement n° 1317145/5-2 du 29 octobre 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme C...devant ce tribunal.

Elle soutient que :

- le requérant qui s'est désisté d'une instance n'est recevable à saisir à nouveau le juge que dans le délai de recours contentieux ; or, les conclusions de Mme C...tendant à la réparation du préjudice causé par le harcèlement moral dont elle aurait été victime ont été présentées après l'expiration du délai de recours contentieux ; il s'ensuit qu'elle ne saurait chercher à remettre en cause le jugement attaqué, en particulier son article 4 ; - le jugement attaqué est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne répond pas, d'une part, à la fin de non recevoir opposée aux conclusions indemnitaires tendant à réparation des préjudices résultant du harcèlement moral tirée de ce que le juge pénal a été saisi de conclusions identiques et, d'autre part, au moyen tiré du caractère excessif des frais de procédure engagés ; - c'est à tort que les premiers juges se sont estimés saisis de conclusions tendant à la condamnation de La Poste à prendre en charge, la totalité des frais de procédure avancés par Mme C...depuis plus de deux ans, au demeurant non chiffrés dans sa réclamation préalable ;

- les conclusions indemnitaires tendant au remboursement des frais de procédure que Mme C...aurait engagés sont irrecevables en raison de l'existence d'un recours parallèle ; de même, l'intéressée n'était pas recevable à majorer le montant réclamé à ce titre au-delà du délai de recours contentieux ; - l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 modifié impose que le harcèlement moral soit établi et non seulement présumé ; contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, un tel harcèlement moral n'est pas établi ; notamment, la production du " pré-accord transactionnel " n'est pas de nature à attester de tels agissements ; dès lors que Mme C...n'avait pas été victime de harcèlement moral, La Poste pouvait refuser de lui accorder la protection fonctionnelle ;

- à supposer même que des faits de harcèlement moral soient présumés, c'est à tort que les premiers juges ont retenu des faits intervenus sur la période de 2002 à 2010 ; en effet, à supposer qu'il soit avéré que Mme C...a été victime d'un harcèlement moral infligé par son supérieur hiérarchique à, celui-ci aurait, en tout état de cause cessé après 2002 ; aucune dégradation des conditions de travail n'est ainsi avérée entre 2003 et 2010 ; Mme C...n'étant plus exposée à aucune situation constitutive d'un harcèlement moral lorsqu'elle a fait une demande de protection fonctionnelle en 2013, une telle demande était tardive et ne présentait plus d'intérêt ni aucune chance de succès ; en tout état de cause, La Poste était fondée à refuser d'octroyer à l'intéressée le bénéfice de la protection fonctionnelle pour un motif d'intérêt général tiré de la bonne marche du service public, Mme C...méconnaissant son obligation de réserve en mettant en cause La Poste publiquement et de manière répétée afin de faire pression sur son ex-employeur pour obtenir réparation pour des faits qu'elle aurait subis en 2002 ;

- La Poste ne saurait être condamnée à payer les frais d'avocat de Mme C... alors que celle-ci a non seulement été déboutée de l'intégralité de ses demandes devant le tribunal correctionnel mais a, en outre, été condamnée pour abus partiel de constitution de partie civile ; en tout état de cause, c'est à tort que les premiers juges ont pris en considération l'intégralité des frais d'avocat, qui présentent un caractère excessif, alors que le lien entre certaines factures et le prétendu harcèlement moral n'est pas établi ; de même, l'intéressée ne justifie pas du paiement effectif des factures, de sorte que le préjudice subi n'est pas certain.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 juillet 2017, 28 mars 2018 et

28 avril 2018, MmeD..., représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et demande à la Cour :

1°) de confirmer la totalité du jugement attaqué, à l'exception du considérant n°8 et du caractère irrecevable de sa demande indemnitaire mentionné à l'article 4 du jugement ;

2°) d'enjoindre à La Poste de mettre en oeuvre la protection fonctionnelle " en son principal et accessoire " ;

3°) de condamner La Poste au versement d'un montant de 1 255 000 euros correspondant aux préjudices financier et moral qu'elle a subis, " au titre de l'article L. 911-2 du code de justice administrative " ;

4°) de condamner La Poste, dans le cadre de la protection fonctionnelle, à la prise en charge entière et complète des frais de procédure qu'elle a avancés, sur présentation des justificatifs ;

5°) de mettre à la charge de La Poste le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré, au considérant 8 du jugement attaqué, qu'elle n'avait pas lié le contentieux indemnitaire ;

- les moyens soulevés par La Poste ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 18 avril 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 2 mai 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jimenez,

- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant La Poste, et de MeA..., représentant MmeC....

1. Considérant que Mme C... a été nommée et titularisée dans le corps des administrateurs des postes et télécommunications par décret du 4 septembre 1995 ; qu'elle a demandé à La Poste, par lettre du 31 juillet 2013, dont il a été accusé réception le 1er août 2013, le bénéfice de la protection fonctionnelle ; qu'elle a demandé communication des motifs de la décision implicite de rejet née du silence de l'administration ; que La Poste a formalisé ce refus par une lettre du 30 octobre 2013 ; que Mme C...a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision implicite née le 1er octobre 2013 et la décision

du 30 octobre 2013 par lesquelles La Poste a rejeté sa demande de protection fonctionnelle pour des faits de harcèlement moral, d'autre part, de condamner La Poste à lui verser la somme de 10 000 euros au titre des préjudices financier et moral subis en raison de l'illégalité des décisions attaquées, à prendre entièrement en charge, au titre de la prise en charge fonctionnelle, les frais de procédure qu'elle a avancés, pour la somme de 54 259,86 euros TTC dont 35 euros non soumis à la taxe sur la valeur ajoutée, d'enjoindre à La Poste de mettre en oeuvre la protection fonctionnelle et, enfin, de condamner La Poste à lui verser la somme de 1 255 000 euros en réparation des préjudices résultant du harcèlement moral subi ; que par un jugement

n° 1317145/5-2 du 29 octobre 2015, le Tribunal administratif de Paris a partiellement fait droit à sa demande, d'une part, en annulant la décision du 30 octobre 2013 et en condamnant La Poste à lui verser la somme de 39 307,56 euros en réparation des préjudices résultat du refus illégal opposé à sa demande de protection fonctionnelle pour des faits de harcèlement moral, d'autre part, en enjoignant à La Poste de lui accorder la protection fonctionnelle pour les faits retenus dans le jugement précité comme constitutifs d'un harcèlement moral, enfin, en rejetant le surplus des conclusions de sa demande ; que par une ordonnance du 25 avril 2016, le président de la 10ème chambre de la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté la requête en appel de

Mme C...tendant à l'annulation du jugement du 29 octobre 2015 du Tribunal administratif de Paris en ce qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande, au motif que l'intéressée devait être regardée comme s'étant désistée de sa requête faute d'avoir produit, dans les délais impartis, le mémoire complémentaire annoncé ; que par la présente requête, La Poste relève appel du jugement du 29 octobre 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquiès de la loi du

13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. " ;

3. Considérant, d'une part, que la circonstance que la personne qui demande le bénéfice de la protection fonctionnelle a perdu la qualité d'agent public à la date de la décision statuant sur cette demande est sans incidence sur l'obligation de protection qui incombe à la collectivité publique qui l'employait à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire à l'agent ;

4. Considérant, d'autre part, qu'il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

5. Considérant que s'agissant de la période allant de juin 2002 à août 2005,

Mme C...soutient qu'alors qu'elle était responsable des ressources humaines du réseau " grand public et services financiers " de la délégation Ile-de-France, elle a été victime d'un " harcèlement moral à forte connotation sexiste " de la part de son supérieur hiérarchique, lequel l'aurait agressée sexuellement le 13 juin 2002 ; que cette agression aurait entraîné son placement en congé maladie ; que nonobstant le signalement de cette affaire, son employeur aurait tardé à mettre en place un protocole de harcèlement moral et n'aurait pris aucune réelle mesure pour la réintégrer dans de bonnes conditions à l'issue de son arrêt maladie ; que, toutefois, Mme C...ne produit aucun document datant de cette période venant confirmer l'existence de cette agression, et notamment aucune plainte pénale contre son supérieur hiérarchique, alors qu'elle a engagé des actions contre de nombreux dirigeants de La Poste ; qu'elle ne produit pas davantage d'éléments venant confirmer qu'elle aurait, antérieurement au mois de juin 2002, dénoncé des faits de harcèlement de la part de son supérieur hiérarchique ; que, de même, si elle fait valoir que ce dernier avait un " lourd passif " et était " connu pour des faits de harcèlement moral ", elle ne produit, toutefois, aucune pièce de nature à étayer ses dire ; que le retard qu'elle invoque dans la mise en oeuvre du " protocole de harcèlement moral " ne caractérise pas, par lui-même, un agissement susceptible de faire présumer un harcèlement moral ; que s'agissant de la lettre de La Poste du 26 juillet 2004, dont l'objet est " suite donnée au protocole de harcèlement moral et modalités de retour l'emploi ", il en ressort seulement que La Poste admet l'existence, dès 2002, d'un " contexte organisationnel instable ", de " difficultés de fonctionnement " entre le responsable fonctionnel de la requérante et sa hiérarchie, et un " isolement professionnel dans la délégation, dû au positionnement de [sa]fonction entre deux services "; que, toutefois, si La Poste admet ainsi la réalité de la " situation de souffrance au travail vécue comme du harcèlement moral ", qui est attestée par les différents rapports médicaux versés au dossier, et propose d'ailleurs des solutions pour y remédier, elle ne reconnaît pas l'existence d'un tel harcèlement ; que s'il n'est pas véritablement contesté que, durant une longue période, entre août 2002 et septembre 2005, date de son affectation au centre pour l'emploi, la mobilité et l'action sociale (CEMAS), Mme C...n'a eu aucun poste pérenne, il ressort également des pièces du dossier que l'intéressée a été placée en arrêt de travail à la suite d'un congé maternité, et a ensuite fait l'objet, en novembre 2003, d'une déclaration d'inaptitude temporaire ; que le rapport d'une psychologue, établi le 11 octobre 2004 dans le cadre de la médecine du travail, conclut que l'état de santé de Mme C...n'est pas compatible, à cette date, avec la reprise d'un travail dans l'entreprise ; que, dans ces conditions, il ne peut être soutenu que La Poste aurait volontairement tenu l'intéressée à l'écart de toute activité, alors même que le médecin du travail indiquait une inaptitude à reprendre un poste, notamment équivalent à celui occupé par Mme C...avant juin 2002 ;

6. Considérant que, s'agissant de la période allant de septembre 2005 à avril 2011,

Mme C...soutient qu'elle n'a eu aucune réelle activité au sein du CEMAS, service supposé être, selon elle, un " placard " ; que, toutefois, elle ne produit qu'une attestation émanant d'une collègue, qui ne permet pas de confirmer qu'en ce qui la concerne elle n'avait aucune activité ; que le CEMAS ayant cessé son activité à la fin de l'année 2006, La Poste a muté d'office Mme C...au Service du logement où elle a, de nouveau, occupé un poste de chargée de mission auprès du directeur du Pôle hébergement ; que si Mme C...fait valoir que lui a alors été attribué " un bureau à l'entresol en face des toilettes ", qu'elle se trouvait ainsi " complètement isolée " et qu'elle n'avait pas de réelle mission, ses dires paraissent difficilement cohérents avec l'affirmation selon laquelle son travail auprès de son chef de service aurait conduit ce dernier à lui proposer un poste d'adjoint ; qu'en outre, il ressort de son évaluation au titre de l'année 2010, notifiée en 2011, que lui étaient effectivement confiées des missions dont elle s'était d'ailleurs pleinement acquittée ; que Mme C...fait valoir, sans l'établir, qu'elle aurait été poussée au départ par la nouvelle directrice du service logement arrivée en juin 2010 ; qu'il ressort d'ailleurs des pièces du dossier que les négociations en vue d'une transaction entre l'avocat de La Poste et celui de MmeC..., initiées en octobre 2010, ont détérioré les relations professionnelles entre l'intéressée et sa supérieure hiérarchique, malgré les efforts de cette dernière, et que Mme C...a contribué à la dégradation des relations professionnelles en mettant en cause sa supérieure dans un courriel adressé aux responsables du service et en refusant une mission ; qu'ainsi l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que sa mutation d'office, en avril 2011, sur un poste d'expert au logement est de nature à faire présumer une situation de harcèlement moral ;

7. Considérant que, s'agissant de la période allant d'avril 2011 à fin 2013,

Mme C...soutient qu'alors qu'elle espérait une mobilité, on lui a notifié qu'aucun poste ne lui serait proposé et que l'on envisageait une transaction ; qu'en avril 2011, après avoir refusé une transaction dont les montants étaient " dérisoires " selon elle, Mme C...a engagé des poursuites contre le président directeur général de La Poste, le directeur délégué des ressources humaines et le directeur du développement social sur citation directe devant le juge pénal, pour des faits de harcèlement moral ; que Mme C...indique que, dans l'attente de l'audience pénale et alors qu'elle était placée en congé longue maladie, elle a effectué un travail de recherche sur les données sociales de La Poste afin d'étudier " la piste d'un harcèlement moral institutionnel en cours au sein de l'entreprise " ; qu'il est constant que cette démarche de Mme C...a fait l'objet d'une forte médiatisation ; que La Poste l'a alors contactée en décembre 2012 pour lui faire une proposition de transaction ; que l'intéressée a signé avec La Poste un pré-accord transactionnel le 10 janvier 2013 qui prévoyait le versement d'une somme de 300 000 euros correspondant à cinq ans de salaire ainsi qu'un avancement d'échelon rétroactif, soit environ 600 000 euros d'avantages, en contrepartie de sa démission de la fonction publique, de son désistement des procédures judiciaires en cours et de l'interdiction d'entrer en contact avec la presse ; que Mme C...a, dès lors, présenté sa démission le 15 janvier 2013, laquelle a été formalisée par un décret du 4 mars 2013 ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des courriels échangés avec celle qui était alors son conseil, que l'intéressée n'a pas obtenu le versement des sommes escomptées au titre de l'avancement d'échelon rétroactif et que c'est pour cette raison que la transaction n'a finalement pas été confirmée ; que si Mme C...fait valoir qu'elle a démissionné de la fonction publique en contrepartie d'une transaction dont elle a cru qu'elle engageait La Poste, cette circonstance n'est pas de nature à faire présumer un harcèlement moral ; que par une décision n° 369928 du 30 janvier 2015, le Conseil d'Etat a d'ailleurs rejeté le recours de Mme C...tendant à l'annulation du décret du 4 mars 2013 acceptant sa démission du corps des administrateurs des postes et télécommunications, en relevant qu'il n'y avait pas eu vice de consentement ; qu'enfin, si Mme C...soutient que ce pré-accord transactionnel démontre l'existence d'un harcèlement moral, ce document ne fait toutefois aucune mention d'un quelconque harcèlement moral de la part de La Poste ; qu'il ressort seulement des pièces du dossier que La Poste a négocié une transaction avec Mme C...afin de mettre un terme au grave conflit qui les opposait depuis plusieurs années et à sa médiatisation par MmeC... ;

8. Considérant que, dans ces conditions, et contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, MmeC..., qui, certes, démontre avoir été victime d'une souffrance au travail entre juin 2002 et août 2005, n'apporte pas d'éléments suffisamment probants de nature à faire présumer un harcèlement moral sur cette période et jusqu'en 2013 ; qu'il en résulte que la décision du 30 octobre 2013 par laquelle La Poste a rejeté sa demande de protection fonctionnelle pour des faits de harcèlement moral n'est pas entachée d'illégalité ; que, d'ailleurs, le Tribunal correctionnel de Paris a, par un jugement du 19 décembre 2014, estimé que les faits de harcèlement moral n'étaient pas établis et la Cour d'appel de Paris, par un arrêt du

26 mars 2018, après avoir jugé irrecevables les citations d'octobre 2013, s'agissant des faits de harcèlement moral dénoncés par Mme C...pour la période antérieure au

23 janvier 2013, et jugé prescrits les faits de discrimination antérieurs au 7 octobre 2010, a confirmé la relaxe de l'ensemble des prévenus des faits de harcèlement moral et de discrimination sur les périodes encore utiles de la prévention ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que La Poste est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a partiellement fait droit à la demande de MmeC..., d'une part, en annulant la décision du 30 octobre 2013 et en condamnant La Poste à lui verser la somme de 39 307,56 euros en réparation des préjudices résultant du refus illégal opposé à sa demande de protection fonctionnelle pour des faits de harcèlement moral, et d'autre part, en enjoignant à La Poste de lui accorder la protection fonctionnelle pour les faits retenus dans le jugement en cause comme constitutifs d'un harcèlement moral ; que, par voie de conséquence, et sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité, il y a lieu de rejeter les conclusions incidentes présentées devant la Cour par MmeC... ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme C...une somme à verser à La Poste au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la requérante qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, une somme à verser à MmeC... ;

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1, 2 et 3 du jugement n° 1317145/5-2 du 29 octobre 2015 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de la demande de Mme C...devant le Tribunal administratif de Paris auxquelles il a été fait droit par les articles du jugement du 29 octobre 2015 annulés à l'article 1er ci-dessus sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de La Poste et les conclusions d'appel de

Mme C...sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à La Poste et à MmeD....

Délibéré après l'audience du 20 juin 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- Mme Jimenez, premier conseiller.

Lu en audience publique le 28 juin 2018.

Le rapporteur,

J. JIMENEZLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'économie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA04850


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA04850
Date de la décision : 28/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Julia JIMENEZ
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : SCP GRANRUT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-06-28;15pa04850 ?
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