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04/10/2018 | FRANCE | N°18PA00463

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 04 octobre 2018, 18PA00463


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mlle C...B...a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2009, d'ordonner la restitution de la sommes en principal de 18 857 euros assortie d'intérêts moratoires à compter du 15 novembre 2012, date du règlement des impositions litigieuses et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par

un jugement n° 1506793 du 7 décembre 2017, le Tribunal administratif de Melun a ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mlle C...B...a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2009, d'ordonner la restitution de la sommes en principal de 18 857 euros assortie d'intérêts moratoires à compter du 15 novembre 2012, date du règlement des impositions litigieuses et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1506793 du 7 décembre 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 février et 16 septembre 2018, Mlle B...représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1506793 du Tribunal administratif de Melun du 7 décembre 2017 ;

2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2009 ;

3°) d'ordonner la restitution de la somme en principal de 18 857 euros, assortie d'intérêts moratoires à compter du 15 novembre 2012, date du règlement des impositions litigieuses ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

- les documents obtenus par l'administration auprès des sociétés transitaires en douane au titre de son droit de communication ne sont pas des livres comptables ou des documents ayant une corrélation certaine avec la comptabilité de ces sociétés, en méconnaissance de l'article L. 85 du livre des procédures fiscales ;

- ces documents ont été utilisés pour fonder les redressements ;

- l'administration n'a pas procédé au contrôle des sociétés en participation au sein desquelles elle est associée et n'a pas remis en cause la réalité des investissements qu'elles ont déclarés ;

- les propositions de rectifications qui ont été adressées aux sociétés en participation à la suite d'éventuels contrôles n'ont pas été jointes à la proposition de rectification ;

- la proposition de rectification vise un droit de communication exercé auprès de la société EDF alors que le droit de communication a été exercé auprès de la société ERDF ; ainsi, elle n'a pas été informée de l'origine exacte de l'information servant de fondement à la rectification ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

- les documents obtenus dans le cadre de son droit de communication sur lesquels l'administration a fondé sa proposition de rectification ne sont pas fiables, comme l'atteste le fait qu'elle ne se fonde plus sur ces mêmes documents pour la proposition de rectification au titre de l'année 2010 ;

- en exigeant que les centrales photovoltaïques financées soient " mises en capacité de fonctionner de manière autonome " l'administration a ajouté une condition ne figurant pas à l'article 199 undecies B du code général des impôts ;

- les attestations relatives à la livraison des centrales acquises par chacune des sociétés en participation dont elle était associée n'ont pas été remises en cause par l'administration, qui se borne à procéder de manière globale sans tenir compte de la réalisation d'une partie des investissements ;

- elle peut se prévaloir de l'instruction fiscale BOI 5 B-2-07 du 30 janvier 2007.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mlle B...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'énergie ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'arrêté du 17 octobre 1973 portant agrément d'un organisme (comité national pour la sécurité des usagers de l'électricité) pour exercer le contrôle de la conformité des installations électriques intérieures aux règlements et normes de sécurité ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Doré,

- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour MlleB....

Considérant ce qui suit :

1. Mlle C...B...est associée de plusieurs sociétés en participation (SEP) gérées par la société DOM TOM Défiscalisation (DTD). Elle a imputé sur le montant de son impôt sur le revenu au titre de l'année 2009, sur le fondement des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, une réduction d'impôt d'un montant de 16 200 euros du fait d'investissements réalisés en Martinique par l'intermédiaire de ces SEP, consistant en l'acquisition de centrales photovoltaïques données en location à d'autres sociétés en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a remis en cause cette réduction et mis à la charge de Mlle B... une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2009. Mlle B... fait appel du jugement du 7 décembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge de cette imposition et des pénalités correspondantes.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne l'absence de contrôle sur place des SEP :

2. Mlle B...qui a fait l'objet d'un contrôle sur pièces de sa déclaration, soutient que l'administration l'a privée des garanties attachées à la vérification de comptabilité des sociétés en participation dont elle est associée en ne recourant pas à cette procédure afin de déterminer de manière précise la nature et le nombre des investissements réalisés au niveau des SEP. Toutefois, il résulte de l'instruction que le supplément d'impôt mis à la charge de MlleB..., associée des SEP, résultent exclusivement de la remise en cause de la réduction d'impôt sur le revenu prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts dont elle a entendu bénéficier à titre personnel à raison d'investissements productifs réalisés en Martinique. L'imposition en litige ne procède pas du rehaussement du résultat de ces sociétés, taxable entre les mains de ses associés au prorata de leurs parts en application des dispositions de l'article 8 du code général des impôts relatif au régime d'imposition des sociétés de personnes. Dès lors, l'administration fiscale n'était pas tenue de procéder à la vérification de comptabilité des SEP dont Mlle B...est associée préalablement au contrôle sur pièces dont elle a fait l'objet. De plus, aucune disposition législative ou règlementaire ne fait obligation à l'administration de procéder à un contrôle sur place avant de remettre en cause le bénéfice d'une réduction d'impôt sur le revenu dont se prévaut un contribuable à raison d'investissements réalisés dans les départements d'outre-mer.

En ce qui concerne la motivation de la proposition de rectification :

3. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ".

4. Il résulte de ce qui a été exposé au point 2 que le supplément d'impôt mis à la charge de Mlle B...ne procède pas d'un rehaussement du résultat des sociétés en participation dans lesquelles elle était associée. Par suite, Mlle B...ne peut utilement soutenir que la proposition de rectification qui lui a été adressée le 24 octobre 2011 serait irrégulière faute de comporter en annexe les propositions de rectifications qui auraient été adressées aux sociétés en participation à la suite d'éventuels contrôles. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit donc être écarté.

En ce qui concerne l'exercice du droit de communication :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 (...) ". Aux termes de l'article L. 111-52 du code de l'énergie : " Les gestionnaires des réseaux publics de distribution d'électricité sont, dans leurs zones de desserte exclusives respectives : (...) 3° Le gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité est, dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental, l'entreprise Electricité de France ainsi que la société mentionnée à l'article L. 151-2. ".

6. Il résulte de l'instruction et notamment des mentions de la proposition de rectification adressée à Mlle B...le 24 octobre 2011, qu'un droit de communication a été exercé auprès de la société EDF le 14 décembre 2010 et le 17 mars 2011 en vertu des articles L. 81 et L. 83 du livre des procédures fiscales, ayant permis à l'administration d'en conclure qu'aucune demande de raccordement n'avait été faite pour les installations en cause. L'annexe n° 14 à la proposition de rectification comportait le mail échangé. Ainsi, Mlle B...ne peut soutenir qu'elle n'a pas été informée de l'origine exacte de l'information servant à la rectification ni que ces informations étaient imprécises, étant souligné qu'en application des dispositions précitées de l'article L. 111-52 du code de l'énergie, l'entreprise EDF est le gestionnaire du réseau public de distribution de l'électricité en Martinique.

7. Aux termes de l'article L. 85 du livre des procédures fiscales relatif à l'exercice du droit de communication auprès de personnes ayant la qualité de commerçants, dans sa rédaction alors applicable : " Les contribuables doivent communiquer à l'administration, sur sa demande, les livres dont la tenue est rendue obligatoire par les articles L. 123-12 à L. 123-28 du code de commerce ainsi que tous les livres et documents annexes, pièces de recettes et de dépenses (...). ". Il résulte de ces dispositions que les documents dont la communication peut être demandée par l'administration fiscale comprennent non seulement les documents comptables et financiers, mais aussi les documents de toute nature pouvant justifier le montant des recettes et dépenses. Par suite, l'administration a pu, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 85 du livre des procédures fiscales, solliciter auprès des sociétés transitaires en douane SA Pompière et Geodis Wilson Antilles le montant des importations de matériels photovoltaïques qu'elles avaient prises en charge au profit de la société Lynx Industrie Caraïbes.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

8. Aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (...) dans le cadre d'une entreprise exerçant (...) une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34 / (...) La réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé (...) " . Aux termes de l'article 95 Q de l'annexe II du même code : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée ou est mise à sa disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail (...) ".

9. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B est la date de la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé ou de sa livraison effective dans le département d'outre-mer. Dans ce dernier cas, la date à retenir est celle à laquelle l'entreprise, disposant matériellement de l'investissement productif, peut commencer son exploitation effective et, dès lors, en retirer des revenus. Par suite, s'agissant de l'acquisition de centrales photovoltaïques installées sur les toits des habitations des particuliers et données en location à des sociétés locales en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique, la date à retenir est celle du raccordement des installations au réseau public d'électricité, dès lors que les centrales photovoltaïques, dont la production d'électricité a vocation à être vendue par les sociétés exploitantes, ne peuvent être effectivement exploitées et par suite productives de revenus qu'à compter de cette date. Mlle B...ne peut ainsi utilement se prévaloir de la seule livraison des centrales photovoltaïques en cause.

10. Si Mlle B...conteste la valeur probante des éléments recueillis par l'administration dans le cadre de son droit de communication auprès d'EDF en relevant que le courriel ne mentionne pas le nom des sociétés concernées, l'administration produit également un tableau, complété par EDF, qui le mentionne. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que ce tableau aurait été, ainsi que le prétend la requérante, falsifié. Dans ces conditions, il résulte de l'instruction, notamment des renseignements obtenus par l'administration auprès de la société EDF, qu'aucune des centrales photovoltaïques au titre desquelles ont été pratiquées les réductions d'impôt litigieuses n'a fait l'objet au cours de l'année 2009, d'un raccordement au réseau électrique, condition pourtant nécessaire à l'exploitation des installations. Par suite, les investissements litigieux n'étant pas en capacité d'être productifs au 31 décembre de l'année d'imposition, c'est par une exacte application des dispositions précitées de l'article 199 undecies B du code général des impôts, et sans ajouter à la loi, que l'administration a estimé que les investissements déclarés par Mlle B...ne pouvaient être regardés comme ayant été effectivement réalisés au cours de l'année 2009, et a remis en cause la réduction d'impôt correspondante.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

11. Considérant que Mlle B...se prévaut de l'instruction fiscale BOI 5 B-2-07 du 30 janvier 2007 dont le paragraphe n° 148, relatif à l'année au titre de laquelle la réduction d'impôt est pratiquée, précise que : " Conformément aux dispositions du vingtième alinéa du I de l'article 199 undecies B, la réduction d'impôt est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé. Le premier alinéa de l'article 95 Q de l'annexe II prévoit que l'année de réalisation de l'investissement s'entend de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée, c'est-à-dire achevée, par l'entreprise ou lui est livrée au sens de l'article 1604 du code civil, ou est mise à disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail (...) ". Il résulte toutefois de ce paragraphe qu'il exclut expressément que la réduction d'impôt puisse être pratiquée si l'immobilisation n'a pas été achevée au cours de l'année en cause. Des centrales photovoltaïques ne constituant pas, par elles-mêmes, des moyens d'exploitation permanents ou durables capables, avant toute installation, de fonctionner de manière autonome, l'interprétation donnée par la doctrine invoquée de la notion de livraison est, en l'espèce, sans incidence sur le fait générateur du droit à déduction. Par suite, la doctrine invoquée ne contient aucune interprétation du texte fiscal différente de celle dont l'administration a fait application en l'espèce.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mlle B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au remboursement des sommes réglées assorties d'intérêts moratoires, ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mlle B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle C...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (Pôle fiscale Parisien 1).

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Poupineau, président assesseur,

- M. Doré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 octobre 2018.

Le rapporteur,

F. DORELe président,

S.-L. FORMERYLe greffier,

C. RENE-MINE

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 18PA00463


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00463
Date de la décision : 04/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-05-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Établissement de l'impôt. Réductions et crédits d`impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. FRANCOIS DORE
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : BEGIN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-10-04;18pa00463 ?
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