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04/10/2018 | FRANCE | N°18PA00464

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 04 octobre 2018, 18PA00464


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mlle C...B...a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010 et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1604184 du 7 décembre 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enreg

istrés les 8 février et 16 septembre 2018, Mlle B...représentée par Me A..., demande à la Cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mlle C...B...a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010 et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1604184 du 7 décembre 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 février et 16 septembre 2018, Mlle B...représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1604184 du Tribunal administratif de Melun du 7 décembre 2017 ;

2°) de prononcer la décharge de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient :

- que sa réclamation en date du 30 décembre 2015 n'était pas tardive ;

- que la procédure d'imposition suivie à son endroit est irrégulière, dès lors que l'administration a méconnu l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales en ne lui communiquant pas le dossier pénal sur lequel elle a fondé sa proposition de rectification ; que l'administration devait procéder à des investigations sur place afin de déterminer de manière précise la nature et le nombre des investissements réalisés au niveau de la société en participation (SEP) dans laquelle elle était associée ; que les propositions de rectifications qui ont été adressées aux sociétés en participation à la suite d'éventuels contrôles n'ont pas été jointes à la proposition de rectification ;

- que son investissement répond aux conditions de l'article 199 undecies B du code général des impôts ;

- qu'elle peut se prévaloir du paragraphe n° 148 de l'instruction référencée 5 B-2-07 du 30 janvier 2007.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la requête de Mlle B...est irrecevable en raison de la tardiveté de sa réclamation préalable et que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Doré,

- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour MlleB....

Une note en délibéré, enregistrée le 27 septembre 2018, a été présentée pour Mlle B....

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision en date du 28 décembre 2012, l'administration fiscale a rejeté la réclamation de Mlle B...sollicitant le bénéfice d'un crédit d'impôt de 16 667 euros sur le fondement de l'article 199 undecies B du code général des impôts et la décharge de la cotisation d'impôt sur le revenu mise à sa charge au titre de l'année 2010 par un avis d'imposition en date du 20 décembre 2011. Elle a présenté, le 31 décembre 2015, une nouvelle réclamation ayant le même objet. En l'absence de réponse, elle a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une requête tendant à la décharge de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010 et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement du 7 décembre 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa requête comme irrecevable.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscale : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : a. De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

3. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que l'avis d'imposition ou l'avis de mise en recouvrement par lequel l'administration porte les impositions à la connaissance du contribuable doit mentionner l'existence et le caractère obligatoire, à peine d'irrecevabilité d'un éventuel recours juridictionnel, de la réclamation prévue à l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales, ainsi que les délais de forclusion dans lesquels le contribuable doit présenter cette réclamation et, d'autre part, que le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours ou l'absence de preuve qu'une telle information a été fournie est de nature à faire obstacle à ce que les délais prévus par les articles R. 196-1 et R. 196-2 du livre des procédures fiscales lui soient opposables.

4. Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. Dans le cas où le recours juridictionnel doit obligatoirement être précédé d'un recours administratif, celui-ci doit être exercé, comme doit l'être le recours juridictionnel, dans un délai raisonnable. Le recours administratif préalable doit être présenté dans le délai prévu par les articles R. 196-1 ou R. 196-2 du livre des procédures fiscales, prolongé, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le contribuable, d'un an. Dans cette hypothèse, le délai de réclamation court à compter de l'année au cours de laquelle il est établi que le contribuable a eu connaissance de l'existence de l'imposition.

5. Faute pour l'administration de justifier de la date de notification de l'avis d'imposition du 20 décembre 2011, Mlle B...doit être regardée comme ayant eu connaissance de l'existence de l'imposition litigieuse au plus tard à la date du 28 décembre 2012, à laquelle l'administration a répondu à sa première réclamation. En outre, l'administration fiscale a indiqué, en réponse à une mesure d'instruction de la Cour, ne pas pouvoir justifier que l'avis d'imposition du 20 décembre 2011 comportait la mention des délais de recours. Par suite, le délai dont disposait Mlle B...pour présenter son recours administratif préalable expirait, conformément à la règle exposée aux points 2 à 4, le 31 décembre 2015. Dès lors, la réclamation présentée le 31 décembre 2015 par Mlle B...n'était pas tardive et c'est à tort que le tribunal a rejeté comme irrecevable la demande dont il était saisi. Le jugement n° 1604184 du Tribunal administratif de Melun en date du 7 décembre 2017 doit donc être annulé.

6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mlle B....

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

7. En premier lieu, l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales dispose que : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

8. Il résulte de l'instruction que Mlle B...a déposé une réclamation tendant au remboursement d'un trop-payé d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2010 à raison d'un crédit d'impôt revendiqué sur le fondement de l'article 199 undecies B du code général des impôts. La décision par laquelle l'administration a rejeté cette réclamation n'a pas le caractère d'une procédure de reprise ou de redressement, de sorte que les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ne trouvaient pas à s'appliquer. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut être utilement invoqué par MlleB....

9. En deuxième lieu, Mlle B...n'ayant pas été destinataire d'une proposition de rectification, elle ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.

10. En troisième lieu, l'imposition en litige ne procède pas du rehaussement de la quote-part de Mlle B...dans les résultats des sociétés en participation dont elle était associée, mais du refus de l'administration de lui accorder le bénéfice de la réduction d'impôt dont elle se prévalait sur le fondement de l'article 199 undecies B du code général des impôts. Dès lors, l'administration fiscale n'était pas tenue de procéder préalablement à un contrôle de ces sociétés.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

11. Aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (...) dans le cadre d'une entreprise exerçant (...) une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34 / (...) La réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé (...) " . Aux termes de l'article 95 Q de l'annexe II du même code : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée ou est mise à sa disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail (...) ".

12. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B est la date de la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé ou de sa livraison effective dans le département d'outre-mer. Dans ce dernier cas, la date à retenir est celle à laquelle l'entreprise, disposant matériellement de l'investissement productif, peut commencer son exploitation effective et, dès lors, en retirer des revenus. Par suite, s'agissant de l'acquisition de centrales photovoltaïques installées sur les toits des habitations des particuliers et données en location à des sociétés en nom collectif en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique, la date à retenir est celle du raccordement des installations au réseau public d'électricité, dès lors que les centrales photovoltaïques, dont la production d'électricité a vocation à être vendue par les sociétés exploitantes, ne peuvent être effectivement exploitées et par suite productives de revenus qu'à compter de cette date. Mlle B...ne peut ainsi utilement se prévaloir de la seule livraison des centrales photovoltaïques en cause.

13. Il est constant qu'aucune des centrales photovoltaïques au titre desquelles ont été pratiquées les réductions d'impôt litigieuses n'a fait l'objet, au cours de l'année 2010, d'un raccordement au réseau électrique, condition pourtant nécessaire à l'exploitation des installations. Par suite, les investissements litigieux n'étant pas en capacité d'être productifs au 31 décembre de l'année d'imposition, c'est par une exacte application des dispositions précitées de l'article 199 undecies B du code général des impôts, et sans ajouter à la loi, que l'administration a estimé que les investissements déclarés par Mlle B...ne pouvaient être regardés comme ayant été effectivement réalisés au cours de l'année 2010, et a refusé la réduction d'impôt demandée.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

14. Mlle B...se prévaut de l'instruction fiscale BOI 5 B-2-07 du 30 janvier 2007 dont le paragraphe n° 148, relatif à l'année au titre de laquelle la réduction d'impôt est pratiquée, précise que : " Conformément aux dispositions du vingtième alinéa du I de l'article 199 undecies B, la réduction d'impôt est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé. Le premier alinéa de l'article 95 Q de l'annexe II prévoit que l'année de réalisation de l'investissement s'entend de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée, c'est-à-dire achevée, par l'entreprise ou lui est livrée au sens de l'article 1604 du code civil, ou est mise à disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail (...) ". Il résulte toutefois de ce paragraphe qu'il exclut expressément que la réduction d'impôt puisse être pratiquée si l'immobilisation n'a pas été achevée au cours de l'année en cause. Des centrales photovoltaïques ne constituant pas, par elles-mêmes, des moyens d'exploitation permanents ou durables capables, avant toute installation, de fonctionner de manière autonome, l'interprétation donnée par la doctrine invoquée de la notion de livraison est, en l'espèce, sans incidence sur le fait générateur du droit à déduction. Par suite, la doctrine invoquée ne contient aucune interprétation du texte fiscal différente de celle dont l'administration a fait application en l'espèce.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mlle B...n'est pas fondée à demander la décharge de l'imposition litigieuse. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante en la présente instance, verse à la requérante la somme qu'elle demande sur ce fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1604184 du Tribunal administratif de Melun en date du 7 décembre 2017 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mlle B...devant le Tribunal administratif de Melun et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle C...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (Pôle fiscal parisien 1).

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Poupineau, président assesseur,

- M. Doré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 octobre 2018.

Le rapporteur,

F. DORELe président,

S.-L. FORMERYLe greffier,

C. RENE-MINE

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 18PA00464


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00464
Date de la décision : 04/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Réclamations au directeur - Délai.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Établissement de l'impôt - Réductions et crédits d`impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. FRANCOIS DORE
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : BEGIN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-10-04;18pa00464 ?
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