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20/11/2018 | FRANCE | N°17PA00862-17PA00865

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 20 novembre 2018, 17PA00862-17PA00865


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme G...ainsi que la société FILIA-MAIF ont demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner solidairement la commune de Mauregard, la Société Nouvelle de Travaux Publics et Particuliers (SNTPP), la communauté de communes de la Plaine de France et la société la Lyonnaise des eaux à leur verser la somme totale de 520 187,16 euros en réparation des préjudices subis.

Par un jugement n° 0908107/10 du 30 décembre 2016, le Tribunal administratif de Melun a condamné la société Lyonnais

e des eaux à verser à M. et Mme G...la somme de 220 334,81 euros et à leur assureur,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme G...ainsi que la société FILIA-MAIF ont demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner solidairement la commune de Mauregard, la Société Nouvelle de Travaux Publics et Particuliers (SNTPP), la communauté de communes de la Plaine de France et la société la Lyonnaise des eaux à leur verser la somme totale de 520 187,16 euros en réparation des préjudices subis.

Par un jugement n° 0908107/10 du 30 décembre 2016, le Tribunal administratif de Melun a condamné la société Lyonnaise des eaux à verser à M. et Mme G...la somme de 220 334,81 euros et à leur assureur, la FILIA-MAIF, celle de 26 124,42 euros et a mis à sa charge les frais des deux expertises.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête n° 17PA00862 et un mémoire, enregistrés les 10 mars 2017 et 30 octobre 2018, la société Suez Eau France anciennement dénommée Lyonnaise des eaux, représentée par Me A...E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 30 décembre 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme G...et la société FILIA-MAIF devant le Tribunal administratif de Melun ;

3°) à titre subsidiaire, de ramener à de plus justes proportions le montant des indemnités sollicitées par M. et Mme G...au titre de leur préjudice de jouissance et de leur préjudice moral ;

4°) de mettre à la charge de M. et Mme G...et de la FILIA MAIF ou de tout succombant la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- l'action des époux G...est irrecevable car prescrite ;

- elle n'a aucun lien avec la commune et n'a aucune obligation solidaire avec elle ; en tout état de cause, elle ne saurait être condamnée à garantir la commune d'une éventuelle condamnation à son encontre, aucun lien de causalité n'étant établi entre les préjudices de celle-ci et une éventuelle faute de sa part ;

- aucun défaut d'entretien normal du réseau n'a pu être mis en évidence par l'expert ;

- le préjudice de jouissance invoqué n'est pas établi ; en tout état de cause, la valeur locative retenue à hauteur de 900 euros est excessive et devra être réduite à une valeur plus juste au regard du prix du marché à l'époque des faits ;

- le certificat médical établissant qu'elle souffre d'une pelade du cuir chevelu de manière récurrente ne suffit pas à établir le lien de causalité direct et certain avec les désordres ayant affecté leur maison.

Par un mémoire, enregistré le 22 mai 2017, la commune de Mauregard, représentée par Me D...conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Suez Eau France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la créance invoquée n'est pas prescrite à l'égard de société Suez Eau France ;

- le dommage allégué n'est pas dû à un fait imputable aux entreprises travaillant pour le compte de la commune ;

- en l'espèce, et en dépit de deux expertises judiciaires, aucun fait imputable à une commune ou à une entreprise intervenant pour son compte n'a pu être établi de manière certaine ;

- seule la SNTPP est intervenue pour le compte de la commune entre décembre 2001 et mai 2002, mais jamais à proximité immédiate de la propriété des requérants ; elle n'a donc pu contribuer à la survenance du dommage ;

- seule peut donc être ici recherchée, sur le terrain de la responsabilité sans faute à l'égard des tiers, la responsabilité du responsable de la bouche d'incendie fuyarde, à savoir la société Suez Eau France dans le cadre de son contrat d'affermage pour la distribution d'eau potable ;

- en tout état de cause, la société requérante ne le conteste pas et ne critique pas le jugement pas sur ce point ;

- très subsidiairement, la responsabilité de la commune ne saurait être recherchée dans la mesure où ses compétences en la matière ont été transférées à un EPCI, la communauté de communes de la Plaine de France ;

- et si la responsabilité de la commune venait à être retenue, la SNTPP devrait être condamnée à la couvrir intégralement de toute condamnation à son encontre ;

- le préjudice des époux G...est surévalué et non justifié, la maison des G...était déjà en mauvais état lorsqu'ils l'ont achetée et les travaux qu'ils ont entrepris ont pu déstabiliser le sol et entraîner l'affaissement du terrain qui est de nature alluvionnaire et donc meuble.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2017, M. et Mme G...ainsi que le groupe MAÏF, représentés par Me B...concluent au rejet de la requête et, à titre incident, à la condamnation solidaire de la commune de Mauregard, de la société SNTPP, de la communauté de communes de la Plaine de France et de la société Suez Eau France à leur verser la somme de 520 187,16 euros en réparation des préjudices subis, enfin à ce que les sommes de 3 000 et 5 000 euros soient mises solidairement à la charge de ces derniers au titre des procédures respectives devant la Cour et devant le tribunal, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- lors du dépôt du mémoire enregistré le 16 juillet 2016, l'action n'était pas prescrite à raison des différents actes interruptifs de prescription et ils n'ont disposé des éléments pour introduire l'action au fond à l'encontre de la société Suez Eau France que lors du dépôt du rapport d'expertise judiciaire en juin 2015, ce qui constitue le point de départ du délai de prescription ; il convient en outre de prendre en considération l'aggravation des dommages après les procédures de 2010, ce qui a encore permis de reporter le délai de prescription ;

- c'est à juste titre que le tribunal administratif a retenu la responsabilité de la société Suez Eau France qu'elle ne conteste d'ailleurs pas ;

- c'est toutefois à tort qu'il a rejeté la responsabilité des autres défendeurs alors même qu'elle aurait dû être retenue solidairement avec la société Suez Eau France ;

- la responsabilité sans faute de la commune de Mauregard, des dommages causés aux tiers, devra également être retenue en tant que maître d'ouvrage de travaux publics dès lors qu'elle a fait réaliser les travaux publics relatifs notamment à la réfection et rénovation de son réseau d'eau et d'assainissement dans la rue Galai aux droits de la propriété des épouxG... et que l'expert a établi un lien entre ces travaux et les désordres constatés sur leur habitation ;

- la société SNTPP devra être déclarée responsable de l'ensemble des préjudices qu'ils ont subi sur le fondement des articles 1382 et suivants du code civil ;

- la communauté de communes de la Plaine de France engage également sa responsabilité à raison des dommages causés aux tiers en raison tant de l'existence que du fonctionnement du réseau d'eau de la commune de Mauregard ;

- s'agissant des préjudices, la décision du tribunal sera confirmée s'agissant de préjudice de son assureur la MAÏF ;

- si l'expert préconise une reprise du sous-sol et de tous les murs, il semble en réalité nécessaire de réaliser une démolition du bien ;

- si l'expert convient a minima de la nécessité d'une démolition de l'extension uniquement, il ne l'inclus pas dans le chiffrage des reprises, ne leur permettant que de solliciter une provision à ce titre et de réserver leur demande globale ;

- à ce jour, le coût de la reprise globale du bien peut être évalué à 94 893,16 euros pour la reprise en sous-oeuvre, 5 500 euros pour la charpente et couverture du bâtiment, 60 000 euros au titre de leur investissement personnel dans leur logement, 14 000 euros pour le ravalement extérieur, 15 000 euros pour la reprise des embellissements intérieurs, 7 356 euros pour l'électricité et 28 638 euros pour les aménagements intérieurs, soit un total de 225 387,16 euros de provision ;

- le préjudice de jouissance de leur bien devenu inhabitable à compter du début de l'année 2008 s'établit à 116 800 euros au total pour la période de juin 2002 à juin 2016 eu égard à la valeur locative du logement de 900 euros par mois ;

- la dépréciation de la valeur de leur bien doit être évaluée à la somme de 170 000 euros ;

- leur préjudice moral peut être évalué à 8 000 euros, dès lors, en particulier, qu'ils venaient, à la date des faits, de terminer les travaux et l'aménagement de leur bien, que Mme G... était enceinte de leur premier enfant et que le projet familial qu'ils avaient conçus dans cette maison n'a pas pu aboutir.

Par un mémoire, enregistré le 3 novembre 2017, la Société Nouvelle de Travaux Publics et Particuliers (SNTPP), représentée par Me I...conclut au rejet de la requête, de l'appel en garantie formulé à son encontre à titre subsidiaire par la commune et de l'appel incident formulé par M. et Mme G...et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de ces derniers au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa responsabilité ne saurait être engagée puisqu'elle n'est jamais intervenue dans la zone où s'est produit le sinistre, ainsi que l'a confirmé la commune ;

- c'est faute d'avoir pu établir la réalité d'une quelconque des hypothèses émises que l'expert a conclu à une responsabilité collective incluant la sienne.

II. Par une requête n° 17PA00865, enregistrée le 10 mars 2017, la société Suez Eau France anciennement dénommée Lyonnaise des eaux, représentée par Me A...E..., demande à la cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 0908107/10 du 30 décembre 2016 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de mettre à la charge de tout succombant la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- elle est légitime à mettre en doute la capacité de M. et Mme G...à restituer l'argent des condamnations qu'ils auront immédiatement investi, ce qui est susceptible d'entraîner pour elle des conséquences difficilement réparables.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 mai 2017, la commune de Mauregard conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce que le sursis soit limité à l'article 1er du jugement et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Suez Eau France, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la seule circonstance que les bénéficiaires du jugement entrepris soient des particuliers ne saurait les faire par principe regarder comme dénués de tout bon jugement quant à l'emploi des sommes perçues.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2017, M. et Mme G...ainsi que le groupe MAÏF, représentés par Me B...concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Suez Eau France d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les conditions du sursis à exécution ne sont pas remplies.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pena,

- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant la société Suez Eau France, et de Me F..., représentant la commune de Mauregard.

1. Considérant qu'au cours de l'année 2002, des désordres telles des fissures, affaissements de sols et des décalages de portes-fenêtres sont apparus sur la façade de la maison de M. et Mme G...située sur le territoire de la commune de Mauregard au 1 rue Galai ; que par une requête en référé du 18 décembre 2002, les époux G...ont saisi le président du Tribunal administratif de Melun lequel a désigné, par une ordonnance du 6 janvier 2003, M. H... en qualité d'expert ; que par une requête enregistrée au greffe de ce même Tribunal le 17 novembre 2009, M. et Mme G...et leur assureur la FILIA-MAÏF ont réclamé la condamnation solidaire de la commune de Mauregard et de la société SNTPP à leur réparer les préjudices subis ; que, dans le même temps, ils ont saisi le juge de référés d'une demande de versement d'une provision à hauteur de 136 124,42 euros ; que devant les difficultés du juge des référés à déterminer les causes des désordres, mais aussi en raison de l'évolution de ces derniers, la commune de Mauregard a sollicité une nouvelle expertise ; que par ordonnance du

11 mai 2012, la présidente du Tribunal administratif de Melun a désigné M. J...en tant qu'expert ; que ce dernier a déposé son rapport le 21 juillet 2015 ; que M. et Mme G...ont alors demandé la condamnation solidaire de l'ensemble des parties mises en cause par l'expert, à savoir la commune de Mauregard, la Société Nouvelle de Travaux Publics et Particuliers (SNTPP) la communauté de communes de la Plaine de France et la société Lyonnaise des eaux, à réparer l'ensemble de leurs préjudices ; que par un jugement du 30 décembre 2016, le tribunal administratif a condamné la société Lyonnaise des eaux à verser à M. et Mme G...la somme de 220 334,81 euros et à leur assureur, la FILIA-MAIF, celle de 26 124,42 euros ; que la société Suez Eau France, anciennement dénommée Lyonnaise des eaux, relève appel de ce jugement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la société Suez Eau France à la demande de première instance :

2. Considérant que la société Suez Eau France persiste à opposer, devant la Cour, la prescription de l'action entreprise par M. et Mme G...devant le Tribunal administratif de Melun en faisant valoir que les premiers désordres sur leur propriété ayant été constatés et déclarés aux assurances en juin 2002, leur demande de condamnation formulée pour la première fois à son encontre dans un mémoire du 12 juillet 2016 était forcément tardive, dès lors que ni les requérants ni la commune de Mauregard n'avaient interrompu le délai de prescription qui aurait, en vertu des dispositions de l'article 2270-1 du code civil, expiré le 15 juin 2012 ; que toutefois, s'il est constant que ce n'est que dans leur mémoire enregistré au greffe du tribunal en juillet 2016 que les époux G...ont pour la première fois demandé la condamnation solidaire des différents intervenants dont la société Lyonnaise des eaux devenue depuis Suez Eau France, il l'est tout autant que ce n'est qu'à compter du dépôt du rapport de la seconde expertise réalisée par M. J...en juillet 2015 que l'identité de tous les responsables potentiels des désordres subis par leur propriété leur a été révélée ; que, dès lors, la prescription quadriennale n'était pas acquise lorsque les époux G...ont mis en cause directement pour la première fois dans leurs écritures la société lyonnaise des eaux en juillet 2016 ;

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne les causes des désordres :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction et en particulier du rapport d'expertise de M. H... déposé au greffe le 4 février 2008 et de celui de M.J..., déposé le 21 juillet 2015, que la cause principale et déterminante des désordres constatés sur la propriété de

M. et Mme G...est constituée par d'importantes fuites d'eau dues à la rupture de la bride d'alimentation en eau sous pression de la borne d'incendie située contre la façade de leur maison à l'angle de la rue Porte de la Ville et de la rue Galai ; que cette fuite a provoqué un phénomène de décompression du sol autour et sous les fondations du bâtiment occasionnant l'apparition de vides dans le terrain ainsi que des affouillements et des affaissements localisés ; que la transmission des mouvements de tassement aux superstructures a alors provoqué un basculement de la partie ouest du bâtiment ainsi que des fissures importantes dans les parties les plus touchées par les tassements, en particulier autour des ouvertures ; que le rapport de M. J...indique que la rupture de la bride a été probablement causée par un choc sous la prise d'incendie provoqué par un engin de chantier, par du matériel de chantier lors de son stockage ou par un véhicule lors d'un stationnement, sans pour autant qu'il soit possible d'écarter le fait que la rupture ait pour cause un défaut inhérent à la nature et/ou la mise en oeuvre de la prise d'incendie ; qu'aucune des parties en présence ne constate les conclusions des rapports sur ce point ;

En ce qui concerne la détermination de la personne responsable :

4. Considérant qu'en cas de dommages causés à des tiers par un ouvrage public, la victime peut en demander réparation, même en l'absence de faute, aussi bien au maître de l'ouvrage, au maître de l'ouvrage délégué, à l'entrepreneur ou au maître d'oeuvre, à moins que ces dommages ne soient imputables à une faute de la victime ou à un cas de force majeure ; que la personne responsable ne peut se prévaloir du fait d'un tiers ; qu'en cas de délégation limitée à la seule exploitation de l'ouvrage, comme c'est le cas en matière d'affermage, si la responsabilité des dommages imputables à son fonctionnement relève du délégataire, sauf stipulations contractuelles contraires, celle résultant de dommages imputables à son existence, à sa nature et à son dimensionnement, appartient à la personne publique délégante ; que ce n'est qu'en cas de concession d'un ouvrage public c'est-à-dire d'une délégation de sa construction et de son fonctionnement, que peut être recherchée par des tiers la seule responsabilité du concessionnaire, sauf insolvabilité de ce dernier, en cas de dommages imputables à l'existence ou au fonctionnement de cet ouvrage ;

5. Considérant que le district de la Plaine de France, auquel la commune de Mauregard a notamment délégué, lors de sa création le 22 mai 1990, sa compétence en matière de gestion du service de distribution d'eau potable, devenu la communauté de communes de la Plaine de France, a conclu le 11 septembre 1992 avec la Lyonnaise des eaux - Dumez, devenue Lyonnaise des eaux, un contrat d'affermage lui délégant l'exploitation de son service de distribution publique d'eau potable ; que ce contrat stipule à son article 4 : " Dès la prise en charge des installations, le Fermier est responsable du bon fonctionnement du service, dans le cadre des dispositions du présent Cahier des Charges. / Le Fermier est tenu de couvrir sa responsabilité civile par une police d'assurance dont il donne connaissance à la collectivité. / La responsabilité civile de la collectivité résultant de l'existence des ouvrages dont la collectivité est propriétaire, incombe à celle-ci " et à son article 20 " (...) Les travaux d'entretien et de grosses réparation sont exécutés par le Fermier, à ses frais, conformément à l'article 21 (...) ; " ; qu'aux termes de cet article 21 : " Tous les ouvrages, équipements et matériels permettant la marche de l'exploitation y compris les compteurs et les branchements, seront entretenus en bon état de fonctionnement et réparés par les soins du Fermier, à ses frais. " ; qu'il résulte des principes précédemment rappelés que si la communauté de communes de la Plaine de France, à laquelle incombe la compétence de la distribution d'eau potable, demeure responsable des dommages imputables à l'existence, à la nature et au dimensionnement de l'ouvrage, la responsabilité de la société Lyonnaise des eaux doit être recherchée, en sa qualité de fermier reçu délégation de l'exploitation de l'ouvrage, au titre de son fonctionnement ;

6. Considérant qu'au regard de ces principes et des stipulations du contrat d'affermage liant le district de la Plaine de France, auquel la commune de Mauregard avait notamment délégué sa compétence en matière de gestion du service de distribution d'eau potable, devenu la communauté de communes de la Plaine de France, et la Lyonnaise des eaux, devenue depuis la société Suez Eau France, le tribunal a considéré, alors qu'aucune faute de la part d'aucune des parties mises en cause n'avait pu être révélée au cours des opérations expertises, que

M. et MmeG..., tiers par rapport à l'ouvrage public en question, étaient fondés à rechercher la responsabilité sans faute de la Lyonnaise des eaux ; que M. et Mme G...persistent toutefois à solliciter la condamnation solidaire de la SNTPP, de la commune de Mauregard, de la communauté de communes de la Plaine de France et de la société Suez Eau de France ; que si l'expert J...a, il est vrai, conclu à une responsabilité collective et solidaire de ces deux collectivités et deux sociétés, il y a toutefois lieu de considérer, en l'absence de toute explication objective de la cause de la fuite de la borne à incendie mais aussi de l'absence de production de ceux des documents tels des cahiers des charges de contrats, qui auraient pu apporter un début d'explication ou bien à tout le moins d'écarter définitivement certaines hypothèses, que c'est à juste titre que le tribunal a mis à la charge du fermier, la société Lyonnaise des eaux devenue Suez Eau France, à défaut de clauses contractuelles contraires, la réparation de l'ensemble des préjudices subis par M. et Mme G...en tant que responsable de l'exploitation ou du bon fonctionnement de l'ouvrage en question ;

Sur les préjudices :

7. Considérant que l'indemnité susceptible d'être allouée à la victime d'un dommage de travaux publics a pour vocation de replacer cette dernière, autant que faire se peut, dans la situation qui aurait été la sienne si le dommage ne s'était pas produit ; qu'à ce titre, si elle est en droit d'obtenir l'indemnisation de l'intégralité des préjudices, qui sont en lien direct et certain avec les travaux incriminés, il lui appartient d'établir par tous moyens la réalité de ces derniers tant dans leur principe que dans leur montant ;

En ce qui concerne les préjudices matériels :

8. Considérant que la somme de 26 124,42 euros allouée à la FILIA-MAÏF, assureur des épouxG..., qui ne fait l'objet d'aucune contestation doit être confirmée ; que doivent également être confirmées la somme de 100 393,16 euros également non-contestée accordée au titre des travaux de reprise en sous-oeuvre, ainsi que celle de 10 950,90 euros pour les travaux de ravalement de façade, de 13 134,75 euros pour les travaux d'embellissement intérieur, de 7 356 euros pour la réfection des installations électriques et de 28 500 euros au titre des aménagements intérieurs qui, si elles sont très légèrement inférieures aux préconisations de l'expert, correspondent au devis produits ;

9. Considérant en revanche, que si les époux G...persistent à solliciter l'indemnisation de l'ensemble des frais qu'ils ont engagés pour les travaux qu'ils ont effectués eux-mêmes dans leur maison depuis son achat en 2000 et qu'ils évaluent à 60 000 euros, cette demande ne pourra qu'être rejetée dans la mesure où, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les travaux de réfection permettront de remettre la maison dans l'état où elle était avant l'apparition des désordres ;

En ce qui concerne la perte de valeur vénale de la maison de M. et MmeG... :

10. Considérant qu'ainsi que l'ont également à bon droit considéré les premiers juges, la perte de valeur vénale de la maison des époux G...ne présente en l'espèce qu'un caractère éventuel et ne saurait dans ces conditions donner lieu à indemnisation dès lors qu'il n'est aucunement établi que les mesures de réhabilitation de leur propriété seraient inefficaces et rendraient leur bien impropre à la revente au prix du marché ;

En ce qui concerne le trouble de jouissance et le préjudice moral :

11. Considérant qu'il ne saurait être contesté que M. et Mme G...ont subi un important préjudice de jouissance dès lors que, jusqu'en 2008, leur maison n'était plus que partiellement habitable et qu'elle est devenue inhabitable en 2008, date à laquelle ils ont dû déménager ; qu'il y a tout lieu de croire qu'ils avaient effectivement beaucoup investi tant financièrement que moralement dans cette maison, qui était leur premier achat et dans laquelle ils avaient projeté de construire leur vie familiale ; que dès lors, la somme de 60 000 euros accordée à ce titre par le tribunal doit être confirmée en ce qu'elle n'est ni insuffisante ni excessive ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Suez Eau France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun l'a condamné à verser la somme globale de 220 334,81 euros en réparation des préjudices subis par les époux G...;

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement contesté :

13. Considérant que le présent arrêt statuant sur la requête au fond de la société Suez Eau France dirigée contre le jugement attaqué, les conclusions de sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet ;

Sur les frais d'expertise :

14. Considérant qu'il y a lieu de maintenir les frais des deux expertises à la charge de la société Suez Eau France ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

16. Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que soient mises à la charge de M. et Mme G...et de la FILIA-MAIF qui ne sont pas la partie perdante, une quelconque somme au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Suez Eau France la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme G...et leur assureur, FILIA-MAIF, et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Suez Eau France ainsi que les conclusions présentées à titre incident par M. et Mme G...sont rejetés.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 17PA00865.

Article 3 : Les frais des deux expertises devant le Tribunal administratif de Melun taxés et liquidés aux sommes de 19 834,82 euros et de 20 733 euros sont mis à la charge définitive de la société Suez Eau France.

Article 4 : La société Suez Eau France versera à M. et Mme G...et à la FILIA-MAIF, la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

Article 5 : Les conclusions de la commune de Mauregard et de la SNTPP présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et MmeG..., à la FILIA-MAIF, à la SNTPP, à la commune de Mauregard, à la communauté de communes de la Plaine de France et à la société Suez Eau de France.

Délibéré après l'audience du 6 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 20 novembre 2018.

Le rapporteur,

E. PENALe président,

M. BOULEAULe greffier,

A. DUCHER

La République mande et ordonne au préfet de Seine-de-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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Nos 17PA00862, 17PA00865


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA00862-17PA00865
Date de la décision : 20/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Eléonore PENA
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : SCP PINSON SEGERS DAVEAU et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-11-20;17pa00862.17pa00865 ?
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