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20/11/2018 | FRANCE | N°17PA00863-17PA00864

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 20 novembre 2018, 17PA00863-17PA00864


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme K...ont demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner solidairement la commune de Mauregard, la Société Nouvelle de Travaux Publics et Particuliers (SNTPP), la communauté de communes de la Plaine de France et la société la Lyonnaise des eaux à leur verser la somme totale de 95 138,36 euros en réparation des préjudices subis.

Par un jugement n° 1105869/10 du 30 décembre 2016, le Tribunal administratif de Melun a condamné la société Lyonnaise des eaux à verser à M. et Mme K

...la somme de 48 849,92 euros et a mis à sa charge les frais des deux expertises.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme K...ont demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner solidairement la commune de Mauregard, la Société Nouvelle de Travaux Publics et Particuliers (SNTPP), la communauté de communes de la Plaine de France et la société la Lyonnaise des eaux à leur verser la somme totale de 95 138,36 euros en réparation des préjudices subis.

Par un jugement n° 1105869/10 du 30 décembre 2016, le Tribunal administratif de Melun a condamné la société Lyonnaise des eaux à verser à M. et Mme K...la somme de 48 849,92 euros et a mis à sa charge les frais des deux expertises.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête n° 17PA00863 et un mémoire, enregistrés les 10 mars 2017 et 30 octobre 2018, la société Suez Eau France anciennement dénommée Lyonnaise des eaux, représentée par Me A...D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 30 décembre 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme K...devant le Tribunal administratif de Melun ou, à titre subsidiaire, de rejeter leur demande présentée au titre du préjudice de jouissance ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme K...ou de tout succombant la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- l'action des époux K...est irrecevable car prescrite ;

- elle n'a aucun lien avec la commune et n'a aucune obligation solidaire avec elle ; en tout état de cause, elle ne saurait être condamnée à garantir la commune d'une éventuelle condamnation à son encontre, aucun lien de causalité n'étant établi entre les préjudices de celle-ci et une éventuelle faute de sa part ;

- aucun défaut d'entretien normal du réseau n'a pu être mis en évidence par l'expert ;

- il convient de suivre les préconisations de l'expert pour l'indemnisation des préjudices des épouxK... et de confirmer les chiffres retenus au titre du préjudice matériel par le tribunal ; le préjudice de jouissance invoqué n'est quant à lui pas établi.

Par un mémoire, enregistré le 22 mai 2017, la commune de Mauregard, représentée par Me C...conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Suez Eau France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la créance invoquée n'est pas prescrite à l'égard de société Suez Eau France ;

- le dommage allégué n'est pas dû à un fait imputable aux entreprises travaillant pour le compte de la commune ;

- en l'espèce, et en dépit de deux expertises judiciaires, aucun fait imputable à une commune ou à une entreprise intervenant pour son compte n'a pu être établi de manière certaine ;

- seule la SNTPP est intervenue pour le compte de la commune entre décembre 2001 et mai 2002, mais jamais à proximité immédiate de la propriété des requérants ; elle n'a donc pu contribuer à la survenance du dommage ;

- seule peut donc être ici recherchée, sur le terrain de la responsabilité sans faute à l'égard des tiers, la responsabilité du responsable de la bouche d'incendie fuyarde, à savoir la société Suez Eau France dans le cadre de son contrat d'affermage pour la distribution d'eau potable ;

- en tout état de cause, la société requérante ne le conteste pas et ne critique pas le jugement sur ce point ;

- très subsidiairement, la responsabilité de la commune ne saurait être recherchée dans a mesure où ses compétences en la matière ont été transférées à un EPCI, la communauté de communes de la Plaine de France ;

- et si la responsabilité de la commune venait à être retenue, la SNTPP devrait être condamnée à la couvrir intégralement de toute condamnation à son encontre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2017, M. et MmeK..., représentés par la SCP Dumont-Bortolotti-Combes et Associés, concluent au rejet de la requête et, à titre incident, à la condamnation solidaire de la commune de Mauregard, de la société SNTPP, de la communauté de communes de la Plaine de France et de la société Suez Eau France à lui verser la somme de 95 138,36 euros en réparation des préjudices subis, enfin à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de tout succombant sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la responsabilité de la société SNTPP, de la commune de Mauregard, de la société Suez Eau France et de la communauté de communes de la Plaine de France est solidairement engagée à leur égard ;

- les préjudices subis s'évaluent à la somme de 2 544,66 euros au titre des travaux de première urgence et de sauvegarde de l'immeuble, 4 841,56 euros au titre des honoraires relatifs aux investigations, sondage, études géotechniques et mission de maîtrise d'oeuvre, 35 281,21 euros au titre des travaux de consolidation des fondations, 13 118,93 euros au titre des travaux de réparation des désordres de la superstructure et des finitions et 14 352 euros au titre des coûts annexes aux travaux de réparation des désordres, soit un total de 70 138,36 euros pour les travaux à réaliser ;

- leur préjudice de jouissance et leur préjudice moral doivent être indemnisés à hauteur de 25 000 euros dès lors qu'ils ne peuvent jouir normalement de leur bien depuis quatorze années ;

- il ressort des pièces du dossier que la société Suez Eau France est engagée sans que la prescription puisse leur être opposée, le lien contractuel entre celle-ci et la communauté de communes à laquelle la commune de Mauregard a transféré sa compétence " distribution d'eau potable " est sans équivoque.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2017, la Société Nouvelle de Travaux Publics et Particuliers (SNTPP), représentée par Me H...conclut au rejet de la requête, de l'appel en garantie formulé à son encontre à titre subsidiaire par la commune et de l'appel incident formulé par M. et Mme K...et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge solidaire de ces derniers et de la société Suez Eau France au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa responsabilité ne saurait être engagée puisqu'elle n'est jamais intervenue dans la zone où s'est produit le sinistre, ainsi que l'a confirmé la commune ;

- c'est faute d'avoir pu établir la réalité d'une quelconque des hypothèses émises que l'expert a conclu à une responsabilité collective incluant la sienne.

II. Par une requête n° 17PA00864, enregistrée le 10 mars 2017, la société Suez Eau France anciennement dénommée Lyonnaise des eaux, représentée par Me A...D..., demande à la Cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 1105869/10 du 30 décembre 2016 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de mettre à la charge de tout succombant la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- elle est légitime à mettre en doute la capacité de M. et Mme K...à restituer l'argent des condamnations qu'ils auront immédiatement investi, ce qui est susceptible d'entraîner pour elle des conséquences difficilement réparables.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 mai 2017, la commune de Mauregard conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce que le sursis soit limité à l'article 1er du jugement et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Suez Eau France, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la seule circonstance que les bénéficiaires du jugement entrepris soient des particuliers ne saurait les faire par principe regarder comme dénués de tout bon jugement quant à l'emploi des sommes perçues.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 septembre 2017, M. et MmeK..., représentés par la SCP Dumont-Bortolotti-Combes et Associés concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Suez Eau France d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les conditions du sursis à exécution ne sont pas remplies.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pena,

- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant la société Suez Eau France, de Me J..., représentant M. et Mme K...et de MeE..., représentant la commune de Mauregard.

1. Considérant qu'au cours de l'année 2002, des désordres telles des fissures, affaissements de sols et des décalages de portes-fenêtres sont apparus sur la façade de la maison de M. et Mme F...située sur le territoire de la commune de Mauregard (77990) au 1 rue Galai ainsi que sur celle de leurs voisins M. et Mme K...domiciliés au 4 rue de la porte de la Ville ; que par une requête en référé du 18 décembre 2002, les époux F...ont saisi le président du Tribunal administratif de Melun lequel a désigné, par une ordonnance du

6 janvier 2003, M. G...en qualité d'expert ; que par une requête enregistrée au greffe de ce même tribunal le 28 juillet 2011, M. et Mme K...ont réclamé la condamnation solidaire de la commune de Mauregard et de la société SNTPP à leur réparer les préjudices subis ; que, devant les difficultés du juge des référés à déterminer les causes des désordres, mais aussi en raison de l'évolution de ces derniers, la commune de Mauregard a sollicité une nouvelle expertise ; que par ordonnance du 11 mai 2012, la présidente du Tribunal administratif de Melun a désigné M. I...en tant qu'expert ; que ce dernier a déposé son rapport le 21 juillet 2015 ; que M. et Mme K...ont alors demandé la condamnation solidaire de l'ensemble des parties mises en cause par l'expert, à savoir la commune de Mauregard, la Société Nouvelle de Travaux Publics et Particuliers (SNTPP) la communauté de communes de la Plaine de France et la société Lyonnaise des eaux, à réparer l'ensemble de leurs préjudices ; que par un jugement du 30 décembre 2016, le tribunal administratif a condamné la société Lyonnaise des eaux à verser à M. et Mme K...la somme de 48 849,92 euros ; que la société Suez Eau France, anciennement dénommée Lyonnaise des eaux, relève appel de ce jugement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la société Suez Eau France à la demande de première instance :

2. Considérant que la société Suez Eau France persiste à opposer, devant la Cour, la prescription de l'action entreprise par M. et Mme K...devant le Tribunal administratif de Melun en faisant valoir que les premiers désordres sur leur propriété ayant été constatés en juin 2002, leur demande de condamnation formulée pour la première fois à son encontre dans un mémoire du 28 juillet 2016 était forcément tardive, dès lors que ni les requérants ni la commune de Mauregard n'avaient interrompu le délai de prescription qui aurait, en vertu des dispositions de l'article 2270-1 du code civil, expiré le 15 juin 2012 ; que toutefois, s'il est constant que ce n'est que dans leur mémoire enregistré au greffe du tribunal en décembre 2016 que les époux K...ont pour la première fois demandé la condamnation solidaire des différents intervenants dont la société Lyonnaise des eaux devenue depuis Suez Eau France, il l'est tout autant que ce n'est qu'à compter du dépôt du rapport de la seconde expertise réalisée par

M. I...en juillet 2015 que l'identité de tous les responsables potentiels des désordres subis par leur propriété leur a été révélée ; que, dès lors, la prescription quadriennale n'était pas acquise lorsque les époux K...ont mis en cause directement pour la première fois dans leurs écritures la société lyonnaise des eaux en juillet 2016 ;

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne les causes des désordres :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction et en particulier du rapport d'expertise de M. G... déposé au greffe le 4 février 2008 et de celui de M.I..., déposé le

21 juillet 2015, que la cause principale et déterminante des désordres constatés sur la propriété de M. et Mme K...est constituée par d'importantes fuites d'eau dues à la rupture de la bride d'alimentation en eau sous pression de la borne d'incendie située à l'angle de la rue Porte de la Ville et de la rue Galai, contre la façade de la maison de leurs voisins, M. et MmeF..., située dans le même corps de bâtiment que leur propriété ; que cette fuite a provoqué un phénomène de décompression du sol autour et sous les fondations du bâtiment occasionnant l'apparition de vides dans le terrain ainsi que des affouillements et des affaissements localisés ; que la transmission des mouvements de tassement aux superstructures a alors provoqué un basculement de la partie ouest du bâtiment ainsi que des fissures importantes dans les parties les plus touchées par les tassements, en particulier autour des ouvertures ; que le rapport de

M. I...indique que la rupture de la bride a été probablement causée par un choc sous la prise d'incendie provoqué par un engin de chantier, par du matériel de chantier lors de son stockage ou par un véhicule lors d'un stationnement, sans pour autant qu'il soit possible d'écarter le fait que la rupture ait pour cause un défaut inhérent à la nature et/ou la mise en oeuvre de la prise d'incendie ; qu'aucune des parties en présence ne constate les conclusions des rapports sur ce point ;

En ce qui concerne la détermination de la personne responsable :

4. Considérant qu'en cas de dommages causés à des tiers par un ouvrage public, la victime peut en demander réparation, même en l'absence de faute, aussi bien au maître de l'ouvrage, au maître de l'ouvrage délégué, à l'entrepreneur ou au maître d'oeuvre, à moins que ces dommages ne soient imputables à une faute de la victime ou à un cas de force majeure ; que la personne responsable ne peut se prévaloir du fait d'un tiers ; qu'en cas de délégation limitée à la seule exploitation de l'ouvrage, comme c'est le cas en matière d'affermage, si la responsabilité des dommages imputables à son fonctionnement relève du délégataire, sauf stipulations contractuelles contraires, celle résultant de dommages imputables à son existence, à sa nature et à son dimensionnement, appartient à la personne publique délégante ; que ce n'est qu'en cas de concession d'un ouvrage public c'est-à-dire d'une délégation de sa construction et de son fonctionnement, que peut être recherchée par des tiers la seule responsabilité du concessionnaire, sauf insolvabilité de ce dernier, en cas de dommages imputables à l'existence ou au fonctionnement de cet ouvrage ;

5. Considérant que le district de la Plaine de France, auquel la commune de Mauregard a notamment délégué, lors de sa création le 22 mai 1990, sa compétence en matière de gestion du service de distribution d'eau potable, devenu la communauté de communes de la Plaine de France, a conclu le 11 septembre 1992 avec la Lyonnaise des eaux-Dumez, devenue Lyonnaise des eaux, un contrat d'affermage lui délégant l'exploitation de son service de distribution publique d'eau potable ; que ce contrat stipule à son article 4 : " Dès la prise en charge des installations, le Fermier est responsable du bon fonctionnement du service, dans le cadre des dispositions du présent Cahier des Charges. / Le Fermier est tenu de couvrir sa responsabilité civile par une police d'assurance dont il donne connaissance à la collectivité. / La responsabilité civile de la collectivité résultant de l'existence des ouvrages dont la collectivité est propriétaire, incombe à celle-ci " et à son article 20 " (...) Les travaux d'entretien et de grosses réparation sont exécutés par le Fermier, à ses frais, conformément à l'article 21 (...) ; " ; qu'aux termes de cet article 21 : " Tous les ouvrages, équipements et matériels permettant la marche de l'exploitation y compris les compteurs et les branchements, seront entretenus en bon état de fonctionnement et réparés par les soins du Fermier, à ses frais. " ; qu'il résulte des principes précédemment rappelés que si la communauté de communes de la Plaine de France, à laquelle incombe la compétence de la distribution d'eau potable, demeure responsable des dommages imputables à l'existence, à la nature et au dimensionnement de l'ouvrage, la responsabilité de la société Lyonnaise des eaux doit être recherchée, en sa qualité de fermier reçu délégation de l'exploitation de l'ouvrage, au titre de son fonctionnement ;

6. Considérant qu'au regard de ces principes et des stipulations du contrat d'affermage liant le district de la Plaine de France, auquel la commune de Mauregard avait notamment délégué sa compétence en matière de gestion du service de distribution d'eau potable, devenu la communauté de communes de la Plaine de France, et la Lyonnaise des eaux, devenue depuis la société Suez Eau France, le tribunal a considéré, alors qu'aucune faute de la part d'aucune des parties mises en cause n'avait pu être révélée au cours des opérations expertises, que

M. et MmeK..., tiers par rapport à l'ouvrage public en question, étaient fondés à rechercher la responsabilité sans faute de la Lyonnaise des eaux ; que M. et Mme K...persistent toutefois à solliciter la condamnation solidaire de la SNTPP, de la commune de Mauregard, de la communauté de communes de la Plaine de France et de la société Lyonnaise des eaux ; que si l'expert I...a, il est vrai, conclu à une responsabilité collective et solidaire de ces deux collectivités et deux sociétés, il y a toutefois lieu de considérer, en l'absence de toute explication objective de la cause de la fuite de la borne à incendie mais aussi de l'absence de production de ceux des documents tels des cahiers des charges de contrats, qui auraient pu apporter un début d'explication ou bien à tout le moins d'écarter définitivement certaines hypothèses, que c'est à juste titre que le tribunal a mis à la charge du fermier, la société Lyonnaise des eaux devenue Suez Eau France, à défaut de clauses contractuelles contraires, la réparation de l'ensemble des préjudices subis par M. et Mme K...en tant que responsable de l'exploitation ou du bon fonctionnement de l'ouvrage en question ;

Sur les préjudices :

7. Considérant que l'indemnité susceptible d'être allouée à la victime d'un dommage de travaux publics a pour vocation de replacer cette dernière, autant que faire se peut, dans la situation qui aurait été la sienne si le dommage ne s'était pas produit ; qu'à ce titre, si elle est en droit d'obtenir l'indemnisation de l'intégralité des préjudices, qui sont en lien direct et certain avec les travaux incriminés, il lui appartient d'établir par tous moyens la réalité de ces derniers tant dans leur principe que dans leur montant ;

En ce qui concerne les préjudices matériels :

8. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que les désordres ont affecté la seule partie de la propriété de M. et Mme K...située dans le bâtiment sis1 rue Galai, 5 et 5 bis rue Porte de la Ville, à savoir la partie centrale du bâtiment constituée d'un porche d'entrée ; que l'édifice présente des lézardes et fissures importantes en façade côté rue et côté cour et que la charpente du porche a également été endommagée ; qu'il y a lieu, au vu des factures produites, de confirmer les sommes accordées par le tribunal correspondant au coût des travaux de première urgence et de sauvegarde de l'immeuble, à savoir la somme de 2 544,66 euros pour l'étaiement du porche et celle de 1 329,30 euros pour la réalisation de repérages et diagnostics du réseau d'assainissement des eaux usées et aux pluviales qui chemine en enterré sous le porche et l'établissement d'un rapport ; qu'en revanche, et ainsi que l'a jugé le tribunal, les frais qu'ils disent avoir engagés avec leurs voisins pour la réalisation d'une étude géotechnique en janvier 2005, ne sauraient donner lieu à remboursement dès lors qu'ils n'établissent aucunement avoir réglé une partie au moins de cette somme ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que la somme de 35 281,21 euros allouée par le tribunal aux requérants au titre des travaux de consolidation des fondations et qui correspond à l'évaluation faite par l'expert I...dans son rapport sur la base d'un devis, doit être confirmée ;

10. Considérant, en troisième lieu, que s'agissant de travaux de superstructure, M. I... a estimé que seuls les travaux de reprise partielle de la charpente d'une valeur de 4 694,75 euros étaient nécessaires ; que si les requérants persistent à demander à ce que soit ajoutée la somme de 4 536,50 euros correspondant au ravalement des façades du porche côté rue et côté cour, il résulte de l'expertise que ces travaux avaient été exclus au motif que le devis fourni comprenait déjà les travaux de réparation des fissures en façade et leur ravalement et que les requérants ne justifiaient pas de la nécessité de travaux complémentaires ; que n'apparaît pas davantage justifiée la mise en place d'un faux plafond dans le porche pour un montant de 3 887,68 euros dès lors qu'il n'est en rien établi qu'un tel aménagement existait avant l'apparition des désordres ni que sa mise en place serait nécessaire ; que, par suite, il y a lieu de confirmer l'allocation à M. et Mme K...par le tribunal d'une somme de 4 694,75 euros au titre des travaux de superstructure ;

11. Considérant, enfin, que comme l'a également à juste titre jugé le tribunal,

M. et Mme K...n'établissant pas la nécessité de recourir à un maître d'oeuvre pour l'ensemble de ces travaux, la somme de 14 352 euros qu'ils sollicitent au titre des honoraires de maîtrise d'oeuvre ne peut qu'être rejetée ;

En ce qui concerne le trouble de jouissance et le préjudice moral :

12. Considérant que M. et Mme K...font valoir qu'ils ne peuvent jouir normalement de leur bien depuis juin 2002, soit plus de quatorze années et que certaines fissures de la porte font plus de 20 centimètres de large ; que compte tenu de l'ampleur des désordres, de la durée de la procédure et des soucis occasionnés, la somme de 5 000 euros accordée par le tribunal à ce titre à M. et MmeK..., dont seul le porche, mais pas la maison d'habitation, a été concerné par les désordres n'est pas insuffisante ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Suez Eau France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun l'a condamnée à verser la somme globale de 48 849,92 euros en réparation des préjudices subis par les époux K...;

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement contesté :

14. Considérant que le présent arrêt statuant sur la requête au fond de la société Suez Eau France dirigée contre le jugement attaqué, les conclusions de sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet ;

Sur les frais d'expertise :

15. Considérant qu'il y a lieu de maintenir les frais des deux expertises à la charge de la société Suez Eau France ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

17. Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que soient mises à la charge de M. et Mme K...qui ne sont pas la partie perdante, une quelconque somme au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Suez Eau France la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. et MmeK..., et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Suez Eau France ainsi que les conclusions présentées à titre incident par M. et Mme K...sont rejetées.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 17PA00864.

Article 3 : Les frais des deux expertises devant le Tribunal administratif de Melun taxés et liquidés aux sommes de 19 834,82 euros et de 20 733 euros sont mis à la charge définitive de la société Suez Eau France.

Article 4 : La société Suez Eau France versera à M. et Mme K...la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

Article 5 : Les conclusions de la commune de Mauregard et de la SNTPP présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et MmeK..., à la SNTPP, à la commune de Mauregard, à la communauté de communes de la Plaine de France et à la société Suez Eau France.

Délibéré après l'audience du 6 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 20 novembre 2018.

Le rapporteur,

E. PENALe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

A. DUCHER

La République mande et ordonne au préfet de Seine-de-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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Nos 17PA00863, 17PA00864


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA00863-17PA00864
Date de la décision : 20/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Eléonore PENA
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : SCP PINSON SEGERS DAVEAU et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-11-20;17pa00863.17pa00864 ?
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